Description du département de l’Oise/Fresneaux

La bibliothèque libre.
P. Didot l’ainé (1p. 175-178).
FRESNEAUX.

Le canton de Fresneaux est généralement mauvais : la terre propre au labourage a tout au plus cinq ou six pouces de hauteur ; elle porte sur un tuf très dur, que l’on ne peut percer qu’à coups de pic ou de hoyau. On y cultive du bled, du méteil, du seigle, et sur-tout beaucoup de luzernes.

Dans un tableau fait par les meilleurs cultivateurs on porte à 8 liv. le bénéfice qui se fait sur un arpent de bled bien cultivé, et à 60 liv. celui du même arpent semé en luzerne. Il y a dans ce canton une grande quantité de pommiers ; mais on y fait mal le cidre : on est dans l’habitude de gauler les pommes ; on les abat dans les jours de pluie ; on les entasse humides, pleines de boue ; on les expose aux injures de l’air : ce cidre n’a point de couleur, et est de mauvaise qualité. Un citoyen vient de détruire le préjugé qui s’étoit établi contre les cidres de Fresneaux ; ses pommes ont été cueillies dans un temps sec, il les a déposé dans un endroit couvert, trois mois après il les a fait piler : son cidre est aussi bon que celui de Normandie, et d’une belle couleur, qu’il conserve.

Le plus grand bois de ce canton est celui de Montchevreuil : il est renfermé dans un parc ; ce parc offre un mélange de sites agréables, irréguliers, et de grandes allées bien alignées, coupées dans une magnifique futaie, sur un terrain plat et uni.

Ce vieux château de Montchevreuil domine le petit village de Fresneaux, et se voit de plus de trois lieues : on ignore l’époque de sa construction. Le raiz de-chaussée est presque entièrement occupé par une salle immense, qui, dans les premiers temps de la révolution, étoit encore décorée de cerfs en plâtre grands comme nature ; ils portoient des bois réels ; ces cerfs se détachoient sur une forêt peinte à fresque.

Un pavillon au midi fut habité pendant quelques étés par madame de Maintenon : elle a daté de ce séjour plusieurs de ses lettres ; c’était avant sa grande fortune : on assure qu’elle y venoit moins pour le marquis de Montchevreuil, avec qui cependant elle étoit liée, que pour M. de Villarceaux, qui n’osoit pas la conduire à sa terre dans la crainte d’éveiller la jalousie de son épouse. On voit encore l’appartement quelle occupoit : on en a respecté les meubles ; ils sont de soie bleu de ciel bordés de blanc. Dans le cabinet de cet appartement sont les portraits des deux frères Mornai : l’un d’eux fut célébré par Voltaire, le fameux Duplessis-Mornai, l’ami de Henri IV, qu’on appella le pape des protestants. On voit dans le même cabinet le portrait de madame de Maintenon.

Le canton de Fresneaux est traversé par un ruisseau, qui prend sa source au Mesnil-Théribus, s’alimente de quelques filets d’eau dans son cours de deux lieues, et se jette près de Chaumont dans le Troesne, petite rivière que l’Epte reçoit à Gisors.

Il y a dans ce canton des briqueteries, et quelques fours à chaux.

On travaille à détruire un usage bien dangereux pour les bêtes à laine, celui de les enfermer dans des bergeries closes où l’on craint que le froid pénètre, où très communément la chaleur et le mauvais air les étouffe et les fait périr.

Les ressources de l’industrie sont ici presque nulles ; des femmes cependant travaillent toute l’année à des dentelles noires et blanches pour le compte de marchands qui leur fournissent de la soie et des dessins piqués.

Au Mesnil-Théribus on trouve un fabricant de jetons d’os, et un autre fabricant de fuseaux à dentelle ; ces fuseaux sont de buis, revêtus d’un étui de sureau ; on les vend depuis 50 sous jusqu’à 3 liv. la grosse ; elles coûtaient autrefois depuis 4 jusqu’à 5 liv.

L’abbaye de Marcheroux, entre Valdempierre et le Mesnil-Théribus, fut fondée par Asculphe, vers l’an 1158.

Toutes les communes dépendantes du canton de Fresneaux offrent des détails d’agriculture qui ne différent point de ceux que nous avons donnés sur le chef-lieu et les pays qui les entourent, déjà décrits dans cet ouvrage.