Dernier carnet de route au Soudan français - La fin de la mission Klobb/23

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III. Le désastre de la mission Klobb.

III

LE DÉSASTRE DE LA MISSION KLOBB




Rapport Officiel



SOUDAN FRANÇAIS

Région Nord-Est

Résidence de Say


RAPPORT
du capitaine d’artillerie de marine Grandeyre, résident de France à Say, sur l’attaque de la colonne Klobb par le capitaine Voulet à Damangara (Sinder).

La colonne Klobb, partie de Say le 11 juin, comprenait.

Le lieutenant-colonel Klobb, artillerie de marine,

Le lieutenant Meynier, infanterie de marine ;

35 tirailleurs, 1re compagnie de Sinder ;

1 tirailleur soudanais du 4e de Tombouctou, ordonnance du lieutenant ;

2 gardes frontière de Say ;

1 spahi auxiliaire de Say ;

L’interprète de Say ;

2 palefreniers du poste de Say ;

1 indigène de Say, surveillant des âniers et conducteurs de bœufs porteurs ;

1 garçon du colonel ;

1 cuisinier du colonel ;

6 chevaux du poste de Say ;

12 ânes et âniers de Say ;

2 bœufs porteurs de Say et leurs conducteurs.

Elle arriva à Dosso le 15 juin, en repartit le 16 à 4 h. du soir, arrivait à Matankari le 21 et à Doundahé le 25.

À partir de là, l’itinéraire ne peut plus être fixé, les survivants de la colonne ne pouvant donner aucun autre nom de village que ceux de Kalongo et de Damangara. La colonne trouva tous les villages brûlés, abandonnés ou évacués précipitamment dès qu’elle était signalée. Elle fit un seul arrêt de quarante-huit heures dans le village A, où elle arriva le 9 juillet.

Là, le colonel, ayant pu faire rentrer quelques habitants qui s’étaient enfuis, apprit que Voulet n’était qu’à trois jours de marche en avant.

Il lui écrivit de suite une lettre pour le prier de l’attendre et la fit porter par les tirailleurs Mamadou-Kamara, Massa-Sidibé, Demba-Diara, et Zan-Taraoré.

Partis le 9 juillet, ils rejoignirent le convoi Voulet le lendemain 10 juillet, à 5 heures du soir, dans le village E.

Le premier blanc qu’ils virent fut le sergent d’infanterie de marine Bouthel. Il leur demanda d’où ils venaient, s’il y avait un convoi avec le colonel ; puis il monta à cheval pour aller porter la lettre du colonel à Voulet, qui se trouvait au village F.

Le sergent leur donna pour guide un tirailleur du convoi ; mais il revint presque aussitôt et leur fit faire demi-tour, en disant que Voulet leur donnait l’ordre de rester en arrière, de passer la nuit au convoi, et d’attendre au lendemain.

Le lendemain 11 juillet, le sergent Bouthel les fit équiper, et leur assigna une case en dehors du convoi.

Vers huit heures, Mamadou-Kandé, tirailleur auxiliaire, planton du sergent, vint les chercher. Le convoi partait et le sergent amena les quatre tirailleurs avec lui.

Au bout d’une heure environ, le convoi s’arrêta et campa au village G.

À midi, Voulet vint à G, fit appeler Mamadou-Kamara et dicta une lettre au sergent Bouthel, et l’emporta. Il la renvoya au sergent le soir, après l’appel, par un spahi.

Dans la nuit, le convoi se mit en marche.

Le sergent Bouthel donna l’ordre aux tirailleurs de le suivre. Arrivé à F, le convoi s’arrêta. La colonne Voulet était déjà en marche.

Mamadou-Kamara alla trouver le sergent qui lui dit de venir jusqu’au prochain village, que, là, le capitaine lui donnerait une lettre et qu’il pourrait retourner.

Sur le refus de Mamadou-Kamara, qui dit n’avoir pas pareil ordre du colonel, et que, si on ne lui donnait pas de lettre, il allait partir quand même, le sergent Bouthel tira de sa poche une lettre qu’il lui remit en disant :

— Le capitaine dit au colonel qu’il ne peut l’attendre ici parce qu’il n’y a pas d’eau, mais qu’il le trouvera dans le village suivant.

