Deux séances de réception à l'Académie française

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Deux séances de réception à l'Académie française
Revue des Deux Mondes3e période, tome 19 (p. 211-223).
DEUX
SÉANCES DE RÉCEPTION
A L’ACADEMIE FRANÇAISE

Tout change, même les lois de l’éloquence académique, qui de toutes les lois humaines sont les plus constantes et les plus fixes. Il y a quelques jours, le directeur de l’Académie française disait à M. Boissier : — « Vous savez, monsieur, quel fut le premier nom des discours académiques. Le récipiendaire adressait à l’Académie un compliment; le directeur lui répondait par un autre compliment, de façon que tout se passait en complimens. » On se souvient de l’Anglais qui demandait à Voltaire où il pourrait trouver les mémoires de l’Académie française. — Elle n’écrit point de mémoires, lui répondit Voltaire, mais elle a fait imprimer 60 ou 80 volumes de complimens. — L’Anglais en parcourut un ou deux. — Tout ce que j’entrevois, dit-il, dans ces beaux discours, c’est que, le récipiendaire ayant assuré que son prédécesseur était un grand homme, que le cardinal de Richelieu était un très grand homme, le chancelier Séguier un assez grand homme, le directeur lui répond la même chose et ajoute que le récipiendaire pourrait aussi être une espèce de grand homme et que pour lui, directeur, il n’en quitte pas sa part.— Un peu auparavant, le président de Mesmes avait comparé les harangues académiques à ces messes solennelles où le célébrant, après avoir encensé toute l’assistance, finit par être encensé à son tour.

Le temps de l’encensoir et des complimens est passé. Le public a remarqué que dans les dernières séances de réception, le récipiendaire s’est dispensé de remercier l’Académie de l’insigne honneur qu’elle lui avait fait, à lui indigne, en l’admettant dans son sein. On a bien fait de renoncer à cette formalité; la fausse modestie est fort discréditée, elle ne fait plus ses frais. Apparemment l’homme qui a brigué les suffrages de la docte compagnie s’en croyait digne; on n’est pas allé le chercher, il s’est présenté, il a fait valoir ses titres et ses mérites. Ils sont rares les Maurice de Saxe à qui on offre un fauteuil et qui le refusent en disant : « Ils veulent me faire de l’Académie, cela m’irait comme une bague à un chat. » Où est aujourd’hui le chat qui refuse une bague? Le public a remarqué aussi que le directeur de l’Académie, tout en donnant l’accolade au nouveau venu, se permettait de prendre la mesure du quarantième grand homme, et qu’il mêlait aux aménités les malices, les pointes et un peu de persiflage. Le public ne s’en plaint pas; il aime assez les joutes à armes courtoises ou même à griffes émoulues; il est juge des coups. Il préfère aux longs et filandreux complimens d’autrefois ce que M. Legouvé appelait ingénieusement « des panégyriques tempérés par des épigrammes. »

Les amateurs d’épigrammes ont trouvé à se satisfaire dans la séance de réception de M. Charles Blanc. Cette séance a été piquante, elle a offert de l’imprévu. Les deux orateurs ont réussi à étonner leur auditoire en sortant de leur caractère ou du moins de celui qu’on leur supposait. L’auteur de la Grammaire des arts du dessin, connu par la bonne grâce de son esprit, par sa bienveillance pour les vivans et pour les morts, par l’enjouement de son humeur, semble s’être appliqué à être presque maussade en parlant de son prédécesseur, le regrettable M. de Carné, et M. Camille Roussel, qu’on ne soupçonnait point d’être armé en guerre, a tiré de son carquois des flèches barbelées qui ont volé dans l’air en sifflant. M. Charles Blanc n’en est pas mort; grâce à Dieu, ni la vie ni la santé d’un critique d’art ne sont à la merci des épigrammes d’un historien. Peut-être s’est-il senti atteint, il ne doit s’en prendre qu’à lui-même. Pourquoi avait-il traité M. de Carné avec un peu de sécheresse et d’ironie? que lui a fait M. de Carné? Il avait été obligé de le lire pour composer son discours; s’est-il écrié comme Voltaire parlant de saint Augustin : je l’ai lu, il me le paiera? Vraiment nous ne trouvons pas M. Charles Blanc fort à plaindre pour avoir lu des ouvrages que nous aimons à relire. Il a reconnu lui-même que les Souvenirs de jeunesse sont un livre charmant, et il en a tiré des portraits, des mots heureux et fins, de spirituelles anecdotes, qui ont servi à l’ornement de son discours. En revanche il a expédié promptement le remarquable Essai sur les fondateurs de l’unité française; il s’est plaint que M. de Carné écrivait dans un style « tendu et convenu, » et il n’a vu dans sa carrière politique qu’un prétexte pour citer l’Histoire de dix ans.

