Découverte d’un continent austral

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MISCELLANÉES SCIENTIFIQUES.


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DÉCOUVERTE D’UN CONTINENT AUSTRAL.


On sait que vers le milieu du siècle dernier, la croyance à l’existence d’un continent austral était assez généralement répandue. Quoique appuyée sur des bases très peu solides, des récits inexacts ou même évidemment mensongers et des considérations puériles, comme la nécessité d’une terre qui fît contre-poids aux parties boréales de l’Asie et de l’Amérique, cette croyance suffisait pour fournir un texte à de nombreuses spéculations, je veux dire à des spéculations de cabinet, car les armateurs ne hasardèrent point leurs fonds pour la découverte de ces merveilleux pays : ce furent les romanciers qui s’emparèrent de ce domaine qu’on leur abandonnait, les uns pour en faire le théâtre d’aventures galantes, les autres pour y développer quelques plans d’organisation sociale qu’ils avaient rêvés.

Il y eut cependant un navigateur, un homme très instruit en géographie, qui prit la chose au sérieux : c’était John Dalrymple, qui, après avoir servi long-temps dans les Indes, avait été fait à son retour hydrographe de la Compagnie, et qui fut ensuite nommé hydrographe de l’Amirauté, lorsque cette place fut créée, en 1795.

Dalrymple avait été d’abord désigné pour diriger l’expédition qui devait aller dans l’hémisphère austral observer le passage de Vénus ; mais comme il n’appartenait pas à la marine royale, il survint quelques difficultés relativement aux limites de l’autorité qui devait lui être confiée, et son extrême raideur ne permettant aucun arrangement, Cook fut nommé à sa place.

En 1772, il croyait encore fermement à l’existence du continent austral, et brûlait du désir d’aller découvrir ce pays qu’il supposait d’une richesse et d’une fertilité extrême. Ses précédens démêlés avec l’Amirauté ne lui permettant guère d’espérer que l’état fît les frais de cette expédition, il résolut de les faire avec ses propres moyens ; seulement, afin de bien s’assurer la possession de ce nouvel Eldorado, il voulut avoir la sanction du gouvernement, et il sollicita long-temps à cet effet une audience de lord North, qui était alors premier ministre. L’entrevue eut lieu, et les deux personnages se séparèrent assez peu contens l’un de l’autre. Quoi qu’il en soit, Dalrymple ne renonça pas à son projet, et en attendant qu’il eût réuni les fonds nécessaires, il s’occupa de faire un code pour la nouvelle colonie qu’il voulait établir.

Dans son plan de constitution, les femmes jouissaient des mêmes droits politiques que les hommes, et pouvaient également prétendre à tous les emplois publics ; du reste aucun emploi n’était salarié. Les dépenses publiques étaient soumises à la plus grande publicité, et les comptes devaient être exposés chaque dimanche dans toutes les églises. Les monnaies d’or et d’argent étaient interdites, et une petite monnaie de cuivre de peu de valeur devait seule avoir cours ; précaution que le législateur regardait comme suffisante pour empêcher l’introduction du luxe dans la république. Comme le pays devait nourrir aisément une population beaucoup plus grande que celle qu’on pouvait raisonnablement espérer d’y transporter, le célibat était frappé d’une taxe dont le produit était appliqué au soutien des orphelins.

Ce code devait n’être jamais altéré, et la première condition pour entrer dans le pays eût été d’y jurer obéissance. Il y avait peine de mort contre tout individu qui eût proposé un amendement au plus mince article de la loi.

Dalrymple fut arrêté par diverses circonstances qui l’empêchèrent d’exécuter son voyage, et même quelque temps avant sa mort, qui arriva en 1808, il ne croyait plus au continent austral.

Voici maintenant qu’un navigateur vient nous annoncer que ce continent existe réellement. Il est difficile maintenant de se prononcer sur la réalité de cette découverte et l’on sait combien de fois on a été induit en erreur en prenant de petits îlots isolés qu’on rencontrait successivement pour des points appartenans à une seule et même côte. Quoi qu’il en soit, voici comment le Nautical Magazine donne cette nouvelle :

« Le capitaine John Biscoe, commandant du brick Tula, vient d’arriver en Angleterre, après un voyage dans lequel il a fait d’importantes découvertes de terres situées dans les hautes latitudes australes.

« Le Tula avait été envoyé en 1830 dans les mers du sud par MM. Enderby. Après avoir beaucoup souffert du mauvais temps et rencontré beaucoup de glace, il a découvert une terre vers les 67° de latitude sud et les 50° de longitude orientale (à compter du méridien de Greenwich.)

« L’étendue de la côte aperçue est d’environ 300 milles. Le capitaine Biscoe se prépare à donner une relation de son voyage, relation qui, en raison de la découverte qu’il a faite, comme des nombreux dangers dans lesquels son bâtiment s’est trouvé à diverses époques, ne peut manquer d’offrir un haut degré d’intérêt. »



MOYENS
EMPLOYÉS PAR CERTAINES ESPÈCES D’ARAIGNÉES POUR SORTIR D’UN LIEU COMPLÈTEMENT ENTOURÉ D’EAU.