Outre Voulet et Bouthel, les tirailleurs n’ont vu que le maréchal des logis Tourot, des spahis, le sergent-major Loury, et ont entendu dire que le capitaine Chanoine était rentré pendant la nuit. Il y avait au convoi quantité de bœufs, de chameaux, d’ânes et de captifs, ainsi que quelques chevaux nus.

Partis le 12 juillet, à quatre heures du matin, ils retrouvaient le colonel sur la route le lendemain entre D et E, vers huit heures.

Le colonel lut la lettre, fit faire halte, la donna à lire au lieutenant et repartit jusqu’au village F que Voulet avait quitté la veille.

Aussitôt arrivé, il fit demander à Mamadou-Kamara s’il n’était pas trop fatigué pour repartir de suite et porter une nouvelle lettre qu’il venait d’écrire. Mamadou-Kamara accepta et repartit aussitôt avec les mêmes tirailleurs, sans même avoir mangé.

Ils rejoignirent Voulet vers cinq heures du soir, le même jour, 13 juillet, au village K. Un petit poste de spahis les arrêta en vue du village.

L’un d’eux prit la lettre et la porta à Voulet, qui fit venir les tirailleurs au village où ils ne trouvèrent que 7 sections de tirailleurs armés et équipés, l’arme au pied : 5 sections d’auxiliaires armés du 74, 2 sections de réguliers armés du 86. Le reste de la mission était parti avec Chanoine par la route plus à l’Est, route directe de I à L, petit village entre K et Damangara.

Voulet fit appeler Mamadou-Kamara, qui amena avec lui Demba-Diara, ne voulant pas être seul. Le docteur Henric était cependant dans le village, mais dans une autre case. Ils ne l’ont pas vu, c’est le spahi Mamadou-Moussa, de Bandiagara, qui l’a dit au tirailleur Demba-Diara.

Voulet était avec l’interprète Mamadou-Coulibaly.

Il demanda combien il y avait de tirailleurs avec le colonel, pourquoi le colonel venait. Mamadou-Kamara ayant répondu qu’il y avait 25 tirailleurs, mais qu’il ne savait pas pourquoi le colonel venait.

— Eh bien ! je vais te le dire, moi, si tu ne le sais pas, il vient ici pour me supplanter et prendre le commandement de la mission. Si c’est à cause de mes galons que le colonel vient m’em…, je n’ai plus besoin de mes galons. Je me f… des galons.

Il arracha ses galons des deux manches, les jeta à terre, puis les ramassa et les coupa en morceaux avec les ciseaux qu’il avait sur sa table. Et continuant :

— J’aimerais mieux mourir que de voir le colonel entrer ici, le colonel a en France un père, une mère, une femme, des enfants. Moi, je n’ai rien, je me f… de crever. D’ailleurs, je m’en f…!

Il fit sortir sa table, fit réunir par une sonnerie de clairons les gradés des sections qui se trouvaient là et leur dit :

« Le colonel Klobb vient ici parce que je vous ai donné beaucoup de captifs et de femmes. Il vient pour vous les enlever et les rendre libres. Vous le connaissez bien de Tombouctou et vous savez comment il agissait. Il faut me dire si vous serez content de cela, moi je ne serai pas content.

« Dites-moi si vous voulez m’obéir à moi, ou si vous aimez mieux obéir au colonel. »

Deux sergents, Diara-Kamara et Demba-Sara répondirent pour tous les autres (ils étaient une dizaine) qu’ils préféraient lui obéir à lui, feraient tout ce qu’il leur dirait, tout ce qu’il leur commanderait, qu’ils seraient plus contents ainsi.

Voulet écrivit alors au colonel, fit appeler les deux autres tirailleurs Zan-Taraoré et Massa-Sidibé, désarma Demba-Diara et Zan-Taraoré, menaça de les faire fusiller tous les quatre, prit un revolver sur sa table, ajusta Mamadou-Kamara.