Il y a eu des écrivains plus brillans que M. de Carné; il en est peu qui aient su inspirer à leurs lecteurs un respect mêlé de plus de sympathie, il n’en est point qui aient eu des sentimens plus élevés, plus de noblesse dans le caractère. Il avait de l’âme et il avait du charme, sa dignité savait sourire ; c’était un parfait gentleman dans les lettres comme dans la politique. Il possédait une vertu vraiment admirable, bien rare dans ce siècle, surtout en France : si attaché qu’il fût à ses opinions ou à ses préjugés, il était assez patriote pour sacrifier ses préjugés et ses opinions à son pays. Il était prêt, nous le savons, à se rallier à la république, pourvu qu’elle fût honnête, raisonnable et libérale; il estimait qu’il en fallait faire loyalement l’expérience, et il souhaitait que cette expérience réussît. C’est être bien exigeant que de demander davantage à un royaliste. « M. de Carné regardait la république comme une innovation redoutable, a dit M. Charles Blanc, comme un rêve des plus dangereux. Toutefois cette innovation tant redoutée nous laisse aujourd’hui bien tranquilles, et les périls dont on nous menaçait sont à leur tour devenus des rêves. » Peut-être sommes-nous superstitieux, mais ce mot nous a fait frémir; rien ne nous paraît plus effrayant que la béatitude de l’optimisme, nous avons lu quelque part qu’un bâtiment rangeait un jour pur un temps d’orage une côte dangereuse. Les passagers, qui ne croyaient pas que tous les dangers fussent des rêves, firent part de leurs inquiétudes au capitaine. C’était un optimiste, et il leur répondit en souriant : — Ne craignez rien, je connais tous les récifs de la côte. — Au même instant le navire essuya un choc terrible, accompagné d’un sinistre craquement. — Eh! tenez, justement en voilà un! s’écria le capitaine. — Que le ciel préserve la république française de tous les récifs! Elle a par bonheur un pilote qui parle peu, et c’est la première qualité des pilotes de ne jamais dire un mot de trop. Les boutades d’un académicien ne tirent pas toujours à conséquence ; mais puisque M. Charles Blanc a jugé à propos de faire un peu de politique dans son discours, nous aurions préféré qu’il en parlât sur un ion moins triomphant, et qu’il profitât de l’occasion pour dire à ses amis : Il faut de la sagesse, beaucoup de sagesse pour faire durer les républiques, soyez sages ; il y a parmi vous beaucoup de gens qui ne le sont pas, tenez-les en bride, ou tout est perdu.

M. Charles Blanc a prétendu que M. de Carné, « quand il s’occupait de la révolution française, de celle qui a dépassé les idées de Mounier et de Malouet, perdait tout son sang-froid, qu’il en parlait comme en parlerait un Vendéen.» On nous a rapporté pourtant qu’un jour un candidat à l’Académie, écrivain fort distingué, libre-penseur, mais un peu réactionnaire en politique, s’étant présenté chez M. de Carné pour solliciter sa voix, lui dit : — Je désespère de jamais m’entendre avec vous en religion, mais en politique c’est autre chose. — Ah ! permettez, s’écria M. de Carné, je crains que nous ne soyons condamnés à ne nous entendre sur rien, car si bon catholique que je sois, je suis un fils de la révolution. — A la vérité, il n’aurait jamais conseillé à la république. comme l’a dit M. Camille Rousset, « de prendre en bloc l’héritage de la révolution; » au contraire, il était d’avis « qu’elle n’acceptât la succession que sous bénéfice d’inventaire. » M. de Carné, nous sommes forcés d’en convenir, n’a jamais pu prendre sur lui d’admirer l’incorruptible Robespierre, et nous savons très bien qu’il est de mode dans certaine école de professer pour ce grand homme non-seulement de l’estime et de l’admiration, mais un enthousiasme mêlé d’attendrissement. M. de Carné, c’était là une des infirmités de son esprit, voyait dans ce grand homme un sinistre rhéteur, une solennelle médiocrité et peut-être un sot méconnu. Il avait peu de goût pour « les bourreaux barbouilleurs de lois. » S’il n’était pas assez philosophe pour rendre justice aux philosophes du XVIIIe siècle, il était trop libéral pour admirer les radicaux terroristes de 1793. Les radicaux d’aujourd’hui consentent à nous faire grâce de la terreur, mais ils nous défendent d’en médire, et ils ont conservé l’esprit conventionnel. Le gouvernement qu’ils nous proposent, et qu’ils voudraient nous imposer, est le despotisme omnipotent d’une assemblée, impatiente de tout contre-poids et de tout contrôle, incapable de se prêter à une transaction. M. de Carné était un fervent constitutionnel, et il estimait que la transaction est l’âme de tout gouvernement libéral. — Ce qu’il y a de meilleur dans l’esprit anglais, disait Burke, c’est qu’il préfère les compromis à la pure logique. — Qui nous délivrera des superstitions et des mythes? En France, tous les partis, les révolutionnaires, les libres-penseurs eux-mêmes, ont leur légende dorée, leurs agnus, leurs saints et leurs petites pratiques; ils disent tous leur rosaire; ils font tous leurs pèlerinages dans leurs petites chapelles miraculeuses. Tel qui se moque de Notre-Dame-de-Lourdes adresse des oraisons éjaculatoires à l’habit bleu, au gilet blanc de ce bon M. de Robespierre, ou même au sacré cœur de Marat. L’esprit de sacristie est la plaie de la France, et la bigoterie révolutionnaire n’est pas moins étroite que l’autre. Si jamais la république périt, ce ne sera pas la faute des libéraux à la façon de M. de Carné; elle aura été tuée par les légendes, les revenans et les fétiches.

