Critique du jugement (trad. Barni)/Tome II/P2/S2/Remarque générale

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Traduction par Jules Barni.
Librairie philosophique de Ladrange (IIp. 213-232).




REMARQUE GÉNÉRALE SUR LA TÉLÉOLOGIE.


Si on demande quel rang il faut donner, parmi les autres preuves de la philosophie, à l’argument moral, qui ne prouve l’existence de Dieu que comme une chose de foi pour la raison pure pratique, on reconnaîtra aisément la portée de ces preuves, et l’on verra qu’il n’y a point ici à choisir, mais que la philosophie, en présence d’une critique impartiale, doit abandonner d’elle-même toutes ses prétentions théoriques.

Toute adhésion de l’esprit, si elle ne manque pas entièrement de fondement, doit être fondée d’abord sur une chose de fait, et il ne peut y avoir d’autre différence dans la preuve, sinon que l’adhésion à la conséquence, qui dérive de la chose de fait, peut être fondée sur cette chose à titre de savoir *[1] pour la connaissance théorique, ou seulement à titre de foi pour la raison pratique. Toutes les choses de fait se rattachent ou bien au concept de la nature, lequel prouve sa réalité dans les objets sensibles, donnés (ou pouvant être donnés) avant tous les concepts de la nature ; ou bien au concept de la liberté, qui prouve suffisamment sa réalité par la causalité de la raison relativement à certains effets, que cette faculté rend possibles dans le monde sensible et qu’elle postule d’une manière irréfragable dans la loi morale. Or, ou bien le concept de la nature (qui n’appartient qu’à la connaissance théorique) est métaphysique et tout à fait a priori ; ou bien il est physique, c’est-à-dire a posteriori et ne peut absolument être conçu qu’au moyen d’une expérience déterminée. Le concept métaphysique de la nature (qui ne suppose aucune expérience déterminée) est donc ontologique.

L’argument ontologique de l’existence de Dieu par le concept d’un être premier est double : il conclut ou bien de prédicats ontologiques, qui seuls nous permettent de concevoir cet être comme complètement déterminé, à l’existence absolument nécessaire, ou bien de la nécessité absolue de l’existence de quelque chose, quoi que ce soit, aux prédicats de l’être premier. En effet au concept d’un être· premier appartient, pour que cet être ne soit pas lui-même dérivé, l’absolue nécessité de son existence, et (pour qu’on puisse la concevoir) la détermination absolue de cet être par son concept. Deux conditions qu’on ne croyait trouver que dans le concept de l’idée ontologique d’un être Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/227 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/228 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/229 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/230 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/231 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/232 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/233 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/234 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/235 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/236 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/237 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/238 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/239 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/240 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/241 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/242 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/243 morale peut se passer de la théologie quant à ses règles, elle ne le peut pas quant au but final que proposent ces règles mêmes, à moins qu’on ne renonce à toute application de la raison à la théologie. Mais une morale théologique (de la raison pure) est impossible, parce que les lois que la raison ne donne pas elle-même originairement, et dont elle ne commande pas l’exécution en tant que faculté pure pratique, ne peuvent être morales. De même une physique théologique ne serait rien, parce qu’elle ne proposerait pas des lois physiques, mais des ordonnances d’une suprême volonté, tandis qu’une théologie physique (proprement physico-téléologique) peut du moins servir de propédeutique à la véritable théologie, sans pouvoir la fonder sur ses propres preuves, en éveillant, par la considération des fins de la nature, dont elle offre une riche matière, l’idée d’un but final que la nature ne peut établir, et, par conséquent, en excitant le besoin d’une théologie qui détermine le concept de Dieu d’une manière suffisante pour l’usage pratique suprême de la raison.


fin de la critique du jugement





Notes de Kant[modifier]

  1. * Wissen.


Notes du traducteur[modifier]