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Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Canon catholique

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 226-236).

CANON CATHOLIQUE DES SAINTES ÉCRITURES. — I. Notion. — IL Définition dogmatique du concile de Trente. — III. Canon de VAncien Testament. — IV. Canon du Nouveau Testament.

L Notion. — Le mot Canon, dugrec xavjv, « bâton droit, règle, mesure, modèle », ou « liste, catalogue, table », a été appliqué, vers le milieu du iv siècle, aux Livres saints et a reçu une signification nouvelle, inconniie auparavant. Vers 350, saint Athanase, De Nicænis decretis, 18, P. G., t. XXV, col. 456, dit du Pasteur d’Hermas qu’ « il n’est pas du canon ». Dans sa xxxix « lettre pascale, pour l’année 36^, P. G., t. XXVI, col. 1436, 1437, 1440> il désigne les Livres saints comme « ceux qui ont été canonisés » et il les distingue des livres « qui n’ont pas été canonisés ». Le traducteiu* syriaque de cette lettre en résume ainsi le contenu : a Epître dans laquelle saint Athanase détinit canoniquement quels livres l’Eglise reçoit ». Dans lavant-propos placé vers 36^ en tête du recueil des lettres pascales de l’évêque d’Alexandrie on lisait, (1 après la version sjriaque : « Cette année, il a écrit un canon des Livres saints. » Le traducteur syriaque de YHistoire ecclésiastique tVEusèbe de Césarée, t. III, c. XXV, n.6, traduisait, vers 350, les mots grecs : / ! >y.’fà.i ci>y. hôiv.(tr, Lcji par u les livres qui ne sont pas mis au canon de l’Eglise ». E. Nestlé, Die Kirchengeschichte des Eusebius ans dem Syrisclien iibersetzt, dans Te.rte und Untersuchungen de G. von Gebhardl et A. Harnack, nouv. série, Leipzig, 1901, t. VI, fasc. 2, p. 102. Le 59<= canon du concile de Laodicée (entre 343 et 38 1, peut-être même après 381) décide qu’on ne doit pas lire dans l’Eglise « des livres qui ne sont pas canoniques, mais les seuls livres canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament ». Mansi, Concil., t. II. col. 5^4 ; IIefelk, Histoire des conciles, nouv. trad., Paris. 190-, t.I, p. 1020. Saint Amphiloque (Aers 894), lambi ad Seleucum, . 318-319, édit. Combelîs, Paris, 1624, p. 134, ou dans S. Grégoire de Nazianze, Carm., t. II, 11, 8, P. G., t. XXXVII, col. 1698, appelle

canon » le catalogue des Livres saints qu il vient de dresser. L’ancien prologue dit x monarchien » du quatrième Evangile, cf. Corssen, Monarc/iianische Prologe zu den vier Evangelien, dans Te.rte und i’/ilersuc/iungen, Leipzig, 1896, t. XV, fasc. i, p. 7, emploie en latin le mot canon pour désigner la série des Evangiles.. Von Dobschletz, Studien zur Te.rtkritik der Vulgata, Leipzig, 1894, p. 91, et Corssen, loc. cit., p. 63 sq., le rapportaient au premier tiers du iiie siècle ; mais S. Berger le recule, avec plus de raison, à la première moitié du iv’siècle. Les préfaces jointes aux livres de la Bible dans les manuscrits de la Vulgate, Paris, 1902. p. 9-10. Dom Chapman veut même lattribuer à Priscillten, évêque espagnol de la fin du ive siècle. A’otes on the earh history of the Vulgate Gospels, Oxford, 1908, p. 238253. Le A ieux traducteur latin du commentaire d’Oni-GÈNE sur saint Matthieu, In Matth., comment, séries, n.28, P. G., t. XIII, col. 1637. cite des livres canonizati. Une Explanatio srmboli, attribuéeà saint Ambroise, dit que l’Apocalypse de saint Jeancanonizatur. Gas-PARi, Quellen zur Geschichtedes Taufsymbols, Christiania, 1869, t. II, p. 56. Le canon africain, que MoMMSEN rapporte à 309, contient la liste des livres K canoniques ». Preuschen, Analecta, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 1 38, 139. Priscillien parle plusieurs fois des Ecritures « canoniques », et il dit notamment que l’Epîfre aux Laodicéens n’est pas incanone. Liber de fide et apocryphis, édit. Schepss, Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum, Yienne, 1889, t. XV, p. 55. S. PniLASTRE, H.ER., 88, P. L., t. XII. col. 1 199, et RuFiN, Comment, in symbol. apostolo/Hm(trad.lat.), n. 37, P. L., t. XXI, col. 374 ; fn Cant., prol., /*. G., t. XUI, col. 83, emploient les mêmes expressions. Un prologue nouA eau des Epitres catho437

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liqxies, qui est tiré du codex Ambios. E, 51 inf., fol. 109 V., col. I, du XI’siècle, qui a été édité par dom de BRUYXE, / ?et’î/e bénédictine, 1906. p. 82-83, et que l’éditeur rapporte au iv siècle, p. 87, emploie le nom au pluriel : canones Noi Testamenti, dans le sens de livres canoniques. Mais l’auteur parle aussi de ^ l’ordre du canon », de telle sorte qu’il se pourrait que le texte primitif fût : Canon Novi Testamenti. Cf. Dom Chapman, op. cit., p. 2tJ7. Ce prologaie se retrouve dans la Bible de Varèse, conservée à l’abbaye d’Aquafredda. Voir fiesiie bénédictine, i" janvier 1909, p. 1}^, note I. Saint Augustin nomme souvent les Ecritures « canoniques ». Epist., lxxxii, n. 3, P. L., t. XXXIII, col. 2~j~ ; Contra Faustum manich., 1. XXIII, c. IX, P. /.., t. XLII, col. 471’[^e peccatoruni meritis et ieinissione, l.I, Tï.bo, P. I… t. XLIY. col. iS^ ; Serm., cccxv, n., P. L., t. XXXVIII, col. i^aG, etc.

Les mots gérées y.r/Mtj, /.yyyM/.di, zavîvti’cy.r/y, et leurs équivalents latins, canon, canonicus, canonizatus, entrèrent donc dans l’usage ecclésiastique au cours du iv’siècle. Quel sens précis leur a-t-on donné’.' Il a vai’ié. Primitivement, l’emploi des participes zy.vîx-Çe //.r^y, xex’y.vcv.jnui.iy., canonizati, indique que les Livres saints eux-mêmes étaient canonisés et devenaient canoniques, par un acte qui les introduisait au canon ou dans la collection des Ecritures inspirées, tandis (pie les livres qui n’ont pas été canonisés et ne sont pas canoniques, n’ont pas été admis dans la collection ou dans la liste des Ecritures. Le mot canon, appliqué à cette collection, a donc eu d’abord la signiOcation passive de collection « réglée, définie ». dont l’étendue était déterminée par la tradition ou l’autorité ecclésiastique. Il désignait donc le catalogue ou la liste des livres reconnus dans l’Eglise comme inspirés. Kufin a traduit par canon le mot grec zKTKyc/o ; , employé par Eusèbe, //. Z, ’., 1. VI, c. xxv, P. G., t. XX, col. 580. Le livre canonique était donc un ie « canonisé >>, c’est-à-dire inscrit dans la liste officielle des Ecritures. Cependant on passa bientôt de cette signification passive au sens actif de « règle, mesure ». Voici, senible-t-il, par quelle transition. Macarius Mag.nès (vers 300) nommait l’Ecriture

« la règle de la nouvelle alliance ». Apocritica, iv, 10.

Saint Isidore de Péluse (-} vers /i^o) appela les Ecritures divines « la règle de la vérité ». Epist., 1. IV, epist. cxiv, P. G., t. LXXVIII, col. 1185. Cette idée a été associéeaii canon ou à la liste officielle des Livres saints par les Syriens, les Latins et les Grecs plus récents. Le traducteur syiiaque de la xxxix"^ lettre festale de saint Athanask réunit déjà peut-être les deux significations, si dans l’avant-propos du recueil il dit qu’en 36^ l’évêque d’Alexandrie a fixé comme règle canonique quels étaient les Livres saints, reçus dans l’Eglise. Certainement, les écrivains latins à la fin du IV siècle et au commencement du v’donnaient au mot canon biblique le sens de règle. Ainsi, quand Priscillien dit qu’un livre est ou n’est pas dans le canon, il veut dire qu’il fait ou ne fait pas partie de la Bible. Saint Jérôme appelle sa traduction latine du texte hébreu canonem /iebraicæeritatis. A’^/.s/., lxxi, n. 5, P. L., t. XXII, col. G71. Saint Augustin, quand il parle du canon des Ecritures, donne au mot le sens de « règle’^puistju’il reconnaît aux Livres saints une « autorité canonique. » Contra Cresconium, 1.11, c. XXXI, n..39, P. /,., t. XLIII, col. 489 ; iJe consensu evangelistarum, 1. I, c. i, n. 2, P. /.., t. XXXIV, col. 1043 ; Spcrnlum, pricf., ibid., vo. 887-888 ; /Je civitate Œi, I. XV. (. XXIII, n. 4 ; 1. XVII, c. xx, n. i ; c. xxiv, P- /.., t. XLI, col. 470, 554, 560, etc. Le livre canonique devient ainsi un livre « régulateur », regularis. Origène, In Matth., comment, séries, n. 117, /-. G., t. XIII, col. 1769. Les Livres saints furent donc ainsi présentés explicitement comme la règle de la

vérité, la règle de la foi et de l’enseignement ecclésiastique.