Pendant que je résidais sur les bords du lac de Thoun, dans l’été de 1828, je passais souvent plusieurs heures de suite sur l’eau dans un batelet, non loin de certains bas-fonds couverts d’une forêt de roseaux qui allait en s’éclaircissant à mesure qu’elle s’avançait vers les parties les plus profondes.

J’avais souvent eu lieu de remarquer comment, dans le plus épais du fourré, les tiges et les sommités des roseaux étaient liées entre elles par des toiles d’araignée, d’une force et d’une élasticité telle qu’elles résistaient aux vents les plus violens ; par la suite, j’observai que les toiles étaient proportionnellement aussi abondantes sur les roseaux les plus clairsemés et sur ceux même qui étaient isolés complètement ; je fus ainsi naturellement conduit à chercher quels moyens de communication avaient les ouvrières de ces toiles pour arriver là et pour en sortir, puisque je n’avais jamais vu aucune araignée de cette espèce marcher à la surface de l’eau. Je ne tardai pas à les connaître.

Ayant placé une de ces araignées sur le bout de mon doigt que je tenais élevé verticalement à la hauteur de l’œil, je la vis bientôt faire sortir de ses filières une soie très fine qui s’allongeait rapidement, et qui, emportée par le vent à mesure qu’elle croissait, alla bientôt rencontrer un corps contre lequel elle se fixa. Une voie de communication étant ainsi établie entre ce corps et le bout de mon doigt, l’araignée en profita pour quitter promptement sa prison.

La même expérience plusieurs fois répétée ayant toujours donné des résultats semblables, et la partie essentielle du procédé étant ainsi connue, il ne restait plus qu’à en suivre les détails et à en préciser les circonstances.

La première question qui se présentait était relative à la limite des distances que ces insectes pouvaient ainsi franchir. Pour la connaître, j’emportai à diverses fois des araignées sur le lac, et en tenant compte de la direction du vent, je m’arrangeais de manière à ce que ce fil se projetant sur un fond obscur, s’y détachât en lumière, ce qui me permettait de l’apercevoir malgré sa ténuité, lorsqu’il était déjà fort loin de moi. Communément dans moins d’une demi-minute, sa portion la plus éloignée était hors de la portée de ma vue, et, autant que j’en pouvais juger, à une distance de vingt-cinq ou trente yards. Peut-être allait-elle beaucoup plus loin ; mais comme il n’y avait point d’ordinaire d’objet sur lequel elle se fixait, on ne pouvait savoir positivement jusqu’où elle allait. Dans un cas, j’ai vu le fil se fixer à plus de vingt yards de distance, et j’ai pu suivre toute l’opération jusqu’à l’entière évasion du prisonnier.

J’avais placé, comme la première fois, l’insecte sur le bout de mon doigt, et je l’observais avec un microscope. À l’aide de cet instrument, je vis sortir des diverses filières autant de soies qui, se réunissant bientôt en un faisceau unique, formèrent un fil qui, emporté par le vent à mesure qu’il s’allongeait, alla rencontrer une branche d’arbre contre laquelle il se fixa.

Pendant toute la durée de cette opération, j’avais observé avec un extrême intérêt les divers mouvemens de l’araignée. Je l’avais vue d’abord fixer solidement à mon doigt l’origine de son fil, et pour cela il lui avait suffi d’y appuyer, au moment où elle commençait à filer, la partie inférieure de son abdomen. Cela fait, et pendant que le fil, soutenu par l’air, s’éloignait se dérobant à ma vue sauf dans les points où il était couvert d’un peu de poussière qui en grossissait le diamètre, elle était restée immobile, tirant seulement de temps à autre le fil avec une patte pour voir s’il était fixé. Il me semblait alors voir un funambule qui, pendant qu’on lui tend sa corde, essaie si elle a le degré de raideur et d’élasticité nécessaire.

Au bout de quelque temps, elle éprouva, à ce qu’il me parut, dans un de ces essais, la résistance qu’elle attendait, et reconnut ainsi que sa corde était fixée. Alors commença une nouvelle manœuvre, une sorte de halage par lequel, à l’aide de ses crochets, elle raccourcissait successivement cette corde jusqu’à ce qu’elle lui eût donné par là le degré de tension nécessaire ; puis, ne voulant pas perdre la portion qu’elle avait retirée et qui était entassée irrégulièrement en un petit monceau, elle la dévora. Ensuite elle s’occupa de fixer de nouveau à mon doigt, le fil tendu, et partit aussitôt par ce chemin dont elle venait d’assurer la stabilité.

Sans perdre de temps, je fixai à un corps que j’avais préparé d’avance pour cet effet, l’extrémité du fil qu’elle avait attaché à mon doigt, et je suivis la voyageuse qui s’avançait toujours, beaucoup plus balancée qu’elle n’aurait dû l’être, car je n’avais pas, dans mon nouvel arrangement, donné à la corde un degré de tension égal à celui qu’elle avait jugé nécessaire. Malgré cet inconvénient, elle arriva sans encombre jusqu’à une branche d’arbre où je vis alors que l’autre extrémité du fil était arrêtée, ce que je n’avais pu apercevoir de ma première station. Il y avait, entre les deux points extrêmes vingt yards de distance au moins.