M. Charles Blanc avait été injuste pour la politique et pour le style de M. de Carné; M. Camille Rousset n’a pas été tout à fait juste pour M. Charles Blanc et pour la Grammaire des arts du dessin. Ce livre, aussi solide qu’agréable, riche en théories clairement déduites, plein de vues ingénieuses, égayé par de piquantes anecdotes, écrit d’un style animé et chaleureux, a comblé une lacune dans la littérature des beaux-arts. Sans doute on n’apprendra pas à dessiner en le lisant, pas plus qu’en étudiant l’esthétique de Hegel on n’apprend à composer des chefs-d’œuvre classiques ou romantiques; mais M. Charles Blanc enseigne à son lecteur l’art de voir, il lui enseigne aussi à se rendre compte de ce qu’il voit, il lui découvre les lois cachées et la logique secrète de l’architecture comme de la peinture, où tout a ses lois et sa logique. M. Camille Rousset lui a reproché d’avoir pris les choses de trop haut, d’avoir expose des principes « qui passent par-dessus la tête du grand nombre. » Il lui a fait un crime de traiter dans son livre du sublime et du beau, de la nature, de l’imitation et du style. De quoi fallait-il donc qu’il traitât? Si M. Charles Blanc avait écrit un manuel de la Parfaite ménagère, il aurait développé les principes de l’art de conserver les tapis, de fourbir les loquets de porte et de gaver les canards ; il faisait une esthétique, il a parlé du beau et de ses lois. On l’accuse d’avoir philosophé; un peu de philosophie n’a jamais rien gâté. Vraiment M. Rousset se fait trop modeste; il a dit à M. Charles Blanc : « Votre méthode ne convient qu’aux intelligences d’élite et aux initiés; votre livre est trop fort pour moi ; au lieu d’écrire un gros et grand volume, vous auriez dû composer un abécédaire, une toute petite grammaire à l’usage des ignorans. » M. Camille Rousset en a usé avec le récipiendaire comme le général Ignatief avec la Sublime-Porte. « Vous allez donner une constitution à tout l’empire ottoman, disait-il au grand-vizir, au lieu d’accorder quelques petites libertés particulières aux Bulgares; je vous demande un chien, vous me donnez un cheval ou un chameau, ce n’est pas la même chose. » Quant à nous, si M. Charles Blanc nous avait donné un chien, nous l’en aurions remercié ; mais nous lui sommes reconnaissans du chameau.

Bien loin de lui reprocher d’avoir mis trop de philosophie dans sa Grammaire, nous aurions voulu qu’il en mît davantage dans son brillant discours de réception. De tout temps, les esprits curieux et subtils ont eu le goût des discussions oiseuses ou chimériques; mais les philosophes n’ont pris aucune part à ces débats. On a dépensé beaucoup d’encre, beaucoup de paroles et de syllogismes pour agiter la question de savoir si la grâce est suffisante, versatile, concomitante, nécessitante dans le sens composé ou dans le sens divisé. On s’est demandé dans quelle saison le monde avait été créé, et les uns ont soutenu que c’était au printemps, d’autres un vendredi, le 6 septembre, à quatre heures de l’après-midi. On s’est demandé encore si les sauterelles dont les Hébreux se nourrirent dans le désert n’étaient pas plutôt des cailles ou des harengs, quelle langue les bienheureux parleront dans le ciel, si l’on peut sentir sans tête et s’il est démontré que les pies ne savent compter que jusqu’à cinq. Voilà des curiosités scientifiques dont Leibniz, Kant et Spinoza ne se sont point occupés. C’est une curiosité du même genre que de décider lequel du gouvernement républicain ou du gouvernement monarchique est le plus favorable à la peinture et à l’architecture. M. Charles Blanc affirme que c’est le gouvernement républicain, M. Camille Rousset paraît pencher pour la monarchie. L’un cite Périclès et le Parthénon, l’autre aurait pu citer le roi Chéops ou Khoufou, le roi Chéphren ou Schafra, et les trois grandes pyramides. L’Académie ne s’est pas prononcée, et partant la question ne nous paraît point résolue.

