De la baguette divinatoire/Partie 2/Chapitre 2

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CHAPITRE II.

DU PENDULE EXPLORATEUR DE 1798 À 1808.

162.Il paraît que les personnes qui remarquèrent les premières, dans le xviiie siècle, le mouvement d’oscillation du pendule explorateur, furent un capitaine d’infanterie attaché à l’état-major de Paris, nommé Ulliac ; un employé de l’administration supérieure, nommé Desgranges ; enfin, M. Ant.-Cl Gerboin qui, en 1808, publia à Strasbourg ses Recherches expérimentales sur un nouveau mode de l’action électrique[1]. Il était alors professeur à l’École spéciale de médecine de Strasbourg. Voici comment il raconte l’origine de ses expériences ; elle remonte à l’année 1798. « Dans une des soirées de l’hiver, M. Ulliac, qui était possesseur d’un petit appareil consistant dans une sphère en bois creuse, suspendue à un fil et renfermant quelques graines, le mit entre les mains d’un jeune enfant, dans l’espérance qu’il lui servirait d’amusement. Ayant entouré l’un des doigts de cet enfant, du fil qui soutenait la sphère, il lui ordonna de tenir le bras assez tendu pour que le pendule acquît une situation fixe. L’enfant obéit ; mais on crut apercevoir que la sphère, après quelques oscillations irrégulières, avait pris un mouvement, au moyen duquel elle décrivait un cercle bien formé et dont le diamètre allait en s’agrandissant. J’arrivais alors dans la maison où MM. Ulliac et Desgranges étaient réunis. Nous observâmes ensemble ce singulier phénomène, et je fus, dès ce moment, convaincu qu’il supposait l’existence d’une cause active et puissante ; mais je me gardai bien de former, sur la nature de cet être, des conjectures qui, sans doute, eussent été aussi inexactes qu’elles étaient prématurées. »

Après cette observation, M. et Mme Ulliac, M. Desgranges, et M. Gerboin, se reconnurent la faculté de faire mouvoir le pendule comme le jeune enfant.

163..Vers la même époque, Fortis observa le même Phénomène, et le décrivit. Il faisait usage d’un pendule formé d’un cube de pyrite de fer, suspendu à un fil d’un quart ou d’une moitié d’aune de longueur, dont il tenait l’extrémité libre serrée entre deux doigts.

164.Ce fut après la mort de Fortis, arrivée en 1803, que Ritter répéta son expérience, et en fit beaucoup d’autres analogues, dont un compte fut rendu, sous le titre de Recherches physiques intéressantes, dans un journal de Tubingue[2], la Feuille du Matin, n° 26, 30 de janvier 1807.

L’article parle d’abord du voyage que fit Ritter en 1806, pendant lequel il connut Campetti le sourcier (145). Il raconte que Ritter se rendit avec Campetti à Milan, où se trouvait Charles Amoretti qui, lui aussi, était doué de la faculté hydroscopique. Il alla ensuite à Pavie s’entretenir avec Volta. Enfin, de retour à Munich avec Campetti, il se livra à diverses expériences devant Ritter, Schelling et François Baader. À la suite de ces expériences, Ritter répéta avec succès l’expérience du pendule de Fortis, et y en ajouta un grand nombre que la Feuille du Matin de Tubingue fait connaître en ces termes :

« On prend un cube de pyrite ou de soufre natif ou un métal quelconque. La grandeur et la forme de ce corps sont indifférentes (on peut, par exemple, employer un anneau d’or). On attache ce corps à un morceau de fil d’un quart ou d’une demi-aune de longueur ; on tient celui-ci serré entre deux doigts, et suspendu perpendiculairement, en empêchant tout mouvement mécanique ; le mieux est de mouiller un peu le fil.

Dans cet état, on place le pendule au-dessus ou assez près d’un vase rempli d’eau, ou au-dessus d’un métal quelconque ; on choisit, par exemple, une pièce de monnaie, une plaque de zinc ou de cuivre ; le pendule prend insensiblement des oscillations elliptiques qui se forment en cercle, et deviennent de plus en plus régulières.

Sur le pôle nord de l’aimant, le mouvement se fait de gauche à droite ; sur le pôle sud, il se fait de droite à gauche.

Sur le cuivre ou l’argent, comme sur le pôle sud.

Sur le zinc et sur l’eau, comme sur le pôle nord.

Il faut avoir soin de procéder toujours de la même manière, c’est-à-dire d’approcher toujours le pendule de l’objet, soit de haut en bas, soit de côté ; car, en changeant de manière, on change aussi le résultat ; le mouvement qui s’était fait de gauche à droite se fait de droite à gauche, et vice versa,

Il n’est pas indifférent non plus que l’opération se fasse de la main droite ou de la main gauche ; car, chez quelques individus, il y a une telle différence entre le côté droit et le côté gauche, qu’elle forme la diversité la plus prononcée du pôle.

Toute supposition d’erreur dans ces épreuves est facile à détruire, par cela seul que le pendule s’ébranle sans aucun mouvement mécanique ; la régularité des mouvements finira par vous en convaincre entièrement. Vous pouvez varier les expériences à l’infini ; vous pouvez même donner au pendule une impulsion mécanique opposée à son mouvement ; il ne manquera pas de reprendre sa première direction, lorsque la force mécanique ; aura cessé d’agir.

Si l’on tient le pendule sur une orange, une pomme, etc., du côté de la queue, le mouvement se fait comme sur le pôle sud de l’aimant ; si l’on tourne le fruit du côté opposé, le mouvement change aussi ; la même différence de polarité se montre aux deux bouts d’un œuf frais.

Elle se montre d’une manière encore plus frappante dans les différentes parties du corps humain.

Sur la tête, le pendule suit le même mouvement ; que sur le zinc ;

Sur la plante des pieds, le même que sur le cuivre ;

Sur le front et sur les yeux, pôle nord ; Sur le nez, pôle sud ;

Sur la bouche, pôle sud ;

Sur le menton, comme sur le front.

On peut faire des expériences analogues sur toutes les parties du corps. Les surfaces intérieure et extérieure de la main agissent en sens inverse. Le pendule se met en mouvement sur chaque pointe du doigt, et même sur le quatrième ou l’annulaire, mais dans une direction opposée à celle des autres doigts. Ce doigt a aussi la faculté d’arrêter le mouvement du pendule ou de lui donner une autre direction, si on le pose seul sur le bord de la table sur laquelle on fait les expériences.

L’abbé Amoretti avait déjà fait des épreuves du même genre sur le petit doigt ou doigt auriculaire.

L’opinion de M. Ritter est que la baguette divinatoire n’est autre chose qu’un double pendule qui, pour être mis en mouvement, n’a besoin que d’une force supérieure à celle qui produit les effets qui viennent d’être décrits. »


  1. Strasbourg, chez J.-G. Levrault. Se trouve à Paris, chez Gabon et Ce, place de l’École-de-Médecine, etc.
  2. Morgenblatt für gebildete Stünde, im verlag der J.-G. Cotta’schen. Buchhandlung, etc.