De la race de Salers et de son amélioration

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École Nationale Vétérinaire de Toulouse


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DE LA


RACE DE SALERS


ET DE


SON AMÉLIORATION


PAR


Louis FAURE


De Salers (Cantal).



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LAVAUR
IMPRIMERIE DE MARIUS VIDAL

1874



À TOUS MES PARENTS

À TOUS MES PROFESSEURS

À MES AMIS


ÉCOLES NATIONALES VÉTÉRINAIRES
______
inspecteur général

M. H. BOULEY, O. ❄, membre de l’Institut de France, de l’Académie de Médecine, etc.
______
ÉCOLE DE TOULOUSE

directeur

M. LAVOCAT ❄, membre de l’Académie des sciences de Toulouse, etc.

professeurs :

MM. LAVOCAT ❄, Tératologie.
Anatomie des régions chirurgicales.
LAFOSSE ❄, Pathologie et Maladies parasitaires spéciales.
Police sanitaire et Jurisprudence.
Clinique et Consultations.
LARROQUE, Physique.
Chimie.
Pharmacie et Matière médicale.
Toxicologie et Médecine légale.
GOURDON, Hygiène générale et Agriculture.
Hygiène appliquée ou Zootechnie.
Botanique.
SERRES, Pathologie et Thérapeutique générales.
Pathologie chirurgicale.
Manuel opératoire et Maréchalerie.
Direction des exercices pratiques.
ARLOING, Anatomie générale et Histologie.
Anatomie descriptive et Physiologie.
Extérieur des animaux Domestiques.
Zoologie.

chefs de service :
 
MM. MAURI, Clinique et Chirurgie.
BIDAUD, Physique, Chimie et Pharmacie.
N… Anatomie, Physiologie et Extérieur.

JURY D’EXAMEN
____
MM. H. BOULEY O. ❄, Inspecteur-général.
LAVOCAT ❄, Directeur.
LAFOSSE ❄, Professeurs.
LARROQUE,
GOURDON,
SERRES,
ARLOING,
Mauri,
Chefs de service.
Bidaud,


____


PROGRAMME D’EXAMEN
____
Instruction ministérielle du 12 octobre 1866.
THÉORIE Épreuves
écrites
1. Dissertation sur une question de pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
2. Dissertation sur une question complexe d’Anatomie et de Physiologie et d’Histologie.
Épreuves
orales.
1. Pathologie médicale spéciale ;
2. Pathologie générale ;
3. Pathologie chirurgicale ;
4. Maréchalerie, Chirurgie ;
5. Thérapeutique, Posologie, Toxicologie, Médecine légale ;
6. Police sanitaire et Jurisprudence ;
7. Agriculture, Hygiène, Zootechnie.
PRATIQUE Épreuves
pratiques
1. Opérations chirurgicales et Ferrure ;
2. Examen clinique d’un animal malade ;
3. Examen extérieur de l’animal en vente ;
4. Analyses chimiques ;
5. Pharmacie pratique ;
6. Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.

AVANT-PROPOS


L’élevage considérable de la race de Salers, fait de cette industrie une question de l’ordre le plus élevé, aussi, dans mes études, ai-je apporté une attention particulière aux leçons qui, directement ou indirectement, se rapportaient à l’amélioration de cette race. Je ne m’en suis pas tenu aux notions du programme scolaire. Je les ai complétées en consultant les agronomes distingués qui se sont occupés de la question. D’ailleurs, originaire et habitant de la région où la race qui m’occupe est élevée sur une grande échelle, j’ai pu, par moi-même, constater que l’hygiène n’est pas comprise d’une manière rationnelle par la plupart des éleveurs.

Je remercie ici quelques personnes qui ont bien voulu m’aider de conseils mûris par leur expérience.

Je n’apporterai peut-être pas à la question un tribut nouveau ; mais, mon but est plus modeste : condenser dans ce mémoire les idées qui ont été émises, exposer les conseils d’hommes compétents et les répéter à tous les propriétaires qui veulent améliorer leur bétail, montrer combien les défectuosités de l’hygiène s’opposent au perfectionnement de notre précieuse race, rechercher surtout les conséquences qui peuvent résulter de cette mauvaise hygiène pour la santé des animaux ; telles sont les considérations auxquelles je me livrerai.

Je me suis proposé un but pratique, mes moyens je le reconnais, ont été au-dessous de mes désirs ; mais, a-t-on dit : « à l’impossible nul n’est tenu. » Aussi, avant d’entreprendre cette étude, réclamerai-je de mes lecteurs l’indulgence qu’on doit accorder à un travail sorti d’une plume encore inexpérimentée.


L. FAURE.

DE LA
RACE DE SALERS
ET DE
SON AMÉLIORATION


TOPOGRAPHIE DU DÉPARTEMENT DU CANTAL

Le Cantal, par sa situation, se prête très-bien à l’élevage de l’espèce bovine. La surface du département présente une configuration très variée. On y trouve des plaines, des vallées, des collines, des montagnes qui rendent le pays très accidenté et lui donnent un aspect très pittoresque.

Les plaines y sont peu nombreuses ; malgré cela, pour la facilité du travail que j’ai entrepris, je divise le travail en deux parties : 1o la région de la montagne ; 2o celle de la plaine.

Les montagnes occupent la partie nord du département ; leurs diverses ramifications s’écartent et se rapprochent par intervalles forment deux vallées profondes, qui dominent des plateaux plus ou moins étendus. Elles forment deux versants principaux et nettement tranchés ; l’un tourné au nord, dont les eaux vont se jeter dans la Loire ; l’autre, au sud et au couchant, dont la Dordogne reçoit les tributs.

Par suite de cette configuration variée, de l’influence des montagnes agissant sur la température, sur la direction et l’intensité des vents, on conçoit facilement quelle diversité il doit y avoir dans le sol, le climat et la culture.

Au point de vue géologique, le Cantal est formé de terrains granitiques et volcaniques, qui constituent le groupe des montagnes ; les confins de l’Aveyron et du Lot, sont formés de calcaires ; enfin, sous les limites du Limousin, on trouve encore du granit.

Les cours d’eaux sont très nombreux, ils proviennent tous des sources qui s’échappent des montagnes, et après un trajet plus ou moins long, ils viennent se jeter dans les grands fleuves déjà nommés. Les principaux ruisseaux ou rivières qu’arrosent le département sont : la Dordogne qui reçoit la Maronne, la Jordanne, la Cère, la rivière de Mars, qui toutes coulent sur les versants de la Loire.

Le climat du Cantal est très sain, mais assez variable, à cause des dispositions du sol. La contrée est généralement froide ; car, les hivers y sont longs et assez rigoureux. L’été est chaud, souvent orageux, ce qui produit dans l’atmosphère des refroidissements passagers. Le printemps est la saison qui offre les plus grandes variations de température, l’automne, en offre beaucoup moins et elles ne sont pas aussi sensibles.

De ces diverses conditions, il résulte que la contrée est à peu près occupée par les pâturages et les prairies. Dans la contrée montagneuse, qui forme une partie des quatre arrondissements, les pacages et les prairies occupent la plus grande surface ; les terres arables, qui y sont peu nombreuses, ne suffisent qu’aux besoins de la ferme, il n’en est plus ainsi de la plaine qui occupe les extrémités sud et ouest du département ; dans cette contrée, les terres arables forment à peu près la moitié de la surface, aussi l’élevage n’y est-il pas pratiqué sur une aussi grande échelle.

CENTRES DE PRODUCTION.

Le Cantal élève une grande quantité d’animaux qui appartiennent à diverses races, Salers, Aubrac, Mezenc. La race de Salers est la plus nombreuse, et c’est d’elle que je vais m’occuper.

La race de Salers s’est produite sur les plateaux volcaniques qui s’étendent entre Salers et Mauriac ; c’est surtout dans les communes voisines de la première de ces deux localités, qu’on trouve la race à son état le plus parfait. Aux environs de la deuxième ville, on a voulu créer une race particulière la race du Vigeau, qui n’est réellement que la race de Salers non améliorée ; on trouve cependant de beaux types qu’on confondrait facilement avec ceux de Salers. Les éleveurs du canton de Riom-es-montagnes ont fait de grands efforts pour avoir la race pure, ils n’ont pas craint de venir aux environs de Salers acheter les plus beaux taureaux, à des prix même élevés. De nos jours, grâce aux soins constants qu’ils ont déployés, ils n’ont plus besoin de se déplacer pour acheter des étalons ; ils possèdent chez eux, des types aussi parfaits qu’on puisse les trouver. Les concours ont prouvé ce que j’avance ; car, souvent les premiers prix leur sont échus, surtout pour les étalons. Je ne puis terminer sans rendre justice aux éleveurs de cette contrée ; ils marchent rapidement vers l’amélioration, et ils sont peut-être les seuls qui aient bien compris ce qu’on demandait à leurs animaux : Je dois dire d’une manière générale, que leurs animaux ont moins de finesse et les vaches n’ont pas les propriétés lactifères aussi développées qu’aux environs de Salers.

