Décret du 24 décembre 1811 relatif à l’organisation et au service des états-majors des places

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Décret du 24 décembre 1811 relatif à l’organisation et au service des états-majors des places
Traduction par Armand Dalloz.
Bureau de la jurisprudence générale (35p. 944).

Titre III : Des fonctions et obligations.

Chapitre Ier : Dispositions générales.

Article 50 Les places de guerre, relativement à leur service et à leur police, continueront d'être considérées sous trois rapports, savoir : dans l’état de paix, dans l’état de guerre et dans l'état de siège, conformément aux articles 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12, titre Ier, de la loi du 8=10 juillet 1791, et sauf les modifications établies ci-après.

Article 51 L’état de paix a lieu toutes les fois que la place n'est point constituée en état de guerre ou de siège par un décret de l'Empereur, ou par l'effet des circonstances prévues dans les articles suivants. Les fonctions et obligations des commandants d'armes et de leurs états-majors sont alors soumises aux règles établies ci-après, chapitre II.

Article 52 L’état de guerre est déterminé par l'une des circonstances suivantes : 1° En temps de guerre, lorsque la place est en première ligne sur la côte, ou à moins de cinq journées de marche des places, camps et positions occupés par l'ennemi ; 2° En tout temps : − Par des travaux qui ouvrent la place, lorsqu'elle est située sur les rotes ou en première ligne ; − Par des rassemblements formés dans le rayon de cinq journées de marche, sans l'autorisation des magistrats ; − Par un décret de l'Empereur, lorsque les circonstances obligent de donner plus de force et d'action à la police militaire, sans qu'il soit nécessaire de mettre la place en état de siège. Dans ces différents cas, les fonctions et obligations des commandants d'armes sont soumises aux règles établies ci-après, chapitre III.

Article 53 L’état de siège est déterminé par un décret de l'Empereur, ou par l'investissement, ou par une attaque de vive force, ou par une surprise, ou par une sédition intérieure, ou enfin par des rassemblements formés dans le rayon d'investissement, sans l'autorisation des magistrats. Dans le cas d'une attaque régulière, l'état de siège ne cesse qu'après que les travaux de l'ennemi ont été détruits, et les brèches mises en état de défense. Dans ces différents cas, les fonctions et obligations des commandants d'armes sont soumises aux règles établies ci-après, chapitre IV.


[…]


point assiégée, en conserventl’administration intérieure ; ils en exercent immédiatement la police dans l’enceinte du casernement, sous la surveillance du commandant d’armes et conformément aux ordonnances ; hors des casernes, ils sont, ainsi que leur troupe, soumis aux ordres et à l’autorité immédiatedu commandant d’armes, dans tout ce qui tient à la conservation, au service et à la police de la place. —

En cas de plainte, si

le commandant de la troupe est d’un grade supérieur, le commandant d’armes en fait son rapport, et le général commandant la division ou le département inflige, s’il y a lieu, les peines de discipline, ou ordonne les poursuites relatives au délit.

Il n’est rien changé, d’ailleurs, à l’ordonnance du 1er mars 1768, à la loi du 8-10 juill. 1791, et aux autres lois et règlements concernant le service des troupes dans les places et quartiers, et la police des casernes, cantonnements et logements chez l’habitant. 35. Les directeurs d’artillerie et du génie, l’inspecteur ou sous-inspecteur aux revues et le commissaire-ordonnateur, lorsqu’ils résident dans une place de guerre, sans être attachés au service unique et spécial de la place, n’y sont soumis qu’aux consignes générales. Le commandant ne Géut ni les empêcher de vaquerau service des autres places, ni, en cas de plainte, leur infliger aucune peine de discipline ; dans le dernier cas, il se borne à rendre compte au général commandant le département, qui en réfère au général divisionnaire, lequel en écrit, s’il y a lieu, à notre ministre de la guerre. —

Les mêmes dispositions s’appliquent aux officiers d’un grade supérieur, chefs de service et autres fonctionnaires militaires qui passent, séjournent ou résident dans les places sans y être attachés. 36. Lès commandants d’artillerie et du génie attachés à la place, tant qu’elle n’est point assiégée, y conservent la surveillance et direction d’artillerie et des fortifications,et l’administration des travaux qui s’y exécutent d’après le budget ou d’après les ordres de notre ministre de la guerre. -

Mais ils doivent au commandant d’armes : — 1° De lui remettre la situation de leur personnel et de leur matériel aux époquesdéterminées par les règlements, et plus souvent, si le service l’exige ; — 2° De l’accompagnerdans les visites des ouvrages, établissements ou magasins, et de lui mettre sous les yeux tous les documents propres à i’éclairer ; —