Tout ce que nous voudrions avancer sur ce point délicat, c’est que les petits pays ont joué dans l’antiquité et au commencement de l’ère moderne un rôle considérable, extraordinaire dans l’histoire de la civilisation, et que le gouvernement naturel des petits pays est la république, — car les très petits princes sont toujours un peu ridicules, et les très grandes républiques sont exposées à bien des hasards. Ce que les petits pays ont accompli pour le bien et pour la gloire de l’humanité, tout ce qu’ils ont fait produire à la plante humaine est véritablement le miracle de l’histoire. Ils ont été des vases d’élection, d’où la civilisation s’est répandue sur le monde. Où en serions-nous si on nous ôtait tout ce que nous tenons du petit peuple juif et des petites républiques de la Grèce? Que deviendraient nos musées si on les dépouillait de tout ce qu’ils ont hérité de Florence, de Venise et de la Hollande? On a vu au XVIe siècle de simples bourgades jouir d’une véritable importance politique, une cité de douze mille âmes, qui s’appelait Genève, devenir, pour employer le mot d’un éminent historien, « la capitale d’une grande opinion, » et le tout-puissant Philippe II, sur les états duquel le soleil ne se couchait pas, obligé de compter avec Berne. Ce temps n’est plus; nous vivons dans l’âge de la centralisation, des grandes agglomérations et des grands états. Les petits états disparaissent; ceux qui ont survécu jouent un rôle intéressant encore, mais modeste. Ils vivent de souvenirs et ne sont pas exempts d’inquiétudes; ils écoutent, l’oreille tendue, le bruit que fait à la ronde la pioche du démolisseur, qui se rapproche. Ils se demandent avec anxiété s’ils ne se trouvent pas sur le chemin de quelque grand percement, et si on ne va pas les exproprier dès demain pour cause d’utilité publique.

Nous n’avons garde de nier que de grands états ne puissent prospérer et durer sous la forme républicaine; c’est l’expérience qui se fait aujourd’hui en France comme aux États-Unis, et dont nous espérons le succès; mais en ce qui touche les beaux-arts, ces vastes républiques offriront-elles au génie des conditions aussi favorables que les petites républiques de l’antiquité et de la renaissance? Les Athéniens qui ont construit les Propylées avaient des esclaves, et si démocratiques que fussent leurs institutions, c’était un peuple d’aristocrates. Même sous le gouvernement de Cléon, Athènes était une école de respect; elle conservait le culte de ses traditions, le culte des ancêtres; elle sacrifiait humblement le présent au passé, elle n’accordait qu’aux héros et aux demi-dieux l’honneur de figurer sur les métopes de ses temples ou de paraître dans les tragédies de ses grands poètes. Un philosophe a dit que l’art est de sa nature une chose aristocratique. Quel avenir lui réservent nos démocraties émancipées et le suffrage universel? Que deviendra le grand art sous le règne absolu de ceux qu’on appelle les petites gens? Nous croyons à la puissance de l’éducation; mais c’est encore une expérience à faire, et il serait téméraire d’en prédire le résultat.

M. Charles Blanc, qui a voué toute sa vie à l’étude passionnée dm grand art, M. Charles Blanc, qui aime les chefs-d’œuvre grecs et florentins en amoureux, avec toute l’ardeur d’une âme enthousiaste sur laquelle a passé un souffle de Platon, prétend avoir découvert un moyen infaillible de faire prospérer dans une démocratie la grande peinture et la grande sculpture. Il propose de constituer « un ministère des beaux-arts comme celui qu’avait conçu et organisé le puissant esprit de Colbert, comprenant les arts, bâtimens et manufactures, mais un ministère établi à l’écart et à long terme, non sujet aux continuelles secousses, aux variations journalières de la politique, et dans lequel on puisse former de nobles entreprises sans être arrêté par la crainte de voir démolir demain ce qu’on aura péniblement édifié aujourd’hui. » Et il ajoute; — « A nous de créer ou de commander de belles œuvres d’art! » — La convention, dont nous ne méconnaissons point la terrible grandeur, a plus d’une fois décrété la victoire; un gouvernement peut-il décréter des chefs-d’œuvre? Le plus habile jardinier du monde ne peut obtenir d’un prunellier qu’il lui donne des oranges. Soyons de bons républicains; mais si nous devenons jacobins, c’en est fait du grand art. Le jacobinisme n’aura jamais ses Phidias et ses Michel-Ange, pas plus qu’il n’a eu ses Démosthène et ses Mirabeau. Le seul objet d’art qui excite ses enthousiasme, c’est le niveau, et, au point de vue pittoresque, le niveau ne vaudra jamais le Parthénon. Le jacobinisme a le culte de la médiocrité et l’horreur de tout ce qui le dépasse; le génie lui est suspect, il repétrirait volontiers toutes les têtes pour supprimer les bosses inquiétantes; il consent à employer Lebrun-Pindare. mais il coupe le cou à André Chénier. Nous défions un ministre inamovible des beaux-arts de faire produire des chefs-d’œuvre par un peuple de jacobins, eût-il 100 millions à dépenser, et cet inamovible fùt-il, M. Charles Blanc lui-même.