L’arrondissement d’Aurillac élève aussi beaucoup ; mais la race commence à dégénérer, elle souffre pour s’y maintenir, à tel point, que les éleveurs de cette contrée, sont obligés de venir acheter des reproducteurs dans les communes du canton qui a donné son nom à la race.

L’arrondissement de Murat possède la race dite du Cantal, qui n’est qu’une variété de celle de Salers. La différence existe dans la taille des animaux qui sont plus petits, ce qui s’explique par le pays accidenté qu’ils habitent et par la nature du sol. La robe est moins foncée, mais, celui qui ne connaîtrait pas très-bien les deux types, pourrait facilement les confondre.

HISTORIQUE.

La race de Salers est sûrement une des plus anciennes de France. C’est celle de nos races françaises qui offre au plus haut degré la constance de ses caractères, par la transmission opiniâtre de sa robe et de sa conformation dans la pratique du croisement. Ainsi, un durham-salers, présenté en 1851 au concours de Lyon, offrait la robe rouge et la conformation particulière à cette robe, qui trahissaient l’origine du sujet. Cette tenacité des caractères prouve l’ancienneté de la race.

Son origine est très-éloignée et très-incertaine ; on n’a rien de précis à cet égard. De nombreux agronomes ont écrit à ce sujet sans avoir suffisamment éclairé cette question.

Lullin, de Château-Vieux, qui fit un voyage dans le Quercy, la rencontra dans ce pays. Il la désigna sous le nom de race Quercynoise. D’après lui, elle serait issue d’un croisement entre le Charollais et la race Suisse de Fribourg. Il n’y a rien de fondé dans ces assertions ; et, dans les traditions du pays, on ne se souvient pas qu’il y ait eu une importation de bêtes suisses.

Arthur Young, qui avait poussé ses voyages plus avant dans la partie montagneuse, bien que Lullin ait déclaré qu’il n’avait pu y parvenir, faute de route, ne trouve pas dans les Salers, des caractères qui puissent les faire dériver d’un croisement semblable. Ce qui tiendrait à donner raison à ce dernier, c’est la constance des caractères. En effet, M, Zielinsky a dû renoncer au croisement Salers-Charollais, parce que les produits étaient pie rouge et tenaient beaucoup plus du Salers. Cette prédominance de la race, prouve qu’elle est plus ancienne que la Charollaise dont on veut la faire descendre.

Mais ces documents sont relativement récents. En 1699, Lefèbvre d’Ormesson, intendant d’Auvergne, parle des bons animaux de ces montagnes et il cite ceux de Salers comme les meilleurs et les plus beaux.

Plus tard, Chabrol, dans son ouvrage sur la coutume d’Auvergne, dit : que les animaux des environs de Salers sont les plus renommés de la haute Auvergne.

M. de Ribier, dans son dictionnaire statistique du Cantal, écrit : « Avant l’établissement des grandes vacheries, les montagnes de Salers étaient couvertes de troupeaux de moutons, dont la laine était l’objet d’un très-grand commerce, et cette dernière ville était un des principaux centres. » Dans le siècle dernier, cette pratique régnait encore, ce qui semblerait indiquer que la formation des grandes vacheries est d’une date assez récente.

Les documents les plus anciens que Grognier ait pu trouver, datent de 1644 ; ils sont relatifs à une expertise faite dans une commune du Falgou.

Ces renseignements sont trop incomplets, pour qu’on puisse en tirer aucune conclusion certaine, sur l’origine.

Depuis le commencement du siècle, beaucoup d’auteurs ont écrit sur cette race ; mais, il faut le dire, ils n’ont pas toujours fait tous leurs efforts pour rechercher la vérité, et ils se sont souvent contentés de répéter ce qui avait déjà été écrit. D’autres, dans le but de nuire à la renommée sans cesse croissante de la race, se sont basés sur la mauvaise conformation de quelques sujets, pour en donner les caractères généraux. Parmi les hommes qui s’en sont occupés le plus consciencieusement, je dois citer Grognier, qui, enfant du Cantal, a étudié particulièrement la race, et lui a donné le nom qu’elle porte. Il l’a décrite dans tous ses détails, il a cherché à la propager, à la rendre, pour ainsi dire populaire. Depuis cette époque, un éminent agronome du pays, M. Richard, du Cantal, a souvent fait ressortir ses qualités ; il a même soutenu des polémiques sérieuses contre eux qui avec un parti pris, cherchaient à affaiblir la célébrité qu’elle prenait dans les concours.

M. Tyssandier, qui s’est voué entièrement à l’œuvre d’amélioration, a rédigé de nombreux rapports, précieux documents à consulter.

PRODUCTION, COMMERCE.

La quantité d’animaux que fournit la race de Salers est considérable. On peut évaluer à plus de 100,000, le nombre des nourrices, ce qui porte la population à un chiffre très-élevé ; car, chaque vache a un veau, et à un moment donné deux. Les deux tiers de ces jeunes animaux sont élevés pour être vendus à l’âge de 15 ou 18 mois. Les propriétaires de grandes fermes élèvent autant de veaux qu’ils ont de mères ; ces élèves sont destinés à l’exportation ; il n’y a que les petits éleveurs qui vendent pour alimenter les boucheries du pays. Vu cette grande quantité d’animaux, il se fait un commerce considérable. En effet, tous les ans, il part des monts Cantaliens une foule de taurillons, de génisses, de vaches et de bœufs. Plus de vingt départements reçoivent les produits dûs aux riches pâturages de ces contrées volcaniques. Le Poitou seul achète chaque année près de 30,000 taurillons. Le Lot, le Tarn et le Tarn-et-Garonne en enlèvent autant.

Les génisses sont principalement dans les départements voisins et dans ceux du midi. Les vaches et les bœufs sont destinés à travailler dans le centre.

Les vaches engraissées dans le pays, quand elles ne peuvent plus produire, servent à alimenter les boucheries des grandes villes de l’Est et du Midi.

Comme on le voit, la race de Salers est très répandue. En Normandie, dans l’Anjou on trouve beaucoup de ces bœufs rouges, dont on change souvent le nom, et qui sont connus sous ceux de choletais, ou de normands, bien que les caractères soient assez tranchés.

Cette grande dispersion des animaux, parle clairement en faveur de la race, qui n’est pas aussi méprisée que l’ont prétendu quelques auteurs.

CARACTÈRES

La race de Salers offre des caractères qui permettent de la distinguer facilement de toutes les races françaises, aucune, en effet, ne présente la même uniformité dans la couleur, qui est son caractère le plus saillant.

Je vais d’abord examiner les caractères du bœuf.

Le bœuf de Salers est de couleur rouge acajou uniforme, rarement blanc sur quelques parties du corps. Si les taches blanches sont peu étendues, placées dans des régions non apparentes, elles emportent peu de la valeur de l’animal ; mais, si on les trouve sur le dos ou toute autre partie semblable, elles diminuent le prix du sujet, qui est impitoyablement rejeté, de la reproduction. On trouve parfois des bœufs noirs, mais ils sont peu nombreux.

Les muqueuses sont roses, la tête courte, carrée, le front large, les cornes, fortes à la base et de moyenne longueur, sont dirigées sur les côtés, en haut, et légèrement contournées en arrière, blanches à la base, elles sont d’un noir verdâtre à l’extrémité ; encolure courte et épaisse ; garrot moyennement développé ; colonne dorso-lombaire droite, reins larges et bien attachés, croupe volumineuse bien musclée, queue assez forte, faisant suite à la ligne du dos ; fanon court, présentant chez quelques animaux une touffe de poils placée à peu de distance du poitrail ; épaules longues et obliques ; bras longs bien musclés ; canon et paturon courts ; pied de moyenne grosseur à corne très-dure ; poitrail large ; poitrine profonde ; côtes rondes ; ventre ne dépassant pas la ligne des hypocondres ; flanc court ; cuisse large, bien musclée ; jarret large, bien évidé ; tendons secs et bien détachés ; peau souple ; ossature moyenne ; le bœuf de Salers est généralement bien d’aplomb ; on ne voit pas chez lui ces déviations des genoux qui ressemblent à des difformités ; sa taille est variable entre 1 m. 50 et 1 m. 60.

Tous les animaux de la race, n’offrent pas cet ensemble de caractères ; on en trouve quelques-uns à conformation défectueuse ; mais, ils se perdent de jour en jour, et l’époque n’est pas éloignée, où ils auront complètement disparu, cela grâce à l’amélioration.

