Court Traité/Seconde partie/Chapitre XIII

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Traduction par Paul Janet.
Germer Baillière (p. 81-82).


CHAPITRE XIII


DE LA FAVEUR (BIENVEILLANCE), DE LA GRATITUDE ET DE L’INGRATITUDE.


Les deux premières de ces passions sont des affections de l’âme qui nous portent à rendre ou à faire du bien à notre prochain. Je dis rendre, lorsque nous faisons du bien à notre tour à celui qui nous en a fait le premier ; je dis faire, lorsque c’est nous-mêmes qui avons obtenu quelque bien[1].

Quoique la plupart des hommes pensent que ces passions sont bonnes, néanmoins je ne crains pas de dire qu’elles ne conviennent pas à l’homme parfait, car l’homme parfait est poussé seulement par la nécessité, sans l’influence de nulle autre cause, à venir en aide à son voisin : c’est pourquoi il se voit d’autant plus obligé envers les scélérats, qu’il découvre en eux plus de misère

L’ingratitude est le mépris ou le rejet de toute gratitude, comme l’impudence de toute pudeur ; et cela sans un motif quelconque de raison, mais uniquement par avidité, ou par excès d’amour de soi : c’est pourquoi elle n’a pas de place dans l’homme parfait.




  1. Il y a là quelque confusion dans la rédaction ; mais la pensée est très-claire. (P. J.)