Cours d’agriculture (Rozier)/MOXA

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 729-730).
◄  MOUTURE
MUCILAGE  ►


MOXA. Espèce de coton de la Chine dont on se sert pour cautériser. Les Japonois & les Chinois en font un grand usage ; il mériteroit bien d’être généralement adopté en Europe. C’est une espèce de duvet fort doux au toucher, d’un gris de cendre, & semblable à la filasse de lin. On le compose de feuilles d’Armoise, pilées, (Voyez ce mot) dont on sépare les fibres dures & les parties les plus épaisses ; cette matière étant sèche, prend aisément feu, mais elle se consume lentement sans produire de flamme & sans causer une brûlure fort douloureuse. Il en part une fumée légère, d’une odeur assez agréable. Lorsqu’il s’agit d’appliquer le moxa, on prend une petite quantité de cette filasse que l’on roule entre ses doigts pour lui donner la forme d’un cône d’environ un pouce de hauteur ; on applique ce cône par sa base, après l’avoir humecté d’un peu de salive, sur la partie que l’on veut cautériser, pour qu’il s’y attache plus aisément, après quoi l’on met le feu au sommet du cône, qui se consume peu à peu, & finit par faire une brûlure légère à la peau, qui ne cause point une douleur considérable : quand un de ces cônes est consumé, on en applique un second, un troisième, & même jusqu’à dix & vingt, suivant l’exigence des cas. C’est sur-tout le long du dos que les Chinois appliquent le moxa.

M. Pouteau, chirurgien de Lyon, connu dans toute l’Europe par ses savans écrits, & que la mort a trop tôt enlevé pour le bien de l’humanité, a été un des plus célèbres promoteurs de la cautérisation Japonoise. D’une santé foible, délicate, affecté de la poitrine, c’est sur lui qu’il en a fait les premiers essais, & il s’en est si bien trouvé, qu’il a essayé & réussi à guérir plusieurs poitrinaires, & à faire disparoître des maladies contre lesquelles on avoit essayé tous les remèdes connus. Cette méthode paroît au premier coup d’œil barbare, & sur-tout très-douloureuse ; cependant elle ne l’est point. J’ai vu plusieurs femmes tenir elles-mêmes le cylindre, se laisser brûler tranquillement, & recommencer de nouveau quand le cylindre étoit consumé. Le feu mis dans la partie supérieure, pousse lentement la chaleur contre la peau ; la peau lubrifiée par un peu d’humidité qui reste dans le moxa, & par la transpiration qui ne peut s’échapper, s’y accoutume peu à peu ; la douleur est si petite quand le feu est bien gradué, que je réponds, d’après ma propre expérience, qu’il faut être bien délicat pour ne pas la supporter.

On a publié plusieurs manières de préparer le moxa, de le composer, &c. ; elles sont au moins inutiles puisqu’il ne s’agit d’établir qu’une chaleur graduée ; & les propriétés particulières des plantes n’ajoutent rien à la valeur de l’action du feu. Le coton seul suffit. On prend un morceau de toile d’un pouce de hauteur & d’un peu plus de trois pouces de largeur, dont on réunit & fixe les deux extrémités par des points, ce qui forme alors un cylindre. On le remplit couche par couches de coton, que l’on presse vivement. Au bas du cylindre & de chaque côté, on attache un morceau de ruban de fil au moyen duquel on tient commodément le cylindre fixé dans l’endroit qu’on veut cautériser ; ensuite on met le feu au haut du cône.

J’ai vu réussir avec le plus grand succès, cette cautérisation dans les commencemens des maladies de poitrine, en appliquant le moxa deux pouces au-dessus du creux de l’estomac ; sur les parties affectées de rhumatismes, & de rhumatismes goûteux. Il me paroît que dans ces cas urgens, le moxa doit très-utilement suppléer les vésicatoires, vu que son effet est plus prompt : d’ailleurs, on ne craint pas, comme avec les vésicatoires, les funestes effets des mouches cantharides sur la vessie.

Il convient d’entretenir la plaie faite par la brûlure, par l’application des feuilles de bettes ou de cardes-poirées, ou de laitues ; (Voyez ces mots) Il en découle une eau ordinairement limpide, & c’est la matière de l’humeur qui sort par cette voie.