La séance de réception du 21 décembre a été moins piquante, mais plus aimable que celle du 30 novembre; les épigrammes n’étaient point de la partie. Le récipiendaire, M. Boissier, et le directeur de l’Académie, M. Legouvé, ont largement payé leur écot, l’un en mettant à la portée du public cette science ornée et élégante qui est son partage, le second en déployant toutes les ressources du merveilleux talent de lecture qu’on lui connaît. Le discours du récipiendaire a été vivement goûté. M. Boissier a rendu justice aux estimables travaux de son prédécesseur et retracé sa carrière aussi paisible que laborieuse. Il nous a montra dans M. Patin un de ces sages tout unis, qui a comme les peuples heureux, n’ont pas d’histoire », un de ces hommes rares qui « choisissant leur voie de bonne heure, ont marché toujours droit devant eux et n’ont eu que les ambitions de leur état. L’exemple de ses meilleurs amis, l’éclat de leur fortune politique, les facilités que lui offraient les cinq ou six révolutions qu’il a traversées, ne l’ont jamais séduit; sous tous les régimes, il s’est contenté d’être un savant et un lettré. » Comme l’a ajouté l’orateur, M. Patin n’a pas eu sujet de regretter sa résolution ; dans le choix qu’il avait fait, il a trouvé le bonheur. On se rappelle l’histoire de ce roi de Samarcande à qui ses médecins déclarèrent qu’il n’y avait qu’un remède au mal dont il souffrait; c’était de se procurer la chemise d’un homme heureux. Les émissaires qu’il envoya partout rencontrèrent beaucoup de gens qui avaient des chemises, mais qui n’étaient pas heureux, et ils finirent par mettre la main sur un homme heureux, lequel par malheur n’avait pas de chemise. On voit bien que dans ce temps il n’y avait à l’université de Samarcande aucun professeur qui ressemblât à M. Patin; autrement les émissaires du roi tartare n’auraient pas eu besoin d’aller bien loin pour découvrir un homme qui eût à la fois du linge et du bonheur. On ne pouvait voir M. Patin sans sentir qu’on se trouvait en présence d’un homme heureux. Il était heureux, d’abord parce qu’il l’était, ce qui est la meilleure des raisons; il l’était aussi parce qu’il n’avait jamais eu de prétentions déraisonnables, parce qu’il demandait à la vie ce qu’elle pouvait lui donner, parce qu’il aimait l’étude et le travail, qu’il se savait utile et qu’il pouvait jouir en conscience des marques d’estime, des distinctions accordées à son mérite. C’était un mérite qui remplissait exactement son cadre, sans trouver son cadre trop petit et sans que personne s’avisât de le trouver trop grand. Au surplus, M. Patin était une nature bienveillante, il n’a jamais connu la jalousie. Il n’y avait point de serpent dans ce cœur de lettré, et d’ordinaire les lettrés nourrissent un serpent, à qui ils donnent en pâture leurs ennemis et qui finit par les manger eux-mêmes. Aussi n’est-ce point pour se consoler que M. Patin lisait Horace et qu’il en a donné une traduction consciencieuse, fidèle, exacte, à cela près que le traducteur a coupé les ailes à son poète; l’oiseau marche, il ne vole plus.

M. Legouvé a consacré dans sa réponse une spirituelle tirade aux traducteurs d’Horace. Il a l’air de croire qu’ils sont tous des mécontens, des désabusés, des ambitieux déçus. — « Le goût et, si j’ose le dire, la manie de traduire Horace, a-t-il dit, est une maladie qui sévit aujourd’hui sur les hommes de toutes les professions vers l’âge de cinquante ou soixante ans. C’est le coup de cloche de l’adieu au monde. Au XVIIe siècle, on se retirait dans un couvent; aujourd’hui on se retire en Horace. Un magistrat quitte sa toge, il traduit Horace. Un avocat abandonne le barreau, il traduit Horace. Un ministre perd son portefeuille sans esprit de retour, il traduit Horace pour se persuader qu’il est philosophe. Un négociant renonce à son commerce, il traduit Horace pour se persuader qu’il est latiniste. » M. Legouvé a oublié les gens qui traduisent Horace tout simplement parce qu’ils l’adorent, et que traduire un poète est le seul moyen d’entrer dans sa peau. Horace est le plus moderne des poètes anciens, il est notre contemporain. Il a vécu comme nous au lendemain des révolutions, qui l’ont rendu un peu sceptique. Il s’est moqué des partis-pris, des exagérations et des exagérés, il a fait la guerre à l’absurde. Il a vu sévir autour de lui toutes les maladies dont nous souffrons, il a été son propre médecin et il nous communique sa recette. Il a été par excellence un esprit libre, détestant toute servitude, résolu à ne jamais se mettre à la discrétion d’un préjugé ou d’un paradoxe. Quand on vient d’entendre certains discours, quand on vient de lire certains journaux, blancs, rouges ou noirs, est-il un meilleur moyen de se rafraîchir, de se refaire, que de lire une épître d’Horace? M. Patin a traduit ce délicieux poète pour pratiquer plus intimement son commerce. Il aurait pu lui dire, comme Voltaire, qu’il mettait ses soins