— Si je te tuais, qui viendrait réclamer ?

— Personne, mon capitaine ; mais si je suis ici, c’est que j’ai été commandé par le colonel.

Enfin, à neuf heures du soir, il les congédia, en leur remettant la lettre dont la copie est ci-jointe, et en leur recommandant bien de dire au colonel que, s’il avançait, il le recevrait à coups de fusil. Quant aux tirailleurs, ceux qui ne seraient pas tués, il les emmènerait avec lui.

Parmi les indigènes présents au village K, furent reconnus :

1o Sergent Demba-Sara par Mamadou-Kamara et Demba-Diara ;

2o Sergent Diara-Kamara par Mamadou-Kamara ;

3o Caporal auxiliaire Semba-Kone par Massa-Sidibé ;

4o Spahi Mamadou-Moussa par Demba-Diara.

Partis à neuf heures du soir, Mamadou-Kamara et les tirailleurs guidés par trois spahis que leur avait donnés Voulet, marchèrent jusqu’au coucher de la lune ; puis les spahis, ayant déclaré qu’ils ne se reconnaissaient plus, tournèrent bride.

Mamadou-Kamara coucha où il était, dans la brousse, et s’aperçut le lendemain matin, au tout petit jour qu’ils étaient égarés.

Obliquant au Nord-Est, ils retrouvèrent la route de la veille en arrière du village H. Les spahis leur avaient fait prendre une route plus à l’Ouest et autre que celle que devait forcément suivre le colonel. Était-ce par ordre ou était-ce une erreur involontaire ?

Aux traces laissées sur la route, ils virent qu’ils avaient doublé le colonel et qu’ils se trouvaient derrière lui.

Ils traversèrent les villages H et I, virent le campement du colonel de la nuit dernière et continuèrent leur route sur K. En sortant de I, ils aperçurent de la poussière au loin, et pensant avec raison que c’était le colonel, Mamadou-Kamara qui avait mal aux pieds, donna la lettre à Massa-Sidibé pour la porter au plus vite au colonel.

Quand ce dernier fut en vue, Massa-Sidibé entendit les premiers coups de feu.

Le colonel était à cheval ; il se dirigea sur lui, mais quand il arriva sur le lieu de la fusillade, il vit les tirailleurs de Voulet s’avancer au pas gymnastique, baïonnette au canon.

Il passa à côté du colonel, le vit couché sur le côté gauche, du sang à la cuisse droite et une balle à la tête.

À côté de lui, son cheval tué, son casque traversé et le tirailleur Mamadi-N’Diaye tué.

Les tirailleurs Klobb fuyaient ; Massa-Sidibé les suivit en tirant, rejoignit le sergent vers dix heures et demie dans la brousse et lui remit la lettre de Voulet.

Quant à Mamadou-Kamara et aux deux autres, ils allongèrent le pas dès qu’ils entendirent les coups de fusil, mais, avant d’arriver, ils virent venir à eux, au pas gymnastique, le caporal Diatigi-Coulibaly, le tirailleur Malali-Dialo, et l’ânier Biga qui leur dirent que le colonel et le lieutenant étaient tués et que tous les tirailleurs se sauvaient.

Il était environ neuf heures.

Ils firent alors demi-tour et se sauvèrent jusqu’au village F, où ils avaient quitté le colonel la veille.

Ce n’est que le 17, à midi, qu’ils retrouvèrent le sergent dans le village A, où il était arrivé le matin avec tous ceux qu’il avait pu rallier.

Le colonel, après avoir envoyé sa deuxième lettre à Voulet, de F, à dix heures du matin, le 13, se mit en marche vers deux heures du matin, le guide lui ayant dit que Voulet était campé au village I.

Il y arriva vers sept heures du soir et ne trouva personne.

Il campa en dehors du village et repartit, le lendemain 14, dans l’ordre suivant :

Avant-garde. — 2 tirailleurs : Nambala-Keïta, Karounga-Diara.

1 guide.

40 mètres environ.

Colonne. — 2 gardes-frontière : Bakary-Taraoré, Igoudou-Tamboura.

