Création de Introduction à la vie dévote (Boulenger)/Troisième partie/34

La bibliothèque libre.
Texte établi par Fernand Boulenger,  (p. 246-247).


CHAPITRE XXXIV

QUAND ON PEUT JOUER ET DANSER


Pour jouer et danser loisiblement, il faut que ce soit par récréation et non par affection ; pour peu de temps et non jusques à se lasser ou étourdir, et que ce soit rarement ; car, qui en fait ordinaire, il convertira la récréation en occupation. Mais en quelle occasion peut-on jouer ou danser ? Les justes occasions de la danse et du jeu indifférent, sont plus fréquentes ; celles des jeux défendus sont plus rares, comme aussi tels jeux sont plus blâmables et périlleux. Mais, en un mot, dansez et jouez selon les conditions que je vous ai marquées, quand pour condescendre et complaire à l’honnête conversation en laquelle vous serez, la prudence et discrétion vous le conseilleront ; car la condescendance, comme surgeon de la charité, rend les choses indifférentes bonnes, et les dangereuses, permises. Elle ôte même la malice à celles qui sont aucunement mauvaises : c’est pourquoi les jeux de hasard qui autrement seraient blâmables ne le sont pas, si quelquefois la juste condescendance nous y porte.

J’ai été consolé d’avoir lu en la vie de saint Charles Borromée, qu’il condescendait avec les suisses, en certaines choses èsquelles d’ailleurs il était fort sévère, et que le bienheureux Ignace de Loyola, étant invité à jouer, l’accepta. Quant à sainte Elisabeth d’Hongrie, elle jouait et dansait parfois, se trouvant ès assemblées de passe- temps, sans intérêt de sa dévotion, laquelle était si bien enracinée dedans son âme que, comme les rochers qui sont autour du lac de Riette croissent, étant battus par des vagues, ainsi sa dévotion croissait emmi les pompes et vanités, auxquelles sa condition l’exposait ; ce sont les grands feux qui s’enflamment auvent, mais les petits s’éteignent si on ne les y porte à couvert.