Cours d’agriculture (Rozier)/FEU ou CAUTÈRE

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Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 550-553).


Feu ou Cautère, Médecine Vétérinaire. C’est une opération par laquelle on applique le feu sur quelque partie du corps d’un animal.

I. Des connoissances que le maréchal doit avoir pour pratiquer la cautérisation avec succès. Le maréchal doit connoître l’action du feu, les effets de ce même feu, discerner les cas où, relativement à ces effets, cette opération peut être faite, être instruit de tout ce qui regarde la méthode de pratiquer cette opération.

II. Des effets, en général, que l’on peut attendre de la cautérisation ; des maladies où ces effets paroissent nécessaires, & où la cautérisation est indiquée. Les effets de cette opération sont de détruire quelques portions de la peau ou quelque glande engorgée, faire séparer une portion d’os, fortifier des fibres ou des vaisseaux, raréfier les humeurs, & y exciter de l’effervescence, d’autres fois en produire la fixation, & fermer des vaisseaux ouverts.

Les maladies où la cautérisation est indiquée, sont les tumeurs froides, les tumeurs sans inflammation, les tumeurs glanduleuses, les parties gonflées par l’inertie, par la foiblesse des vaisseaux, dans lesquelles les humeurs séreuses principalement séjournent. On se sert encore utilement du feu, pour conserver ou détruire les vaisseaux qui portent la nourriture à certaines tumeurs telles que le fic, après en avoir emporté l’excroissance avec le bistouri ou tout autre instrument tranchant, dans les engorgemens œdémateux qui surviennent aux jambes, dans les épanchemens de synovie ou de lymphe tendineuse, tels que le vessigon, les molettes, jardons, courbes, éparvins, suros commençans & autres. (Voyez tous ces mots) Enfin le feu est l’unique remède contre la carie, (voyez Carie) pour peu qu’elle soit considérable ; non-seulement il en borne les progrès, mais il contribue encore à faire détacher la portion cariée.

III. Des cas où le feu est contre-indiqué. Le feu est nuisible dans les maladies où il y a inflammation, irritation, douleur dans les parties les plus susceptibles de ces accidens, telles que les parties membraneuses, tendineuses, délicates & douées de beaucoup de sensibilité.

IV. Des instrumens que l’on emploie pour la cautérisation. On peut réduire les instrumens de la cautérisation au cautère scutellaire, autrement dit, au couteau, au bouton, à l’anneau, & à l’S. fermé.

V. Préceptes généraux sur la cautérisation. Avant de fixer l’animal, l’artiste doit se décider d’avance sur la façon d’appliquer le feu, & sur les instrumens convenables. Une autre précaution encore, est de faire chauffer le fer, plutôt au feu de charbon de bois, qu’à celui de pierre, le premier communiquant une chaleur moins acre que le second ; & d’avoir plusieurs cautères d’une même forme, afin que se trouvant toujours échauffée, il n’interrompe pas son opération ; enfin, il doit proportionner le degré de chaleur, à la consistance des parties, c’est-à-dire, qu’il doit laisser prendre au cautère, un commencement de couleur rose pour les chairs, & de couleur de cerise, lorsqu’il s’agit des os.

VI. Manière d’appliquer le feu aux jambes. Pour appliquer méthodiquement des raies de feu aux jambes, le maréchal doit passer d’abord le couteau en long de haut en bas, dans toute l’étendue de l’engorgement, jusqu’à la couronne, & appuyer assez pour brider le corps de la peau, & pénétrer jusqu’au tissu cellulaire, qui est le siège du plus grand engorgement, changer d’instrument, qui doit être toujours au même degré de chaleur ci-dessus indiquée, faire plusieurs autres raies latérales tracées obliquement de haut en bas, en les conduisant dans la première ligne, de manière qu’en pratiquant ainsi de chaque côté des raies, on représente une tige avec des ramifications. L’intervalle de chaque raie latérale peut être de quatre ou cinq travers de doigt, observant sur-tout de ne point les porter sur le tendon fléchisseur du pied.

VII. Des moyens pour diminuer une partie de la difformité qui suit l’opération de la cautérisation. Il est possible de diminuer une partie de la difformité de la cautérisation, en faisant d’abord, avec un bistouri, des incisions dans tous les endroits où le maréchal veut passer le cautère : alors on écarte la peau, & l’on passe le couteau de feu dans ces incisions, de manière qu’il ne cautérise que le fond qui est le tissu cellulaire, & un peu des bords des incisions, qu’il n’est pas possible de garantir entièrement. De cette façon, la peau n’étant point gâtée, les cicatrices seront moins apparentes ; mais encore les bulbes ou les racines des poils n’étant point détruites, recouvrent entièrement les vestiges, de manière qu’après quelque temps on ne pourra plus les appercevoir.

VIII. Des soins que l’on doit avoir après la cautérisation des jambes. Il y a quelques soins à prendre après a cautérisation des jambes : ses soins consistent à éviter que l’animal ne se frotte, au point d’y causer de l’inflammation, & d’examiner si les escarres se durcissent, & ont de la peine à venir à suppuration. Dans ce dernier cas, il convient de frotter la partie avec de l’onguent suppuratif, afin d’exciter la suppuration : il faut, au contraire, la saupoudrer avec de l’alun calciné ou de la colophane, si on s’aperçoit que les chairs soient molles, baveuses, & que les cicatrices ne se formassent point.

Il arrive quelquefois, que le feu a trop irrité les parties voisines des raies ; dans ce cas, l’eau fraîche est le remède le plus efficace pour calmer l’irritation & l’inflammation commençante. Si le feu n’a pas agi avec assez d’activité, & si la plaie se cicatrise trop vite, il faut réitérer le feu, & non pas appliquer des caustiques, comme le sont la plupart des maréchaux de la campagne, parce qu’ils ne connoissent ni les effets, ni les différences qui existent entre les caustiques & le feu.

On ne sauroit trop s’élever ici contre les mauvais traitemens des maréchaux de la campagne, qui permettent au laboureur de faire travailler les chevaux cautérisés le même jour ou le lendemain de la cautérisation, sans appliquer aucun remède sur l’escarre. Ne vaudroit-il pas mieux laisser l’animal tranquille & en repos jusqu’à la chute de l’escarre, & à la parfaite cicatrice de l’ulcère ? Que sert-il de faire travailler un animal dont les jambes viennent d’être cautérisées ? N’est-ce pas s’exposer à lui faire enfler les jambes, & à leur causer une violente inflammation accompagnée d’une suppuration trop abondante ? Pourquoi encore donne-t-on à l’animal cautérisé autant de foin & d’avoine qu’à un animal bien portant ? La paille, le son & l’eau blançhe ne lui conviendroient-ils pas mieux ? Pourquoi encore appliquer le cautère indifféremment dans toutes sortes de saisons & de temps ? l’automne, le vent du nord, le matin, ne sont-ils pas préférables, lorsqu’il est possible de choisir ? En un mot, pourquoi ne pas défendre l’escarre des injures de l’air & de l’atmosphère de l’écurie, en couvrant la partie cautérisée d’un linge propre qui seroit renouvelé tous les jours ? Cette pratique ne favoriseroit-elle pas la chute de l’escarre, la suppuration & la détersion de la plaie ? M. T.