Des délits et des peines (trad. Collin de Plancy)/Observations de Hautefort

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Traduction par Jacques Collin de Plancy.
Brière (p. 373-389).

EXTRAIT
DES OBSERVATIONS
publiées en 1767,
SUR LE LIVRE
DES DÉLITS ET DES PEINES.

Nota. Il faut bien distinguer ces Observations judicieuses, des Notes et Observations du moine, dont on vient de parcourir quelques passages. Celles qui vont suivre méritent d’être placées à côté du livre de Beccaria. On a supprimé les choses peu importantes.

EXTRAIT
DES OBSERVATIONS
publiées en 1767,
SUR LE LIVRE
DES DÉLITS ET DES PEINES[1].


Si l’objet de cet ouvrage était l’examen des lois politiques et de l’origine des traités de nations à nations, il faudrait sans doute puiser ses principes au moment de la rédaction de ces mêmes lois, au moment où les hommes, las d’un état de guerre qui les privait de la liberté qu’ils voulaient défendre, dictèrent les conditions qui unirent différentes sociétés. Mais la nécessité avait uni les hommes avant d’unir les nations.

Pour trouver l’origine du droit de punir, il faut donc envisager d’abord la formation des premières sociétés : alors nous remonterons jusqu’au premier crime, occasion infaillible de la première loi criminelle ; et nous verrons que ces premières lois n’ont dû être que le cri de la nature et du désir de la conservation, non point des conventions entre des hommes libres.

Les besoins des hommes, plus aisés à satisfaire en communauté qu’autrement, sont l’origine des premières sociétés. Ils sont encore la chaîne qui unit les familles, les provinces et les nations. Les lois n’ont point été les conditions de ces premiers attroupemens, parce que les hommes isolés, cherchant à se rassembler, sentaient bien qu’ils pouvaient s’être utiles réciproquement ; mais ils n’ont pas senti dans le premier instant, qu’ils pouvaient se nuire.

Cependant l’intérêt personnel fit bientôt naître l’esprit de propriété, qui, se développant plus fortement dans l’un de ces individus, lui fit commettre le premier crime, l’assassinat de son voisin, afin de s’emparer de sa femme ou de son travail.

Sans doute un tel forfait n’avait pas été prévu : comme les premiers hommes étaient sans crime, ils étaient sans lois. Cependant le coupable fut puni de mort. Les bêtes féroces que l’on cherchait à détruire étaient moins dangereuses que ce monstre : l’intérêt particulier, effrayé pour lui-même, fit masse commune contre l’intérêt du coupable ; et la punition, que l’auteur appelle un meurtre public, précéda la sentence. Ce sont là sans doute les premiers sentimens du cœur de l’homme, lorsqu’il est fortement offensé.

Voyons actuellement si la punition du coupable fut légitime, quoiqu’il n’eût cédé à personne le droit de le punir.

Pour qu’un châtiment soit juste, il faut qu’il soit proportionné au délit, et tel que le criminel lui-même soit forcé de sentir au fond de son cœur qu’il a mérité la peine qu’on lui impose.

Pour que la peine soit proportionnée au crime, il faut aussi que celui qui détruit soit détruit, parce qu’il pourrait détruire encore ; que celui qui trouble soit troublé, pour qu’il ne soit plus tenté de troubler à l’avenir. Voilà la loi qui condamne l’assassin à mort. Il eût prononcé cette même loi contre tout autre coupable, parce que sa propre sûreté la lui aurait dictée. Voilà son aveu et les preuves de la légitimité de son supplice.


Le premier des gouvernemens qui a dû s’établir, n’a pu être que le démocratique. Mais la volonté de tous, en opposition aux volontés particulières, pouvait d’autant moins contenir les hommes, que leur nombre s’augmentait. Ce fut alors que l’ambition et l’adresse vinrent au secours de l’anarchie, inévitable dans un peuple de souverains ; et le crime ou la persuasion donnèrent bientôt naissance à l’aristocratie, dans laquelle des individus représentant la volonté de tous, parvinrent à forcer les volontés particulières et à les contenir.