Spahi auxiliaire : Mamadi-Coulibaly.

Le colonel.

L’interprète Baba-Quebé.

Le sergent Mamadou-Ouaké.

26 tirailleurs en file.

Le convoi avec le lieutenant.

Arrière-garde. — Caporal Diatigi-Coulibaly.

6 tirailleurs : Fogossé-Dioukebere-Guimé, Dieka-Koné, Mamadou-Taraoré, Moussa-Taraoré, Sadio-Taraoré, Birama-Sankaré.

Karounga-Diara entendit une sonnerie de clairon comme le soleil allait se lever. Le colonel, prévenu, donna l’ordre de hâter le pas. Une demi-heure après, on apercevait le village K.

Après l’avoir traversé, il était sept heures environ, un cavalier indigène rejoignit la colonne, remit une lettre au colonel et repartit.

Le colonel lut la lettre, fit halte, appela Meynier et lui tendit le papier.

— Voyez donc : Voulet dit que, si nous continuons à marcher, il va nous attaquer.

Meynier lut la lettre, demanda à passer en avant du colonel avec les tirailleurs et de riposter en cas d’attaque.

Le colonel refusa.

— Si Voulet veut faire le fou, je ne tiens pas à en faire autant.

Il fit appeler le sergent Mamadou-Ouaké et l’interprète Baba-Quebé et fit défense formelle aux tirailleurs et aux cavaliers de tirer, même en cas d’attaque.

— Si Voulet nous attaque comme il l’écrit, tous ceux qui ne seront pas tués, dit le colonel, devront retourner à Say dire ce qu’ils ont vu ; si tout le monde est tué, il y a encore des Français en France, ils viendront et chercheront à savoir ce qui s’est passé.

Baba-Quebé prévint les gardes-frontière, le sergent prévint les tirailleurs et envoya le caporal Tiemoho-Dialo prévenir ceux de l’arrière-garde.

Puis on se remit en marche.

Le lieutenant resta à côté du colonel qui fit déployer son pavillon par le garde-frontière Bakari-Taraoré.

Le tirailleur Makan-Diara, le premier, aperçut en arrière, à gauche, des tirailleurs dans la brousse. Il prévint le sergent qui les montra au lieutenant.

— Mon colonel, voilà des tirailleurs à notre gauche, dit Meynier.

Le colonel fit un à gauche pour leur faire face, fit dire à Bakari-Taraoré d’élever le pavillon à bout de bras pour qu’on le voie bien, fit serrer l’arrière-garde et de suite essuya deux feux de salve.

Il fit coucher tous ses hommes, restant seul à cheval avec le lieutenant, l’interprète, les gardes-frontière et le spahi.

Il leva les bras en criant

— Cessez le feu ! Cessez le feu ! Tirailleurs de Tombouctou, rassemblement ! Le colonel Klobb ! Cessez le feu ! Cessez le feu !

Puis à Meynier :

— Vous ne voyez pas d’Européen ?

— Si, mon colonel, il y a un sergent.

— Appelez-le.

— Sergent blanc, vous ne reconnaissez pas le colonel Klobb ? Voilà le drapeau ! Tirailleurs, il ne faut pas tirer, c’est le colonel Klobb, de Tombouctou !

Cette méprise de Meynier est très compréhensible : Voulet était en bleu et sans galons.

Voulet s’avança devant sa troupe et répondit :

— Il n’y a pas de sergent Européen. C’est moi, Voulet. Je ne me trompe pas. Je vous connais bien. Voilà le colonel Klobb. Mais je m’en fous. Je vais vous brûler la cervelle.

Le colonel, le lieutenant et les spahis étaient à peine à quatre-vingts mètres de Voulet.

Voulet se retira derrière sa troupe et fit de nouveau ouvrir le feu par salves, en recommandant :

— Visez bien les deux blancs.

On entendait les commandements très distinctement.

Dès les premiers coups de feu, le colonel était blessé à la cuisse droite, Meynier recevait une balle dans le ventre.

Il tira son sabre.

