Cours d’agriculture (Rozier)/HOUX

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 517-520).


HOUX. Sous cette dénomination françoise nous confondons plusieurs plantes que la nature a séparées par des caractères bien précis. Ce rapprochement de mot pour désigner plusieurs choses différentes, embrouille les idées des étrangers & des nationaux.

I. Le Houx proprement dit, ou Houx commun. Tournefort le place dans la onzième section de la vingtième classe, qui comprend les arbres à fleur d’une seule pièce, dont le pistil devient une baie remplie de semences osseuses ; il l’appelle aquifolium, sive agrifolium vulgò. Von-Linné le nomme ilex aquifolium, & le classe dans la tétrandrie tétragynie.

Fleur d’une seule pièce en rosette, divisée en quatre folioles arrondies, concaves, ouvertes ; le calice très-petit, à quatre dentelures ; elle a quatre étamines & quatre pistils.

Fruit. Baie charnue, arrondie divisée en quatre loges, renfermant des semences solitaires, osseuses, obtuses, oblongues, convexes d’un côté, anguleuses de l’autre.

Feuilles portées sur des pétioles simples, entières, ovales, aiguës, épineuses, luisantes, fermes, dures.

Racine ligneuse, rameuse.

Port. Arbrisseau disposé le plus souvent en buisson dans les haies, mais il s’élève à la hauteur d’un arbre du second ou troisième ordre, dans les bois. L’écorce extérieure est d’un vert cendré ; l’intérieure est pâle, le bois d’un beau blanc, un peu brun dans le centre ; les fleurs naissent des aisselles des feuilles & plusieurs rassemblées. Les feuilles sont alternativement placées sur les tiges ; elles sont toujours vertes, & perdent leurs piquans lorsque le houx s’élève en arbre ; les fruits sont rouges.

Lieu. Les bois, les haies ; il fleurit en mai.

II. Propriétés médicales. Le houx répand une odeur désagréable ; la baie a une saveur douceâtre & nauséeuse ; la décoction de la racine & de l’écorce est émolliente, résolutive, les baies purgatives. On doit craindre d’employer le houx intérieurement, quoique quelques auteurs prescrivent les baies au nombre de dix à douze, pour purger les humeurs épaisses & pituiteuses.

III. Propriétés économiques. La glu dont on se sert pour prendre les oiseaux est meilleure que celle du gui. (Voyez ce mot). On rejette la pellicule extérieure ; on pile l’intérieure, on en fait une pâte qu’on enterre dans un lieu frais, dans un pot : après qu’elle a fermenté, on la retire, on la lave dans l’eau, on enlève les filamens ligneux, & on réduit le tout en masse.

Le plus grand avantage, à mon avis, qu’on peut retirer du houx commun, est pour les haies, surtout si on entrelace ses branches ainsi qu’il a été dit. (Voyez ce mot), Aucun homme, aucun animal n’osera la traverser. En l’élaguant chaque année, elle n’acquiert pas ce diamètre monstrueux qu’ont pour l’ordinaire les palissades en ce genre, & qui occupent en pure perte un grand espace de terrain. Le seul reproche qu’on puisse faire aux haies de houx, est celui de la lenteur de sa végétation ; mais une haie une fois établie, dédommage amplement par sa durée de l’attente & des soins qu’on lui a donnés. D’ailleurs, si on le désire, ces haies peuvent servir & de clôture excellente & d’agrément autour de l’habitation, puisqu’elles souffrent la tonte comme la charmille ; qu’elles sont toujours d’un beau vert, & de distance en distance on peut laisser monter des tiges, & arrondir leur tête comme celle de l’oranger. J’aime que tout ce qui environne l’habitation ait un air de propreté & d’ornement ; cela coûte si peu, & cela récrée si agréablement la vue.

Je connois peu de bois plus utiles que celui du houx pour les manches des outils d’agriculture. Avant de l’employer, il faut attendre que le bois soit bien sec : avec les pousses de cet arbre on fait les meilleures baguettes de fusil.

Le houx, soit en arbrisseau, soit élevé en arbre, figure très-bien dans les bosquets d’été & d’hiver. Cet arbre livré à lui-même, & nullement contrarié par les arbres du voisinage, se charge de branches presque depuis le bas jusqu’à son sommet, & on croit en le regardant, voir une colonne terminée par une pyramide.

IV. Des espèces. Von-Linné compte cinq espèces de houx ; les trois premières ont leurs fleurs divisées en quatre, & les fleurs des deux dernières sont divisées en trois ; la première espèce est celle dont on vient de parler.

La seconde espèce, ou l’ilex cassine, dont les feuilles sont ovales, en forme de lance, & dentées en manière de scie. Elle est originaire de la Caroline ; le semis de ses graines exige la couche vitrée, & on peut, dit-on, mettre dans la suite en pleine terre & derrière un abri, les plants qu’on en obtiendra.