A suivre les leçons de sa philosophie,
A mépriser la mort en savourant la vie,
A lire ses écrits pleins de grâce et de sons.
Comme on boit d’un vin vieux qui rajeunit les sens.


Mais il n’aurait pu ajouter qu’il apprenait de lui

A se moquer un peu de ses sots ennemis.


M. Patin n’avait point d’ennemis, et beaucoup de gens trouveront que cela manquait à son bonheur. Une bonne haine partagée est une épice; mais M. Patin n’éprouvait pas le besoin d’épicer sa vie.

M. Boissier faisant l’éloge de l’auteur des Études sur les tragiques grecs, c’était la nouvelle école de littérature érudite payant son tribut d’hommage à l’ancienne. M. Patin appartenait à la race des humanistes purs. Quelque place qu’il donnât dans ses ouvrages et dans ses cours à la philologie, à la critique des textes et des sources, il étudiait les anciens en littérateur; c’était un Rollin moins naïf que Rollin, un La Harpe beaucoup plus savant que La Harpe. Ce qu’il cherchait surtout dans les œuvres de l’antiquité, c’était des raisons de l’admirer davantage; ses livres sont des cours d’admiration raisonnée. La nouvelle école, dont M. Boissier est un des représentans les plus distingués, met la philologie et la littérature au service des sciences historiques; elle considère les auteurs grecs et latins comme des sources d’information; elle s’occupe moins de les admirer que de les interroger, et, s’ils refusent de répondre, elle les soumet à la question ordinaire ou extraordinaire. M. Boissier est un des curieux les plus interrogeans d’aujourd’hui ; il traverse la vie un questionnaire à la main. Ovide et Juvénal ont beau se taire, il a juré d’avoir leur secret, et comme il a autant d’indiscrétion que de curiosité, il colporte dans la ville et dans les faubourgs les confidences qu’il a surprises. Oh ! que M. Patin était un homme plus commode et moins dangereux ! Il n’a jamais dit d’Horace que ce qu’Horace désirait qu’on en dît. M. Boissier est de la famille des fureteurs qui écoutent aux portes, regardent par le trou des serrures, se fourrent partout, fouillent dans les coins, ouvrent et vident les tiroirs. Ovide et Juvénal ont eu grand tort de le laisser entrer chez eux.

M. Legouvé n’a pas loué sans réserves les tendances et les procédés de la nouvelle école ; il a parlé en d’excellens termes du beau livre de M. Boissier sur la Religion romaine, il a été moins gracieux pour le charmant volume intitulé Cicéron et ses amis. Il s’est plaint que M. Boissier se servait trop du microscope, qu’il avait trop de goût pour les petits faits et les petits détails, qu’il aimait à chercher le côté faible des hommes politiques et des écrivains ; il lui a reproché surtout d’avoir diminué et rapetissé le grand orateur, et ce reproche nous a rappelé un mot de M. Thiers, qui disait : « M. Boissier aura ma voix, quoiqu’il ait le grand tort de ne pas aimer assez Cicéron. » il y a assurément dans ce monde un homme qui n’aime pas assez Cicéron ; il vit à Berlin et il s’appelle M. Mommsen. Il a bien voulu nous apprendre que Cicéron était un mince personnage et un écrivain de troisième ordre, qu’il n’avait ni convictions ni passions sincères, qu’il n’était qu’un avocat et un mauvais avocat, qu’il avait l’âme d’un feuilletoniste, que sa correspondance tant vantée en fait foi, ou que plutôt il était une nature de journaliste dans le plus mauvais sens du mot, qu’enfin c’était un bousilleur dans tous les genres, ein Pfuscher. M. Mommsen est un savant du premier ordre, qui est un homme d’esprit ; mais cet homme d’esprit a dit plus d’une fois des sottises, insulse et arroganter, comme s’exprimait Cicéron. On ne peut imaginer un érudit plus différent de M. Patin que M. Théodore Mommsen, et on n’aurait pu imaginer pour M. Patin un supplice plus douloureux que de l’enfermer pendant quarante-huit heures tête-à-tête avec M. Mommsen, en condamnant ces deux hommes à se parler et à se comprendre. Plus ils se seraient parlé, moins ils se seraient compris, et le dénoûment aurait été tragique ; mais c’est le Prussien qui aurait survécu. On ne saurait compter M. Mommsen parmi ces lettrés privilégiés et bénins qui n’ont pas de serpent dans le cœur ; celui qu’il nourrit a la taille et l’appétit d’un boa constricteur. M. Mommsen est tourmenté par l’âcreté de sa bile ; si grande que soit sa situation, elle ne lui suffit pas. C’est un césarien convaincu et fervent, que César ne consulte pas et qui se plaint de n’être pas honoré selon son mérite, et il exprime sa mauvaise humeur dans un style brutal, âpre, il a une plume qui l’éclabousse et troue le papier. C’est très sincèrement que M. Mommsen déteste les grâces coquettes du style de Cicéron, il n’est pas de haine plus sincère que celle qu’inspirent les sourires d’une jolie femme à une femme qui ne sait pas sourire.