— Non, non, Meynier, remettez votre sabre, lui dit doucement le colonel en se frottant la cuisse où il venait d’être blessé.

Meynier venait à peine d’en abandonner la poignée qu’une balle en pleine poitrine le désarçonnait et l’étendait raide mort[1].

Le sergent Mamadou-Ouaké voyant le lieutenant tué, demanda, en le montrant au colonel, la permission de tirer.

— Non, non, pas de coups de fusil, ne tirez pas, répondit le colonel, immobile sur son cheval, regardant droit devant lui, admirable de calme et de sang-froid.

Presque aussitôt une nouvelle décharge le tuait raide d’une balle à la tête.

Voulet commanda alors :

— Feu à volonté.

Puis, passant en avant du rang, fit mettre la baïonnette et charger.

Des spahis, dissimulés jusque-là, se déployèrent aux deux ailes pour barrer la route et tenter de faire prisonniers tous les survivants.

Parmi les spahis, un nommé Bao-Dia-Kité, ancien brigadier auxiliaire de Say, cassé pour vol, et recruté par Chanoine à son passage, se fit reconnaître en criant aux fuyards, qu’il appelait même par leurs noms, que le capitaine leur faisait dire de venir, qu’on ne leur ferait pas de mal.

Son invitation fut accueillie à coups de fusil et le sergent Mamadou-Ouaké eut même le temps de lui répondre :

— Va dire à ton capitaine que, maintenant qu’il a tué le colonel et le lieutenant, personne ne viendra.

Le spahi auxiliaire Mamadi-Coulibaly, blessé, se sauva devant la charge et alla se cacher derrière un arbre, dans la brousse.

Il vit arriver les tirailleurs au pas de course, avec Voulet à pied, en tête, le vit se pencher sur le colonel, le dépouiller de son étui-revolver, s’en équiper et continuer la poursuite avec ses tirailleurs dans la direction de L. Une sentinelle avait été mise en passant aux bagages Klobb. Mamadi-Coulibaly est resté caché environ une demi-heure, puis il a gagné la brousse et rejoint peu après le sergent Mamadou-Ouaké.

Le lieu du combat a pu être déterminé d’une façon assez précise au moyen des renseignements donnés par le guide dans la matinée.

Cet indigène avait dit en sortant de K que l’on n’était plus qu’à deux heures de Damangara, très gros village où un blanc avait été tué il n’y avait pas très longtemps.

C’est certainement le Sinder de Cazemajou ; mais, en même temps, il expliqua que le pays s’appelait Sinder, comprenait une agglomération de gros villages fortifiés, autour desquels quantité d’autres petits villages ouverts. Il ajouta que, la veille, Chanoine était parti avec toute la mission par le chemin de gauche, laissant Voulet marcher sur K, et que Chanoine devait l’attendre à L, le 14.

Tout fait donc supposer que Voulet a quitté K le 14, de grand matin, quand le colonel entendit le clairon ; qu’il rejoignit Chanoine à L, qui n’est qu’à une heure de marche, et se rabattit vers le Nord-Ouest, en suivant la route Chanoine pour tourner la colonne Klobb et la prendre à revers.

Le colonel, l’ayant aperçu, ne fut pris que de trois quarts.

En quittant le champ de bataille, le sergent Mamadou-Ouaké n’avait avec lui que sept hommes. Il mit deux jours pour réunir la plus grande partie des survivants et battit en retraite sur Dosso.

Il arriva à A, le 17, dans la matinée.

C’est là que, vers midi, vinrent le rejoindre les survivants, Mamadou-Kamara, Zan-Taraoré, Demba-Diara, Malali-Dialo et Diatigi-Coulibaly.

Ce détachement, recueilli le 3 août, à Goron (Bankassan-Koïra), par le lieutenant Cornu, arriva à Dosso le 4 et à Say le 9 août.

Ci-après copie de la deuxième lettre écrite par Voulet au colonel et remise à Mamadou-Kamara, le 13 juillet, à neuf heures du soir, à K.

Cette lettre, écrite au crayon, n’est pas datée.

