Décret de Bolivar accordant la Franchise de l’île Marguerite

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DÉCRET
DE BOLIVAR,
ACCORDANT LA FRANCHISE DE L’ÎLE MARGUERITE.

Simon Bolivar, libérateur, président de la république de Colombie, etc., etc.

Considérant que l’île de la Marguerite, par la stérilité de son sol, par les ravages de la guerre, par la diminution considérable de sa population, se trouve réduite à un tel état de misère qu’elle ne peut être, pour ainsi dire, d’aucune ressource ni pour elle-même, ni pour la république ;

Considérant que c’est un devoir pour le gouvernement de chercher à la tirer de la détresse où l’ont jetée les causes préindiquées, et à améliorer sa situation par tous les moyens qui sont en sa puissance ;

Considérant enfin que les remèdes qui se présentent naturellement sont ceux offerts par l’isolement de la Marguerite et par son voisinage du continent, deux circonstances qui permettent de concilier l’avantage particulier de l’île avec les intérêts généraux du pays ;

Le Conseil d’état entendu,

Je decrète :

Art. 1. Toutes les marchandises, produits et objets étrangers, qui ne sont pas prohibés par les lois, ou qui ne sont pas soumis à un monopole dans la Colombie, entreront dans le port de Pampatar de l’île de la Marguerite sans acquitter les droits d’importation établis pour les autres ports de la république.

Art. 2. Les autres ports de l’île de la Marguerite seront entièrement fermés à tout commerce étranger et national.

Art. 3. Les marchandises, produits et objets étrangers mentionnés à l’article 1er paieront, à leur entrée dans le port de Pampatar, 2 p. % de leur valeur, d’après le tarif en vigueur dans les autres ports de la république.

Art. 4. Les navires qui importeront lesdites marchandises, produits ou objets, paieront les droits de tonnage, ancrage, et autres de port, établis par les lois et décrets antérieurs.

Art. 5. Les marchandises, produits et objets mentionnés dans les articles précédens, seront exempts de l’alcabala de première vente.

Art. 6. Le droit de patente établi dans les départemens de l’Est est supprimé dans toute l’île de la Marguerite. Les autres impôts indirects, qui se prélèvent actuellement en vertu des lois et décrets antérieurs, y sont maintenus.

Art. 7. Au lieu du droit de patente supprimé, il est établi, dans l’île de la Marguerite, un alcabala perceptible, comme dans les autres parties de la république, sur toutes les ventes et reventes, échanges, et autres contrats assimilés à la vente.

Art. 8. Toutefois cet alcabala ne sera, en aucun cas, applicable aux ventes faites par les importateurs de marchandises, produits ou objets étrangers, pour la réexportation ou pour la consommation de l’île. Il sera perçu seulement sur les ventes et reventes effectuées dans ladite île par les marchands et débitans au détail.

Art. 9. Les objets de première nécessité pour la vie, les substances alimentaires par exemple, qui s’exporteront du continent de la Colombie à destination de l’île de la Marguerite, seront exempts de toute espèce de droits, et entreront dans le port de Pampatar sans rien payer pour leur importation.

Art. 10. Les fruits ou autres produits du sol et de l’industrie de l’île de la Marguerite seront exempts de tout droit d’exportation ; et s’ils sont introduits dans les ports du continent de la république, ils n’acquitteront également aucuns droits d’importation.

Art. 11. Toutes les marchandises, produits et objets étrangers réexportés de la Marguerite par le port de Pampatar, le seul ouvert à la réexportation, seront exempts de tous droits.

Art. 12. Les marchandises, produits et objets étrangers réexportés de la Marguerite, qui seront importés sur le continent de la Colombie, paieront les droits d’entrée établis, comme s’ils venaient directement des ports étrangers.

Art. 13. Les marchandises, produits et objets étrangers réexportés de la Marguerite, ne seront admis dans les ports du continent, que par bâtimens nationaux. Les contraventions à cette disposition seront passibles des dernières peines établies.

Art. 14. Les autres produits du continent de la Colombie non compris dans l’article 9, qui seront exportés à destination de la Marguerite, paieront, à leur sortie, les droits d’exportation établis, comme s’ils étaient exportés hors de la Colombie, et seront exempts de tous droits à leur réexportation de la Marguerite.

Art. 15. Il sera établi à Pampatar une administration principale des revenus, chargée de recouvrer le droit de 2 p. % établi par l’article 3, ceux de tonnage, d’ancrage, et autres de port, l’alcabala et les autres dont la perception pourra y être facilement réunie. L’administrateur touchera 8 p. % du produit net des recouvremens, sans pouvoir exiger ni salaire pour employés subalternes, ni logement pour son bureau, ni frais d’écritures, ni aucune autre indemnité quelconque, en sus des 8 p. % qui constitueront son traitement et tous ses émolumens.

Art. 16. On établira sur le même pied, dans les autres lieux de l’île où besoin sera, les administrations subalternes des revenus qui seront jugés nécessaires.

Art. 17. À la régie des tabacs de ladite île, seront jointes l’administration de la poste aux lettres et celle du papier timbré ; et la junte supérieure des finances de Vénézuela assignera aux administrateurs un tant p. % suffisant pour leur subsistance et pour tous leurs frais de bureau et d’écritures.

Art 18. Ces administrations continueront à relever, ainsi que le veut la nature des choses et que le permettent les derniers réglemens, des bureaux du département de Maturin et de la direction générale de Vénézuela.

Art. 19. Le préfet général des départemens de l’Est adoptera toutes les mesures nécessaires pour l’exécution du présent décret ; et, après avoir entendu la junte supérieure des finances, il prendra toutes les précautions indispensables pour éviter présentement et à l’avenir les fraudes et abus qui pourraient s’introduire au préjudice du commerce et au détriment du trésor national.

Art. 20. Le présent décret recevra sa pleine exécution sous trente jours, à partir de celui de sa publication dans la capitale de l’île.

Art. 21. Le ministre secrétaire d’état au département des finances est chargé d’en donner communication et d’expédier tous les ordres nécessaires pour qu’il soit ponctuellement observé.

Donné à Guayaquil le 6 août 1829.
Simon BOLIVAR.
Par Son Excellence,
Le Secrétaire Général,
J. D. Espinar.