Ce n’est qu’à cette époque que l’on peut fixer la rédaction des lois criminelles ; les arbitres, que la force ou la persuasion venaient d’établir, avaient besoin que des conventions rédigées de manière qu’elles les forçassent à être justes, obligeassent en même temps les hommes à se soumettre. De sorte que c’est la voix du plus petit nombre qui a dicté les lois, et l’intérêt général les a maintenues.

Cependant ces lois, prononcées dans différens climats, uniformes dans leur motif, devaient nécessairement différer dans leurs moyens : pouvait-on s’attendre que l’esprit de justice qui punissait partout, punirait partout de la même manière ?

Ces différences ont dû dépendre de la forme des gouvernemens qui, assurant plus ou moins de liberté à chaque individu, étaient plus ou moins rigides dans leurs châtimens.


Pour que les lois soient respectées, il suffit qu’elles soient justes ; si ce n’est pas ce que les hommes veulent, c’est ce qu’ils doivent vouloir.

Si l’on consultait actuellement tous les membres d’une société pour l’établissement de ses lois, la volonté de tous ne serait sûrement pas uniforme : il est donc nécessaire de recueillir avec soin l’aveu des siècles passés, et sur-tout l’effet que telle ou telle loi a produit sous telle ou telle administration, dans tel ou tel climat, afin d’adopter les moyens d’ordre les plus efficaces. L’expérience du passé est peut-être le bien le plus précieux du temps présent.


L’auteur désirerait que le code criminel, décidant sur tous les cas possibles, et rédigé comme le code civil, devînt, par le secours de l’imprimerie, assez public, pour que l’étude que les hommes en feraient servît à les rendre meilleurs. Ne devrait-on pas craindre au contraire, que cette étude, dans l’esprit des scélérats, ne produisît le même effet que le code civil a produit chez les gens processifs ; qu’ils combineraient tellement les circonstances de leur crime, que la loi se trouvant en défaut, laisserait le crime impuni[2] ?


« La croyance due au témoin doit être mesurée sur l’intérêt qu’il a de dire ou de ne pas dire la vérité » ; et la loi qui a intérêt de la savoir, a dû exclure du témoignage ceux qui avaient intérêt de la lui cacher. Cet intérêt peut être naturel ou excité ; de sorte qu’il est très-sage de ne point admettre les dépositions de personnes notées d’infamie, parce qu’elles peuvent être plus aisément corrompues ; ni les parens de l’accusé, parce qu’ils ont un trop grand intérêt à ce qu’il soit absous.


C’est dans ce grand principe, que l’intérêt particulier est le moteur de la plupart des actions des hommes, que les accusations secrètes sont un abus manifeste dans une société dont la liberté est fondée sur la justice ; elles ne peuvent être admises que sous le gouvernement tyrannique d’un seul, et sur-tout de plusieurs, parce que dans ces différentes administrations, le mécontentement des sujets produit l’inquiétude des tyrans, et que la destruction des innocens les touche moins que celle des séditieux ne leur est utile.


L’auteur paraît avoir senti bien fortement l’inconvénient des tortures auxquelles on applique ceux qui ne sont qu’accusés. Elles sont sans doute aussi contraires à l’humanité qu’à la justice ; et l’on ne peut, sans blesser l’une et l’autre, mettre un homme à la question, pour le forcer à l’aveu du crime dont on l’accuse, parce que ce moyen ne peut remplir l’objet de la loi. Elle doit essentiellement protéger l’innocence, et non pas la forcer à s’avouer coupable. Il ne peut donc être employé que sur un criminel convaincu de la manière la plus légale, afin de découvrir les complices ; mais ne serait-il pas essentiel d’examiner si la recherche des complices n’est pas trop rigoureuse ?…


« Les preuves du délit étant obtenues, et la certitude déterminée, il est nécessaire d’accorder au coupable le temps et les moyens de se justifier, s’il le peut. »

Toutes les fois que les preuves seront parfaites, c’est-à-dire, « qu’elles excluront la possibilité de l’innocence de l’accusé », il est sans doute inutile de lui accorder du temps, et de retarder, infructueusement pour lui et dangereusement pour la société, le moment de l’exécution, dont la promptitude, comme l’auteur l’observe, est un des freins les plus puissans du crime.