Le colonel n’en a pas eu connaissance.


Le capitaine Voulet, chargé de mission,
à Monsieur le Colonel Klobb.
Mon Colonel,

Avant même de m’adresser copie des pouvoirs en vertu desquels vous prenez, dites-vous, le commandement de la mission, vous m’envoyez deux notes comminatoires et conçues en termes presque grossiers. Cela m’est une preuve des sentiments peu généreux que vous nourrissez à mon égard. Vous vous êtes certainement rendu compte de l’infamie que vous avez commise à mon égard en venant ainsi, poussé par une ambition effrénée, me voler le fruit de mes efforts. Mais vous avez fait fausse route en supposant que j’accepterais bénévolement une déchéance semblable.

En conséquence, j’ai l’honneur de vous faire connaître :

1o Que je garde le commandement de la mission ;

2o Que je dispose de six cents fusils ;

3o Que je vous traiterai en ennemi, si vous continuez votre marche vers moi ;

4o Que mes hommes ont tous été consultés au sujet de savoir si nous devions accepter la situation que vous voulez nous offrir, et que tous sont décidés à me suivre dans la voie que j’ai indiquée plus haut ;

5o Que je suis résolu, en cette circonstance, à faire le sacrifice de mon existence plutôt que de subir l’humiliation que vous avez ordre de m’imposer ; mais, aussi, que je préfère jouer le tout et surtout ne pas laisser, par un suicide stupide, la place nette à un intrigant de votre espèce.

Vous ferez donc ce que vous voudrez, mais à partir du reçu de cette lettre, sachez qu’un pas en avant vous expose aux éventualités développées plus haut.

Signé : VOULET.

Le spahi auxiliaire Mamadou-Coulibaly et l’ânier blessé, de Say, ont remis chacun au capitaine résident de Say une balle 86 qu’ils ont extraite de leurs blessures.

La première, qui a brisé le fût de la carabine du spahi, avant de le toucher au bras, est légèrement déformée au culot, l’autre, arrivée directement dans la cuisse de l’ânier, est absolument intacte et encore recouverte de sang.

1o Blessés de la colonne rentrés à Say : 8.

6 tirailleurs : Karounga-Diara, 1 blessure ; Nambala-Keïta, 3 blessures ; Aldiouma-Malékou, 1 blessure ; Mou-Keïta, 1 blessure ; Dioula-Sidibé, 1 blessure.

1 spahi auxiliaire : Mamadi-Coulibaly, 1 blessure.

1 ânier, 1 blessure.

2o Blessés grièvement et restés sur le terrain (très probablement morts peu après) : 2

Interprète Baba-Quebé, 1 cuisse cassée.

Garde-frontière Bakary-Taraoré, 2 cuisses cassées.

3o Tués : 6.

4 tirailleurs Mamadi-N’Diaye, Ali-Diavara, Semba-Dumbia, Mamadou-Koné.

1 ânier.

1 conducteur de bœufs porteurs.

4o Disparus :

Le garçon du colonel, Diabé.

Palefrenier du colonel, Bilaly-Coulibaly.

Diabé a été vu se sauvant dans la brousse, mais on n’a pu le retrouver. Quant à Bilaly, personne ne sait où il a pu passer.

Signé : Granderye.
Pour copie conforme :
Le chef de bataillon commandant la région Nord-Est,
Signé : Simonin.

No 337. — Transmis à M. le colonel lieutenant-gouverneur p. i.


Bandiagara, le 28 août 1899.
Le commandant supérieur,
Signé : Septans.

No 682. — Transmis à M. le gouverneur général p. i., de l’Afrique occidentale.

Kayes, le 14 septembre 1899.
Le colonel, lieutenant-gouverneur p. i.
Signé : Vimard.

Transmis à M. le ministre des Colonies.

Le gouverneur p. i., chargé de l’expédition des affaires courantes du gouvernement général,
Signé : Th. Bergès.



  1. Le lieutenant Meynier ne fut en réalité que blessé. Actuellement bien guéri et bien portant, il est capitaine d’infanterie coloniale.