Des Fleurs de bonne volonté/Arabesques de malheur

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Des Fleurs de bonne volontéMercure de FranceII. Poésies (p. 240-241).

LII

ARABESQUES DE MALHEUR

Nous nous aimions comme deux fous ;
On s’est quittés sans en parler.
(Un spleen me tenait exilé
Et ce spleen me venait de tout.)

Que ferons-nous, moi, de mon âme,
Elle de sa tendre jeunesse !
Ô vieillissante pécheresse,
Oh ! que tu vas me rendre infâme !

Des ans vont passer là-dessus ;
On durcira chacun pour soi ;
Et bien souvent, et je m’y vois,
On ragera : « Si j’avais su !… »


Oh ! comme on fait claquer les portes,
Dans ce Grand Hôtel d’anonymes !
Touristes, couples légitimes,
Ma Destinée est demi-morte !…

— Ses yeux disaient : « Comprenez-vous !
» Comment ne comprenez-vous pas ! »
Et nul n’a pu le premier pas ;
On s’est séparés d’un air fou.

Si on ne tombe pas d’un même
Cri à genoux, c’est du factice
Ensemble ! voilà la justice
Selon moi, voilà comment j’aime.