Mais si les preuves sont imparfaites, le terme de la durée de l’instruction pouvant ne pas suffire à la preuve possible de l’innocence de l’accusé, et le moment de la prescription ne diminuant rien de l’imperfection des preuves, l’accusé qu’on n’avait pas trouvé assez coupable pour le punir sur-le-champ, ne l’étant pas davantage, parce qu’il ne s’est pas justifié, n’en est pas moins innocent s’il l’est réellement : de sorte que, dans le principe connu que la société a plus d’intérêt à trouver des innocens que des coupables ; la loi ne doit punir du dernier supplice que ceux contre lesquels les preuves sont parfaites, c’est-à-dire, celles qui excluent la possibilité de l’innocence de l’accusé.


Celui qui se dispose au crime est moins coupable que celui qui le consomme ; mais il l’est infiniment davantage que celui qu’il s’associe par la séduction. Le premier calcule, réfléchit ; le second n’est qu’entraîné : la peine ne peut donc être la même.

Les scélérats sont les ennemis de la société, mais ils en sont les membres ; sous le premier titre il faut les détruire, sous le second les conserver. Le législateur doit donc employer tous les moyens qui peuvent réunir ces deux objets. Semer des divisions parmi eux, les rendre l’un à l’autre suspects, voilà ce dont il faut s’occuper.

En parlant de l’impunité que quelques tribunaux offrent au complice d’un grand crime, l’auteur expose les avantages et les inconvéniens de cette loi. Pour moi, ne perdant jamais de vue les deux grands objets que j’ose nommer l’âme de la société : diminuer les crimes, conserver les hommes, j’ai bien senti les avantages qui résulteraient de la loi qui accorderait l’impunité au délateur. Je ne concevrai jamais qu’il y ait plus de lâcheté à trahir des monstres, qu’à s’unir avec eux, ni de quel danger peut être l’exemple d’une semblable trahison. D’ailleurs, il serait à souhaiter qu’il y eût autant de traîtres qu’il se formera de complots de cette espèce : le danger de ces associations les éteindrait bientôt.

Cette loi est sans doute le moyen le plus efficace pour prévenir les grands délits : ils sont toujours l’ouvrage de plusieurs ; et comme les scélérats ne sont pas les seuls auteurs d’un crime, parce que les faibles, qui sont en bien plus grand nombre, en sont aussi les instrumens, les remords dont ils sont plus susceptibles seront tournés au profit de la société, lorsqu’ils serviront à prévenir le crime.

Mais la crainte de ces remords rendra les scélérats assez prudens pour ne s’associer qu’à des scélérats comme eux : dès-lors les associations seront et moins nombreuses et plus rares, en laissant cependant à la société l’espérance que la trahison fera alors pour elle ce que les remords ne pourront plus faire.


La peine de mort ne pouvant être dictée par la nature que dans le cas de l’homicide, les législateurs n’ont pu l’étendre sur de moindres crimes, que dans l’espérance que quelques exemples d’une sévérité (injuste dans le droit), en réprimant fortement les hommes, seraient utiles (dans le fait), puisqu’ils produiraient plus promptement le plus grand bien. Ce motif a pu seul forcer le législateur à s’écarter de la proportion nécessaire entre la peine et le délit ; il existe donc une loi au-dessus du législateur. Cette loi, la première de toutes, l’oblige à changer ou à annuler la loi qui ne produit pas le bien qu’il s’était proposé.

Il existe peut-être des monstres qui n’ont besoin d’aucun secours pour commettre des forfaits ; mais en général les hommes ne se corrompent que par degrés. Enfans de la société, le souvenir de l’état où ils ont craint pour eux-mêmes s’efface lentement ; celui qui a peur des voleurs n’est pas prêt à le devenir, et celui dont le tempérament sera faible les craindra toujours.

Ce n’est donc que dans la fougue des passions, qui se développent en raison de la bonne constitution du physique, qu’il faut trouver le moteur du crime : dans cet état, l’homme livré à des besoins que la débauche multiplie, ne trouve que dans le crime le moyen de les satisfaire, et n’hésite plus que par la crainte du supplice ; mais c’est de cette crainte qu’il est honteux, et non pas de l’infamie que les préjugés ont attachée à la roue ; et c’est d’abord sur cette crainte qu’il veut exercer son courage. Les supplices, qui sont le spectacle du peuple, l’aideront à la surmonter ; il concevra, en les voyant, qu’on peut souffrir sur la roue ; mais il s’en retournera certain que celui qui vient d’y expirer ne souffre plus ; l’horreur des tourmens s’atténuera, et l’homme le mieux constitué sera le plus tôt aguerri.

