Des Fleurs de bonne volonté/Dimanches (J’aime, j’aime de tout mon siècle)

La bibliothèque libre.
Des Fleurs de bonne volontéMercure de FranceII. Poésies (p. 223-225).

XLIV

DIMANCHES

Laertes to Ophelia :
The chariest maid is prodigal enough
If she unmask her beauty to the moon.


J’aime, j’aime de tout mon siècle ! cette hostie
Féminine en si vierge et destructible chair
Qu’on voit, au point du jour, altièrement sertie
Dans de cendreuses toilettes déjà d’hiver,
Se fuir le long des cris surhumains de la mer !

(Des yeux dégustateurs âpres à la curée ;
Une bouche à jamais cloîtrée !)

(— Voici qu’elle m’honore de ses confidences ;
J’en souffre plus qu’elle ne pense !)


Chère perdue, comment votre esprit éclairé,
Et ce stylet d’acier de vos regards bleuâtres
N’ont-ils pas su percer à jour la mise en frais
De cet économique et passager bellâtre ?…
— Il vint le premier ; j’étais seule devant l’âtre…

Hier l’orchestre attaqua
Sa dernière polka.

Oh ! l’automne, l’automne !
Les casinos
Qu’on abandonne
Remisent leurs pianos !…

Phrases, verroteries,
Caillots de souvenirs.
Oh ! comme elle est maigrie !
Que vais-je devenir ?…

Adieu ! Les files d’ifs dans les grisailles
Ont l’air de pleureuses de funérailles
Sous l’autan noir qui veut que tout s’en aille.

Assez, assez,
C’est toi qui as commencé.


Va, ce n’est plus l’odeur de tes fourrures.
Va, vos moindres clins d’yeux sont des parjures.
Tais-toi, avec vous autres rien ne dure.

Tais-toi, tais-toi,
On n’aime qu’une fois…