Cette signification active de « règle de la foi », jointe à la signification passive primitive de « liste ou collection fixée », est devenue peu à peu prédominante et usuelle dans l’Eglise catliolique. Le canon des Livres saints a donc été la liste ou le recueil, admis dans l’Eglise, des livres qui. inspirés par le Saint-Esprit et ayant par suite une autorité divine, contiennent et constituent eux-mêmes la règle de la vérité révélée par Dieu aux hommes. C’est dans ce sens que le concile de Trente définit solennellement quels étaient, pour l’Eglise et dans l’Eglise, les Livres saints, d’origine divine.

IL Définition dogmatique du concile de Trente.

— Réunis pour condamner les erreurs protestantes, les Pères de Trente se proposèrent, dès le début de leurs délibérations, de déclarer sur quelles autorités ils s’appuyeraient pour affirmer les dogmes niés et anathéniatiser les fausses doctrines enseignées par les protestants. Ils voulurent donc définir quels Livres saints étaient reçus dans l’Eglise comme formant la règle de la foi. Mais parce que les protestants exaltaient, d’une part, l’Ecriture comme l’unique règle de la foi et rejetaient ou méprisaient comme apocry-I )lies et non canoniques plusieurs livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, les Pères du concile reconnurent deux sources de la révélation divine, l’Ecriture et la tradition, et déclarèrent, malgré la proposition faite par quelques membres de distinguer ceux fjui avaient toujours été reçus pour confirmer la doctrine et ceux qui ne l’avaient été qu’en raison de l’édification tirée de leur lecture, recevoir et vénérer

« avec un égal sentiment de piété et un égal respect

tous les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, puisque l’unique Dieu est l’auteur de l’un et de l’autre ». En cela, ils suivaient l’exemple des Pères orthodoxes, leurs prédécesseurs. C’est pourquoi ils décidèrent de ne pas examiner les preuves de la canonicité des livres discutés, mais de les recevoir purement et simplement, par une énumération, ainsi qu’on avait fait déjà au concile de Florence.

Après des discussions diverses, qui eurent lieu du 8 février au 8 avril 1546 et dont les Actes du concile donnent le résumé, à la iv^ session solennelle, le 8 avril, le concile promulgua son décret Le canonicis Scriptitiis. « Mais pour que personne ne puisse douter quels sont les Livres saints que le concile lui-même reçoit, il a pensé qu’il fallait joindre à ce décret le catalogue de ces livres. Or, ce sont les suivants : De l’Ancien Testament, les cinq de Moïse, à savoir, la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronoine ; Josué, les Juges, Ruth, les quatre des Rois, les deux des Paralipomênes, le premier d’Esdras, et le second qui est dit de Néhémie, Tobie, Judith, Esther, Job, le Psautier davidique de cent cinquante Psaumes, les Paraboles, l’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Isaie, Jérémie avec Barucli, Ezéchiel, Daniel ; les douze petitsprophètes, c’est-à-dire<)séc, Joël..mos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Ilabacuc, Sophonie. Aggée, Zacharie, Malachie ; les deux des Macliabées. le premier cl le second. Du Nouveau Testament. Us (juatre Evangiles, selon Matthieu, Marc, Luc et Jean ; les Actes des Apôtres écrits par Icvangélistc Luc ; les quatorze Epîlres de l’apôtre Paul, aux Romains, deux aux Corinthiens, aux Galales, aux Ei)hcsiens, aux Philippicns, aux Colossiens, deux aux Thessaloniciens, tlcux à Tiuiolhéc, à Tile. à Philcmon. aux Hébreux ; les deux île l’apôtre Pierre, les trois de l’apôtre Jean, une de l’apôtre Jacques, une de l’apôtre Jude, et l’Apocalypse de l’aiiôlrc Jean, Mais si quel439

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qu’un ne reçoit pas pour sacrés et canoniques ces mêmes li’VTes en entier avec toutes leurs parties, comme on a coutimie de les lire dans l’Egflise catholique et comme ils se trouvent dans l’ancienne édition vulgate latine… qu’il soit anathème.)>

Le concile de Trente a donc porté une déflnition dogmatique, condamnant comme hérétique le sentiment de ceux qui ne recevraient pas pour sacrés et canoniques tous les livres, dont la liste est dressée et publiée. Tous sont également sacrés, c’est-à-dire inspirés, et canoniques, contenant et formant la règle de la foi et des mœurs. Il n’y a ainsi, sous le rapport de l’autorité normative, aucune différence à établir entre eux : tous contiennent des témoignages et constituent des secours, propres à confirmer les dogmes et à restaurer les mœurs dans l’Eglise. Le décret éliminait la distinction, proposée par quelques Pères dans les congrégations ou assemblées préparatoires, entre les livres authentiques et canoniques, dont notre foi dépend et les livres sinqjlement canoniques, bons pour l’enseignement et utiles à lire dans les églises.

Cependant, Sixte de Siexxe introduisit dans le langage courant, Bihliotheca sancta, 1. L sect. i, 2, Venise, 1566, t. I, p. 9, la distinction des livres protocaiwniques et deutérocanoniques. Il entendait par là, et on entend après lui, deux catégories de Livres saints, distinctes par l’histoire de leur reconnaissance canonique dans l’Eglise. On nomme prolocaiioriiques ceux qui partout et toujours, dès le commencement, ont été sans conteste reconnus comme inspirés, et deutérocanoniques, ceux dont l’autorité n’a pas été toujours et partout admise sans hésitations ou discussions, et qui n’ont été que plus tard universellement inscrits au canon des Livres saints. Cette distinction serait inexacte, si on en pressait trop les termes et si on l’entendait comme si, dans l’Eglise, il y avait eu successivement deux canons superposés, dont le second était plus étendu que le premier. Elle est juste, si on la restreint à l’histoire de la reconnaissance publiqvie de tous les livres inspirés dans toutes les Eglises sans exception. Quelques théologiens catholiques ont toutefois voulu indiquer par là une différence, sinon ontologique et essentielle, du moins d’autorité et de valeur normative. Bernard Lamy, Apparatus biblicus, 1. II, c. v, Paris, 1728, p. 288-241. dit seulement en passant et sans y insister que les deutérocanoniques n’ont pas la même autorité que les protocanoniques. Jahn, Einleitung in die gesammten Bûcher des Alten Bundes, 2° édit., t. I, p. 240. l)rétendit, d’après les déclarations des Pères de Trente, que la différence entre les deuxclassesde livres canoniques n’a pas été enlevée. M. Loisy. Histoire du canon de V Ancien Testament, Paris, 18go, p. 212-241, admet, à leur suite, que tous les livres de l’Ecriture, quoique inspirés et canoniques au même titre, n’ont pas la même valeur ni une autorité égale. La différence provient donc, non <le leur reconnaissance otricielle par l’Eglise, qui est la même pour tous, mais de leur contenu qui, de sa nature, a un rapport plus ou moins direct avec le dogme et la morale. Mais, remarqueronsnous, cette différence d’objet existe entre les protocanoniques eux-mêmes et ne cai-actérise pas deux classes distinctes de Livres saints. Elle concerne, d’ailleurs, plutôt les effets de l’inspiration dans les Livres saints que la canonicité, qui ne change d’aucune manière les enseignements des livres canoniques. La distinction entre livres protocanoni(iues el deutérocanoniques vise donc seulement le fail extérieur de la reconnaissance publique de leur inspiration dans les diverses Eglises de la catholicité. Elle n'établit par suite entre eux qu’une différence logique et historique.

Le concile du Vatican, sess. iii, const. Dei Filius, c. II, et can. 4. a renouvelé, le 27 avril iSyO, la définition de Trente et l’anathème porté contre quiconque « ne recevrait pas pour sacrés et canoniques les livres de la sainte Ecriture en entier a^ec toutes leurs parties, comme le saint concile de Trente les a énumérés ». Léon XIII a aussi rappelé la définition des conciles de Trente et du Vatican sur la canonicité des Livres saints. Encyclique Pro’identissimus Deus, du 18 novembre 1898.

Les protestants ont continué à rejeter comme non inspirés et non canoniques les livres deutérocanoniques, surtout ceux de l’Ancien Testament, qu’ils nomment apocryphes. Ils ont souvent attaqué dans leurs écrits le décret du concile de Trente. Selon eux, les Pères de cette assemblée auraient, sans examen et contrairement au sentiment de l’ancienne Eglise, déclaré canoniques des livres qui ne méritaient pas cette reconnaissance officielle ; ils auraient, par un ^ote arbitraire, tranché une question sur lafiuelleles plus illustres docteurs de l’Eglise ont été partagés de sentiment. H. Hoavorth a étudié l’origine et l’autorité du canon biblique dans lEglise anglicane et chez les réformés du continent, dans Journal of Theological Studies, 1 907-1 909. Dès le xvi^ et le xvn « siècle, mais surtout aux xviii' et xix', quelques théologiens orthodoxes de l’Eglise grecque et de l’Eglise russe, d’abord malgré l’opposition, puis avec l’assentiment pUis ou moins explicite des autorités officielles, ont adopté les vues des protestants sur les deutérocanoniques de l’Ancien Testament et reproché à l’Eglise romaine d’avoir innové, en les recevant, et d’avoir méconnu le sentiment de l’ancienne Eglise. M. Jugie, Histoire du canon de l’Ancien Testament dans l’Eglise grecque et dans l’Eglise russe. Paris, 1909, p. 34-131. Nous répondrons à cette accusation en montrant séparément pour les deux Testaments que les livres dits deutérocanoniques ont toujours été reconnus comme inspirés et divins dans l’Eglise catholique, nonobstant les doutes de quelques docteurs et les hésitations de plusieurs Eglises particulières.