Les caractères du taureau diffèrent peu de ceux du bœuf. La robe est plus foncée ; le poil, plus luisant, est souvent frisé sur le front. La démarche est fière, hardie, l’encolure est forte. Cette faible différence est simplement due à la présence des organes génitaux.

Pour la vache, le sexe fait un peu varier les caractères. Ainsi la couleur est moins foncée ; la peau moins épaisse et l’ossature plus fine.

Les propriétés lactifères, en égard au régime auquel elles sont soumises, sont assez développées. On trouve des nourrices donnant 12 à 15 litres de lait par jour, mais ce n’est pas la majorité. On peut établir que la moyenne est de 6 à 8 litres.

Les concours tendraient à prouver que les femelles sont généralement mieux conformées que les mâles. Le dernier concours spécial de Salers, où se trouvaient réunis beaucoup d’animaux des deux sexes, confirmerait cette idée, car la conformation des vaches et des génisses était supérieure à celle des taureaux.

Je termine ce chapitre, en répétant les paroles d’un savant agronome que j’ai déjà nommé. « C’est, dit M. Richard, la race qui réunit au plus haut degré les trois qualités : viande, lait, travail. » Quoi qu’en ait dit M. Jammet qui a combattu cette opinion, je persiste à dire : qu’aucune autre race, placée dans les mêmes conditions, ne réunira au même degré les qualités énoncées ci-dessus.

QUALITÉS ET DÉFAUTS

Les bœufs de Salers sont considérés depuis longtemps comme de bons travailleurs, ils se sont acquis une réputation bien méritée, car avec peu de nourriture ils fournissent un fort travail. D’un tempérament très rustique, ils s’acclimatent facilement dans toutes les contrées, ce que beaucoup de races, ne peuvent faire sans de sérieuses difficultés. Les salers sont doux et dociles, ce qui les fait rechercher par les étrangers ; aussi, les trouve-t-on répandus dans une grande partie de la France.

Les vaches, quoique plus faibles que les bœufs, sont assez robustes pour suffire à un assez fort travail, leurs propriétés lactifères, relativement au peu de soins dont elles sont l’objet, sont assez développées. Leur lait qui est très riche en caséum est employé à la fabrication des fromages.

Pendant longtemps il y a eu une grande répugnance pour soumettre à l’engrais les bœufs de Salers, ils n’étaient bien considérés que pour le travail et on les croyait incapables de fournir de bonne viande. Grognier nous en fournit un exemple, quand il dit : « l’engraissement des bœufs de Salers est long, peu économique et leur viande peu estimée. » Il est vrai qu’à cette époque, ces animaux n’étaient livrés à la boucherie qu’à l’âge de 12 à 14 ans, après un épuisement complet. On comprend, que dans de semblables conditions ils ne pouvaient donner de bons résultats et on n’est plus étonné de la répugnance que l’on éprouvait pour les soumettre à l’engrais. Actuellement, ces craintes n’existent plus, on s’est aperçu qu’on faisait fausse route en les employant si longtemps au travail. Du jour où cet abus a disparu, les bœufs de Salers ont acquis un bon rang dans les abattoirs. Grâce aux progrès de l’agriculture, la nourriture est plus abondante, et le travail moindre, car, c’est à l’âge de 6 à 7 ans au plus qu’on les livre au boucher.

Les animaux plus jeunes, sont plus aptes à mettre à profit la nourriture qu’on leur distribue, ils s’engraissent plus facilement, les fonctions animales s’accomplissent beaucoup mieux. Ceci découle d’une loi physiologique ; en effet, l’être vieillissant, la circulation se ralentit, la digestion devient plus difficile, en un mot toutes les fonctions subissent le coup porté par l’âge à l’économie. De nos jours, on est fixé sur la valeur de ces animaux, on sait parfaitement, qu’après avoir fourni un travail pénible, ils s’engraissent facilement et donnent un bon rendement.

Bien que Grognier ait avancé que l’engraissement de ces bœufs est long et difficile, et qu’il y ait encore quelques personnes qui feignent d’y croire, il est généralement reconnu, qu’ils ne le cèdent sous ce rapport à aucune de nos races françaises, et qu’ils s’engraissent aussi facilement qu’elles ; soit à l’herbage soit à la bouverie. Je peux citer à cet effet l’opinion que M. Cesbron Lavau exprimait à M. Richard, que, de toutes les races qu’il engraissait, les Salers étaient les animaux qui lui laissaient le plus de bénéfice. On pourrait y joindre celle de M. Alexandre Aumont qui affirmait au même agronome que les bœufs de Salers s’engraissaient où les bœufs normands trouvaient à peine de quoi s’entretenir.

Les concours d’animaux gras ont prouvé que les Salers peuvent atteindre un haut degré d’engraissement. Les animaux qui ont paru aux divers concours de Poissy, ont justifié cette aptitude que quelques connaisseurs pour des motifs que je ne chercherai pas à faire connaître, se sont plu à leur enlever. Les comptes-rendus sont là, il suffit de jeter un coup d’œil sur l’ouvrage de M. Magne, relatif aux races bovines, on voit les bœufs de Salers classés au 4e rang comme rendement. Dès 1846, les Salers ont commencé à être estimés pour la boucherie et leur viande reconnue de première qualité. Les concours de 1850, 1851, 1852, ont maintenu leur réputation, ils ont eu le no 3 sur les 25 races ou croisements figurant dans ces diverses expositions, en donnant un rendement de 66 % de viande nette. Depuis cette époque, ils n’ont pas dégénéré, les formes se sont améliorées, la culotte s’est chargée de muscles ; qualités indispensables au bœuf de boucherie.

En voyant ces résultats, les détracteurs de la race devraient reconnaître leur erreur, qui n’en est réellement pas une, car, ils savent ce que le Salers vaut, qu’il est recherché partout, et que sa viande est de 1re  qualité.

Il est inutile de vouloir discréditer des animaux que leur mérite place au 1er  rang. Ils ont vaincu beaucoup de préjugés et le jour n’est pas éloigné, où ceux qui les ont décriés en seront les admirateurs ; car, malgré les progrès déjà faits, cette race est encore susceptible de modification que des réformes bien comprises lui donneront infailliblement, réformes qui la mettront au-dessus des attaques dont elle est l’objet.

Après avoir étudié les qualités, il est utile de passer en revue les défauts dont elle est affectée. D’une manière générale, on peut dire que l’ossature est un peu trop forte, on rencontre encore quelques animaux défectueux, dont les ischions sont rapprochés, les hanches saillantes, le sacrum élevé ayant la forme d’un toit, la queue attachée très haut, les côtes plates, les cuisses peu musclées ; malgré ces défauts, ces animaux sont achetés par des connaisseurs qui savent en tirer parti.

Ces vices de conformation, qui tendent à disparaître de jour en jour, sont souvent dûs aux mauvais soins et au manque de nourriture. Quelques auteurs, comme je l’ai déjà dit, se servent encore de ces défectuosités exceptionnelles, pour appuyer une opinion sans fondements et par conséquent fausse dans ses principes, vu qu’elle ne s’applique qu’à un nombre très restreint de sujets.

ÉLEVAGE

La race de Salers est nourrie à la stabulation permanente pendant l’hiver et au pâturage pendant l’été.

C’est habituellement vers le commencement de novembre que les nombreux troupeaux entrent à l’étable. La campagne devient déserte, pas un animal ne reste à la prairie sauf quelques troupeaux de moutons qui trouvent encore à brouter quelques brins d’herbes. Les fermiers retardent autant que possible la mise en stabulation, afin d’économiser la nourriture de l’hiver, qui n’est jamais trop abondante.

Les animaux restent ainsi enfermés, jusqu’aux premiers jours du printemps ; tout leur exercice consiste à aller à l’abreuvoir deux fois dans la journée. Leur nourriture est peu abondante, il n’y a d’exception que pour les fermes bien régies, ou encore pendant les années abondantes, mais s’il y a eu disette de fourrages, ils arrivent à la belle saison maigres et exténués ; car, leur ration, qui pendant les années ordinaires, est à peine suffisante, pour les maintenir en bon état, se trouve alors réduite à la moitié ou au tiers.

Les jeunes veaux sont les plus maltraités, enfermés dans des parcs, où ils ont du fumier jusqu’aux jarrets, ils n’ont que du mauvais fourrage et encore une ration insuffisante à leur économie qui exige beaucoup de matériaux ; car, à cette époque de la vie, vu l’accroissement qui se fait, il faudrait compter, outre la ration d’entretien qu’exige leur état actuel, un surplus d’aliments qu’on pourrait appeler ration d’organisation. Les éleveurs semblent ignorer ce principe ; en effet, au lieu de donner à leurs veaux cette ration supplémentaire, ils leur accordent juste, la quantité d’aliments nécessaires pour les empêcher de périr. Aussi, quand le printemps vient mettre fin à la stabulation, on voit ces malheureux animaux tellement affaiblis par le mauvais régime et les mauvais soins, qu’ils ont de la peine à marcher ; mais en peu de jours, dès que l’herbe commence à pousser, prenant la nourriture qu’exige leur organisation ils changent complètement, et bientôt on ne dirait plus qu’ils ont été si cruellement éprouvés.