QUARTIERS D’HIVER D’UNE MARMOTTE.

On commence aujourd’hui à ne plus confondre, comme on l’a fait trop long-temps, l’instinct des animaux avec leur intelligence. Toutefois, comme ces deux causes agissent souvent simultanément, il peut être difficile de déterminer exactement la part de chacune dans la production d’un acte déterminé. Le meilleur moyen d’arriver à cette distinction est de placer les êtres sur lesquels on veut agir dans des circonstances fort différentes de celles où ils devraient naturellement se trouver. Dans ce cas, si l’on voit des actes se reproduire comme dans l’état ordinaire, quoique, par l’effet du changement, leur résultat, au lieu d’être utile à la conservation de l’individu ou de l’espèce, tende à causer sa mort ou la destruction de sa progéniture, on est presque certain que cet acte est dû à l’instinct qui est une impulsion aveugle : les actes dus à l’intelligence, au contraire, se modifient plus ou moins heureusement pour se plier aux nouvelles exigences, et le même but est atteint par un chemin différent.

Tout le monde sait ce qui se passe lorsqu’on retourne bout pour bout dans leur cocon les chrysalides de certains papillons, de manière à ce que leur tête se trouve du côté opposé à l’issue que la chenille avait ménagée en fabriquant sa prison : quand vient le temps de la dernière métamorphose, l’animal, qui n’a plus la porte devant lui, s’obstine à vouloir passer à travers la muraille et meurt à la peine. Pareille chose n’arriverait pas à un être chez lequel il y aurait à la fois intelligence et instinct.

Les dispositions par lesquelles la chenille pourvoit à sa sûreté pour le temps où elle sera sous forme de chrysalide peuvent être rapprochées de celles que certains rongeurs, et notamment les marmottes, prennent pour leur sommeil d’hiver. Dans un cas comme dans l’autre, l’animal est poussé par une impulsion irrésistible et irréfléchie à se fabriquer une retraite, et la jeune marmotte de l’année ne sait pas plus ce que doit être l’hiver que la chenille ne sait ce que sera son état futur, sa vie de papillon. Mais voilà où s’arrête la ressemblance, et la marmotte, tout en ignorant le but de ses préparatifs, fait usage de son intelligence pour les diverses parties de son travail. Que les circonstances la contrarient, pourvu qu’elle conserve un peu de liberté, elle trouvera des ressources ; c’est ce que le fait suivant met bien en évidence.

M. Bonnafous, de Genève, désirant faire, pendant l’hiver de 1830, des expériences sur l’hibernation, se procura quatre marmottes qu’il exposa à une température de 10 degrés au-dessous de 0. Il se trouva que ce froid, qui n’avait pas été amené graduellement, produisait sur les quatre animaux une impression assez douloureuse pour empêcher le sommeil de survenir. La température en conséquence fut un peu élevée, et trois des marmottes s’endormirent. La quatrième, qui était la plus vive de toutes, disparut, et ce fut en vain qu’on la chercha dans tout le voisinage.

Quinze jours s’étaient écoulés depuis l’évasion de la marmotte, lorsqu’une domestique que M. Bonnafous avait envoyé chercher quelque chose dans un caveau très profond, remonta tout effrayée, en criant que des voleurs s’étaient introduits dans le caveau, et en avaient fermé en dedans la porte. On se rendit sur les lieux en force, et la porte ne cédant pas malgré les sommations faites aux prétendus voleurs, on prit le parti de l’enfoncer.

Alors on reconnut que c’était la marmotte qui s’était emparée du caveau, en y pénétrant par une ouverture pratiquée dans la voûte, et qui s’était arrangée de manière à n’y être pas troublée. À cet effet elle avait creusé le sol, gratté les murailles pour en faire tomber les plâtras, et de tous ces matériaux elle avait construit une barricade, un mur intérieur qui s’élevait derrière la porte à près de deux pieds de hauteur : de plus, comme entre le bas de la porte et le seuil il y avait un jour par lequel la terre s’échappait sans doute quand elle commença à l’accumuler, elle avait disposé au-devant de cette ouverture une planche qu’elle avait détachée d’une étagère, après quoi elle avait repris sa construction.

Dans un coin du caveau, elle avait établi son lit, formé d’une couche de paille de huit à dix pouces d’épaisseur, qu’elle avait amassée en déroulant celle qui entortillait une vingtaine de bouteilles. Enfin, pour n’être point dérangée dans son sommeil par les rats qu’elle ne pouvait exclure entièrement du caveau, elle s’était fait un rempart formidable de tessons de bouteilles, qu’elle avait disposés au-devant de sa couche, de manière à former un demi-cercle très régulier.

Voici un autre fait, dans lequel on peut voir de même concourir les aptitudes liées à un instinct déterminé et constant, avec les ressources de l’intelligence, qui modifie ses moyens suivant les circonstances.

