De l'organisation de la démocratie

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PROPAGANDE PATRIOTIQUE


DE L’ORGANISATION
DE
LA DEMOCRATIE




Alfred Desmasures






CHAUNY
IMPRIMERIE BUGNICOURT, RUE DU PONT-ROYAL, 70

1873

Encore quelques mois et la France délivrée de l’invasion procédera à des élections nouvelles. Ce sera pour elle un acte suprême duquel dépendra sa régénération ou sa décadence.

Quelques mois ne sont pas un temps trop long pour préparer un acte aussi important ; c’est pourquoi nous publions dès maintenant ces réflexions au sujet de la grande manifestation nationale qui va avoir lieu.

Alfred Desmasures.


P. S. — Malgré les déclamations et les tentatives réactionnaires, nous ne pouvons faire à nos représentants l’injure de croire qu’ils soient disposés à violer leur mandat.

Ils ont reçu de la nation, seule souveraine, le mandat de l’administrateur ; ils doivent rendre loyalement et intact à la nation le mandat qui leur a été confié. Ils prononceraient leur dissolution légale le jour où ils feraient servir l’autorité que le peuple leur a déléguée pour usurper en tout ou en partie la souveraineté de la nation.

L’Assemblée ou le gouvernement qui agirait ainsi, ne serait plus qu’un pouvoir ayant pour base la force et non le droit et ne pouvant avoir que la durée éphémère de l’usurpation. Bientôt la nation reprenant sa souveraineté aurait toujours à faire connaître sa volonté.


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DE L’ORGANISATION
DE LA DÉMOCRATIE


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AUX ÉLECTEURS
DU DÉPARTEMENT DE L’AISNE




Mes chers compatriotes,

Il y a trois quarts de siècle, la nation se trouvant encore presque ruinée par la faute de la monarchie, était appelée à faire connaître ses doléances au souverain.

Le souverain, ce n’était pas le Peuple, mais un Bourbon. Le Peuple ne comptait sous lui qu’après la noblesse et le clergé. Le Peuple ne possédait aucun droit, mais supportait toutes les charges. Par cela des membres de nos familles sont bien souvent morts de faim.

Alors, le Peuple comme on l’appelait alors le Tiers-État, se réunit en assemblées communales, qui rédigèrent leurs cahiers de vœux. Ces cahiers furent résumés par les assemblées d’élections formées des délégués des assemblées communales et par les assemblées de province composées des délégués des assemblées des élections.

Le Tiers-État du Vermandois demanda :

1o Que le Tiers-État formant la nation ait une représentation proportionnée à son importance ;

2o Que les élections fussent indépendantes du pouvoir exécutif ;

3o L’impôt voté par les représentants de la nation ;

4o La liberté individuelle, la liberté de la presse et la liberté de conscience ;

5o L’abolition des privilèges du clergé et de la noblesse[1]. La loi égale pour tous.

Les députés nommés aidèrent l’assemblée nationale à réaliser ces vœux.

Le mode employé en 89 par la nation, pour faire exécuter sa volonté, est celui qui a le mieux réussi parce qu’il est le seul rationnel.

Électeurs du département de l’Aisne, espérant que vous continuerez une pratique qui a permis à nos devanciers de faire de la France, pendant un demi siècle, la première nation de l’Europe, je vous dédie ce petit travail dans lequel est proposée, pour les élections futures, une organisation électorale semblable à celle de 1789.


II

FORMATION DES COMITÉS

Rédaction des Résolutions.

Aussitôt la période électorale ouverte, ce qui reste des anciennes organisations démocratiques : anciens comités électoraux[2], journaux démocratiques, démocrates influents, devront provoquer des réunions d’électeurs démocrates dans les communes où elles n’auront pas lieu spontanément.

Ces réunions se constitueront en comités électoraux locaux.

Les réunions formant ces comités auront à rédiger leurs résolutions sur les intérêts politiques. Ainsi ils auront à décider :

Si le droit pour tout Français d’être électeur n’est pas imprescriptible et inviolable ;

Si le devoir de défendre la nation ne doit pas être imposé également à chaque citoyen ;

Si le pouvoir dirigeant doit être confié à une ou à plusieurs assemblées ;

Le Peuple doit-il décider en dernier ressort de certaines questions telles que les déclarations de guerre, d’alliance, etc. ?

Quelles doivent être les divisions administratives de la France ? Les sous-préfectures doivent-elles être supprimées ? N’y a-t-il aucun changement à apporter à l’organisation départementale ?

Comment créer les assemblées cantonales ? Quelle devrait être l’organisation de la commune ? Comment lui rendre son indépendance ?

Le pouvoir judiciaire ne devrait-il pas être indépendant du pouvoir exécutif ? Les juges ne pourraient-ils pas être nommés par les assemblées administratives ? Le jury ne devrait-il pas plus souvent décider ? Indiquer sa composition.

Comment doivent être prélevés les impôts ? Est-il nécessaire d’en établir sur le revenu. Doit-on modifier ceux qui ont été établis sur les objets de première nécessité, tels que le vin, le café, la chicorée, etc., et sur les matières premières ?

L’Église ne doit-elle pas être séparée de l’État ?

L’instruction doit-elle être laïque, gratuite et obligatoire ? Enfin il pourrait être exprimé une résolution sur n’importe quelle question politique.

Les réunions électorales locales éliraient des délégués au comité cantonal à raison d’un délégué par 500 habitants et au moins un par commune.

Un procès-verbal de la rédaction des résolutions serait rédigé.

Il pourrait l’être en ces termes :

L’an… le… les électeurs de…, ont pris les résolutions politiques suivantes. .............................

Ils ont nommé comme délégué cantonal : …Signatures des membres du bureau ou de tous les électeurs de la réunion locale.

Le comité cantonal résume les résolutions prises par les comités locaux et nomme au comité un délégué par 4000 habitants. Chaque fraction excédant 2000 habitants aurait droit à un délégué en plus.

Le comité départemental se réunit dans une des villes du département. Il forme le cahier des résolutions nationales ; par le résumé des résolutions cantonales, il entend les candidats et forme la liste de candidats républicains.

III

Les sauveurs ne sauvent plus les peuples. On a pu s’en convaincre.

Aide-toi, Dieu t’aidera. La nation qui laisse la charge de s’aider à un homme est perdue. Elle ne peut être forte que par les efforts de ses membres. Nous avons cherché à indiquer comment ces efforts peuvent être faits.


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  1. Par la dîme et le terrage, les paysans, nos pères, étaient forcés de donner à ces deux classes près du quart brut de la récolte faite sur la terre arrosée de leurs sueurs. Quelquefois, quand le printemps arrivait et que toutes les semailles étaient faites, ils n’avaient plus que de l’herbe pour toute nourriture.
  2. Depuis le 4 septembre, il a été formé à Saint-Quentin un Comité démocratique composé de délégués de différentes parties du département de l’Aisne. Ce Comité a toujours soutenu énergiquement les candidats les plus favorables aux intérêts du peuple. Il a presque toujours réussi à faire choisir des républicains dévoués et des administrateurs actifs qui ont montré qu’il ne suffit pas de se dire continuellement homme d’ordre pour l’être, mais que le véritable homme d’ordre est celui qui l’établit par des actes justes et utiles.