Les vaches souffrent moins de la stabulation, néanmoins il est assez ordinaire de les trouver en mauvais état. C’est vers la fin avril qu’on met un terme à la captivité des troupeaux. À cette époque ils sont conduits dans les prairies de la ferme, où ils prennent une nourriture abondante et substantielle qui leur donne vite de l’embonpoint. Les mères sont alors dans de bonnes conditions pour nourrir leurs produits, qui éprouvent ainsi un bien être de trop courte durée, car le départ pour la montagne doit y mettre fin. En effet, pendant leur séjour à la ferme les jeunes veaux ont une assez grande quantité de lait pour suffire à leur faible organisme, mais une fois partis de ces riches prairies, ils en sont à peu près complètement privés.

C’est vers la fin de mai, que les troupeaux quittent les fermes pour se rendre à la montagne, où ils vont être exposés à toutes les intempéries, les veaux exceptés ; car, tous les soirs ils sont enfermés, tandis que leurs mères parquent. Il ne reste alors à la ferme que quelques jeunes animaux qui doivent être vendus, et les bêtes de travail.

Chaque ferme a sa montagne, où seule, elle a le droit de conduire ses animaux. Il n’en a pas toujours été ainsi ; car, anciennement il y avait une partie commune, les ayguades, où les propriétaires voisins avaient le droit de conduire leurs animaux. Cette pratique offrait de telles difficultés qu’elle est à peu près abandonnée. De nos jours, il n’y a que la division de la montagne en Fumade, qui est la meilleure partie grâce au parcage, et en ayguade, qui est simplement utilisée pour le pacage ; c’est sur la première qu’est construit le buron ou châlet, destiné à la fabrication du fromage. Une montagne est reconnue bonne, quand 80 à 90 ares nourrissent une vache et son veau, ce qui constitue une tête de montagne. Moyenne quand il faut 100 ou 120 ares, mauvaise au-dessus de ce chiffre. L’émigration des troupeaux dure ainsi jusqu’aux premiers jours d’octobre, à cette époque ils reviennent à la ferme où ils utilisent les regains et les dernières herbes ; ils ont alors une nourriture abondante, qui les met en bon état et leur permet de supporter plus facilement les privations de l’hiver.

Pendant cette période, les vaches commencent à se tarir, le lait qu’on peut encore en tirer est employé à la fabrication des fromages dits graisses d’automne. Celles qui ne se trouvent pas pleines, sont vendues dans le pays à des particuliers, qui les engraissent pendant l’hiver et les vendent ensuite sous le nom de mannes.

AMÉLIORATION

Pour obtenir l’amélioration d’une race, plusieurs moyens peuvent être mis en usage. Ainsi on peut agir par l’importation, le croisement, la sélection. Je vais passer en revue ces divers modes, en insistant sur ceux qui me paraîtront les plus favorables dans le cas actuel.


Importation. — L’importation n’est réellement pas un mode améliorateur, puisqu’on change une race par une autre. Ce mode offre peu d’importance pour le pays, car, les éleveurs ont une race acclimatée, qui satisfait à leurs besoins et qu’ils tiennent à conserver. Vu le peu d’intérêt qu’on pourrait retirer de cette pratique, je me bornerai à ces quelques mots.


Croisement. — Le croisement consiste dans l’alliance d’une race étrangère avec celle du pays, dans le but de donner à celle-ci des qualités qui lui manquent. Bien qu’ayant de grands avantages sur l’importation, ce mode serait d’une application difficile dans le Cantal, et de nombreuses difficultés s’opposeraient à sa réussite. D’abord les éleveurs tiennent à conserver leur race pure de tout croisement, et ce n’est qu’avec peine qu’ils se résoudraient à introduire du sang étranger dans leurs troupeaux.

Une deuxième difficulté se présente. C’est le choix de la race. En effet, quelle race emploierait-on ? Si on examine les diverses aptitudes des animaux et qu’on les prenne en particulier, on trouve : que la race flamande, qui se rapproche de celle de Salers par sa robe, pourrait être utilisée afin d’accroître les propriétés lactifères ; mais on favoriserait ainsi l’industrie fromagère au détriment des précieuses qualités du travail qu’il faut encore conserver dans certaines limites.

Le devon, par son aptitude au travail et à l’engraissement, est, sans contredit, la race qui pourrait être le plus utilement employée. Cependant il ne suffit pas d’entretenir toujours des reproducteurs étrangers, il faut savoir arrêter le croisement à temps et y suppléer par des soins assidus. C’est demander beaucoup aux éleveurs qui ont de la peine à se livrer à une sélection bien comprise. À différentes époques, des essais ont été tentés, sans succès. La ferme de St-Anjeau possédait des étalons de la race devon, introduits dans le pays dans le but d’un croisement. Quelques éleveurs ont couru la chance de ce nouveau mode d’amélioration, mais le peu de valeur des produits les a eu vite dissuadés de cette fantaisie, et actuellement on ne trouve plus de sujets étrangers à la race. D’après M. Roques, il paraîtrait que les animaux issus du croisement devon étaient en majeure partie phthysiques. S’il en était ainsi, les éleveurs ont eu raison d’abandonner ce croisement, pour continuer la sélection. Dans le doute je m’abstiens de tout commentaire à ce sujet.


Sélection. — La sélection consiste dans l’amélioration de la race par elle-même. Pour arriver à un bon résultat, il faut un bon choix de reproducteurs, soit mâles, soit femelles ; ne pas négliger les soins hygiéniques, encourager les éleveurs par des récompenses, des conseils, des exemples. Ces divers moyens incombent les uns aux éleveurs, les autres à l’administration. Je vais passer en revue les devoirs de cette dernière.


Des concours. — L’administration favorise le perfectionnement de la race par les récompenses ; déjà des concours ont été établis dans ce but et cela heureusement ; car depuis lors, les éleveurs luttent d’amour propre, font des sacrifices pour obtenir des récompenses. Ces concours ne sont pas d’une médiocre valeur pour les visiteurs, qui peuvent ainsi tirer parti de ces expositions, et les mettre à profit pour plus tard s’ils veulent exposer. Il est impossible de nier les bons effets de ces réunions agricoles, car depuis qu’elles sont établies, les formes de la race se sont considérablement améliorées et on ne voit plus autant d’animaux défectueux.

Des concours spéciaux ont été créés à Salers et à Mauriac où ils ont lieu alternativement tous les ans. J’ai peu à dire sur ces exhibitions, les primes y sont nombreuses et assez conséquentes ; ce qui excite les éleveurs à concourir.

Je regrette qu’il n’en soit plus ainsi des concours cantonaux. Les primes y sont nombreuses, mais d’une valeur trop insignifiante, car elles suffisent parfois à peine pour couvrir les frais de déplacement. De là résulte le peu d’empressement que mettent les éleveurs à y conduire leurs animaux. Pour éviter cela, que faudrait-il faire ?


1o Diminuer le nombre de primes dont on élèverait le prix. — De cette façon on stimulerait les éleveurs, qui, attirés par une somme importante, tenteraient les chances du concours, et on éviterait ainsi de primer des animaux parfois médiocres et devant leurs succès au manque de concurrents.


2o Mettre les propriétaires dans l’obligation de ne pouvoir vendre les animaux primés qu’un an après le concours ; toutefois, si un éleveur se trouvait dans l’impossibilité de garder les sujets, la vente pourrait en être permise dans le canton, ou tout autre centre de production de la race, à la condition de les employer comme reproducteurs.

Il est cependant réglementaire que tout animal primé doit être gardé 6 mois par son propriétaire, mais ce délai est de trop courte durée, vu l’époque du concours, de sorte qu’il arrive ceci, que les animaux peuvent être vendus sans avoir été employés à la reproduction. En agissant ainsi on éviterait le départ de beaucoup d’animaux supérieurs qui, une fois primés, sont recherchés et achetés par les étrangers. La contrée conserverait dès lors des reproducteurs pour perpétuer l’espèce.