Le castor a, comme on le sait, un penchant à bâtir qui, dans les lieux où il est parfaitement libre et exempt d’inquiétudes, se manifeste par d’admirables travaux, et qui semble disparaître au contraire lorsque l’animal est tourmenté par la présence de l’homme, surtout par le bruyant voisinage de l’homme civilisé. Déjà, en Amérique, il faut s’éloigner beaucoup des établissemens des blancs, pour trouver des peuplades de castors nombreuses et dans le plein développement de leur industrie. Chaque année, à mesure que le bruit de la hache se fait entendre, que les coups de fusil éclatent, de nouvelles sociétés se dispersent, et ceux qui les composaient, désormais isolés, se contentent pour demeure d’un terrier creusé dans la berge d’une rivière. C’est à cet état de dégradation que sont arrivés, depuis un temps immémorial, les castors ou bièvres de l’ancien continent ; et les anciens, qui vantent la sagacité de cet animal, ne nous disent rien de ses constructions. Le bièvre a été cependant autrefois maçon, et ce n’est pas par un pur hasard que son vieux nom de fiber est si semblable à celui de faber, fabricant. Ce penchant à bâtir sommeille dans l’espèce depuis des siècles, et de nombreuses générations se sont succédées sans qu’il se révélât par aucune manifestation ; mais que les circonstances redeviennent favorables, qu’un canton isolé leur offre une nourriture abondante, une parfaite sécurité, les individus de sexe différent qui ne se cherchaient que dans la saison des amours formeront un ménage durable, les petits s’établiront près de leurs parens. Ce qui n’était d’abord qu’une famille deviendra une tribu, et dès-lors les arts sociaux renaîtront. C’est ce que l’on a vu naguère à Grunneberg dans le canton de Magdebourg.

Le lieu que ces animaux habitent, et auquel ils ont fait donner le nom de Biber-Lache (fosse aux bièvres), est situé sur le bord de la Nuthe, à une demi-lieue environ au-dessus de l’embouchure de cette rivière dans l’Elbe. C’est une contrée déserte, couverte de saules, de sorte que la colonie y trouve les circonstances que nous avons indiquées comme nécessaires à son libre développement : abondance de vivres et repos absolu.

Les castors de Biber-Lache séjournent chaque année moins long-temps dans leurs maisons que les castors canadiens, et c’est peut-être ce qui fait qu’ils les construisent avec moins de recherche. La disposition de la Nuthe, qui serpente dans un pays plat et coule ordinairement à plein lit, les dispense du soin d’élever des digues : aussi ne leur en avait-on jamais vu construire jusqu’en 1822, où la baisse des eaux ayant mis à découvert l’ouverture inférieure des terriers qui constituent leurs habitations d’été, ils construisirent un barrage en profitant d’une sorte de pile naturelle qui venait presque jusqu’à la surface de l’eau.

Ce n’était pas au reste des bièvres de l’ancien continent que je voulais parler ici, mais d’un castor canadien qui avait été pris tout jeune et amené en Europe. On le conservait dans une cage de bois doublée de tôle, garnie en devant de barreaux de fer, et qui, la nuit, se fermait avec une porte à deux battans. Une fois cependant cette précaution fut négligée, et c’était justement dans une nuit très froide, où la neige tombait en abondance, et était poussée par le vent jusqu’au fond de la cage. L’animal était en danger de périr de froid, s’il ne trouvait moyen de se faire un abri. La nécessité réveilla en lui le talent de maçon propre à sa race, mais que, sans doute, il n’avait jamais eu occasion de voir appliquer. L’embarras était de trouver les matériaux pour sa construction : point de bois, point d’argile. Que fit-il donc ? précisément ce que fait l’homme dans les régions glacées : il bâtit avec de la neige, et comme cette neige, fraîchement tombée, n’avait pas la consistance nécessaire pour se soutenir à elle seule en un mur qui devait être mince, il entrelaça à ses barreaux quelques carottes qu’on lui avait données pour sa nourriture, et la neige lui servit à boucher les interstices.

Un orang-outang apprend à se préserver du froid en s’enveloppant d’un morceau de drap qu’on a mis à sa disposition. Un chien sait se faire une couverture avec la paille de sa litière ; ni l’un ni l’autre, dans le cas dont nous venons de parler, ne se serait avisé de construire un mur. L’intelligence du castor est inférieure à celle de ces deux animaux ; mais elle a suffi pour appliquer à des circonstances imprévues, et pour modifier, suivant le besoin, un penchant instinctif en rapport avec le mode d’existence normal.


ONGLE DE LA QUEUE DU LION.

Les poètes qui décrivent la colère du lion, nous représentent d’ordinaire l’animal battant ses flancs de sa queue. Cette image se trouve déjà dans Homère, et quoiqu’elle ne soit pas conforme à ce que nous montre l’observation, elle a été adoptée généralement par les poètes grecs et romains. Lucain, avec son exagération habituelle et son besoin de renchérir sur ce qui a été dit avant lui, prétend que ces coups, qui d’abord, ne sont qu’un signe de l’irritation de l’animal, accroissent sa colère et la changent en rage. Pline, enfin, semble prendre au sérieux l’hyperbole de Lucain.