M. Boissier a beaucoup étudié M. Mommsen, comme c’était son devoir; il admire sa prodigieuse érudition, son étonnante sagacité, ses travaux qui, sur plus d’un point, ont renouvelé l’histoire romaine; mais il n’a garde d’accepter tous ses jugemens, de souscrire à toutes ses sentences, de prendre à son compte ses injustices. Il y a cette différence entre M. Mommsen et M. Boissier, que M. Boissier a le goût délicat, qu’il est de belle humeur, et personne ne lira son livre sur Cicéron et ses amis sans aimer davantage Cicéron. M. Legouvé lui a reproché d’avoir étudié le grand homme dans sa correspondance; c’était, a-t-il dit, entrer dans cette grande âme par la petite porte. Y a-t-il rien de plus grand dans toute l’œuvre de Cicéron que sa correspondance? Quand on vient de relire les Olynthiennes et le discours sur la Couronne, on peut être tenté de trouver de la déclamation dans le Pro Milone et dans les Catilinaires ; quand on vient de relire un dialogue de Platon, on est enclin à juger avec quelque sévérité les Tusculanes, mais les lettres de Cicéron sont un chef-d’œuvre incomparable, et on pourrait dire un monument unique, si Voltaire n’avait pas existé. C’est là que M. Boissier est allé chercher le vrai Cicéron, avec sa grandeur et ses faiblesses, et le portrait qu’il a fait de lui est ressemblant et pourtant respectueux. Ce fut le malheur de Cicéron d’avoir à la fois beaucoup d’âme et infiniment d’esprit; sa pénétration vive et railleuse l’empêchait de se faire d’illusions sur rien. Il comprenait son temps, il sentait que c’en était fait de la république, que Caton compromettait le parti des honnêtes gens par ses raideurs et ses arguties de doctrinaire, que Pompée n’aimait que Pompée, que César était l’homme du destin, que les jours approchaient où la parole serait mise à l’interdit, où le talent le plus utile serait celui de se taire. Dans la grande lutte des intérêts et des principes, il est demeuré fidèle aux principes, sans pouvoir se dissimuler qu’il était le dernier défenseur d’une cause perdue. Il avait trop d’honneur et de probité pour se liguer avec les coquins, trop de clairvoyance pour s’abuser sur les fautes de ses amis, trop de ressources dans l’esprit pour ne pas chercher à se distraire des malheurs publics, trop de philosophie pour ne pas tenter de se consoler, trop de sensibilité naturelle pour y réussir. C’est en vain qu’il écrit à Atticus : « Je jouis de ma maison de Rome et de mes maisons de campagne. Que je vive avec toi et avec mon frère, et qu’on renverse tout ce qu’on voudra, on ne m’empêchera pas de philosopher avec vous; mon cœur s’est endurci, j’ai perdu cette sensibilité qui échauffait ma bile, locus ille. animi nostri, stomachus ubi habitabat, concalluit. » C’est en vain qu’il écrit encore : « Depuis que la république est dans un si triste état, je me console et je me distrais avec mes livres. J’aime mieux être assis dans votre bibliothèque, sur ce petit banc qui est au-dessous de l’image d’Aristote, que dans leurs chaises curules, et me promener avec vous qu’avec celui qu’il faudra, je le vois bien, suivre dans ses promenades. » Et ailleurs : « Je n’envie point la fortune de César, et je préférerai toujours à toutes ses grandeurs une promenade faite avec vous au beau soleil de Lucrétile. » Ni ses maisons de campagne, ni ses livres, ni la philosophie, ni les beaux-arts ne pouvaient tromper longtemps ses regrets, ses inquiétudes et ses chagrins. Il tâchait d’oublier, et il se souvenait ; il se disait : Soyons calme, et il s’échauffait en le disant, et quand les occasions l’appelaient, il disputait contre elles, il tergiversait, il se récusait, il consultait ses amis ; mais il finissait par s’écrier : L’honneur et la république le veulent, me voilà prêt ; j’irai ! Et il partait pour Pharsale sans réussir à s’aveugler sur les périls et sur l’inutilité de son dévoûment. Tel est le Cicéron qu’a peint M. Boissier dans un livre aussi instructif qu’attrayant, où le piquant du détail ne fait aucun tort à la solidité du fond, à la générosité de la pensée : « Ah ! croyez-moi, monsieur, lui a dit M. Legouvé, quand on rencontre dans l’histoire de pareils hommes, il faut, tout en respectant les droits imprescriptibles de la vérité, laisser leur image dans cette attitude sculpturale qui les présente à la postérité comme autant de phares immortels, destinés à luire. à travers les âges pour enchanter les regards des générations successives et leur servir de guides. » Nous ne savons pas si les phares ont des attitudes sculpturales, mais nous pensons qu’un historien ne doit point se préoccuper de donner des attitudes aux personnages dont il raconte la vie. Voltaire écrivait à Laharpe : « Je ne connais guère que vous qui sachiez écrire, les autres font des phrases. Ils sont tous les élèves du père Nicodème, qui disait à Jeannot :