III. Canon de l’Ancien Testament- — On range parmi les deutérocanoniques de l’Ancien Testament sept livres entiers : Tobie, Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch et les deux livres des Machabées, et quelques fragments d’autres livres : les additions grecques d’Esther, x, 4-xvi, 24, et dans le livre de Daniel, la prière d’Azarias et le cantique des trois enfants dans la fournaise, iii, 24-90, l’histoire de Susanne, xiii, et celle de Bel et du dragon, xiv. La Sagesse et le second livre des Machabées ont été certainement écrits en grec. L’Ecclésiastique a été rédigé en hébreu, et le texte original, disparu depuis le xi' siècle de notre ère, a été partiellement retrouvé en 1896 et 1897 dans la genizah de la synagogue du Caire. Origène connaissait encore le texte hébreu du premier livre des Machabées, qui a été perdu depuis. Pour les autres livres ou fragments deutérocanoniques, on croit qu’ils ont été originairement composés en hébreu ou en aramécn, t^t que les textes grecs que nous possédons ne sont que des traductions.

1° Canonicité des livres et fragments deutérocanoniques chez les Juifs. — Les critiques distinguent généralement le canon des Juifs de Jérusalem du canon des Juifs d’Alexandrie.

1. Chez les Juifs de Jérusalem. — La plupart des critiques, catholiques ou protestants, pensent que les Juifs palestiniens n’ont jamais reconnu de livres inspirés en dehors de ceux qui sont contenus dans la Bible hébraïque. L’fiistorien Josèpiie l’atteste au i siècle de notre ère. Après avoir énuméré les vingtdeux livres, qui sont justement regardés par sescore441

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ligionnaires comme divins, et pour lesquels les Juifs doivent mourir s"il est nécessaire, il ajoute : « Depuis Artaxercès jusqu'à nous, les événements de notre histoire ont l)ien été consignés par écrit, mais ces derniers livres n’ont pas l’autorité des précédents, parce que la succession des prophètes n’a pas été établie avec certitude. » Cent. Apiuri., i, 8, édit. Didot, t. II, p. 3^0. Il connaît donc au moins quelques-uns des livres deutérocanoniques, mais il ne sait pas avec certitude s’ils sont l'œuvre de prophètes. Il est certainement l'écho de la croyance des Juifs palestiniens de son temps. Saint Méliton de Sardes (y 171), qui avait fait des recherches spéciales sur le canon (les Juifs de Palestine, ne donne la liste que des protocanoniques, Estlier excepté. Elsèbe, JI. E., 1. IV, c. XXVI, P. 6'., t. XX, col. 396-897. Le IV livre d’Esdras, qui est une apocalypse juive composée en Orient vers l’an 90 de notre ère, ne connaît que 2^ livres juifs, destinés à la lecture publique, xiv, 44-46. Kautzsch, Die Apokrrphen iind Pseudepigraphen des Alten Testaments, Tubingue, 1900, t. II, p. 401- La célèbre beraitha du Talmud de Babylone, attribuée à Juda le Saint, docteur du 11' siècle, traité Baba bathra, fol. 14 bis, ne parle non plus que des livres protocanoniques. Origène, saint Epiphane et saint JÉRÔME, lorsqu’ils parlent du canon des Juifs, ne connaissent que le seul canon de la Bible hébraïque. Quelques critiques toutefois pensent que les Juifs de Palestine avaient d’abord admis dans leur canon au moins quelques-uns des livres deutérocanoniques. Si, comme nous le montrerons tout à l’heure, les Juifs d’Alexandrie ont reçu dans leur Bible tous ces livres, il en résulterait, disent-ils, que leurs frères de Palestine les y avaient eux-mêmes reçus auparavant. Une lettre, écrite de Jérusalem aux Juifs d’Egypte, offre de faire pi’endre les livres que Néhémie aurait réunis dans une bibliothèque. II Mach., 11, 15. Le Psaume xi, 1-7, de Salomon suit presque littéralement Baruch, V, 4 sq. Kautzsch, op. cit., t. II, p. 141Comme ce recueil a été composé en Palestine entre 63 et 45 avant Jésus-Christ, ibid., p. 128, il en résulte qvie Baruch était connu en Palestine avant l'ère chrétienne. Josèphe, Ant. jud., XI, vi, 6 sq., reproduit textuellement des passages des fragments deutérocanoniques d’Eslher. Il a fait usage aussi du I^"" livre des Machabées. Ant. jud., XII, v, i-XIIl, vu. Il mentionne aussi Daniel comme « un des plus grands prophètes » et il parle avec enthousiasme de ses

« prophéties ». Ant. jud., X, xi, 7. La distinction des

Livres saints, si elle était tranchée théoriquement, n’avait pas encore passé entièrement dans la pratique, puisque Josèphe, qui écrit d’après les seuls IJvres saints, utilise même ceux qu’on appelle deutérocanoniques. De ces faits, ces critiques concluent que les Juifs palestiniens ont retranché de leur Bible les livres dits deutérocanoniques, au cours du i" siècle de notre ère, peut-être au synode de Jaumia, vers 90, parce qu’ils ne les trouvèrent pas conformes aux idées qu’ils s'étaient faites des Livres saints, de leur antiquité, de leur langue originale et de leur contenu. Les faits, qu’on invoque en faveur de cette opinion, prouvent seulement que quelques livres deutérocanoni((ues de l’Ancien Testament ont été connus et utilisés en Palestine, luais non qu’ils y étaient universellement et oflicicllemcnt reconnus pour divins et inspirés.

2. Citez les Juifs d’Alexandrie. — Quoi qu’il en soit de la Palestine, il est certain ([uc les Juifs liellcnistes, dont le centre principal était à Alexandrie, admettaient dans leur Bible les livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament. L’existence du canon alexandrin, plus étendu cpie le canon palestinien, a été niée, il est vrai, par quelques critiques, si on

l’entend au moins d’un canon déterminé et officiellement clos. Il est clair toutefois que les Juifs hellénistes tenaient pour divins les livres deutérocanoniques de l’ancienne Alliance, ce qui est le plus important, la divergence d’opinions des critiques ne portant plus que sur une question de mots.

Or, ces livres deutérocanoniques faisaient partie de la Bible, dite des Septante. Cette Bible grecque, antérieure à l'ère chrétienne, et à l’usage des Juifs d’Alexandrie, les contenait, non en appendice et à la suite de ceux qui avaient été traduits de la Bible hébraïque, mais mélangés à ceux-ci. On en peut conclure à bon droit que les Juifs hellénistes regardaient les uns et les autres comme inspirés et leur reconnaissaient une autorité divine. Les Juifs d’Abyssinie, qui forment la secte des Falaschas et dont l’origine remonte avant l'ère chrétienne, se servent dans l’exercice de leur culte d’une version éthiopienne, qui contient tout l’Ancien Testament. Ils n’ont pu l’accepter que pai-ce qu’elle répondait à leurs traditions sur la Bible, venues d’Alexandrie. L’absence de citations de ces livres dans les écrits du philosophe juif alexandrin Philox ne prouve rien contre l’acceptation des livres deutérocanoniques par les Juifs hellénistes. Cet écrivain, en elfel, ne cite pas davantage huit des livres protocanoniques, qu’il n’avait pas eu l’occasion d’utiliser. Enfin, les versions grecques, faites par les Juifs Aquila, Symmaque et Théodotiox, prouvent aussi l’usage helléniste. A en juger par les fragments qui nous en restent, les deux premières contenaient au moins l’histoire de Susanne. Celle de Théodotion comprenait Daniel tout entier ; aussi remplaça-t-elle de bonne heure dans l’Eglise grecque, pour ce livre, la traduction imparfaite des Septante. S. JÉRÔME, Comment, in Dan., prol., P. L., t. XXV, col. 493.

2° Canonicité des livres et fragments deutérocanoniques dans l’Eglise chrétienne. — Le canon des Juifs d’Alexandrie a passé avec la Bible des Septante dans l’usage de l’Eglise chrétienne et il y a joui d’une paisible possession jusqu'à la fin du iii^ siècle. Mais du iv'= au XVI siècle, tandis que Icmploi de tous les livres de l’Ancien Testament persévérait, des doutes et des hésitations touchant les deutérocanoniques se perpétuaient parmi les docteurs, pour ne cesser qu’après le décret du concile de Trente.