Je remarquerai ici que les nations les plus belliqueuses ont toujours eu des gladiateurs dont l’objet était d’accoutumer la nature à voir l’image de la destruction sans horreur ; et si l’on envisage l’effet des supplices sur le peuple, on verra qu’ils servent bien plutôt à fortifier le mépris qu’un scélérat doit avoir pour la mort, qu’à lui en inspirer la crainte : l’objet de la loi n’est donc pas rempli.

La peine de mort, à la vue de laquelle le criminel endurcit son cœur contre lui-même, doit être appliquée assez rarement pour conserver aux supplices le pouvoir de faire horreur, parce qu’en produisant l’effet contraire, ils sont un mal de plus.


La peine portée contre un délit n’étant infligée au coupable que relativement à toute la société, et non point pour venger les intérêts particuliers qui ont été violés, l’utilité des travaux auxquels ces coupables seraient appliqués doit être générale ; de manière que toutes les portions de la société qui ont également partagé l’offense, partagent également le fruit de la réparation.

La construction et l’entretien des chemins dans toute l’étendue du royaume, voilà le travail qu’il faut leur assigner.


Les plus grands coupables, comme les complices de l’assassinat, les voleurs avec effraction, etc., seraient appliqués aux parties les plus pénibles des travaux, et devraient par cette raison être distingués des autres par la différence de la marque, qui doit déterminer le châtiment que la loi leur a infligé.

Voilà les idées que j’ai cru devoir ajouter à celles de l’auteur, qui semble s’être écarté de ses principes d’humanité, lorsqu’au chapitre xvi, en niant à la société le droit de punir de mort, il place le criminel sous les coups, dans les barreaux de fer, où le désespoir ne termine pas ses maux, mais les commence ; tourmens que la tyrannie avait inventés, et auxquels l’humanité, et non la barbarie, a substitué la peine de mort, qu’il faut cependant, comme je l’ai fait observer, réserver pour le criminel qui détruit, afin que, s’il était possible, la crainte de ce supplice fît perdre à jamais l’idée de l’homicide.


Le bannissement, dans quelques cas, pourrait bien être considéré comme le juste châtiment d’un délit ; mais il est certainement contraire aux véritables intérêts de la société.

Après avoir déterminé les preuves et les indices qui seront suffisans pour que la loi prononce, toutes les recherches possibles faites, l’accusé doit être absous ou condamné. Cependant il est des cas si compliqués, que la nation pourrait être dans la fatale alternative ou de le craindre, ou de lui faire une injustice ; et c’est celui où l’auteur propose une loi la moins arbitraire qu’il fût possible et la plus précise, qui décernât le bannissement.

Si l’accusé est vraiment coupable, si son cœur est encore disposé au crime, n’est-il pas inhumain de le transporter chez des nations qui l’accueilleront dans la proportion de l’attachement qu’elles auront conçu pour la nation qui l’aura proscrit, tandis qu’il portera dans un asile dont il violera les lois, le germe des haines nationales ?

Il faudrait donc que le bannissement n’eût lieu que pour les étrangers, en en prévenant toutefois leurs tribunaux naturels, et que cette peine, dans le cas énoncé par l’auteur, fût au contraire une injonction formelle à l’accusé mis en liberté à cause de l’imperfection des preuves, de fixer sa résidence pendant un temps prescrit, sous les yeux du tribunal devant lequel il a été accusé, afin que sa conduite soit pour lui un moyen de justification, ou pour la société une source de nouvelles preuves.

Il me semble que cette loi serait d’autant plus utile, qu’en conservant à l’état ses membres ; elle leur ôterait le moyen de lui nuire, parce que, dans cette position, l’accusé croirait toujours les yeux du tribunal fixés sur ses moindres actions, lors même qu’il ne s’en occuperait pas.

L’établissement de cette loi détruirait naturellement celle qui soumet les biens du banni à la confiscation, et qui, comme l’auteur l’observe, fait souffrir à l’innocent la peine du coupable.