Fais des phrases, Jeannot, ma douleur t’en conjure. »

On sentait, en écoutant l’honorable directeur de l’Académie, qu’il n’avait pas de sympathie naturelle pour le genre d’études et de talent de M. Boissier, mais qu’il avait pris son parti de ne lui rien dire de désagréable. Un auteur dramatique recevait un érudit, un conférencier souhaitait la bienvenue à un professeur. M. Legouvé a témoigné au récipiendaire une tolérance courtoise et gracieuse. Henri Heine prétendait qu’en Chine tout le monde est poli, et que lorsque deux cochers du Céleste-Empire se rencontrent avec leurs voitures dans un passage étroit et que les roues s’accrochent, ils ne se fâchent point, ils ne jurent point, mais qu’ils descendent tranquillement de leur siège, font beaucoup de génuflexions et de révérences, s’efforcent ensuite en commun de dégager leurs roues, après quoi ils se font de nouveau la révérence, se disent adieu et continuent leur route. La séance de réception du 21 décembre se serait passée en Chine que la congrégation des rites n’aurait rien trouvé à y reprendre. Les voitures se sont rencontrées, les essieux se sont accrochés, on les a dégagés le chapeau à la main et le sourire aux lèvres, et puis chacun a repris sa route, l’un dans la direction de l’École normale et du Collège de France, l’autre pour retourner dans le quartier où sont les théâtres.

M. Legouvé avait averti M. Boissier qu’il serait sincère jusqu’à la franchise; sa franchise a été si aimable qu’on peut dire qu’il l’a fouetté avec des roses. Il a tenu à lui expliquer dans son exorde, chaudement applaudi par l’assistance, pourquoi il avait voté contre lui. — « Le jour de votre élection, lui a-t-il dit, vous avez eu vingt-trois voix pour vous et neuf seulement contre. Eh bien! je vous avouerai franchement que j’étais un des neuf, et je vous demande la permission de vous dire pourquoi. » Le pourquoi, c’est qu’à son avis l’Académie doit se recruter surtout parmi les poètes, les romanciers, les auteurs dramatiques; il estime que la poésie, le roman, le théâtre représentent ce qu’il y a de plus rare et de plus difficile, l’invention, et qu’au surplus les autres genres de littérature conduisent ceux qui y excellent à la Sorbonne, au Collège de France, à l’Académie des inscriptions, aux Sciences morales et politiques, « voire au ministère. » Cette raison est-elle la bonne? Le bruit a couru que M. Legouvé avait voté contre l’auteur de Cicéron et ses amis dans l’unique intention de lui être agréable, et qu’il lui avait dit quelque temps avant l’élection : — « Votre succès est assuré, mais un triomphe n’est glorieux que lorsqu’il a été disputé. Or je désire que votre élection soit glorieuse, et c’est pour vous témoigner ma bienveillance que je voterai pour M. Manuel, c’est pour travailler à votre gloire que je lui racolerai le plus de voix que je pourrai. » Quoi qu’il en soit, M. Legouvé a terminé son exorde par ces mots : « Après avoir voté contre vous par conviction, je rétractai tout bas mon vote par remords; élu, il y a six mois, avec vingt-trois voix, vous vous trouvez aujourd’hui en avoir vingt-quatre. » Tout est bien qui finit bien; qu’en a pensé M. Manuel? La fête n’a rien laissé à désirer, l’autel était orné de fleurs, la musique était bonne, les offices ont été récités d’une façon irréprochable; mais c’est M. Manuel qui a payé les cierges.


G. VALBERT.