Des Fleurs de bonne volonté/Dimanches (N’achevez pas la ritournelle)

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Des Fleurs de bonne volontéMercure de FranceII. Poésies (p. 199-201).

XXXIV

DIMANCHES

Hamlet : I have heard of your paintings too, well enough. God hath given you one face, and you make yourselves another ; you jig, you amble, and you lisp, and nickname God’s creatures, and make your wantonness your ignorance. Go to ; I’ll no more on’t ; it hath made me mad. To a nunnery, go.


N’achevez pas la ritournelle,
En prêtant au piano vos ailes,
Ô mad’moiselle du premier.
Ça me rappelle l’Hippodrome,
Où cet air cinglait un pauvre homme
Déguisé en clown printanier.

Sa perruque arborait des roses,
Mais, en son masque de chlorose,

Le trèfle noir manquait de nez !
Il jonglait avec des cœurs rouges,
Mais sa valse trinquait aux bouges
Où se font les enfants mort-nés.

Et cette valse, ô mad’moiselle,
Vous dit les Roland, les dentelles
Du bal qui vous attend ce soir !
— Ah ! te pousser par tes épaules
Décolletées, vers de durs pôles
Où je connais un abattoir !

Là, là, je te ferai la honte !
Et je te demanderai compte
De ce corset cambrant tes reins
De ta tournure et des frisures
Achalandant contre nature
Ton front et ton arrière-train.

Je te crierai : « Nous sommes frères !
» Alors, vêts-toi à ma manière,
» Ma manière ne trompe pas ;
» Et perds ce dandinement louche
» D’animal lesté de ses couches,
» Et galopant par les haras ! »


Oh ! vivre uniment autochtones
Sur cette terre (où nous cantonne
Après tout notre être tel quel !)
Et sans préférer, l’âme aigrie,
Aux vers luisants de nos prairies
Les lucioles des prés du ciel ;

Et sans plus sangloter aux heures
De lendemains, vers des demeures
Dont nous nous sacrons les élus.
Ah ! que je vous dis, autochtones !
Tant la vie à terre elle est bonne,
Quand on n’en demande pas plus.