De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/15

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Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 159-162).


CHAPITRE XV.
Comment on doit regler ses desirs.
Le Maistre.

MOn fils, ne dites jamais autre chose sinon : que cela se fasse, Seigneur, si telle est votre volonté !

Que cela se fasse, ô mon Dieu s’il peut contribuer à l’honneur de vôtre Nom !

Que cela se fasse, si vous jugez qu’il me soit utile ; & si vous le jugez ainsi, disposez de tout à vôtre plus grande gloire !

Mais si vous voyez que je n’en puisse tirer aucun fruit, & qu’au contraire ce soit un obstacle à mon salut, ôtez-m’en toute l’envie.

Car tout desir ne vient pas du Saint-Esprit, quoi qu’on s’imagine qu’il n’y a rien de plus juste.

Dans toutes les choses que vous souhaitez avec ardeur, vous ne sçauriez dire certainement, si ce qui vous les fait desirer est le bon Esprit, ou le mauvais, ou si vous vous y portez de vous-même, & par votre propre esprit.

Plusieurs qui sembloient d’abord être conduits par l’Esprit de Dieu, ont été trompez à la fin.

Il ne faut donc rien desirer ni rien demander qu’avec une grande retenuë, avec une vraye humilité, & sur tout avec une entiere soûmission. Quelque souhaitable que la chose vous paroisse, vous devez tout abandonner à ma Providence : & me dire : Vous sçavez, Seigneur, ce qui est le plus à propos ; que ceci, ou cela, se fasse de la maniere que vous le voulez !

Donnez-moi ce qu’il vous plaira, donnez-le moi quand il vous plaira, & mesurez-le moi comme il vous plaira.

Conduisez-moi de la maniere que vous sçavez être la meilleure, pour vôtre plus grande gloire.

Mettez-vous où vous voudrez ; & disposez librement de moi en toutes choses.

Tournez-moi en toutes manieres : car tout ce que j’ai, est entre Vos mains.

Voici vôtre serviteur, qui est prêt à tout, qui ne veut plus vivre pour lui-même, mais pour vous. Enseignez-lui seulement à vivre avec toute la perfection que vous souhaitez.

O mon doux Jesus, communiquez-moi vôtre grace, afin qu’elle soit & qu’elle agisse pour moi[1], & qu’elle ne m’abandonne point, tant que je vivrai.

Ne permetrez pas que je desire jamais autre chose que ce qui vous est le plus agréable.

Faites que je veüille ce que vous voulez ; que j’aime ce que vous aimez ; que ma volonté soit conforme en tout à la vôtre, & que je ne puisse vouloir, ou ne pas vouloir que ce que vous voulez, ou ne voulez pas.

Faites que je meure à toutes les choses de ce monde ; que je n’aye point de plus grand plaisir que de me voir inconnu & méprisé à cause de vous ; & qu’enfin je ne desire rien tant que de m’unir avec vous, & de jouir de vous.

Vous êtes la vraye paix du cœur : c’est vous qui en faites toute la joye. Hors de vous il n’y a que peine & inquiétude. C’est dans cette paix solide & durable, c’est dans vous, ô mon souverain bien, que je me reposerai[2] éternellement. Ainsi soit-il.

  1. Sap. 9. 10.
  2. Psal. 4. 9.