Aucun de ces écrivains cependant n’avait indiqué dans la queue du lion une disposition singulière qui pouvait donner un peu de probabilité à l’étrange opinion qu’ils avançaient, relativement aux usages de cette queue. La découverte de l’existence de cette particularité était réservée à Didyme d’Alexandrie, un des premiers commentateurs de l’Iliade. Il trouva à l’extrémité de la queue et caché au milieu des poils, un ergot corné noirâtre, et il supposa que c’était là l’organe qui, lorsque le lion, au moment du danger, agitait violemment sa queue, lui piquait les flancs à la manière d’un éperon et l’excitait à se jeter sur ses ennemis.

L’observation du savant commentateur passa presque inaperçue, et soit que les naturalistes modernes n’en eussent pas connaissance, soit qu’ils la révoquassent en doute, aucun d’eux n’en parla jusqu’à Blumenbach, qui confirma l’exactitude du fait anatomique rapporté par Didyme, mais sans adopter, comme on le pense bien, l’opinion relative aux usages de cette partie. Dans ses mélanges d’histoire naturelle, il annonce avoir trouvé tout à l’extrémité de la queue du lion, un petit ergot noirâtre de consistance cornée entouré à sa base par un repli annulaire de la peau et adhérent fermement à un follicule unique d’apparence glanduleuse. Toutes ces parties, remarque-t-il, sont si petites, et la pointe cornée est tellement ensevelie au milieu de la touffe terminale de la queue, que les usages que lui attribue l’ancien scholiaste sont purement imaginaires. La description de Blumenbach était accompagnée d’une figure qui fut reproduite avec la traduction du texte dans l’Edinburgh philosophical journal.

La question fut reprise de nouveau en 1829 par M. Deshayes, qui, dans un article des Annales des Sciences naturelles, annonça avoir trouvé l’ergot sur un lion et sur une lionne, morts tous les deux à la ménagerie du Muséum. Il décrit cette partie comme une sorte d’ongle ou de production cornée de deux lignes environ de hauteur, ayant la forme d’un cône un peu recourbé vers la pointe, adhérant par sa base à la peau seulement, et non à la dernière vertèbre caudale, dont il est séparé par une distance de deux à trois lignes.

Un nouveau spécimen de cette partie a été présenté par M. Woods à la société zoologique dans la séance du 11 septembre dernier. Il avait été trouvé sur un jeune lion de Barbarie appartenant à la ménagerie de la société, qui l’avait reçu en présent du consul de Tripoli, sir Thomas Read. L’ergot fut d’abord aperçu sur l’animal vivant par M. Besmet, qui le fit remarquer au gardien. Ce dernier ayant voulu examiner la chose de près et s’y étant pris sans doute un peu rudement, l’éperon lui resta dans la main. M. Woods reçut la pièce une demi-heure après qu’elle avait été détachée, elle était encore molle à sa base dans toute la partie qui adhérait à la peau. On peut juger, d’après la facilité avec laquelle elle s’en était séparée, que l’adhérence n’était pas bien forte : c’est une remarque déjà faite par M. Deshayes, qui attribue à cette cause l’absence de l’ergot sur les individus empaillés. Il manque aussi fréquemment sur les vivans, car M. Woods, qui, depuis la publication du mémoire de M. Deshayes, avait examiné beaucoup de queues de lion, ne l’avait encore trouvé sur aucune. L’absence ou la présence de cet organe semble cependant indépendante de l’âge, puisque les deux lions sur lesquels M. Deshayes l’a trouvé étaient parvenus à toute leur croissance, tandis que celui de la ménagerie n’était encore qu’un lionceau. Elle est aussi indépendante du sexe, puisque, bien qu’il manque sur une jeune lionne de la même portée que le lionceau dont il s’agit ici, il existait, comme on l’a dit, sur l’individu femelle observé par M. Deshayes.

M. Woods, pensant que la même disposition devait être commune aux autres espèces de félis, l’a cherchée sur un grand nombre d’individus empaillés, qui existent dans les galeries de la société. Il n’a trouvé d’éperon sur aucun, si ce n’est sur un léopard asiatique adulte, où cette partie était bien évidente, quoique fort peu développée. L’auteur de la traduction anglaise de la notice de Blumenbach avait également indiqué la présence de l’ergot chez un léopard. Chez cet individu, comme chez celui observé par M. Woods, l’ergot tenait seulement à la peau.

L’ergot présenté à la société a de quatre à cinq lignes de longueur ; sa couleur est celle de la corne, devenant d’ailleurs de plus en plus obscure, jusqu’à l’extrémité qui est presque noire. Il est comprimé latéralement dans toute son étendue ; droit depuis la pointe jusqu’au tiers de sa longueur, il se coude légèrement en ce point, qui est marqué par une faible dépression ; à partir de cette courbure, il s’élargit rapidement jusqu’à sa base. — Jusqu’à présent, Blumenbach est le seul qui ait parlé de l’organe glandulaire sur lequel cette base repose. Le fait paraît demander une confirmation.


GROTTES ET CAVERNES
DANS LES FORMATIONS VOLCANIQUES DES BORDS DU RHIN.

