Cycle/Formes et Pensées

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CycleAlphonse Lemerre, éditeur4 (p. 247-249).
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Formes et Pensées


I

Comme un vieux prêtre a soin des vases de l’église
Pour qu’aux yeux du fidèle ébloui tout reluise,
Vous, artistes pieux, tels que le saint vieillard,
Poètes, conservez les beaux vases de l’art.
 

II

Pétrarque, au doux sonnet je fus longtemps rebelle ;
Mais toi, divin Toscan, chaste et voluptueux,
Tu choisis, évitant tout rythme impétueux,
Pour ta belle pensée une forme humble et belle.

Ton poème aujourd’hui par des charmes m’appelle :
Vase étroit mais bien clos, coffret, plaisir des yeux,
D’où s’exhale un parfum subtil, mystérieux,
Que Laure respirait, le soir, dans la chapelle.


Aux souplesses de l’art la grâce se plaisait.
Maître, tu souriras si ma muse rurale
Et libre a fait ployer la forme magistrale ;

Puis, sur le tour léger de l’Étrusque, naissait,
Docile à varier la forme antique et sainte,
L’urne pour les parfums, ou le miel, ou l’absinthe.

III

Oui, moi-même, en jouant, essayons ! Autrefois
Le premier je chantai sur le rythme ternaire.
Rythme bardique éclos au fond du sanctuaire :
Aujourd’hui de Boileau je braverai les lois.

IV

Les rimeurs ont posé le sonnet sur la pointe,
Le sonnet qui s’aiguise et finit en tercet :
Au solide quatrain la part faible est mal jointe.

Je voudrais commencer par où l’on finissait.
Tercet svelte, élancé dans ta grâce idéale,
Parais donc le premier, forme pyramidale !
 
Au-dessous les quatrains, graves, majestueux.
Liés par le ciment de la rime jumelle.
Fièrement assoiront leur base solennelle.
Leur socle de granit, leurs degrés somptueux.

 
Ainsi le monument s’élève harmonieux,
Plus de base effrayante à l’œil et qui chancelle,
La base est large et sûre et l’aiguille étincelle,
La pyramide aura sa pointe dans les cieux.

V

Inspirez-nous toujours, ô muses immortelles.
Et des pensers nouveaux et des formes nouvelles !
Dante n’est plus Homère, autre est le grand Milton ;
Comme eux soyons divers de pensers et de ton.