3o Établir des distinctions entre les catégories et accorder les primes les plus élevées, dont on augmenterait le nombre aux détenteurs des jeunes animaux, que ceux-ci soient isolés ou qu’ils soient en groupes. D’après ce qui vient d’être dit, les éleveurs, se trouvant indemnisés d’une partie des dépenses, présenteraient un plus grand nombre d’animaux jeunes, ayant une grande valeur et source de l’amélioration. Les récompenses, pour les animaux d’un certain âge, seraient ainsi diminuées, mais elles seraient suffisantes, vu que les animaux qui les obtiennent sont souvent à bout de services et doivent être vendus. Elles ont cependant une utilité ; celle de récompenser les services rendus.

Le choix des membres du jury n’est pas sans influence. Il faut autant que possible faire en sorte qu’il soit composé d’hommes compétents et ayant la confiance des éleveurs.

L’administration peut encore aider les propriétaires, en provoquant des réunions que présideraient des hommes capables, et dans lesquelles se discuteraient les meilleurs moyens d’amélioration. Les comptes-rendus de ces séances seraient distribués aux éleveurs sous forme de brochures. On ne pourrait retirer que de bons résultats de cette pratique.


Choix des reproducteurs. — Si l’on considère l’importance du mâle et de la femelle on verra qu’il faut être beaucoup plus sévère pour le choix du premier. Cela se comprend facilement, il peut transmettre ses défauts et ses qualités à un grand nombre de produits, tandis que la femelle ne les donne qu’à un seul ; il est donc de la plus haute importance de faire un bon choix de l’étalon, dont voici les caractères : robe rouge foncé ; squelette ample et léger ; corps plutôt allongé que court, cylindrique ; dos large et horizontal ; côtes rondes et prolongées en arrière ; poitrine profonde ; flanc court ; ventre moyennement développé, ne dépassant pas la ligne des hypocondres ; poitrail large ; tête légère, courte ; membres bien d’aplomb, larges à la partie supérieure, minces à l’inférieure ; épaules charnues, croupe volumineuse, chargée de muscles puissants ; cuisse épaisse et formée de muscles s’étendant jusqu’au près du jarret ; celui-ci large et bien évidé ; tendons bien détachés ; queue faisant suite à la ligne du dos, large à la base et fine à l’extrémité ; peau souple ; cornes et poils fins ; à ces caractères le taureau doit joindre les signes d’une bonne santé, qui sont : air gai, fier, œil vif, constitution robuste ; tête portée haut ; muffle frais et humide ; respiration à mouvements réguliers ; poil luisant ; les fonctions digestives s’accomplissant bien ; il faut aussi de la docilité et qu’il descende d’une famille bonne laitière.

Pour la femelle, les caractères seront moins accusés, les qualités laitières devront être recherchées, pour cela on fera attention à l’origine ainsi qu’aux signes suivants ; tête fine, légère ; encolure peu développée ; arrière-main large, pis mou et plissé à l’état de vacuité, veines mammaires très développées, sinueuses, pénétrant dans le corps par une ouverture très-large. (On peut s’assurer de ce dernier caractère à l’œil nu ou à la palpation). Les qualités lactifères étant héréditaires, la connaissance de la famille est de la plus grande utilité. On pourrait encore tirer profit du système Guénon, qui a pour base, une liste de poils à direction inverse de la normale, s’étendant des mamelles, jusque sur les côtés de la vulve ; je ne décrirai pas ce système qui est d’une importance secondaire, vu que les éleveurs achètent rarement des animaux ; ils choisissent parmi leurs produits ceux qu’ils doivent garder et dont ils sont bien sûrs de l’origine ; et c’est ainsi que certaines fermes possèdent la même famille depuis de longues années.

Le choix de la génisse est assez difficile, vu que les caractères ne sont pas apparents, aussi ne peut-on se baser que sur la précocité des mamelles et l’origine.

Ces quelques données sont suffisantes pour obtenir des résultats satisfaisants.

La destination finale de ces animaux étant la boucherie, on doit songer à obtenir les qualités propres à ce but sans nuire dans de trop fortes proportions à celles du travail. Pendant longtemps, il a paru impossible de réunir sur un même sujet ces deux conditions, sans préjudice pour l’une ou pour l’autre. L’expérience a démontré qu’un bœuf peut travailler et fournir en même temps beaucoup de viande de bonne qualité ; or, les caractères donnés plus haut sont bien en rapport avec les besoins actuels. En effet, un bœuf à croupe garnie de puissants muscles, sera-t-il moins propre au travail qu’un autre à croupe étroite ? Cela ne peut s’admettre : quant à l’ossature, on a cru qu’elle devait être forte pour tout animal de travail ; on pourrait y croire si des exemples fréquents ne venaient prouver le contraire. Il suffit d’examiner le cheval arabe, on voit que malgré sa tête légère et son ossature fine, il est doué d’une puissance musculaire remarquable. Ne voit-on pas tous les jours des bœufs à ossature fine faire un aussi bon travail que d’autres à ossature très forte ? Conformation qui les déprécie considérablement quand ils doivent être vendus à la boucherie. Croit-on que les taureaux primés se rapprochant des caractères donnés plus haut, fassent de plus mauvais bœufs de travail, que d’autres à cuisse fendue et ossature forte ? Évidemment non, et on a tort de vouloir conserver à la race son titre de travailleuse, sans l’améliorer au point de vue de la boucherie, car ces deux propriétés ne s’excluent pas absolument. Il n’en serait pas ainsi si l’on voulait faire des animaux exclusivement d’abattoir ; mais ce serait méconnaître les besoins du pays que d’exiger une semblable chose.

En résumé, je crois que les diverses aptitudes ne s’excluent pas absolument, mais qu’elles découlent toutes des mêmes conditions anatomiques et physiologiques, et l’on doit chercher à les communiquer à la race de Salers. Quelques agronomes pensent qu’on ne pourrait améliorer au point de vue de la boucherie, sans affaiblir les animaux de travail. Je répondrai à ceci, que tout ce qui accroît la disposition à donner de la viande, tels que épaississement des lombes et des cuisses, allégement de l’avant-main, contribue à rendre les animaux plus forts : on peut donc, tout en améliorant pour la boucherie qui est le but final des animaux, leur conserver des dispositions qui les rendent aptes au travail et à la lactation, tandis qu’on ne fait que les déprécier en leur donnant les caractères recherchés pour le travail.

M. Tyssandier en 1859, lors du concours spécial de Salers disait : « La destination à l’engraissement entraîne avec elle une manière d’être spéciale. C’est la bonne qualité de la chair, un développement exagéré de tous les morceaux de 1re  qualité. Une réduction correspondante des morceaux de basse boucherie. C’est dans cet ordre d’idées que notre jury a déterminé ses choix, en tenant toutefois compte dans une limite convenable, des qualités laitières et l’aptitude au travail qu’il convient de conserver encore dans la race de Salers, mais seulement comme qualités secondaires. » Il n’est pas de concours où l’honorable président du comice agricole de Salers, ne s’efforce de faire ressortir aux yeux des éleveurs, les points par lesquels pêchent leurs animaux et ne leur donne les moyens d’arriver à une prompte amélioration, M. Tyssandier, par ses conseils, a puissamment contribué à faire de la race ce qu’elle est.

S’il était vrai qu’on ne pût rendre notre bétail plus propre à l’engrais sans le détériorer pour le travail, il faudrait avouer que la race a dégénéré, car elle a déjà été grandement améliorée pour la production de la viande. Elle est devenue mieux conformée, a pris plus d’aptitude à s’engraisser, et cependant, elle n’a pas cessé de répondre aux besoins de l’agriculture. Les bœufs sont aussi bons travailleurs qu’ils l’étaient il y a vingt ans, et sont plus propres à la boucherie, ceci vient à l’appui de ce que j’ai déjà avancé.

Pour terminer l’article relatif aux reproducteurs il reste à examiner l’âge auquel ils peuvent être employés.

Pour le taureau, l’âge de 15 à 20 mois est le plus convenable ; j’aurai peu à dire à ce sujet, car les éleveurs du Cantal se sont aperçus de l’avantage qu’il y avait à avoir de jeunes reproducteurs ; aussi, en emploient-ils peu au-dessus de cet âge. Cependant, les fermes qui possèdent une nombreuse vacherie, utilisent des étalons de deux à trois ans, auxquels on en adjoint un de 15 à 18 mois ; mais ce qui est plus fréquent, c’est de voir employer deux taureaux de ce dernier âge. De cette façon, tous les ans, ces animaux sont changés ; il n’y aurait aucun inconvénient quand ils donnent de bons produits à les garder plus longtemps ; car alors leur valeur comme reproducteurs serait connue. La mise à exécution de cette pratique procurerait de bons résultats et les frais occasionnés par l’entretien du sujet seraient largement compensés par la qualité du produit.