3° De |e prévenir toutes les. fois qu’ils doivent commencerde nouveaux Ouvrages, et de ne les entreprendre, lorsqu’ils ouvrent la place, qu’après qu’il a fait toutes les dispositionsqu’exige la police ou la sûreté ; — 4° De le prévenir semblablement et de lui désigner l’officier qui les supplée, lorsqu’ils sont forcés de s’absenter pour vaquer à un service extérieur, tel. que ta visite des forts, batteries de côtes et autres ouvrages éloignés qui dépendent de la place. — En cas de plainte, si le commandant de l’artillerie ou du génie est d’un grade supérieur, ou si le sujet de la plainte est relatif aux travaux, le commandant d’armes en réfère au

général com-

mandant le département, et ce dernier au général de division, lequel, après avoir pris l’avis du directeur d’artillerie ou des fortifications,requiert d’eux, s’il y a lieu, la punition, ou rend compte du tout à notre ministre de la guerre.

37. Le commissaire des guerres attaché à la place conserve, suivant les mêmes règles, et sous l’autorité de l’ordonnateur, la direction des services qui lui sont confiés.

En cas de plainte, le commandant d’ar-

mes en rend compte au général commandant le département, et ce derter au général divisionnaire, lequel, s’il y a lieu, requiert l’ordonnateur de le punir,

ou en réfère à notre ministre directeur de l’administration de la guerre.

38. En cas de siége, l’autorité du gouverneur, du commandant supérieur ou du commandant d’armes est absolue, et s’étend même sur l’administration intérieure des corps, sur les travaux et les divers services ; en conséquence, les commandants des troupes, d’artillerieet du génie, et le commissaire des guerres, sont tenus de prendreles mesures d’administration intérieure, d’exécuter les travaux ,

et de faire toutes les disposi-

tions de service que le commandantjuge a propos de leur prescrire, dans l’intérêt de la défense.

§4.

Rapports avec les commandants des citadelles, forts et châteaux. 39. Les commandanls d’armes des places de guerre exercent les fonctions de commandant supérieur à l’égard des commandants d’armes des citadelles, forts, châteaux et autres fortificationsqui dépendent de la place. Les commandants titulaires desdites citadelles et autres postes de même nature y conservent le commandementimmédiat, suivant les règles établies par l’art. 26 du présent décret, et par le tit. 34 de l’ordonnancedu 1er mars 1768 sur le service des places. CHAP. 3 .

Du commandementprovisoire ou temporaire des places. 40. En cas d’absence ou de départ du commandant d’armes, sans qu’il Îait de successeur désigné par tes lettres de service, les majors de place et les adjudants commandent avant tous les officiers du même grade. 41. Lorsqu’il se trouve dans la place des officiers d’un grade supérieur au major ou aux adjudants, le commandement est réglé par le grade et l’ancienneté du grade, sauf les exceptionssuivantes. 42. Conformémentaux anciennes ordonnances (Henri III, Etats de Blois, art. 276 ;—Louis XIII, janvier 1629), nul ne peut commander dans une place française, s’il n’est Français. —

Dans les garnisons composées

de troupes françaises et auxiliaires, les officiers français concourent seuls et entre eux pour le commandement.

45. Dans les garnisons composéesd’infanterie et de troupes à cheval, à grade égal, l’officier d’infanterie commande. 44. Dans tous les cas, le secrétaire-archiviste conserve ses fonctions, et ne concourt jamais pour le commandement. CHAP. 4 .

Du commandement et et la subordination du officiers et employés de l’état-majordes places.

45. Lesadjudantsde placecommandant des citadelles,forts et châteaux, y exercent, dans les limites de leur grade, conformémentaux règles des chapitres précédents, les mêmes fonctionsque les commandants d’armes. 46. Les majors de places commandent aux autres adjudants. 47. Les adjudants donnent les ordres et consignesau nom du commandant ; ils peuvent, en cas d’urgence, donner d’eux-mêmes, et sauf à rendre comptesur-le-champ, des ordres et consignes provisoires, et les chefs des postes ou des corps sont tenus de s’y conformer. 48. Les secrétaires-archivistes,pour tout ce qui tient au service de l

a

place, sont sous les ordres immédiats du commandantd’armes, et du major, d’aprèsles ordres ou en l’absence du commandant. — Pour la conservation et la comptabilité des papiers de la place, ils sont sous la surveillance immédiate de notre ministre de la guerre,qui déterminera, dans un

règlement spécial, le mode de surveillance et de comptabilitédes archives de l’état-major,des places et leurs rapports avec les archives générales de la guerre et des fortifications.