Dans un des derniers numéros des Annales des Mines, M. J. Reynaud a publié les résultats de ses observations, sur les formations volcaniques des bords du Rhin. Les parties que cet ingénieur s’est attaché particulièrement à faire connaître, sont : la contrée de l’Eifel, le groupe de montagnes connu sous le nom de Sieben-Gebirge, et les environs du lac Laacher. Ses descriptions, intéressantes d’un bout à l’autre pour les personnes qui s’occupent de géologie, peuvent aussi en partie être lues avec plaisir par les hommes les plus étrangers à cette science. Nous nous contenterons de citer ici quelques-uns des faits curieux sur lesquels il a appelé l’attention.

Entre autres dispositions très remarquables que présente l’intéressante contrée de l’Eifel, on doit observer celle des basaltes, des environs de Bertrich, petit endroit de bains situé à peu de distance de la Moselle.

Le basalte que l’on rencontre à l’entrée de la promenade des baigneurs, forme, au milieu du Thonschieffer, des filons de trente à quarante pieds d’épaisseur. Il est compacte, non celluleux, et ne présente, dans sa nature intime, aucune particularité saillante ; mais ce qui mérite de fixer l’attention, c’est la manière singulière dont il a été décomposé et modifié dans sa forme extérieure. Près de la grande cascade du jardin, on trouve une grotte nommée Kæsegrotte (la grotte des fromages), qui est fort célèbre dans le pays par la bizarrerie de sa forme et par la légende qui lui sert d’histoire. Cette grotte est taillée ou plutôt détachée à bras d’hommes dans l’intérieur d’un filon de basalte, et s’ouvre d’un côté sur le torrent qui se précipite dans les rochers ; son intérieur consiste en une galerie bien alignée et bien régulière, formée de colonnes qui, au premier aspect, ont quelque analogie avec certaines colonnes torses de l’architecture de la renaissance. Ces colonnes sont composées de boules de basalte de quarante centimètres de diamètre, un peu aplaties et posées d’aplomb les unes au-dessus des autres ; la ressemblance qui en résulte avec un magasin de fromages régulièrement entassés a valu à la grotte le nom sous lequel elle est connue.

Cette décomposition du basalte en boules rapprochées de telle façon que leur axe de révolution est toujours vertical et toujours aligné avec ceux qui le précèdent et avec ceux qui le suivent dans la même rangée, est digne de fixer l’attention. La singularité de cette disposition est d’ailleurs en partie expliquée par ce que présente un autre filon de basalte, situé dans les environs de la ville, filon où l’on voit dans une période moins avancée le travail de décomposition qui a produit ces piliers si remarquables.

Dans ce second filon, quand on l’aperçoit d’abord, on ne voit que des prismes triangulaires ou plutôt quadrangulaires, dans lesquels le basalte est divisé ; mais en approchant, on aperçoit des fissures horizontales qui partagent tous ces prismes par portions à peu près égales. La décomposition de la roche se produit surtout au voisinage de ces fentes ; la substance se désagrège, les angles s’émoussent, et la masse arrive à prendre une apparence qui se rapproche de celle de la Kæsegrotte. Il est probable que dans ce dernier point le basalte aura commencé de la même manière à se diviser en prismes verticaux, et que plus tard la décomposition se sera graduellement opérée autour des centres situés sur les axes. Il n’est peut-être pas sans intérêt de remarquer qu’à la Kæsegrotte la partie supérieure du filon, placée au-dessus des eaux du torrent, ne présente rien de semblable dans sa décomposition, et n’est pas même fissurée en prismes.

Ici la division naturelle des basaltes n’avait fait, pour ainsi dire, qu’ébaucher les colonnes, et c’est la décomposition due à l’action atmosphérique qui leur a donné les formes arrondies ; dans les deux cas que nous allons citer maintenant, cette action n’a pas eu d’influence sensible et la disposition en couches concentriques des cylindres de Stenzelberg et du sphéroïde de Langenberd, date de l’époque même de la consolidation de la roche.

Dans le Stenzelberg, montagne du groupe des Sieben-Gebirge, on a ouvert dans le trachyte des carrières qui fournissent d’excellentes pierres de construction. À côté de la carrière principale, on en trouve une autre d’un trachyte très poreux sans cristaux distincts, et qui présente dans sa disposition générale une singularité qui, à ce qu’il paraît, n’a jamais été observée ailleurs. Au milieu de la masse, on trouve de vastes colonnes verticales de cinquante à soixante pieds d’élévation qu’on ne saurait mieux comparer qu’à des troncs d’arbre. Le trachyte se délite en feuillets minces et contournés autour de l’arbre comme une véritable écorce.

À l’instant où l’auteur visita la carrière, on observait très distinctement trois de ces colonnes que les travaux avaient à moitié dégagées, et qui s’élevaient sur toute la hauteur de l’escarpement. Un petit dessin au simple trait annexé au mémoire, représente cette singulière disposition qu’on trouvera d’ailleurs rendue beaucoup plus exactement dans une très belle lithographie qui fait partie de l’atlas géologique de Goldfuss. Nous avons trouvé également dans cet atlas une vue du Kæsegrotte, mais elle est beaucoup moins satisfaisante.