Les jeunes étalons, qui donnent des qualités favorables à l’engraissement, ont été repoussés pendant longtemps, parce qu’on craignait d’enlever à la race son aptitude au travail ; mais l’expérience journalière est venue détruire cette erreur, et prouver que dès l’âge de 15 à 18 mois on pouvait les utiliser sans compromettre la valeur des produits ni les intérêts des éleveurs. Il serait imprudent de garder des taureaux au-delà de trois ans, car ils fatiguent les femelles, deviennent parfois méchants, indociles ; ce sont là autant d’inconvénients qu’il faut éviter.

L’âge que doit avoir la génisse est de la plus grande importance ; il influe sur les aptitudes du produit et principalement sur la lactation. Les éleveurs du Cantal, craignant d’arrêter leur développement en les livrant trop jeunes au mâle, n’en font des reproducteurs qu’à l’âge de deux ans. Ces craintes sont fondées, vu le régime des animaux pendant le jeune âge ; mais elles n’auraient plus leur raison d’être si la nourriture était meilleure, car, le développement serait plus considérable et les génisses pourraient être saillies plus tôt. C’est méconnaître les principes économiques que de donner une nourriture insuffisante. Il suffit de considérer les avantages que procure une bonne alimentation, pour voir l’erreur des propriétaires. En effet, le lait étant une substance précieuse pour la valeur du produit et l’industrie fromagère, il faut en augmenter la quantité. Ce n’est que par une bonne nourriture dans le jeune âge qu’on peut y parvenir ; grâce à elle, les animaux prennent plus de développement et peuvent être livrés plus jeunes à la reproduction ; or, on sait que plus les organes travaillent, plus ils se développent ; par conséquent plus jeunes ou les fera travailler et plus ils tendront à augmenter de volume. En agissant comme il vient d’être dit, on obtiendrait un produit et le lait d’une année en plus, sans pour celà arrêter le développement de la mère. Voilà des avantages dignes de considération de la part des éleveurs qui ne comprennent pas les conséquences de leur parcimonie. D’abord ils perdent les produits, le lait et la nourriture d’un an ; puis ils sont fort exposés à ce que quelques bêtes ne soient pas pleines, car lorsqu’elles ont passé plusieurs chaleurs sans être satisfaites, il est fort à craindre qu’elles deviennent moins fécondes et parfois stériles.

La monte a lieu en liberté depuis longtemps, il est inutile de songer à apporter des réformes à cette pratique, vu qu’elle satisfait bien les intérêts des propriétaires. Toutes les vaches, généralement, sont conçues, les vieilles et celles dites taurélières, qui sont fort rares, exceptées ; mais elles sont vendues dès qu’elles ne peuvent produire.

C’est habituellement du mois de mai au mois d’août qu’ont lieu le plus grand nombre de saillies. Il y aurait avantage à ce que les vaches le soient dès le 1er  mois, mais, dans l’état actuel, celà est impossible ; il faudrait modifier le régime et donner une nourriture abondante et substantielle.

ALIMENTATION.

Il ne suffit pas toujours de rechercher et de posséder les meilleurs étalons pour réussir à améliorer une race ; il y a une question première, capitale, qui domine toutes les autres et les annihile, quelque heureux choix que l’on ait fait, c’est celle des aliments, de leur abondance, de leur qualité. Buffon a dit avec raison : « si les climats agissent sur la surface extérieure des animaux en changeant la couleur du pelage, le manque de nourriture agit sur les formes intérieures, toujours relatives à celles de la terre qui la produit. »

Il est parfaitement reconnu que, de tous les agents, les aliments sont ceux qui modifient le plus profondément l’économie animale.

La nourriture exerce sur les animaux une influence qui est de la plus haute importance, sous le rapport de l’hygiène et de la zootechnie. Elle n’agit pas seulement sur la santé et sur la constitution des individus ; elle contribue à produire les caractères des espèces, et prend une très-grande part à la conservation, au perfectionnement, ou à la dégénération des races. Avec une bonne nourriture les espèces zoologiques sont susceptibles d’être profondément modifiées, tandis que, tous les moyens d’amélioration sont inefficaces, ou ne produisent que des effets passagers avec un régime alimentaire insuffisant.

Ainsi on voit souvent des animaux d’une origine commune, avoir peu de ressemblance entre eux, s’ils ont été nourris d’une manière différente. Ils se ressemblent quelquefois si peu, qu’on les dirait issus de races diverses.

L’influence des aliments sur les espèces a été contestée ; on a dit que le régime influe sur les individus, mais qu’il ne peut avoir d’influence sur les races. On pourrait y croire, si l’expérience ne prouvait journellement que les caractères, produits par le régime, sont transmissibles par la génération.

Les effets de l’alimentation sont donc du plus grand intérêt pour améliorer la race. Les éleveurs semblent trop souvent ignorer ce principe, aussi l’industrie bovine s’en ressent-elle. Ils devraient se convaincre que l’élevage est un problème qui consiste à développer le jeune animal, de manière à ce qu’il puisse dans le plus bref délai se suffire à lui-même, et remplir le but d’utilisation auquel il est destiné. Il est de la plus haute importance qu’un jeune animal puisse être utilisé six mois ou un an plus tôt, à tel ou tel service. On gagne ainsi le fourrage d’entretien exigé pendant ce temps. Les animaux développés avec une nourriture substantielle, sont plus aptes aux divers services, et font rentrer plus vite, le capital employé ; tels sont les avantages qu’il s’agit d’examiner.

Le but essentiel de l’exploitation du bétail est l’utilisation la plus élevée des fourrages au moyen d’une grande production animale, or, on ne sait trop se pénétrer que la valeur d’un animal dépend de son aptitude, et que celle-ci est sous la dépendance de la nourriture. Mais, bien que ce principe soit connu, il est trop négligé, comme nous allons le voir.

Je dois dire, d’une manière générale, que les jeunes veaux sont mal nourris. En agissant de la sorte, les éleveurs vont contre leurs intérêts, les règles de la physiologie et de l’hygiène. C’est dans le jeune âge que se forme l’animal et c’est alors qu’il convient de le nourrir abondamment, car de là dépend sa constitution.

Comme il a été dit, les naissances ont lieu à la fin de l’hiver ou au commencement du printemps. Les premiers jours on laisse aux jeunes veaux tout le lait de leur mère ; ils le prennent en deux fois ; ce qui est contraire à leur faible organisation, qui ne peut supporter une trop grande dose d’aliments. Il survient alors des indigestions laiteuses, qu’on pourrait facilement éviter en multipliant les repos, de façon que les animaux n’aient que trois ou quatre litres, qu’on diviserait également à chaque tétée. Dès que les veaux ont pris un peu de force, c’est à dire huit ou dix jours après la naissance, on peut, sans inconvénient, augmenter la quantité jusqu’à l’âge de trois semaines ou un mois. On diminuerait ensuite la ration qui ne se composerait que de 6 litres jusqu’au départ pour la montagne. J’ai déjà dit que pendant leur séjour à la ferme, les jeunes veaux ne souffraient guère du régime, mais qu’il n’en était plus ainsi, une fois qu’ils sont à la montagne. En effet, privés à peu près complètement du suc nourricier, ils sont obligés de se suffire en pacageant ; leur faible économie souffre de ce régime, aussi tombent-ils bientôt dans un marasme profond, leur poil devient terne, tout en eux annonce un état de dépérissement. Un tel système est peu propre à favoriser l’amélioration, il convient d’y rémédier, quand les veaux quittent la ferme ils sont âgés d’un mois au moins ; à cette époque on pourrait réduire la ration à 4 litres, et on les tiendrait ainsi jusqu’à l’âge de deux mois et demi ; un mois après, on ne leur laisserait plus que deux litres. Enfin à cinq mois on les sèvrerait et ils ne seraient employés que pour faciliter la mulsion. Certains agronomes ont proportionné la nourriture au poids de l’animal. On ne peut nier les bons effets d’une semblable méthode, mais, son application offrirait de telles difficultés qu’on est obligé d’agir empiriquement. Les quantités que j’ai données plus haut, peuvent ne pas suffire pour certains animaux ; d’un autre côté, ou ne peut guère mesurer et ce n’est qu’approximativement qu’on pourrait donner cette ration. C’est au vacher à laisser prendre le lait suffisant en se basant sur l’état des veaux ; par une attention soutenue, il ne s’écartera guère des quantités que j’ai données, qui sont très-acceptables et tout à fait dans l’intérêt des propriétaires ; vu que les veaux sont maintenus en bon état et acquièrent une plus grande valeur.