49. Les portiers-consignes sont sous les ordres des majors et adjudants, pour le service et la police des portes, et sous la surveillance des secrétaires-archivistes, pour tout ce qui concerneles rapports écrits, et la tenue des registres de consigne. —Les chefs de postes sont tenus de déférer aux appels et réquisitionsdes portiers-consignes,danstout ce qui tient à l’exécution des ordres et consignes pour la police des portes et passages.

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Article 101 Dans les places en état de siège, l'autorité dont les magistrats étaient revêtus pour le maintien de l'ordre et de la police passe, tout entière au commandant d'armes, qui l'exerce, ou leur en délègue telle partie qu'il juge convenable.

Article 102 Le gouverneur ou commandant exerce cette autorité ou la fait exercer en son nom et sous sa surveillance, dans les limites que le décret détermine ; et, si la place est bloquée, dans le rayon de l'investissement.

Article 103 Pour tous les délits dont le gouverneur ou le commandant n'a pas jugé à propos de laisser la connaissance aux tribunaux ordinaires, les fonctions d'officier de police judiciaire sont remplies par un prévôt militaire, choisi, autant que possible, parmi les officiers de gendarmerie ; et les tribunaux ordinaires sont remplacés par les tribunaux militaires.

Article 104 Dans l'état de siège, le gouverneur ou commandant détermine le service des troupes, de la garde nationale, et celui de toutes les autorités civiles et militaires, sans autre règle que ses instructions secrètes, les mouvements de l'ennemi et les travaux de l'assiégeant.

Article 105 Le gouverneur ou commandant consulte les commandants des troupes, de l'artillerie et du génie ; l'inspecteur aux revues et le commissaire des guerres, seuls ou réunis en conseil de défense. Dans ce dernier cas, le secrétaire-archiviste tient la plume, et constate, dans le registre des délibérations du conseil, l'avis commun ou- les opinions respectives de ses membres, qui peuvent y consigner, sous leur signature, tous les développements qu'ils jugent à propos d'ajouter au procès-verbal. Mais le gouverneur ou commandant décide seul, et contre les avis du conseil ou de ses membres, lesquels restent secrets. Faisons au conseil et à ses membres défense expresse de laisser transpirer aucun objet de délibération ou leur opinion personnelle sur la situation de la place.

Article 106 Indépendamment du registre des délibérations du conseil de défense, il sera tenu particulièrement par le gouverneur ou commandant de la place, par les commandants de l'artillerie et du génie, et par les chefs des divers services, un journal sur lequel seront transcrits; par ordre de dates, et sans aucun blanc ni interligne, les ordres donnés et reçus, la manière dont ils ont été exécutés, leur résultat, et toutes les circonstances, toutes les observations qui peuvent éclairer sur la marche de la défense. Notre ministre de la guerre déterminera, dans une instruction spéciale, la manière dont ces journaux doivent être tenus, et les formalités nécessaires afin qu'ils aient, ainsi que le registre du conseil de défense, la régularité et l'authenticité nécessaires pour servir à l'enquête prescrite ci-après, article 114.

Article 107 Outre ces registres et journaux, il y aura dans le cabinet du gouverneur ou commandant, une carte directrice des environs de la place, un plan directeur de la place, et un plan spécial des fronts d'attaque, sur lesquels le commandant du génie tracera lui-même ou fera tracer en sa présence et successivement : 1° Les positions occupées et les travaux exécutés par l'ennemi, à commencer de l'investissement ; 2° Les travaux de contre-approche ou de défense, et les dispositifs successifs de l'artillerie et des troupes, à mesure des progrès de l'ennemi.

Article 108 Le gouverneur ou commandant défendra successivement ses ouvrages et ses postes extérieurs, sa contrescarpe, ses dehors, son enceinte et ses derniers retranchements. Il ne se contentera pas de déblayer le pied de ses brèches, et de les mettre en état de défense par des abattis, des fougasses, des feux allumés, et par tous les moyens usités dans les sièges; mais, en outre, il commencera de bonne heure, en arrière des bastions ou des fronts d'attaque, les retranchements nécessaires pour soutenir au corps de place un ou plusieurs assauts. Il y emploiera les habitants. Il y fera servir les édifices, les maisons, et les matériaux de celles que les bombes auront ruinées.

Article 109 Mais, dans ces défenses successives, le gouverneur ménagera sa garnison, les munitions de guerre et ses subsistances, de manière : 1° Qu'il ait, pour les assauts et la reprise de ses dehors, et spécialement pour l'assaut au corps de place, une réserve de troupes fraîches et choisies parmi les vieux corps et les vieux soldats de sa garnison ; 2° Qu'il lui reste les munitions et les subsistances nécessaires pour soutenir vigoureusement les dernières attaques.