Vers la limite septentrionale du Sieben-Gebirge, on rencontre une grande formation de basalte qui court à peu près parallèlement au Rhin, et forme une crête d’environ une lieue de longueur. Elle s’élève à une bien moindre hauteur que les montagnes trachytiques, mais cependant elle forme une colline très sensible que l’on nomme par allusion à sa forme le Langenberg.

Le basalte, qui constitue la colline du Langenberg, est très dur, très résistant, et il est employé au pavage des routes. Il est très fréquemment caverneux, et alors dans son intérieur il présente de fort jolis cristaux de chaux carbonatée ou même des faisceaux d’arragonete ; mais ce qu’il offre de très remarquable, c’est la disposition de ses couches. Tout le Langenberg, en effet, semble n’être qu’un fragment d’une vaste boule qui se délite concentriquement par rapport à un noyau globuleux qu’on voit dans une carrière, située près d’Ober-Cassel. La carrière offre ce noyau avec toutes ses enveloppes sur une hauteur de plus de cent pieds. Au-dessus ou au-dessous dans la montagne, et latéralement à de grandes distances, on voit les strates du basalte présenter la même connexion autour d’un centre commun.

Quelle cause a pu produire un pareil centre de contraction au milieu de la masse ? Ce centre n’a avec la forme générale de la masse aucun rapport géométrique ; car on ne saurait croire que cette boule gigantesque ait jamais existé en entier. Il n’est pas inutile de faire remarquer que la courbure n’est pas celle d’une sphère, mais d’un ellipsoïde applati.

Une source atmosphérique fort curieuse existe dans les bois qui entourent le lac Laacher, et rappelle, quoique sur une échelle plus petite, la fameuse grotte du chien. C’est un dégagement souterrain d’acide carbonique, qui se fait jour silencieusement à travers le sol, et vient aboutir dans une espèce de fosse de deux à trois pieds de profondeur pratiquée dans la terre végétale au milieu des broussailles. Lorsque l’air est calme, la cavité se remplit presque uniquement d’acide carbonique, et il en résulte une asphyxie assez prompte pour les êtres qui viennent y respirer. Le fond du trou est couvert de débris ; les insectes et surtout les fourmis y arrivent en grand nombre pour chercher leur nourriture ; mais, privés d’air, ils y demeurent la plupart, et les oiseaux, à leur tour, apercevant l’appât trompeur, volent vers le piége, et y sont pris. Les bûcherons, connaissant fort bien cette manœuvre, visitent régulièrement l’endroit et tirent profit de cette chasse dont la nature fait tous les frais.

Près du volcan de Gerolstein, on trouve une caverne qui donne issue à un courant gazeux plus remarquable encore. Le gaz ne paraît pas différer notablement de l’air atmosphérique ; car on le respire sans éprouver aucun embarras. Sa vitesse est assez grande, et même hors de la caverne on sent l’impression du vent qui en sort. Il est froid et humide, et pendant tout l’été, il dépose sur les parois de la grotte une couche de glace fort épaisse qui en tapisse toutes les parties, et produit des effets d’un éclat et d’une transparence auxquels on pourrait appliquer sans trop d’exagération la description généralement consacrée par les voyageurs touristes aux grottes à stalactites.

Pendant l’hiver, le vent souterrain s’arrête et la glace cesse de se déposer.

Il est très probable, dit M. Reynaud, que la température si froide de ce courant d’air, à l’instant où il s’échappe du sein de la terre, est le résultat de l’expansion subite qu’il éprouve et indique par conséquent un état de compression antérieur. Ce phénomène est analogue à celui qui se passe dans la machine de Schemnitz. La présence dans l’intérieur de la terre d’un réservoir considérable d’air comprimé est un fait digne d’attention, et qui pourrait peut-être se rapporter à quelques cas particuliers de la théorie des puits artésiens. La suspension du courant pendant la saison froide tendrait même à faire croire que ce soufflet naturel est tout à fait analogue à une trompe hydraulique. Des courans d’eau naturels venant à tomber dans les cavernes intérieures qui doivent être nombreuses dans ce pays bouleversé par les volcans, entraînent dans leur chute de l’air atmosphérique qui se dégage dans les réservoirs souterrains avec une compression dépendant de la profondeur, et remonte à la surface par les canaux qu’il rencontre ; la caverne de Gerolstein ne serait alors autre chose que l’ouverture extérieure du tuyau de l’une de ces trompes.

L’accès de cette caverne est facile, mais il est difficile d’y descendre à cause de la raideur de la pente et de l’humidité qui rend le sol très glissant. Du reste, quand on a surmonté les difficultés, on trouve à une profondeur peu considérable un étranglement qui empêche de pénétrer plus avant.

Il existe dans une foule de localités des cavernes ou des fentes qui, de même que celle décrite par M. Reynaud, donnent issue à des courans d’air plus ou moins impétueux. Nous nous contenterons d’en citer quelques-unes.

De Saussure parle d’une caverne dans l’île d’Ischia, connue sous le nom de Ventarola della Funera, de laquelle sort un vent frais. Elle est située au-dessous d’une petite chapelle dédiée à saint Antoine. Une ventarole semblable se trouve, au dire du chevalier Hamilton, à Ottaiano, au pied du Vésuve.