I. Du i" à la fin du m" siècle. — a) Les écrits apostoliques. — Ils ne contiennent pas une liste otlicielle des livres de l’Ancien Testament, que Jésus-Christ aurait présentés à 1 Eglise comme divins et inspirés. Mais ils citent fréquemment, soit d’après le texte hébreu, soit d après la version des Septante, la sainte Ecriture, la plupart des livres protocanoniques et des passages empruntés aux deutérocanoniques. Stier a recueilli jusqu’aux moindres allusions. Die Apocryphen, Vert/ieidigung iltres altgebrachten Auscnlusses an die liibel, Brunswick, 1853. Blekk a examiné de plus près ces emprunts aux deutérocanoniques et les a reproduits dans le texte grec. Ueberdie Stelluiig der Apokrrphen des Alten Testamentes im rhristliclten Kanon, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1853, t. XXVI, p. 337-849. Il faut noter les citations de la Sagesse, Matth., xxvii, 89-42 ; I Pet., i, 6, 7 ; Eph., VI, 18-17 ; Ileb., i, 3 ; llom., i, 20-82 ; IX, 21, et de H Mach., vi, 18-vii, 42 ; Ileb., xi, 34, 35, des deux seuls livres de l’Ancien Testament (jui aient été composés en grec. Les écrivains du Nouveau Testament se servaient donc de la Bible des Septante et ont canonisé, par l’usage qu’ils en ont fait, les deutérocanonicpies de l’Ancien Testament. b) Les Pères apostoliques. — Les jn-cmiers écrivains ecclésiastiques, les plus rapprochés des temps apostoliques, ont employé la Bible grecque, qu’ils 443

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avaient reçue de leurs maîtres, et ont cité à l’occasion les livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament aussi bien que les protocanoniques, et sans établir entre eux aucune dilTérence. La Doctrine des DOUZE APÔTRES, récemment découverte, i, 2 ; x, 3, cite Eccli., vu. 30 ; xviii, 1 ; xxiv, 8. Funk, Patres apostoUci, a « édit., Tubingue, 1901, t. I, p. 2, 14. Elle cite aussi, v, 3 ; x, 3, la Sagesse, xii, 7 ; i, i/|, p. 16, 22. L’Epitre, attribuée à saint Barnabe, vi, 7 ; XX, 2, cite encore la Sagesse, 11, 12 ; v, 12. Ibid., p. 54, 94- Saint Clément romain, I Cor., lv, 4 » o ; Lix, 3, 4, analyse Judith, viu sq. ; ix, 11, ibid., p. 168, 174. 17^ ; LV, 6, cite Esther, iv, 16 ; vii, 8, ibid., p. 168 ; III, 14 ; VII, 5 ; xxvii, 5, fait allusion à Sap., II, 24 ; XII, 10 ; XI, 22 ; XII, 12, ibid., p. 102, 108, 134 ; Lix, 3 ; Lx, 1, cite Eccli., xvi, 18, 19 ; 11, 11, ibid., p. 176, 178. L’auteur de l’homélie très ancienne, qu’on appelle seconde EpItre de saint Clément aux Corinthiens, xvi, 4, cite Tobie, xii, 9. Funk, ibid., p. 284. Saint Ignace d’Antioclie, Ad Eph., xv, i, ibid., p. 224, fait allusion à Judith, xvi, 14. Saint Polycarpe, Ad Phil, x, 2, ibid., p. 308, cite Tobie, IV, 10 ; XII, 9. Le Pasteur d’HERMAS, Mand., , 2, 3 ; Vis., i, I, 6, ibid., p. 482, 4 » 6, cite Tobie, iv, 19 ; v, 17 ; Mand., i, 1, p. 468, Sap., i, 14 ; Vis., iii, 7, 3 ; IV, 3, 4. ibid., p. 446, 464. Eccli., xviii, 30 ; 11, 5 ; Mand.^ x, i, 6 ; 3, i, p. 500, 502, Eccli., 11, 3 ; xxvi, 4 ; Sim., -, 3, 8 ; 5, a ; 7, 4 ; vii, 4, P- 536, 538, 542, 554, Eccli., XXXII, 9 ; XVIII, j ; xlii, 17 ; Mand., 1, 1, p. 468, II Mach., vii, 28.

c) Les Pères apologistes et les autres écrii’ains du lie gt du Hje siècle. — Dans toutes les Eglises, on connaît et on utilise les deutérocanoniques. Saint Justin, Apol., I, 46, P. G., t. VI, col. 397, rappelle l’histoire des trois jeunes Hébreux. Dan., m. Quoique, dans la discussion avcc le juif Tryphon, iJial., 71, ibid., col. 643, il s’abstienne d’alléguer les livres bibliques que son adversaire n’accepte pas, il loue cependant la version des Septante et blâme ceux qui ne s’en servent pas. Son témoignage est le plus ancien qui signale la différence du canon palestinien et du canon alexandrin. L’auteur de la Cohortatio ad Græcos, 13, ibid., col. 205, qui n’est pas saint Justin, affirme même l’inspiration des Septante. Athénagore, Légat, pro christ., 9, P. G., t. VI, col. 908, citeBaruch, m, 36, comme un prophète. Saint Irénée, Cent, hær., v, 35, n. i, P. G., t. VII, col. 1219, cite Baruch, iv, 36 ; V, 9, sous le nom de Jérémie. Il cite encore, iv, 38, n. 3, col. 1108, Sap., vi, 20 ; et iv, 26, n. i, col. io53. Dan., xiii, 5() ; et iv, 5, 2 ; v. 5, n. 2, col. 984 ; 1135. Dan., xiv, 3, 4, 24. Le canon de Muratori (fin du ii « siècle), 1. 69-7 1, nomme, parmi les Ecritures reçues dans l’Eglise catholique, laSagessedeSalomon, quoiqu’elle ait été écrite par ses amis (ou par Philon) en son honneur. Zaiin, Geschichte des NeutestamentlicJien Kanons, Erlangen et Leipzig, 1890, t. H, p. 95-io5. Clément d’Alexandrie cite plus de cinquante fois l’Ecclésiastique dans le 1. II du Pédagogue. Il y cite encore Baruch, iii, 16, 19, 1. II, 3, P. G., t. VIII, ’col. 436. Dans les Stromates, 1, 21, P. G., t. VIII, col. 852-853, il énumère tous les deutérocanoniques (Baruch étant joint à Jérémie), à l’exception de Judith, qu’il cite ailleurs, 11, 7 ; IV, 19, col. 969, 1328. Il analyse aussi les fragments d’Esther, IV, 19, col. 1328. Il cite Tobie, IV, 16, Strom., II, 23, col. 1089 ; des passages de la Sagesse, Strom., IV, 11, P. G., t. IX, col. 313 ; II Mach., i, 10, Strom., Y, 14, col. 145. Origène, qui n’énumère que les livres de la Bible hébraïque. In Ps., 1, P. G., t. XII, col. io84, défendit contre les objections de Jules Aericain les parties deutérocanoniques de Daniel et les livres de Tobie et de Judith. Il sait qu’ils ne se trouvent pas dans la Bible hébraïque et ne sont pas reçus par les Juifs,

mais il déclare qu’il est absurde de douter, pour cette raison, de leur autorité, parce que ce n’est pas des Juifs que les chrétiens doivent apprendre où se trouve la parole de Dieu. Epist. ad African., 3, 13, P. G., t. XI, col. 53, 80. Il cite plus de dix fois Tobie, trois fois Judith, vingt fois environ la Sagesse, plus de soixante-dix fois l’Ecclésiastique, deux fois le 1" livre des Machabées et quinze fois le Ile, aussi bien que les autres deutérocanoniques. Saint Denys d’Alexandrie rapporte des passages de Tobie, de la Sagesse, de l’Ecclésiastique et de Baruch, avec les formules :

« Comme il est écrit, comme dit l’Ecriture. » Be natura, 

P. G., t. X, col. 10, 1257, 1268 ; Cont. Paulum Samos., 6, 9, 10, édit. Simon de Magistris, Rome, 1796, p. 245, 266, 274 ; Epist., X, ibid., p. 169. A Carthage, Tertullien cite tous les deutérocanoniques, sauf Tobie et les fragments d’Esther. Il cite la Sagesse sous le nom de Salomon et Baruch sous celui de Jérémie. Voir A. d’ALÈs, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 225. Saint Cyprien a utilisé tous les deutérocanoniques, sauf Judith. Il cite parfois aussi la Sagesse sous le nom de Salomon. Le canon de l’Ancien Testament est, pour saint Hippolytk de Rome, celui des Juifs hellénistes, et le texte de Daniel qu’il commente, celui de Théodotion. Il n’ignore pas les controverses sur les fragments deutérocanoniques de Daniel ; néanmoins, il a expliqué l’histoire de Susanne, et il s’est référé à l’épisode de Bel et du dragon. Dans son commentaire de Daniel, il utilise les deux livres des Machabées pour montrer la réalisation historique des oracles divins. A. d’Alès, La théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. 1131 14. Saint Grégoire le Thaumaturge cite Baruch. De fide capit., 12, P. G., t. X, col. 1133. Les Constitutions apostoliques, dont les six premiers livres sont rapportés au milieu du 111° siècle, connaissent tous les deutérocanoniques, à l’exception des Machabées. La lettre synodale du III Concile d’Antioche (269) au pape saint Denys cite comme Ecriture un passage de l’Ecclésiastique, ix. Mansi, Concil., t. I, col. 1099. Dans la Disputatio Archelai ciim Manete, 33, Hégk-MONius cite la Sagesse, i, 13. Beeson, Hegemonius^ Acta Archelai, Leipzig, 1906, p. 47- Saint Méthode de Tyr allègue comme Ecritures Baruch, Susanne, Judith, l’Ecclésiastique et la Sagesse. La vieille version latine dite Italique contenait les deutérocanoniques, et le canon du Claromontanus, s’il est du m"’siècle, confirme la réception de tous ces livres dans l’Eglise latine. C’est donc partovit qu’on admet et qu’on emploie ces écrits rejetés par les Juifs de Palestine. d) Objections. — Les protestants n’ignorent pas ces faits ; mais ils prétendent qu’ils ne prouvent rien, parce qu’ils prouveraient trop. En effet, ces mêmes écrivains ecclésiastiques, qui citent les deutérocanoniques comme des livres sacrés, citent aussi au même titre des écrits manifestement apocryphes et sans autorité divine. Ainsi le pseudo-Barnabé, rv, 3 ; XVI, 5, Funk, op. cit., t. I, p. 46, 86, cite Hénoch comme prophète ou comme Ecriture ; il cite aussi, XII, I, p. 74, IV Esd., IV, 33 ; v, 5. Hermas cite un livre d’Eldad et de Moudat, Vis., 11, 3, 4, Funk, p. 428. Saint Justin, Dial. cum Tryph.. 120. P. G., t. VI, col. 756, fait allusion à l’Ascension d’Isaïe. Tertullien vénère et cite plusieurs fois le livre d’Hénoch comme inspiré, tout en reconnaissant que ni les Juifs ni les chrétiens ne l’admettent au canon. Il parait connaître et citer le IV^ livre d’Esdras ; il accepte du moins l’assertion de ce livre sur la reconstitution intégrale des Ecritures par Esdras. Voir A. d’Alès, La théologie de Tertullien, p. 225-226. On a cru relever aussi chez saint Hippolyte la trace de ce IV’livre d’Esdras. A. d’Alès, /a théologie de saint Hippolyte, p. 114. Clément d’Alexandrie, 445

