Depuis l’Exil Tome VI Obsèques de Paul de Saint-Victor

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J Hetzel (p. 19-20).

OBSÈQUES DE PAUL DE SAINT-VICTOR

— 12 juillet 1881 —

M. Paul Dalloz a lu, au seuil de l’église Saint-Germain-des-Prés, les paroles suivantes, envoyées par Victor Hugo :

Je suis accablé. Je pleure. J’aimais Saint-Victor.

Je vais le revoir. Il était de ma famille dans le monde des esprits, dans ce monde où nous irons tous. Ce n’était pas un esprit ni un cœur qui peuvent se perdre ; la mort de telles âmes est un grandissement de fonction.

Quel homme c’était, vous le savez. Vous vous rappelez cette rudesse, généreux défaut d’une nature franche, que recouvrait une grâce charmante. Pas de délicatesse plus exquise que celle de ce noble esprit. Combinez la science d’un mage assyrien avec la courtoisie d’un chevalier français, vous aurez Saint-Victor.

Qu’il aille où sa place est marquée, parmi les français glorieux. Qu’il soit une étoile de la patrie. Son œuvre est une des œuvres de ce grand siècle. Elle occupe les sommets suprêmes de l’art.

Parmi d’autres gloires, il a celle-ci, ne l’oublions pas : il a été fidèle à l’exil. Pendant les plus sombres années de l’empire, l’exil a entendu cette voix amie, cette voix persistante, cette voix intrépide. Il a soutenu les combattants, il a couronné les vaincus, il a montré à tous combien est calme et fière cette habitude des hautes régions.

Que toute cette gloire lui revienne aujourd’hui ; qu’il entre dans la sérénité souveraine, et qu’il aille s’asseoir parmi ces hommes rares qui ont eu ce double don, la profondeur du grand artiste et la splendeur du grand écrivain.