Malgré ces avantages incontestables, je m’attends à ce que l’on m’objecte la perte pour l’industrie fromagère ; mais je ferai observer que dans les premiers temps, où l’on doit donner le plus de lait, celui-ci est de mauvaise qualité et ne peut fournir de bonne marchandise. Par un simple calcul on verra qu’il y a avantage d’agir comme il a été dit, l’éleveur ne peut qu’y gagner. La plus value des animaux est bien supérieure à la perte prétendue faite sur les fromages ; le choix des reproducteurs est plus facile, et ce bien-être du jeune âge se fait ressentir sur les produits. Comme je l’ai dit plus haut, le sevrage est à peu près complet une fois les animaux arrivés à la montagne ; il se fait d’une manière brusque sans transition. La méthode est mauvaise, l’economie étant habituée à un régime qui lui est salutaire, souffre de cette suppression complète, une réaction se produit, la force d’assimilation, ne trouvant plus dans les éléments élaborés par la digestion, son contingent nécessaire, en emprunte à l’économie, et vient ainsi augmenter les effets de la désassimilation, de sorte que les animaux maigrissent. On doit éviter ces changements subits et agir progressivement ; ainsi traités, les animaux ne souffrent pas de la modification du régime. Malheureusement ce principe semble inconnu. Vivant ainsi de bonne heure dans la misère, les veaux sont peu impressionnés quand on les sépare complètement de leurs mères, car l’économie s’étant habituée à l’herbage, peut bien se suffire, mais, dès que l’équilibre s’établit, que la force d’assimilation reprend le dessus, le moment de l’hivernage arrive et, comme on le sait, très-mal soignés pendant cette saison, ces malheureux animaux en sortent au printemps amaigris et exténués.

On le voit, l’élevage est fait dans de très-mauvaises conditions, et, bien que la nourriture, pendant l’hiver, ait été distribuée avec parcimonie, elle est perdue ; car, au lieu de mettre les animaux en bon état, elle est à peine suffisante pour leur conservation.

On arrête ainsi leur développement en dépensant beaucoup. Ne vaudrait-il pas mieux nourrir plus abondamment ? Évidemment oui, car alors les animaux se développent, acquièrent une plus grande valeur et sont susceptibles d’être vendus plus tôt. On économiserait ainsi une nourriture qui serait précieuse pour les besoins de la ferme. Aux dernières foires de l’automne, les veaux les plus âgés pourraient être vendus. On m’objectera peut-être qu’à cette époque ils sont trop faibles et que le moment n’est pas encore venu ; ceci est vrai, mais à quoi faut-il l’attribuer ? sinon au manque de nourriture dans le jeune âge. Il est facile de s’en convaincre et je maintiens que si les animaux étaient tenus comme nous l’avons dit précédemment, on trouverait la possibilité de vendre avant l’entrée à la stabulation. Un simple coup d’œil doit suffire pour voir les avantages de cette pratique. Je n’ai rien à dire de l’élevage des veaux au-dessus de cet âge, car alors ils quittent presque tous leur lieu natal ; ceux qui y restent sont exclusivement employés pour les travaux de la ferme et ne sont vendus qu’à trois ans ; leur nombre est fort restreint.

Les génisses jusqu’à l’âge d’un an vivent avec les mâles ; ensuite elles sont séparées du troupeau pour être, un an plus tard, envoyées à la montagne où elles suivent le régime des vaches, régime que je vais faire connaître. Je dois dire que les soins dont ces dernières sont l’objet, ne peuvent guère être favorables à l’amélioration. En effet, le régime de l’hivernage qui coïncide avec l’époque de la gestation, est insuffisant, surtout pendant les années de sécheresse. Il n’y a que les fermes bien tenues qui prévoient ces éventualités et les évitent ; mais elles ne sont pas les plus nombreuses, et on oublie trop ce vieux proverbe du pays « le fromage se fait l’hiver » ce qui veut dire nourrissez bien pendant l’hiver pour avoir beaucoup de lait pendant l’été. Les mères mal nourries pendant cette saison, ne peuvent fournir au fœtus les éléments nécessaires à son organisation ; il faut les herbages pour leur donner l’alimentation qu’exige leur état, les réorganiser et leur fournir les moyens d’avoir du lait pour les nourrissons, qui souffrent encore des mauvais soins dont leurs mères ont été l’objet pendant la gestation.

Il ne faut pas toujours attribuer à la sécheresse le mauvais état des animaux ; car il est souvent la faute des éleveurs qui ont un trop grand nombre de sujets ; ayant en vue l’industrie fromagère, pour celà ils multiplient les vaches laitières. Ne vaudrait-il pas mieux avoir moins de vaches et les nourrir plus abondamment ? Je me hâte de répondre par l’affirmative, il arriverait alors que leur état serait meilleur, et bien qu’en nombre inférieur, elles donneraient des produits de qualités supérieures et beaucoup plus de lait. Les exemples ne manquent pas à l’appui de ce que j’avance ; ainsi aux environs de Salers il existe des propriétés où 35 ou 40 vaches donnent moins de bénéfice que d’autres n’en ayant que 25 ou 30. Ces dernières ayant une plus grande quantité d’aliments, donnent plus de lait, nourrissent mieux leurs produits, cependant les fermes sont dans les mêmes conditions, il faut donc attribuer cette différence au mauvais régime ; résultat infaillible de cette surcharge d’animaux qui mangent inutilement des aliments que les autres emploieraient avec profit.

À la montagne, le même inconvénient se présente, les troupeaux étant trop nombreux sont obligés de suivre un grand espace pour subvenir à leurs besoins ; ils dépensent ainsi beaucoup en mouvement et utilisent peu en production, tandis que, si les proportions sont bien gardées, ces animaux prennent leur nourriture en moins de temps, ruminent mieux, et utilisent ce qu’ils ont pris sans dépenser en travail.

Il arrive, pendant les années de sécheresse, que toutes les vacheries, sans exception, sont fortement éprouvées, car les animaux qui les composent trouvant à peine de quoi se suffire, sont accablés par la misère, et tombent dans un marasme profond. La question qui se pose est celle de trouver le moyen d’améliorer cet état, avec le moins de frais possibles. Bien que les animaux soient souvent éloignés des fermes, des cultures annuelles ou du foin pourraient leur éviter cette misère ; les frais que l’on pourrait faire seraient largement compensés par les pertes qu’on éviterait. Il serait donc du plus haut intérêt pour les éleveurs qu’ils aient toujours pour l’été du foin ou tout autre fourrage.

Une condition essentielle pour que les animaux se maintiennent en bon état, c’est l’eau. En effet, le manque d’eau occasionne de grandes souffrances s’il est absolu, il peut déterminer la mort au milieu d’atroces douleurs ; s’il n’est que partiel, les animaux maigrissent, leurs sécrétions se ralentissent, les femelles donnent peu de lait, les excréments sont secs ; les urines deviennent rares ; le poil terne ; l’appétit diminue ; la digestion devient difficile ; tout annonce une grave atteinte portée à la santé. Il faut donc, qu’à la montagne les animaux aient l’eau à discrétion, afin qu’ils puissent se désaltérer quand le besoin se fait sentir. On évite ainsi l’ingestion d’une trop grande quantité de liquide à la fois, surtout pendant les fortes chaleurs et alors que les animaux en ont été privés pendant plus longtemps, car dans ce cas ils surchargent leur estomac d’un liquide qui refroidit, distend ce viscère, arrête la digestion et réagit sur la peau ; il en arrête la sécrétion et peut occasionner toutes les maladies produites par les refroidissements subits et les arrêts de transpiration.

Pendant la stabulation, l’ingestion d’une grande quantité d’eau est plus fréquente ; ainsi, les animaux tenus dans des étables très-chaudes, nourris au sec, éprouvent souvent le besoin de boire, sans pouvoir être satisfaits ; deux fois dans la journée ils sont conduits à l’abreuvoir situé à peu de distance de l’étable, ils prennent alors une quantité considérable de liquide, qui produit souvent des maladies graves. Il faut donc dans tous les cas, procurer la boisson aux animaux, à petites quantités souvent répétées. Je me borne à ces quelques considérations pour passer à l’étude du sel marin.

DU SEL MARIN

Le chlorure de Sodium produit des effets salutaires sur l’économie, il active les sécrétions de la salive, des sucs gastrique et pancréatique, de là, les propriétés qu’il communique aux aliments suivant la dose. Faible, la saveur est légèrement salée et plaît au goût ; forte il irrite les organes digestifs, peut agir comme les poisons et produire la mort. Plus que les condiments végétaux, il rend, lorsqu’il est employé modérément, les chairs fermes et les fonctions régulières. Les animaux qui en font usage sont vigoureux et résistent mieux aux affections atoniques ; il est salutaire aux individus faibles, jeunes, lymphatiques ; il prédispose ceux qui sont forts, bien constitués et pléthoriques, à contracter des congestions.

Le sel active la circulation, excite la soif, augmente ainsi les diverses sécrétions, en particulier celle de l’urine et la transpiration cutanée. L’économie n’éprouve pas de changement sensible. Il est employé comme aliment, curatif, préservatif, condiment, excitant et à titre de friandise.