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Edog. ex Script., 2, 53, P. G., t. IX, col. 700, 728, a cité encore Hénoch, et il cite IV Esd., v. 35, sous le nom d’Esdras le prophète. Strom., IV, 16, P. G., t. VIII, col. 1200. — Réponse. — Ces citations d’apocryphes se rencontrent certainement dans les œuvres des Pères des trois premiers siècles. Mais c’est à tort qu’on veut les comparer aux citations empruntées aux livres deutérocanoniques. L’usafjfe de ces apocryphes ne fut, en effet, ni universel, ni constant ; il fut l’acte isolé de tel ou tel Père, et il ne résista pas à l’épreuve du temps. Origène, In Joa., 11, 25, P. G., l. XIV, col. 168-169, en parle comme d’écrits qui ne sont pas admis par tous. Bientôt, ils furent rejetés unanimement, et ils n’ont jamais eu en leur faveur la reconnaissance publique de tontes les Eglises, I)rincipal indice de la canonicité.

2. Du iv" au xvi*^ siècle. — Cette période est la période de discussion et de doutes au sujet des deutérocanoniques. Toutefois, l’opposition a été plus ou moins vive et a passé par des phases diverses qu’il est bon de distinguer.

a) Au i’siècle. — «. Dans l’Eglise grecque. — Sauf les doutes exprimés à Origènepar Jules Africain sur les parties deutérocanoniques de Daniel, les livres et les fragments qui nous occupent n’avaient subi aucune attaque au cours des trois premiers siècles de l’Eglise. Les rapports avec les Juifs avaient seulement amené quelques écrivains ecclésiastiques à distinguer deux catégories délivres de l’Ancien Testament. Pour la même cause, la distinction fut accentuée au iv= siècle, d’abord en Orient, et aboutit à faire formuler des doutes sérieux sur la canonicité des deutérocanoniques. Dans sa xxxix"^ lettre foslalc qui est de 367, saint Atuanase, évêque d’Alexandrie, distingue très nettement deux catégories de livres sacrés, hormis les apocryphes. Les livres canoniques de l’Ancien Testament sont, pour lui, au nombre de 22 seulement, et il les énumère en omettant Esther, mais en y comprenant Baruch, qu’il rattache à Jérémie. En dehors de ces livres divins, il j’a d’autres livres qui ne sont pas inscrits au canon, mais que les Pères ont ordonné de faire lire aux catéchumènes pour leur instruction, à saoir la Sagesse deSalomon et celle de Sirach, Esther, Judith, Tobic, la Doctrine des apôtres et le Pasteur. P. G., t. XXVI, col. 1176. Cette distinction, empruntée non aux Juifs, mais aux Pères, c’est-à-dire aux docteurs de l’Eglise d’Alexandrie, qui avaient établi l’usage de lire aux catéchumènes la seconde catégorie des livres, voir Origène, In Num., homil. xxvii, n. i, P. G., t. XII, col. 780, ne répond pas exactement au classement des livres protocanoniques et deutérocanoniques. Saint Cyrille de Jérusalem enseigne aux catéchumènes dont l’instruction lui est confiée que l’Ancien Testament ne contient que 22 livres, (ju’il énumère et qu’on lit dans les églises. « Que tout le reste soit mis à part, au second rang », et ce reste, c’était, pour l’Ancien Teslament, Tobie, Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastiiiue et lesMachabées. Comme les 22 livres étaient ceux qu’ont traduits les Septante, Crt/., iv, 33, 35, 36, P. G., t. XXXIII, col. 496 sq., le livre de Daniel comprenait les fragments deutérocanoniques, fju’il cite d’ailleurs : le cantique des trois enfants, Cat., 11, 16 ; ix, 3, col. 404, 640, l’histoire de Bel et du dragon, xiv, 25, col. 857 ; celle’ic Susanne, xvi, 31, col. 961. Baruch est joint à Jérémie. Saint GuÉ( ; oire ue Nazianze, Carm., i, 12, P. G., I. XXXVII, col. 472, ne nomme aussi que les 22 livres l’-'lcstinicns. Il omet Esther, et il ajoute que ce qui est en dehors (k- ces livres n’est pas authentique. Saint Ami’uiloque, /am/y/ ad Seleucum, ibiJ., col.ibc)6, ’Ml de même. Saint Epiimiane cite trois fois le canon . Juifs, Ue pond, et mens., 4, 22, c3, P. G., t. XLUl, 1. 244, 276-280 ; //aer., VIII, 6, ^. 6’., t. XLI, col. 413 ;

mais, Hær., lxxvi, 5, P. G., t. XLII, col. 560, il range la Sagesse et l’Ecclésiastique parmi les Ecritures divines.

Le 60’canon du concile de Laodicée, Mansi, Concil., t. II, col. 574, et le 85= canon des apôtres, P. G., t. CXXXVll, col. 211, ne mentionnent que les livres de la Bible hébraïque.

En dehors des écrivains ecclésiastiques, qui ne veulent reproduire c{ue le canon des Juifs, les autres, qui excluent du canon chrétien certains livres deutérocanoniques, ont été amenés à cette exclusion pai* leurs i-apports avec les Juifs. Obligés de défendre la foi chrétienne contre ces adversaires, ils ne devaient dans la polémique invoquer que les livres de la Bible hébraïque. D’autre part, ignorant l’hébreu, ils ne pouvaient recourir au texte original, ils prenaient donc dans les Livres saints, traduits en grec, les livres correspondant au canon hébraïque, et c’est pourquoi sans doute ils dressaient des listes incomplètes des livres canoniques. Au reste, ils ne se faisaient pas faute de citer, textuellement ou par allusion, ces livres qui n’étaient pas reçus par tous et qu’on ne lisait pas dans les églises. Ainsi saint Atuanase cite la Sagesse, l’Ecclésiastique, Tobie et Judith comme Ecriture, et il s’en sert dans ses écrits dogmatiques pour établir les vérités de la foi. Saint Cyrille de Jérusalem cite, par exemple, Sap., xiii, 5, dans Cat., ix, 2, 16, P. G., t. XXXllI, col. 640, 656 ; Eccli., iii, 22, dans Cat., vi, 4, col. 544- Saint Grégoire de Nazianze cite aussi la Sagesse et l’Ecclésiastique. Orat., 11, 50 ; iv, 12 ; vii, i ; xxviii, 2 ; xxxi, 29, P. G.^ t. XXXV, col. 459, 541, 737 ; t. XXXVI, col. 33, 36, gS, 165. De même, saint Epi-PUANE, Ilær., xxiv, 6, 16 ; xxxiii, 8 ; xxxvii, 9 ; lxxvii, 4, P. G., t. XLI, col. 316, 357, 369, 653 ; t. XLII, col. 177 ; Ancorat., i, P. G., t. XLIII, col. 20.

D’autres Pères orientaux, qui n’ont pas émis de doutes sur les deutérocanoniques de l’Ancien Testament, font usage de ces livres. Saint Basile, Liber de Spiritu Sancto^Yin, 19, P. G., t. XXXII, col. 10 1, cite Judith, IX, 4. Ce livre, au témoignage de saint Jérôme, Præf. in Judith, P. L., t. XXIX, col. 39, aurait été mis au nombre des Ecritures sacrées par le concile de Xicée, en 325. Toute l’Ecole d’Antioche est favorable aux deutérocanoniques. Saint Ciirysostomk et TuÉodoret les citent. De même, les écrivains syriens, Aphraate et saint Ephrem. Les doutes étaient donc loin d’être universels, et les Pères qui les émettaient, n’en tenaient pas compte dans la pratique, puisqu’ils citaient les deutérocanoniques comme les protocanoniques, non pas seulement pour l’édiGcat ion des fidèles, mais même pour la continuation de la foi. C’est un indice certain que l’ancienne croyance de l’Eglise réglait leur conduite et les amenait à citer, en dehors de la polémi((ue avec les Juifs, les livres sur la canonicité desquels ils avaient émis des doutes théoriques.

b. Dans l’Eglise latine. — Ces doutes ont passé de l’Orient à l’Occident. Ils ne sont, en elfet, exprimés que par les écrivains latins qui ont été en rapport avec les Grecs. Saint IIilairk de Poitiers. In Psalnws, prol.. ib, P. L., t. IX, col. 241, ne reconnaît dans l’Ancien Testament que 22 livres ; mais il joint à Jércmie la « Lettre », c’est-à-dire Baruch, vi. Il ajoute que, pour avoir 24 livres, quelques-uns complètent la liste par Tobie et Judith. RuiiN, /// synibol. apust., 37, 38, P. /.., t. XXI, col. 374, ne range parmi les livres « canoniques » que les 22 livres du canon palestinien. Il appelle « ecclésiastiques » la Sagesse, l’Ecclésiastique, Tobie, Judith et les deux livres des Machabées, que les anciens, dit-il, « ont prescrit de lire dans les églises, mais qu’ils n’ont i)as voulu alléguer pour conlirmer l’autorité de la foi ».ll semble avoir emprunté cette distinction à saint Alhanase ; mais il lexplique autreuunt, puisque ces livres ecclésiastiques étaient 447

