Cours d’agriculture (Rozier)/MIELLAT

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Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 542-544).
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MIELLAT. On désigne par ce nom une matière sucrée, légèrement mucilagineuse, qui est tantôt rapprochée, par sa nature, des gommes & tantôt des résines. On la trouve sous la forme de gouttes le soir & le matin en été, sur les feuilles ou les tiges de plusieurs plantes. Ce fluide est une sécrétion des plantes, & il y a apparence qu’il existe dans toutes ; mais il paroît dans des parties différentes ; on le trouve sur les fleurs, sur les fruits, sur les feuilles & sur les tiges, &c. ; il couvre quelquefois les bourgeons & les tiges des plantes. Cette matière n’est pas produite, comme plusieurs auteurs ont cru, par les nuages ou par l’air, non plus que par les exhalaisons de la terre ; mais par la plante elle-même, dans les vaisseaux de laquelle elle a été élaborée d’une maniere particuliere. C’est ce même suc qui, dans quelques plantes, est dans l’intérieur de la tige, de la racine, &c. ; & dans quelques arbres, dans le bois même. On retire ce suc des cannes à sucre, des racines de carottes, des différentes espèces d’érables, &c.

Ce suc est rendu visible sur les feuilles & sur les branches comme on peut l’observer sur les chênes et les frênes, le tilleul, &c. Il se présente d’abord sous la forme d’une humidité gluante, il devient ensuite semblable au miel, & il acquiert enfin la confiance de la manne. (Voyez Miel, Manne.)

L’abbé de Sauvages a observé deux sortes de miellats ou sucs miellés, qui paroissent d’ailleurs de même nature, & qui servent également aux mouches à miel : l’une est celle qu’on trouve naturellement sur les différentes parties des végétaux ; l’autre est le suc qui a passé à travers les organes de la digestion ces pucerons.

Quelquefois le suc miellé n’est point l’effet d’une maladie ; mais il est seulement produit par une trop grande abondance de sucs dans les végétaux. Quand la quantité ce suc est trop considérable, & qu’il se présente dans des circonstances défavorables, il fait beaucoup de tort aux plantes & aux arbres : on observe cependant qu’ils souffrent moins de cette maladie que les plantes. L’ardeur du soleil, lorsqu’elle dure long-temps, détermine le suc miellé à paraître au dehors. Les végétaux les plus vigoureux en fournissent plus abondamment que les autres. Les plantes qui croissent dans les terres qui ont reçus de fréquens labours & plusieurs engrais, sont très-robustes : aussi a-t-on observé que les récoltes dans ces sortes de terreins sont très-sujettes au miellat, ce qui a été attribué, par quelques cultivateurs, aux exhalaisons du fumier. On ne doit cependant pas pour cela se dispenser de fumer les terres, parce qu’on garantit par ce moyen les plantes de plusieurs autres maladies plus dangereuses que le suc miellé.

Dans la chaleur du jour, le fluide miellé qui sort des végétaux n’a point encore acquis une certaine consistance ; il reste dans cet état tant que le soleil est sur l’horison ; mais aussitôt qu’il est couché, la fraîcheur de l’air rend ce suc plus épais, & les rosées l’enlèvent ensuite de dessus les plantes ; car il est dissoluble dans l’eau. Lorsque ce fluide reste longtemps sur les plantes, il se répand sur toutes les parties extérieures, il bouche les pores, & nuit par conséquent à la végétation, en arrêtant la transpiration. Il attire ainsi les insectes qui piquent la plante & peuvent la faire périr.

Lorsque les rosées sont peu abondantes, le miellat reste sur les feuilles, & les plantes sont en danger ; il est à désirer alors qu’il survienne au bout de deux ou trois jours des pluies qui compensent les rosées. Le vent après la pluie ou après la rosée, aide beaucoup à dégager les plantes de ce suc. C’est par cette raison que les bleds qui sont dans des champs ouverts, sont moins sujets à cette maladie, que ceux qu’on a semés dans des enclos. On doit donc laisser un libre passage au vent dans les champs où les plantes sont sujettes à être miellées.

Lorsqu’il fait chaud, que les nuits sont sèches & qu’il n’y a point de vent, il est facile de reconnoître le miellat, si les jeunes épis sont en même temps décolorés, & si l’on sent sur les plantes un suc gluant.

Les principaux moyens de garantir les récoltes de cette maladie, sont de dessoler les terres : on a encore conseillé de fumer les terreins où l’on a sujet de craindre que la récolte ne soit miellée, avec de la suie préférablement au fumier ordinaire, parce que la suie fournit des sucs moins épais que celui-ci. On a remarqué que le froment semé le plus tard étoit le plus sujet à cette maladie, parce que le miellat étant produit, sur-tout dans l’été, les plantes semées trop tard sont alors tendres & propres à la production de ce suc. Lorsque, au contraire, le grain a été mis en terre de bonne heure, les plantes qui sont déjà vigoureuses en été ne fournissent presque point de miellat.

Lorsqu’un champ est miellé, & qu’il survient une pluie douce & sans vent, le suc dissous se répand sur toute la plante : s’il ne fait pas une pluie accompagnée de vent, ou que les rosées ne soient pas suffisantes, on court le plus grand risque de perdre toute la récolte. Quelques cultivateurs ont conseillé dans ce cas, de mener dans les champs des gens qui frappent doucement les plantes avec des branches de frêne chargées encore de leurs feuilles. On doit user de ce moyen avant le lever du soleil, ou du moins avant que le soleil ne soit fort ; parce que ce remède est plus efficace lorsque la rosée est encore sur les plantes.

On peut, au lieu de branches d’arbres, se servir d’une corde garnie d’un filet étroit. Deux hommes, avant le lever du soleil, entrent dans le champ, & marchant de front, ils le parcourent en faisant passer la corde ou le filet sur tous les épis qui se relèvent à mesure & se déchargent du miellat dissous par la rosée. Cette opération produit le même effet que le vent. Lorsqu’il n’y a eu ni pluie ni rosée, on tâche d’arroser le champ au moyen d’une pompe. Ce moyen est plus difficile que les autres à mettre en usage ; mais il est très-efficace, & peut être d’un grand secours pour des récoltes particulières.

Ce que nous avons dit du bled a lieu pour toutes les autres plantes. A. B.