Presque toutes les parties du corps renfermant du sel, il doit se trouver dans la nourriture ; son utilité dans ce cas ne peut être contestée, vu l’importance qu’il joue dans la composition des divers organes. On ne le donne guère dans ce but, car le fourrage en contient suffisamment.

Il agit comme médicament curatif, contre les maladies vermineuses en donnant de la tonicité à l’intestin par son action fortifiante, il peut prévenir certaines maladies putrides, il agit principalement alors en donnant de l’appétit ; les animaux prennent plus de nourriture et reconstituent leur sang.

Il est d’une grande utilité comme condiment ; pour consommer les foins délavés, vieux ou sans saveur. Mais son principal rôle est comme excitant. En effet, il excite l’appétit et pousse à la sécrétion lactée. Donné aux vaches, il amène la soif, et augmente ainsi l’activité des mamelles ; il rend le lait riche en beurre et en fromage (d’après M. Garriot). Sur les jeunes veaux il a une influence considérable, en les engageant à prendre plus de nourriture, ce qui les met dans des conditions favorables à leur développement ; pour celà il faut qu’ils aient la nourriture suffisante. Les animaux de travail sont sensibles à son action : il augmente leurs forces et active leurs fonctions. Chez les vaches pleines il est d’une grande utilité pour la formation du fœtus.

Le sel est employé comme friandise ; les animaux l’aiment beaucoup, et sous son action ils sont plus souples, se dressent mieux. C’est dans ce but qu’il est employé dans le Cantal.

Les doses à donner sont variables suivant la saison, la quantité d’aliments et le but qu’on se propose. Dans le cas actuel il serait nécessaire de l’employer à la dose de 40 à 50 grammes, donné régulièrement toute l’année, pendant les repas, au moment de la mulsion ou quand les animaux semblent dégoutés des aliments. Toutefois, il faudrait en diminuer la dose pendant l’hiver, à moins qu’on ne donnât une nourriture abondante ; dans le cas contraire, on exciterait inutilement les animaux à prendre ce qu’on ne pourrait leur donner. Pour les jeunes sujets la dose de 20 à 25 grammes serait suffisante.

AÉRATION

L’aération n’est pas sans influence sur l’amélioration et la santé des animaux, elle agit d’une manière efficace et est d’un puissant secours à l’alimentation. Pour bien comprendre les effets de l’aération, il est nécessaire de connaître les propriétés de l’air. Comme l’action complexe, que ce fluide exerce sur l’économie, dépend de sa composition, considérée au point de vue de ses éléments, il importe d’étudier le rôle de ces derniers.

L’air est formé de 21 d’azote, 79 d’oxygène et de 4 à 0,0006 d’acide carbonique ; on y trouve aussi de l’iode, de l’ammoniaque, de la vapeur d’eau, des corpuscules en très faibles proportions. Du maintien de ses proportions, dépend la santé des animaux.

L’oxygène, auquel on a donné le nom d’agent vital, est sans contredit, l’élément le plus important qui entre dans la composition de l’air ; puisque c’est lui qui porté par le sang dans les diverses parties de l’économie, sert à brûler les principes hydro-carbonés et à la production du mouvement nécessaire à l’accomplissement des diverses fonctions.

Cela est si vrai, que la chaleur vitale des animaux est en rapport direct avec l’activité de la respiration. Quant à l’action de l’azote elle est plus simple, il n’a pour but que de mitiger les propriétés de l’oxygène, qui, respiré pur, agirait avec trop d’activité sur les organes respiratoires et déterminerait la mort.

Pour l’acide carbonique, l’action qu’il exerce est tout-à-fait nulle ; mais, s’il se trouve en quantité trop considérable, il gêne la respiration et à la longue fait succomber les animaux.

Il n’en est plus ainsi de la vapeur d’eau, sa présence est indispensable, car, plongés dans un air sec, les tissus se dessèchent et deviennent impropres à remplir leurs fonctions. D’après cet aperçu succinct on voit, qu’on doit placer les animaux dans des étables telles, que l’air présente toujours sa composition normale, qui est indispensable pour la santé des animaux.

Est-il possible d’obtenir ce résultat ? Évidemment oui, puisque l’air confiné des écuries est altéré par les diverses fonctions de l’économie, c’est à l’hygiène de remplacer cet air vicié par un air propre à exercer son action vitale. En effet, à la suite de la respiration, l’air subit des modifications consistant dans la diminution de l’oxygène, l’augmentation de l’acide carbonique et de la vapeur d’eau. On doit ajouter celles qui sont dues aux émanations, aux fermentations qui s’échappent du corps et des résidus excrémentiels, tels que hydrogène carbonné, acide carbonique, miasmes. L’air confiné agit ainsi non-seulement par le rapport anormal de ses éléments, mais par l’existence des gaz délétères qu’il renferme ; il devient donc impropre à l’entretien des diverses fonctions. La respiration et l’hématose se font d’une manière incomplète, le sang s’appauvrit et s’altère même. Ce liquide étant essentiel à la vie, l’économie se détériore et devient impuissante à réagir contre les causes qui viennent la frapper, aussi voit-on apparaître des maladies chroniques résultant de l’appauvrissement du sang et de la vitalité moindre des organes.

Cet exposé rapide des effets de l’air vicié sur l’économie, explique l’utilité de l’aération.

Les conditions les plus convenables pour les étables qui possèdent un grand nombre d’animaux sont les suivantes : hauteur de 2 mèt. 50 à 3 mèt., largeur, 12 à 14 mèt., longueur variable suivant le nombre d’animaux, auxquels il faut un espace de 1 mèt. 50 environ pour chacun. Les ouvertures doivent être nombreuses, placées au-dessus des animaux, s’ouvrant à volonté et disposées d’une façon telle, que l’air extérieur pénètre dans l’étable en traversant les couches supérieures.

Si l’on établit une comparaison entre les étables du Cantal et ce qui vient d’être dit, on les trouve très défectueuses, elles sont si basses que souvent un homme de taille moyenne a de la peine à s’y tenir debout, les ouvertures y sont petites, creusées dans le mur en forme de meurtrières, elles sont placées à la hauteur des animaux qui sont ainsi continuellement exposés aux courants d’air, conditions très défavorables à leur santé. Si le temps est froid tout est fermé, la température est considérablement élevée, l’air ne se renouvelle pas et les animaux sont ainsi plongés dans une atmosphère chargée de miasmes qui exercent de fâcheux effets sur l’économie. Cette haute température est nuisible à la santé des animaux, car quand ils vont à l’abreuvoir, ils ingèrent une grande quantité d’eau, ils se refroidissent, autant de causes qui provoquent des maladies, telles que courbatures, avortements, etc. ; avec peu de frais on pourrait remédier à ces inconvénients.

Si de la ferme nous suivons les animaux à la montagne, on les trouve encore dans de mauvaises conditions ; en effet ils sont sans abris, exposés à toutes les intempéries. L’inconvénient n’est pas grand quand le temps est beau, mais s’il pleut, qu’il fasse orage, on les voit cesser de manger et chercher un refuge ; ils se groupent tous derrière des cloisons construites avec des branches d’arbres, mais qui ne sont pas suffisantes ; les animaux souffrent beaucoup, il est même reconnu qu’à la suite d’un orage la sécrétion lactée est considérablement diminuée pendant plusieurs jours. Il peut encore survenir des accidents ; les animaux effrayés par les éclairs se précipitent souvent sans savoir où ils vont. Il serait donc prudent, et en même temps dans l’intérêt des propriétaires, de faire élever des hangars pour abriter les animaux les jours de mauvais temps. Les dépenses seraient largement compensées par les pertes qu’on éviterait.

CONCLUSION

Si, jetant sur mon travail un regard d’ensemble j’essaie d’en tirer quelques déductions, je suis amené à conclure que pour assurer la parfaite amélioration de la race de Salers, tout éleveur sérieux et réellement digne de ce nom, devra concentrer son attention sur les points suivants :

1o Faire un bon choix de reproducteurs.

2o User d’une alimentation basée sur des principes rationnels.

3o Proportionner le nombre d’animaux à la nourriture dont on peut disposer.

4o Mettre les animaux à l’abri des intempéries pendant leur séjour à la montagne.

5o Fournir aux animaux des habitations construites conformément aux lois de l’hygiène.

6o Ne pas priver les animaux de boisson.

7o Être moins économe dans la distribution du sel.

Telles sont, selon moi, les voies les plus naturelles pour arriver au succès. Puissent les principes ci-dessus exposés, entrer un jour dans la pratique et être confirmés par l’expérience ! C’est là l’unique vœu que je puisse faire.


L. F.