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lus dans les éjïlises, tandis qu"à Alexandrie ils ne servaient qu’à l’instruction des catéchumènes. Aucun Père latin n’a été plus défavorable aux deutérocanoniques que saint Jérôme. Il se rattache très étroitement à l’Orient par ses études exégétiques et ses relations. Il a été un disciple fervent d’Origène et a travaillé à traduire en latin la ^’critas hebraica. Par attachement à la Bible hébraïque, il était naturellement porté à moins apprécier les livres deutérocanoniques. Dans son Prolugus ^rt/pa/j<s, écrit vers 3gi, P. L., t. XXYIII, col. 12^2, l’i^S, il déclare catégoriquement que ces livres non sunf in canune. Dans sa Præfatio in libros Salomonis, qui est de 898, P. L., t. XXYII, col. lioli, il dit que « l’Eglise les lit pour l’édification du peuple, non pour la confirmation des dogmes ecclésiastiques h. Il ne parle donc pas seulement du canon des Juifs. Il estime peu les fragments deutérocanoniquesd’Esther, /’rae/"fl//o in £sther, P. Z., t. XXVIII, col. 1433 sq., et les parties grecques de Daniel, In Ban., prol., P. L., t. XXV, col. 492, 493, auxquelles il ne reconnaît aucune autorité scriplvu-aire. Præf. in Dan.. P. /.., t. XXVIII. col. 1294. Il cite Tobie,

« bien qu’il ne soit pas dans le canon, mais parce

qu’il est employé par les auteurs ecclésiastiques », In Jon., P. L., t. XXV, col. 1119 ; Judith. « si toutefois quelqu’un veut recevoir le livre de cette femme », In Agg., ibid., col. 1394 ; la Sagesse, avec une restriction analogue. In Zach., ibid., col. 1465, 1513 ; Dial. adv. Pelag., i, 33, P. L., t. XXIII, col. 527. Quand il se montre plus favorable à ces deux livres, c’est pour faire plaisir à deux évêques occidentaux. Piæf. in lib. Tobiae, P. L., t. XXIX, col. 23-26 ; Præf. in Judith, ibid., col. 3^-40. Il refuse de commenter Baruch et la lettre « pseudépigraphe » de Jérémie. In Jer., prol., P. L., t. XXIV, col. 680.

Mais, en pratique, ces écrivains de l’Eglise d’Occident, comme ceux de l’Orient qui étaient défavorables aux deutérocanoniques, oublient leurs déclarations de principes. Tous, dans leurs œuvres dogmatiques, se servent, même pour démontrer les vérités de la foi, de textes empruntés à ces livres. Ils citent ces textes conjointement avec ceux des protocanoniques et sous les mêuies formules : « Il est écrit, Dieu dit dans l’Ecriture ; le Saint-Esprit dit. etc. » Ainsi font saint HiLAiRE de Poitiers et Rufix. Saint Jérôme lui-même, si intransigeant en théorie, cite souvent tous les deutérocanoniques, en particulier contre les pélagiens. Une fois même, il range Esther et Judith avec Ruth parmi les volumes « sacrés ». Epist., lxv, ad Princip., i, P. /,., t. XXII, col. 628. Il se conforme à l’opinion générale. Quand Rufin eut défendu contre lui les fragments de Daniel et d’Esther, Apol., 11, 33. P. L., t. XXI, col. 612, il avoua, pour s’excuser, cjue, sur ce point, il n’avait pas exprimé son sentiment personnel, mais exposé ce que disaient les Juifs. Àpol. cont. Rufin., 11, 33, P. L., t. XXIII, col. 455. Ces Pères seraient-ils donc en contradiction avec eux-mêmes ? Les théologiens catholiques pensent que ces Pères, lorsqu’ils sont défavorables aux deutérocanoniques, ne leur refusent pas l’autorité divine d’une manière absolue, mais seulement d’une manière relative, c’est-à-dire vis-à-vis de ceux cp^ii n’acceptent pas ces livres comme inspirés ; ou bien, qu’ils les excluent du canon des livres destinés aux fidèles, les réservant pour l’édification des catéchumènes, sans pour cela leur attribuer une moindre valeur. Tel est le sentiment du cardinal Fraxzelin, Tractât us de divina Traditione et Scriptura, 3’édit., Rome, 1882, p. 454-472, et du P. Corxely, Introductio generalis, 2’édit., Paris. 1894, p. 98-120. Le P. Corluy, dans la i" édition de ce Dictionnaire, col. 36g-3yo, donnait une autre solution. Il distinguait, dans chacun de ces Pères opposants,

« comme un double personnage ou deux états psycho

logiques. Dans leurs œuvres dogmatiques, ils se présentent comme témoins de la foi et suivent sans arrière-pensée le torrent de la tradition, ou. du moins, ils n’estiment pas leurs dillicultés scientifiques suflisamment prépondérantes pour leur faire abandonner l’usage traditionnel. Soccupent-ils, au contraire, ex professo, de la question du canon, ils envisagent cette question plutôt comme savants et inclinent, par la considération des arguments scientiliques, à l’exclusion des deutérocanoniques, prêts sans doute à abandonner leur décision devant une décision contraire de l’Eglise, décision que l’Eglise n’avait pas encore rendue jusqu’alors, ou que, du moins, elle n’avait pas promulguée ».

D’ailleurs, la tradition explicite del’Eglise en faveur de l’origine divine des deutérocanoniques persévérait en Occident aussi bien qu’en Orient. Lucifer de Cagliari cite la Sagesse comme œuvre inspirée de Saloiiion. Pro Athanaaio, P. L., t. XIII, col. 858, 860, 862. Saint Ambroise, à Milan, cite les deutérocanoniques au même titre que les protocanoniques. L’Eglise d’Afrique se prononce résolument en leur faveur. Le canon stichométrique des Livres saints, que Momm-SEX a découvert dans un manuscrit de Cheltenham, <[ui est d’origine africaine et qui date de 35g, est complet. Preuschex, Analecta, Fribourg-en-Brisgau, 1898, p. 1 38-1 39. Les conciles d’Hippone (893) et de Carthage (897 et 419). Mansi, Concil., t. III, col. 8g6, 924 ; t. IV, col. 430 ; saint Augcstin, /)e doctrina ckristiana, II, 8, 13, P. L., t. XXXIV, col. l, admettent les deutérocanoniques. L’Eglise romaine fait de même, témoin le décret De recipiendis et non recipiendis libris, dont la première partie, c’est-à-dire le canon des Ecritures, est attribuée au pape saint Damase (366-384), Preuschex, op. cit., p. 147-148, et la lettre d’IxxocEXT I" à Exupère de Toulouse (405). Mansi, Concil., t. IL col. io40-io41. Les artistes chrétiens qui, pendant les trois premiers siècles, n’ont rien emjirunté aux apocryplies, ont pris leurs sujets indistinctement dans les livres protocanoniques et deutérocanoniques. L’histoire de Susanne est représentée à la Capella græca. Toutes les parties deutérocanonicjues du livre de Daniel ont inspiré ces artistes, aussi l)ien que le livre de Tobie. On continuait à les lire dans les olVices liturgiques. Il n’y a donc jamais eu dans la tradition ecclésiastique interruption comjilète ; il y a eu seulement, dans quelques Eglises particulières, obscurcissement ou déviation, qui s’expliquent par des circonstances locales, mais qui sont amplement compensés par la continuation de la lecture publique de ces livres et par la tradition de l’Eglise romaine.

b) Du ve au xvie siècle. — Durant cette période, les doutes à l’égard des deutérocanonicjues tendent de plus en plus à disparaître en Orient, tandis qu’ils persistent en Occident, atténués progressivement el appuyés presque exclusivement sur l’autorité de saint JÉRÔME. En Orient, Léonce de Byzaxce, saint Jea ? Damascèxe, la Stichométrie ajoutée à la Chronographie de saint Nicéphore, la Srnopse de l’Ecriture attribuée à saint Athanase. ne reconnaissent dan l’Ancien Testament que 22 livres. Le concile in Trull (6g2) reconnaît le concile de Carthage à côté di 85’canon apostolique et du concile de Laodicée, e ; | même temps que les listes de saint Athanase, d < saint Grégoire de Nazianze et de saint Amphiloqut PiioTius accepte les mêmes canons. Tandis c^ue Ari TÈNE. Arsène, Balsamon et Mathieu Blastarès s’e tiennent au canon des apôtres, Zonaras le concil avec les autres documents groupés par le concile : Trullo. Cette conciliation introduit de plus en pli dans l’Eglise grecque l’usage universel des livr’deutérocanoniques. D’ailleurs, saint André de Crèt 449