Article 110 Tout gouverneur ou commandant à qui nous avons confié l'une de nos places de guerre doit se ressouvenir qu'il tient dans ses mains un des boulevards de notre empire, ou l'un des points d'appui de nos armées, et que sa reddition avancée ou retardée d'un seul jour peut être de la plus grande conséquence pour la défense de l'État et le salut de l'armée. En conséquence, il sera sourd à tous les bruits répandus par l'ennemi, ou aux nouvelles directes et indirectes qu'il lui ferait parvenir, lors même qu'il voudrait lui persuader que les armées sont battues et la France envahie ; il résistera à ses insinuations comme à ses attaques : il ne laissera point ébranler son courage ni celui de la garnison.

Article 111 Il se rappellera que les lois militaires condamnent à la peine capitale tout gouverneur ou commandant qui livre sa place sans avoir forcé l'assiégeant de passer par les travaux lents et successifs des sièges, et avant d'avoir repoussé au moins un assaut au corps de place sur des brèches praticables.

Article 112 Lorsque notre gouverneur ou commandant jugera que le dernier terme de sa défense est arrivé, il consultera le conseil de défense sur les moyens qui restent de prolonger le siège. Le présent paragraphe y sera lu d'abord à haute et intelligible voix. L'avis du conseil ou les opinions de ses membres seront consignés sur le registre des délibérations ; Mais le gouverneur ou commandant seul prononcera, et suivra le conseil le plus ferme et le plus courageux, s'il n'est absolument impraticable. Dans tous les cas, il décidera seul de l'époque, du mode et des termes de la capitulation. Jusque-là, sa règle constante doit être de n'avoir avec l'ennemi que le moins de communication possible, et de n'en tolérer aucune. Dans aucun cas, il ne sortira lui-même pour parlementer, et n'en chargera que des officiers dont la constance, la fermeté, le courage d'esprit et le dévouement lui seront personnellement connus.

Article 113 Dans la capitulation, le gouverneur ou commandant ne se séparera jamais de ses officiers ni de ses troupes ; il partagera le sort de sa garnison après comme pendant le siège ; il ne s'occupera que d'améliorer le sort du soldat et des malades et blessés, pour lesquels il stipulera toutes les clauses d'exception et de faveur qu'il lui sera possible d'obtenir.

Article 114 Tout gouverneur ou commandant qui aura perdu une place que nous lui aurons confiée sera tenu de justifier de la validité de ses motifs devant un conseil d'enquête.

Article 115 Si le conseil d'enquête trouve qu'il y a lieu à accusation, le prévenu sera traduit devant le tribunal compétent pour y être jugé conformément aux lois.

Article 116 Si le conseil d'enquête déclare que le gouverneur ou commandant est sans reproche, et qu'il a prolongé sa défense par tous les moyens en son pouvoir jusqu'à la dernière extrémité, il sera acquitté honorablement, et le jugement du conseil publié sur-le-champ et mis à l'ordre de l'armée et des places.

Article 117 Tout gouverneur et commandant qui, d'après la déclaration des conseils d'enquête, et d'après les comptes particuliers qui nous en seront parvenus, aura défendu sa place en homme d'honneur, en bon Français et en sujet fidèle, nous sera présenté par notre ministre de la guerre, dans un jour de grande parade avec les chefs de corps et de service, et les militaires qui se seront le plus signalés dans la défense; nous réservant de leur donner nous-mêmes, et en présence des troupes, les témoignages publics et les marques de notre satisfaction. À cet effet, notre ministre de la guerre bâtera l'échange de ceux qui seraient prisonniers, et qui seront, à leur retour, rappelés de leur solde d'activité sans aucune retenue.

Article 118 Tout gouverneur tué sur la brèche, ou mort de ses blessures après une défense honorable, sera inhumé avec les mêmes honneurs que les grands-officiers de la Légion d'Honneur ; son traitement de retraite sera réversible sur sa famille, et ses enfants obtiendront les premières places vacantes dans les institutions publiques. Nous nous réservons de pensionner et de placer dans les mêmes institutions les enfants des militaires tués ou morts de leurs blessures dans la défense des places.

Article 119 Les batteries, dehors et ouvrages extérieurs des fronts d'attaque de nu places de terre recevront, à l'avenir, les amis des généraux, commandants et autres militaires qui se seront illustrés dans la défense des places.

Article 120 Dans les places de guerre qui sont en même temps ports de notre marine impériale, il n'est rien changé aux lois et usages qui règlent le service des états-majors des places, dans sus rapports avec le service de la marine. Notre ministre de la guerre nous proposera, de concert avec notre ministre de la marine, les changements qu'il serait nécessaire de faire à cette partie de la législation, pour la mettre en harmonie avec les dispositions du présent décret.