On a reproché à von-Linné d’avoir confondu la cassine avec les houx ; il devoit, dit-on, en faire un genre à part. Qu’elle nécessité y avoit-il donc, puisque la cassine a tous les caractères botaniques du houx ? Qu’il me soit permis de m’en rapporter à la décision de ce grand homme ? il seroit facile de la justifier, si c’étoit le cas de placer ici une discusson botanique.

La troisième est le houx d’Asie, ilex asiatica, à feuilles en large fer de lance, obtuses & très-entières.

la quatrième est le houx à feuilles en forme de coin, & à trois pointes ilex cunei-folia de l’Amérique médidionale.

La cinquième est la dodonée, ou ilex dodonæa, originaire du même endroit que la précédente. Ses feuilles sont ailées, les folioles au nombre de vingt-unes, adhérentes aux tiges ; roides, ovales, pointues, les fleurs sont en grappes.

Les amateurs des arbres et des arbustes admettent pour espèces ce que le botanistes regardent comme de simples variétés. Les premiers resserrent trop l’ordre naturel, & les seconds lui donnent trop d’extension. Consultez ce qui a été dit au mot Espèce, & vous verrez la distinction qu’on doit faire de l’espèce naturelle, & des espèce jardinières du premier ou du second ordre.

Aucun arbre ne fournit autant d’espèces jardinières du second ordre que le houx ; c’est-à-dire, qui ne peuvent se reproduire les mêmes par les semis, mais uniquement par les boutures & la greffe.(Voyez ce qui a été dit au mot Espèce). MM. Miller & Duhamel comptent un très-grand nombre d’espèces jardinières dont les unes ont des fruits rouges, ou jaunes, ou blancs ; certainement ces graines semées, excepté les rouges qui sont le type, ne produiront pas des arbres à graines semblables.

Les feuilles différemment panachées ou liserées ne constituent pas mieux des espèces premières ou naturelles, mais seulement des espèces jardinières, MM. Duhamel & Miller en citent près de trente exemples ; & si on continue à cultiver le houx avec le même soin, à épier chaque manière d’être des panachures, des lisérés des feuilles, & si on assure ces variétés par la greffe, il est clair qu’en moins de dix ans, le nombre sera porté à plus de cent. Voici en abrégé les variétés les plus remarquables.

Le houx à feuilles panachées de blanc ou de jaune…, dont les bords & les épines sont argentées d’un seul ou des deux côtés … dont les bords & les épines sont de couleur pourpre ou jaune, ou blanche…, à feuilles veinées de différentes couleurs…, à feuilles plus ou moins longues, larges…, à épines plus courtes ou plus longues, ou sans épines, (le houx en vieillissant les perd) ou dont le dessus est hérissé d’épines, &c.

V. Culture. Lorsque la graine est mûre en octobre ou en novembre, suivant le climat, on la cueille, & on la sème aussitôt dans un sol de pépinière bien préparé & bien travaillé. Si on ne veut semer qu’après l’hiver, il convient de faire un lit de sable & un lit de graines, de tenir le tout dans un lieu frais, & : à l’abri des gelées, & semer aussitôt que les gelées cessent. Je préfère la première méthode. La germination est plus sûre & plus prompte. Si on n’enterre pas aussitôt les semences, la majeure partie ne germera qu’à la seconde ou troisième année, & beaucoup ne germeront pas.

Si on veut jouir plus promptement, il vaut mieux aller dans les bois où l’on trouve le houx ; on y rencontrera auprès des vieux pieds, de jeunes plants venus de semences ; on les enlèvera avec leur motte, sans quoi, ils reprendroient très-difficilement, & on les transplantera en avril, si on doit les cultiver dans un endroit où les pluies d’été ne soient pas rares & la chaleur modérée ; en automne, si c’est dans le cas contraire, parce que ces jeunes plants auront eu le temps, pendant l’hiver, de reprendre, & même de pousser de nouvelles racines. La prudence exige qu’ils soient arrosés au besoin, & qu’ils soient tenus à couvert des grosses ardeurs du soleil. Dans les bois, leur jeunesse est protégée par l’ombre des houx en arbres ; il faut donc imiter la nature. Les pots que l’on manie & transporte facilement d’un lieu à l’autre, rendent la culture aisée, & facilitent la transplantation & la reprise des jeunes plantes venues de semis, puisqu’on peut les mettre en terre avec leur motte sans en déranger la terre. Alors l’arbrisseau ne s’aperçoit pas du changement. Lorsque son tronc aura acquis la grosseur convenable & requise pour recevoir la greffe, (voyez ce mot) c’est l’époque à laquelle on peut lui donner les variétés qu’on veut conserver ou multiplier.