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saint Germai.v I" de Constantinople, saint Jean Damascène, le Vil’concile œcuménique (787), l’hymnoTaphe Elie, Cos.mas de Jérusalem, le diacre Etienne, saint Théodore Studite, le patriarche NicÉPHORE, Photius, le VIII’concile œcuménique (869-870), riiymno5, ’rai)he Josei’h, Léon le Sage, Nicétas le Paphlagonien, SiMÉoN Métaphraste, Tuéo-PUYLACTE, le moine Philippe l’Ermite, Eue Ecdicus, NicÉTAS Serroml’s, Théophane Kerameus, Andronique Commène, Michel Glykas, Jean Zonaras, Eustathe de Salonique, Michel Achominatos, Nicétas AcHOMiNATOs, le clironograplie Joël, le patriarche Germain II, le diacre Pantaléon, Thkodule de Salonique, Grégoire Palamas, Manuel Calécas, Jean Cyp-Uiissiote, Macaire Chrysocépiiale, Jean Calécas, Nicolas Cabasilas, Nigéphore Calliste, Marc EuGÉNicus, citent les deutérocanoniques. Cf. E. Mangenot, Une période (vn’- : s.v’siècles) de l’histoire du canon de l’Ancien Testament dans l’Eglise grecque, dans les Questions ecclésiastiques, Lille, 190g. En Occident, saint Grégoire le Grand, Alcuin.Walai’rid Strabon, Rupert de Deutz, Hugues de Saint-Victor, Pierre le Vénérable, Pierre le Mangeur, Jean de Salisbury, René de Celles, Jean Beleth, Hugues de Saint-Cher, saint Thomas, Guillaume OccAM, Nicolas de Lyre, saint Antonin, Denys le Chartreux, le cardinal Cajetan sont théoriquement défavorables aux deutérocanoniques, quoiqu’ils admettent la pratique universelle. La tradition ancienne et favorable est continuée par saint Patrice, Julien Pomère, saint Léon le Grand, Denys le Petit, Cassiodore, saint Isidore de Séville, saint Eugène, saint Ildephonse, Raban Maur, le pape Nicolas I^"", les collections canoniques de Burchard de Worms et d’YvES de Chartres, Udalric de Cluny’, Lanfranc, GisLEBERT, saint Brunon d’Asti, Gratien, Honorius d’Autun, Pierre de Riga, Gilles de Paris, Pierre de Blois, Albert le Grand, saint Bonaventure, Vincent de Beauvais, Robert Holkot. Tous les manuscrits grecs et latins du moyen âge contiennent les deutérocanoniques. L’Eglise, tout en laissant ses docleurs différer d’avis, continuait à les lire. Aussi Eugène IV, dans son décret aux Jacobiles promulgué au concile de Florence en 1441 » déclare-t-il ces livres divins et canoniques. L’ancienne opposition trouve un écho dans la minorité du concile de Trente, qui proposait de distinguer deux catégories de Livres saints ; mais la majorité, nous l’avons vu, a conlirnié officiellement la tradition constante de l’Eglise.

.IV. Canon, du Nouveau Testament. — Au point de vue apologétique, nous n’avons à nous occuper que de sa formation et de l’opposition dont les deutérocanoniques ont été l’objet.

1".Sa formation. — i. Elle n’a pu être que progressive. Jésus n’avait pas dit à ses apôtres : « Ecrivez », mais bien : « Allez, enseignez toutes les nations…, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé », Mallh., xxviii, 19, 20, ou : M Allez dans le monde entier et prêchez l’Evangile à toute créature. » Marc, xvi, 15. Dociles à la voix du Maître et remplis du Saint-Esprit, les apôtres prêchèrent partout, et le Seigneur opérait avec eux et confirmait par des signes h ; iir parole. Marc, xvi, ao. Ilss’adressèrentd’abordauxJuifs, leurs compatriotes, puis aux gentils, conformément aux ordres de Jésus. Act., i, 8. Le livre des Actes raconte la fondation des premières Eglises, à Jérusalem, eu Sa marie, et dans rempire romain. Ainsi le christianisme s était répandu et des communautés s’étaient organisées, avant qu’aucun des écrits du Nouveau Testament eût vu le jour. Ces livres, quand ils parurent, ne rentraient pas dans un plan général, concerté entre les

apôtres. Ce furent des œuvres d’occasion, composées parfois dans des circonstances en quelque sorte fortuites, pour répondre à des besoins particuliers, quoique sous l’impulsion et la direction du Saint-Esprit. Ainsi, la plupart des lettres que saint Paul adressa à des Eglises avaient pour but de réprimer des abus, de résoudi’e des questions diliiciles, de rappeler ou d’expliquer la doctrine prèchée, etc. Les Epitres pastorales sont destinées à des particuliers. Les quatre Evangiles furent publiés à des époques différentes, dans des milieux déterminés, pour faire connaître avec plus ou moins d’étendue la vie et la doctrine du Sauveur. Des besoins plus généraux des Eglises provoquèrent la plupart des Epîtres dites catholiques ou encycliques. C’est dans l’intervalle d’un demi-siècle, de 50 à 95 environ, que parurent les écrits, de genres divers, qui forment le Nouveau Testament. Ce recueil n’a donc pu être constitué d’un seul coup, et pas avant l’apparition du livre le plus récent qui en fait partie.

Comment se forma-t-il ? « Les écrits du Nouveau Testament, dit M. Vigouroux, Manuel biblique, 12<’édit., Paris, 1906, t. I, p. io4, ne se répandirent (jue graduellement dans l’Eglise entière, selon le temps et les circonstances, et leur canonicité ne fut, par suite, reconnue dans les pays divers qu à des époques diverses, selon les preuves qu’on put acquérir de leur origine et de leur authenticité. Les Eglises où ils avaient été publiés et les pays environnants les acceptèrent aussitôt ; mais leur diffusion ne pouvait se faire très rapidement dans ces temps antiques, et les productions apocryphes qu’on multipliait durent faire prendre des précautions pour constater la véritable origine des écrits divulgués sous le nom des apôtres. » Cependant, pour la plupart du moins, cette diffusion graduelle a été assez rapide. Quelques-uns contenaient l’ordre de les communiquer. Col., iv, 16 ; et, lors même que cet ordre n’était pas exprimé, il y avait en tous, indépendamment de l’autorité attachée au nom des apôtres, des enseignements qui convenaient à toutes les Eglises, en sorte qu’on cherchait à se les procurer, surtout pour se mettre plus sûi-ement en garde contre les productions apocryphes qui pullulaient sous le couvert des apôtres. La propagande religieuse transmettait aux Eglises-tilles les écrits apostoliques, connvis des Eglises-mères. Chaque Eglise s’étant formé ainsi son recueil des livres du Nouveau Testament, il n’est pas dès lors étonnant qu’il y ait eu, à l’origine et pendant quelque temps, des divergences et des collections plus ou moins complètes.

2. Mais les écrits apostoliques jouissaient-ils, dès le principe, parmi les fidèles, de la même considération que les livres de l’ancienne Alliance ? Les regardait-on, aussi bien que ceux-ci, comme divinement inspirés ? Croyait-on y lire la parole de Dieu lui-même ? Ed. Reuss, Histoire du canon des saintes Ecritures dans l’Eglise chrétienne, 2’édit., Strasbourg, 1864, p. 72-76, prétend qu’au temps de Marcion (milieu du ii<= siècle), les Evangiles et les Epitres n’étaient considérés encore que comme les ouvrages des apôtres et qu’on ne leur reconnaissait pas une autorité divine. Ce ne fut que plus tard que, pour opposer des prophètes aux nouveaux prophètes des montanistes, l’Eglise les plaça à l’égal des écrits des prophètes de l’Ancien Testament et affirma leur inspiration. Ihid., p. 88-97. En réalité, l’inspiration des écrits apostoliques fut reconnue dans l’Eglise avant l’apparition du montanisme. Déjà, saint Pierre comparait les Epitres de saint Paul aux Ecritures. I Pet., m, 15, 16. Le pseudo-Barnaué, iv, i.’l, citait un passage du premier Evangile avec la formule consacrée aux Livres saints : ’^i /ér/p’A-TV-i, Funk, Patres aposto 1j 451

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Itci, t. I, i>. 48. Saint Clément romain, I Cor., xlvii, 3, Funk, t. I, p. 160, dit aux Corinthiens qne saint Paul leur a écrit rvïuuartzôi ; , sous 1 inspiration du Saint-Esprit. Saint Ignace d’Antioche assimile l’Evangile et les apôtres aux prophètes de l’Ancien Testament, Ad Pli il., VIII, 2 ; ix ; Ad Smrrn., v, i ; vii, 2, Funk, 1. 1, p. 270, 272. 278, 282 ; mais il ne parle principalement que de l’Evangile oral et de la prédication apostolique. Il n’exclut pas toutefois les Evangiles écrits, qu’il connaît et cite, et il les rapproche en quelque mesure de la loi de Moïse et des prophètes. LalI^Co/’.jii, 4. Funk, t.I, p. 186, cite, à la suite d’Isaïe, une parole évangélique, avec cette formule d’introduction : Kai hépv. Si ypc/.fr, /r/-t. Saint Jc’stin fait précéder des citations des Evangiles de la formule : « Il est écrit », qui lui sert pour amener les citations de l’Ancien Testament. CÂ.Dial. ciim Tnpiione, lig, P. G., t. YI. col. 584. L’Apocaljpsc est, à ses yeux, une révélation divine. Ihid.. 81. col. 66g. Saint Théophile d’Antiociie aflirme très explicitement l’inspiration des évangélistes et des apôtres comme celle des prophètes. Ad Aiitolrc, 1. iii, c. 12, P. G., t. VI, col. 1 187. Cf. 1. ii, e. 22 ; i. iii, c. 14, col. 1088, 1141. Les docteurs chrétiens n’ont donc pas attendu l’apparition des prophètes montanistes pour affirmer l’inspiration des livres du Nouveau Testament.

2° Les deutérocanoniques. — Mais n’y a-t-il pas, au moins, à faire, sous le rapport de l’autorité divine dont ils jouissaient, une distinction entre les livres du Nouveau Testament ? Les uns auraient été, dès l’origine, reconnus par toutes les Eglises chrétiennes ; les autres ne seraient parvenus que plus tard à se faire admettre au canon du Nouveau Testament. Plusieurs Eglises ne les auraient pas connus primitivement. Il y aurait donc, pour le Nouveau Testament comme pour l’Ancien, des livres protocanoniques et deutérocanoniques. Les protestants ont rejeté parfois ces derniers, et les rationalistes prétendent encore qu’ils sont indûment inscrits au canon chrétien et que l’Eglise s’est trompée en les y insérant.