Les caves froides de Cesi, dans les états du pape, doivent leur basse température à l’air froid qui sort par les fentes d’un rocher contre lequel elles sont bâties. Cet air, lorsque de Saussure visita les caves, sortait avec tant de violence, qu’il éteignait presque les flambeaux qui éclairaient notre géologue. On l’assura que si la journée n’eût pas été froide, comme elle l’était pour la saison, le vent aurait été beaucoup plus fort. En hiver, au contraire, le vent, loin d’en sortir, y entre avec violence, et d’autant plus que le froid est plus rigoureux. C’est ce qu’indique l’inscription suivante gravée dans une des caves :


Abditus hîc ludit vario discrimine ventus,
Et faciles meros exhibet aura jocos.
Nam si bruma riget, quaecumque objeceris hauri.
Evomit œstivo cum calet igne dies.


De Saussure parle encore des caves de Caprino au bord du lac Lugan. Au pied d’une montagne calcaire dont la pente très rapide vient se terminer tout près du lac. Ces caves ne sont point profondes, elles ne sont point creusées dans la terre, leur sol est de niveau avec le terrein, le mur de face et le toit sont entièrement à l’air ; il n’y a que le mur du fond et une partie des murs latéraux qui soient enterrés dans le pied de la montagne. Ce pied est tout couvert de débris anguleux de cette même montagne, et c’est, d’entre ces mêmes débris que sort le vent frais ; mais il ne sort pas de partout. Le principal, quand on construit une cave, est de trouver les soupiraux.

On dit que c’est à des moutons qu’on est redevable de cette découverte. Un berger observa que pendant les grandes chaleurs ses brebis allaient toutes mettre le nez contre terre sur certaines places. Il y porta la main pour chercher la raison de cette préférence, sentit le froid qui en sortait, et imagina d’y construire une cave. En effet le vent frais se fait sentir même en plein air.

Dans un lieu où l’on avait commencé à construire une cave et où il n’y avait encore élevé que le mur de fond avec les soupiraux qu’on y ménage, de Saussure trouva qu’à l’entrée de ces soupiraux le thermomètre marquait 4°, l’instrument posé sur le sol était à 8°, enfoncé à huit pouces de profondeur il marquait 7°. Dans une cave fermée, la température était de 5° ; on était alors au mois d’août, et à ce moment le thermomètre à l’air libre et à l’ombre marquait 18°.

Nous ne suivrons pas de Saussure dans ses autres descriptions. Nous ferons remarquer seulement que les caves dont il vient d’être question se rapprochent beaucoup de celles dans lesquelles se font les fromages de Roquefort.

Gell, dans son Itinéraire de la Grèce, nous dit que dans la vallée de Tempé on trouve près du chemin une fente connue sous le nom du trou du vent (anemo trupe), d’où il sort, pendant les mois d’été, un vent fort et frais.

Dans une notice d’Alexandre Kazim Beg sur le lac Ala-Goul et la caverne Ouybe, écrite sur la demande de M. de Humboldt, et insérée par cet illustre géologue dans ses Mélanges Asiatiques, nous trouvons le passage suivant : « Quelques verstes au-delà des montagnes de Joug-Tau et de Barlyk est une caverne souterraine qui porte le nom d’Ouybe. Quelquefois, et principalement en hiver, elle produit des tempêtes violentes qui durent souvent deux jours. »

« Sur la côte méridionale de la Crimée, près de la haute montagne de Murgundunu-Kajase se trouvent vers le sommet d’énormes ruines de pierres puantes, noirâtres, groupées les unes sur les autres et remplies de crevasses ; il sort d’une de ces fentes, très spacieuse, un air froid qui frappe le visage, il s’en exhale des vapeurs en hiver, et peut-être a-t-elle quelque communication avec la mer. »

« Avant de parvenir au promontoire de Niquita-Barum, très avancé dans la mer, on voit à gauche de la route, et à une grande élévation au-dessus des eaux, des blocs énormes de roche calcaire brisés et déchirés d’une manière effrayante ; entre ces masses se trouve une excavation large, profonde et dangereuse, remplie de fragmens de roc d’où s’échappe un vent froid. »

Dans l’état de la Virginie, en Amérique, nous avons la cave soufflante (the blowing cave), située sur la chaîne du Panther-Gap, entre Cow-River et Calf Pasture River, deux affluens du James. Cette caverne, dit Norse dans sa géographie d’Amérique, est sur le flanc de la colline, et a cent pieds environ à son ouverture. Le vent qui en sort constamment est assez fort pour tenir les herbes courbées jusqu’à vingt pas de distance. Ce courant est le plus fort dans les temps de gelée sèche, et le moindre quand il pleut long-temps de suite. Il y a une caverne de ce genre dans la montagne Cumberland, près de la frontière de Ténessée.

Keating, dans la relation d’un voyage de découvertes dans le nord des État-Unis, parle de même d’un courant d’air qui sort d’un rocher situé près des débris du fort de Necessity.


Roulin.