De la lecture des auteurs profanes/Argument analytique

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Traduction par Édouard Sommer.
Librairie Hachette et Cie (p. 3-5).

ARGUMENT ANALYTIQUE

DE L’HOMÉLIE DE SAINT BASILE AUX JEUNES GENS


SUR L’UTILITÉ QU’ILS PEUVENT RETIRER


DE LA LECTURE DES AUTEURS PROFANES.




On ignore absolument à quelle époque et en quelle circonstance saint Basile prononça ce discours, dont le but est de guider les jeunes gens dans l’étude des lettres profanes, et de leur en montrer à la fois l’utilité incontestable et les dangers. Un des traducteurs de ce discours, Frémion, suppose, d’après une phrase de l’exorde, que saint Basile s’adressait seulement à ses neveux. Saint Basile dit, en effet : « Par les liens de la nature, je tiens la première place après vos parents, et l’affection que je vous témoigne ne le cède guère à la leur ; vous-mêmes, si je ne m’abuse sur vos sentiments, vous ne regrettez pas, quand vous portez vos regards sur moi, l’absence de ceux à qui vous devez le jour. » Mais il entend sans doute faire allusion simplement à cette parenté spirituelle qui lui donnait le droit de parler ainsi ; et nous admettrons avec la plupart des interprètes que cette homélie s’adresse, non pas seulement à deux ou trois neveux, mais à une réunion de jeunes gens que l’éloquent évêque dirigeait dans les voies du christianisme. Quoi qu’il en soit, les excellents conseils de saint Basile sont d’une application générale : formé d’abord lui-même par la lecture des auteurs païens, saint Basile ne pouvait méconnaître la double utilité que présentent leurs ouvrages, tant pour la perfection de la forme que pour les sages préceptes de morale qu’ils renferment. Toutefois, c’est sur ce dernier point seulement qu’il insiste dans cette homélie : il s’efforce de démontrer à ses jeunes auditeurs que, si la lecture des poëtes, des philosophes et des historiens de l’antiquité n’est pas toujours sans danger, on peut cependant, en laissant prudemment de côté tout ce qui est contraire à la foi ou à la pureté, extraire de leurs ouvrages des enseignements élevés, des leçons de vertu et de sagesse qui se trouvent en parfait accord avec la doctrine chrétienne.

On peut rapprocher avec fruit de l’homélie de saint Basile le traité de Plutarque Sur la lecture des poëtes. Le but du philosophe païen est le même que celui de l’orateur chrétien : il veut aussi montrer aux jeunes gens dans quel esprit il faut lire les œuvres des poëtes, combien il faut se tenir en garde contre leurs séductions, mais avec quelle ardeur on doit écouter leurs exhortations à la vertu.


I. La longue expérience de saint Basile, et sa paternelle affection pour les jeunes gens auxquels il s’adresse, l’engagent à leur donner quelques conseils sur les avantages qu’ils peuvent retirer de la lecture des auteurs profanes.

II. L’étude des lettres profanes est une utile préparation à celle des saintes Écritures.

III. La science profane ne fût-elle pour l’âme qu’un ornement, on ne devrait pas pour cela la dédaigner. C’est ce que prouvent les exemples de Moïse et de Daniel.

IV. Il faut étudier seulement dans les poëtes ce qui n’attaque ni la pureté ni la vertu, et s’abstenir soigneusement du reste, imitant en cela l’industrieuse abeille, qui ne s’arrête pas sur toutes les fleurs, et qui ne demande à chacune que les sucs bienfaisants qu’elle peut lui fournir.

V. On doit s’appliquer surtout aux poëtes et aux philosophes qui donnent les meilleurs préceptes et exhortent le plus vivement au bien. Exemples nombreux tirés d’Hésiode, d’Homère, de Théognis et de Prodicus.

VI. Mais il ne suffit pas de se pénétrer de ces préceptes, il faut encore les mettre en pratique : c’est le dernier degré du vice que de vouloir paraître vertueux sans l’être.

VII. Les livres profanes rapportent des traits de patience et de vertu d’autant plus dignes d’être imités qu’ils sont conformes aux préceptes de l’Évangile.

VIII. Nous aspirons, comme les athlètes, à remporter une couronne ; il faut donc, comme eux, renoncer à une vie oisive, et nous exercer sans relâche si nous voulons triompher au jour du combat.

IX. Les anciens philosophes s’accordent tous à recommander le soin de l’âme et le mépris du corps.

X. Efforçons-nous de réunir tous les secours qui peuvent nous être utiles dans notre marche vers l’éternité ; ne repoussons pas, mais recherchons plutôt les conseils de la sagesse.