Mais il est un genre de crimes dont la peine doit essentiellement porter sur la fortuné des coupables, et sur lesquels le législateur ne saurait être trop rigide : les vexations lucratives, les malversations dans la manutention des deniers du souverain et de l’état. Ces délits devraient emporter la confiscation de tous les biens du coupable, au profit du fisc ; et, dans ce cas, les héritiers pourraient être légitimement privés de la portion du bien qui leur revenait, parce que dans le cas de l’impunité, ils auraient joui de celle qui ne leur revenait pas.

Mais le supplice le plus cruel, celui qui ne porte que sur des innocens, c’est sans doute l’extension affreuse que les lois ont voulu donner à l’opprobre, en y faisant participer les parens du criminel.

Cette peine, injuste en elle-même, et dont la loi ne trouve l’exécution que dans l’absurdité des préjugés auxquels un grand nombre de gens est malheureusement livré, n’a pu être établie qu’afin d’exciter dans l’intérieur des familles un grand intérêt de prévenir le crime. Mais si l’on considère que l’autorité qu’elles peuvent exercer n’est fondée que sur des sentimens dont le germe est étouffé dans le cœur des scélérats, l’inutilité de la loi prouvée, on n’en sentira plus que l’injustice.


« Afin que chaque espèce de crime soit plus rare, en proportion du mal qu’il fait à la société », il faut nécessairement que du plus grand crime au moindre délit, il y ait une gradation de peine, et que sur-tout l’intention du coupable ne soit jamais punie, parce que l’intention de faire le mal n’en fait aucun, et que les lois qui doivent prévenir le crime, ne doivent point faire qu’il soit égal d’en avoir eu l’intention où de l’avoir remplie. La volonté de faire le bien ne suffit pas pour mériter une récompense.

Presque toutes les lois ne font que châtier. Si l’on y joignait des lois qui récompensassent et qui fussent également la juste mesure des actions utiles à la société, ce second moyen d’ordre serait sans doute aussi efficace que le premier.


Si la loi inflige la peine d’infamie, et que le préjugé, les mœurs ou le sens intime, n’y souscrivent pas ; si l’homme ne croit pas infâme celui que le juge a déclaré tel, l’objet est manqué, et la loi compromise.

De sorte que, relativement aux injures et aux duels qui en sont la suite, ce n’est que sur l’opinion que le législateur peut agir avec succès.

Lorsqu’on sera parvenu à croire qu’il y a plus d’honneur à convenir de ses torts, à les réparer sur-le-champ, qu’à les augmenter et à les soutenir, les mœurs seront plus douces, les injures moins fréquentes.


Il faudrait un autre genre de châtiment pour le contrebandier que pour le voleur, par la raison que l’opinion publique, comme l’auteur le remarque, n’attache aucune infamie au délit qu’il commet. Les corderies des arsenaux, ou tel autre objet, fourniraient un moyen d’appliquer le travail du coupable au profit du fisc qu’il a voulu frauder.

À l’égard des banqueroutes frauduleuses, espèce de délit d’autant plus infamant qu’il est commis sous le voile de la bonne foi, ceux qui en seraient coupables devraient être condamnés aux travaux publics, dans la classe des voleurs avec effraction.


S’il est prouvé que la trop grande sévérité dans les lois est un vice qui révolte intérieurement les hommes qui y sont soumis, il est également certain que l’abus de l’autorité paternelle produit le même effet sur les enfans, qui ne peuvent obéir avec soumission que lorsqu’ils se disent à eux-mêmes : la volonté de mon père est juste.

Il faut donc que le père soit éclairé sur la mesure de son autorité, par les lois publiques, qui doivent être pour lui l’exemple de la modération et de la justice.

Ce moyen, le seul qui puisse inspirer aux enfans cet esprit de soumission si nécessaire dans la société, servira plus sûrement à la réformation des mœurs que les lois les plus sévères.

FIN DES OBSERVATIONS.
  1. Ces Observations, publiées à Amsterdam, chez Marc-Michel Rey, en 1767, sous l’anonyme, sont de Charles-Auguste Hautefort. Br.
  2. Ces craintes ont été détruites dans la Théorie des lois criminelles, de Brissot de Warville, et dans quelques autres ouvrages estimés. Il reste démontré que la publicité d’un code pénal, outre son utilité réelle, est de droit naturel.