Il est certain que quelques livres du Nouveau Testament ont été, durant les premiers siècles et dans quelques Eglises, l’objet de doutes, d’hésitations et de discussions qui les ont fait, en divers milieux et pour un temps, exclure du canon, et qu’on peut donc, dans le sens que nous avons indiqué plus haut, parler de livres deutérocanoniques du Nouveau Testament. Ces livres anciennement contestés sont l’Epître aux Hébreux, l’Epître de saint Jacques, la II" de saint Pierre, la U"^ et la IIP de saint Jean, celle de saint Jude et l’Apocalypse. Mais il est de fait que ces livres n’ont pas été universellement et simultanément discutés. Tandis que quelcjues Eglises les suspectaient, d’autres les admettaient sans contestation, en sorte qu’il y a toujours eu à leur sujet dans l’Eglise une tradition ferme et constante, obscurcie seulement en quelques endroits et pour des causes différentes. Enfin, la discussion doit être restreinte à quelques siècles : elle va du commencement du III siècle à la fin du iv « en Occident et du v" en Orient. Le pape Damase publiait, en 882, un décret, renouvelé plus tard par le pape Gélase et comprenant tous les livres du Nouveau Testament. Les conciles d’Hippone (8(, 3) et de Carthage (897 et 419) promulguèrent un canon complet, qui était identique en Espagne et dans la Gaule. A partir du iV siècle, l’Eglise grecque accepte définitivement les liTes autrefois contestés. Léonce de Byzance, De sectis, 11, 4. P. G., t. LXXXAT, col. 1200 ; S. Jean Damascène, Be orthodoxa flde, iv, 17, P. G., t. XCIV, col. 1180, Svnopse dite de saint Athanase, P. G., t. XXVIÏI, col. 289, 298 ; la Stichométrie, jointe à la Chronographie du patriarche NicÉruonE, P. G., t. CXLY,

col. 880-885. Dans les deux Eglises, les anciens doutes ne furent plus dès lors que des souvenirs historiques.

Pour les temps antérieurs, l’usage ecclésiastique des deutérocanoniques ne fut pas universel. Saint Clément de Rome connaît l’Apocalypse. La Didaché fait des emprunts à saint Jude et peut-être à la JP Pétri et à l’Apocalypse. Saint Justin cite expressément l’Apocalypse comme l’œuvre de l’apôtre saint Jean et comme prophétie. Dial. cum Trypli., 81, P. G., t. VI, col. 670. Saint Méliton de Sardes avait composé sur l’Apocalypse un livre perdu. Euskbe, //. E., 1. IV, c. XXVI, P. G., t. XX, col. 89 : 2. Les valentiniens connaissaient l’Epître aux Hébreux et l’Apocalypse. Les Epîtrescatholiquesontpeu d’attestations. Saint Théophile d’Antioche s’est servi de l’Epître aux Hébreux, de deux lettres de saint Pierre et de l’Apocalypse. Saint Irénée cite les deux premières Epîtres de saint Jean et l’Apocalypse. Il connaissait l’Epître aux Hébreux, mais pas comme de saint Paul. Le canon de Miiraiori mentionne l’Epître de saint Jude, au moins deux lettres de saint Jean et l’Apocalypse ; il ne parle ni de l’Epître aux Hébreux, ni de la lettre de saint Jacques ni de la seconde de saint Pierre. Le prêtre Caius discute l’Apocalypse qu’il attribue à Cérintlie. Il ne comptait pas l’Epître aux Hébreux au nombre de celles de saint Paul. Eusèbe, //. E., 1. VI, c. XX, P. G., t. XX, col. 578. Saint Hippolyte défend contre lui l’origine johannique de l’Apocalypse ; il cite l’Epître aux Hébreux, quoique, selon Piiotius, Bibliotheca, cod. 48, /*. G., t. CIII, col. 85, il ne la rangeait pas parmi les écrits de saint Paul ; il s’est servi des Epîtres de saint Pierre et de la lettre de saint Jacques ; on n’a pas encore retrouvé de traces de celles de saint Jean et de saint Jude dans ses écrits. A. d’Alès, Zfl théologie de saint Hippolyte, p. 1 14, 1 15. Clément d’Alexandrie dans ses Hypotypnses avait commenté tous les livres du Nouveau Testament ; et les Adunibrationes de Cassiodore sur les Epîtres catholiques sont la traduction latine d’une partie de cet ouvrage. Il citait l’Epître aux Hébreux comme étant de saint Paul. Tertullien attribuait cette Epître à saint Barnabe, mais sans admettre, semble-t-il, sa canonicité. De pudicitia, 20, P. Z., t. II, col. 1021. Il reconnaissait aussi la lettre de saint Jude et l’Apocalj’pse. Saint Cyprien n’a cité ni l’Epître aux Hébreux ni les quatre Epîtres catholiques. Cependant, au concile de Carthage, présidé par lui en 266, un évêque cita un passage de la //* Joannis. P. L., t. III, col. 1072. L’Epître de saint Jude est citée dans un traité contre Novatien, composé probablement par un évêque africain, contemporain de saint Cyprien. Opéra de saint Cyprien, édit. Hartel, Vienne, 1881, t. III, p. 67. Novatien fait allusion à l’Epître aux Hébreux, ^f Triait., ’xyï, P. L., t. III, col. 917.

Ces livres étaient donc reçus au ii’^ siècle, mais pas universellement ; ils n’avaient pas encore réussi à se faire accepter partout comme écrits inspirés. Cette situation de fait fut constatée au cours du iii « siècle, et cette constatation les fit ranger dans une catégorie spéciale de Livres saints : les anfilégomènes ou livres discutés. Origène le premier, tout en les tenant comme divins pour son propre compte, savait qu’ils n’étaient pas reçus par tous. Saint Denys d’Alexandrie, son élève, accentue les doutes relatifs à l’authenticité des deux dernières Epîtres de saint Jean, et prétend que l’Apocalypse n’est pas du même auteur que le quatrième Evangile. Il appuyait ses conclusions personnelles sur des arguments critiques, sur la différence du style, et il le faisait, au sujet de l’Apocalypse, par réaction contre le millénariste Népos. Eusèbe, //. E., 1. VII, c. XXV, A G., t. XX, col. 697. Eusèbe, quiavait fait des recherches spéciales sur les livres canoniques 453

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du Nouveau Testament, cli !-ting : ue très nettement la classe des ca^ùv/<> ; j-vjot. ou livres controversés encore, bien qu’ils fussent reçus par le plus grand nombre. H. E., 1. III, c. XXV, ibid., col. 228. Ce sont les deutérocanoniques, sauf l’Apocalypse qu’il place, soit parmi les ô//o/o/ovar.’a, soit parmi les vo^y. ou apocrj’phes. Ces divergences des Eglises persévèrent au n’siècle. A Alexandrie, saint Athan’ase dresse une liste complète, comprenant tous les deutérocanoniques, même l’Apocalypse. Epist. fest., XXXIX, /. 6’.. t. XXVI, col. i i^ô. DiDVMK 1 Aveugle savait cependant que la //* Pétri n’était pas au canon, bien qu’elle fût lue en public. Comment, in Epist. catliol., P. C, t, XXXlX, col. 1774-L’Apocalypse, reçue à Alexandrie, était rejetée ou discutée en Orient. Le concile de Laodicée, Mansi, Conc’L, t. II, col. oj ! i, le 85* canon apostolique, P. G., t. CXXXVII. col. 2 1 1, le canon grec des soixante livres bibliques, Preuschex, Analect(i, j). ; 59, saint Grégoire DE Nazianze et saint Amphiloqle d’Iconium, P. G., t. XXXVlI, col. 4/3) 1.537, saint Cyrille de Jérusalem, Cat., ïv, 22, P. G., t. XXXIII, col. 664, n’admettent pas l’Apocalypse. Saint Epiphane la défend contre les aloges, Hær., lxxai, P. G., t. XLII, col. 500. Cependant, saint Grégoire de Nazianze et saint Cyrille de JÉRUSALEM la citent, ainsi que saint Basile et saint Grégoire de Nysse. Saint André et saint Arétas, évêques de Césarée, la commentèrent plus tard. Seule, l’Eglise dvntioche semble l’avoir rejetée aussi bien que les quatre Epitres catholiques. Les Constitutions apostoliques, 11, 5 ; , ne les mentionnent pas. P. G., 1. 1, col. 728, 729. Théodore de Mopsueste les rejetait au témoignage de Léonce de Byzxce, Coni. Nestor, et Eutych., VI, P. G., t. LXXXVI, col. 1366. Saint ChrysosTOME et TnÉODORET ne les ont jamais citées. La Synopse, attril)uée à saint Chrrsostome, n’en fait pas l’analyse. P. G., t. LVI, col. 308, ’|j4- La Peschiio ne les contenait pas traduites en syriaque. ApHRAATEne I les cite pas. La Doctrine d’Addai, édit. Philipps, 1876, p. l(S. ne les mentionne pas plus que le canon [ syriaque, des environs de 400, publié par M’^'^ Lewis, I Studia Sinaitica, Londres, 1894, t. I, p. 11-14. Toutefois, saint Ephrem les connaissait.’. L’Eglise occidentale conservait ces écrits. Elle n’hé1 si-tait qu’au sujet de l’Epitre aux Hébreux, qui n’était If pas reçue en Afrique ni à Rome. Le canon de Ghel] tenham ne l’a pas, ni le canon du codex Claromonii taHM.s.Mais I’Ambrosiaster, In II Tim., 1, P. L., t. XVll, i col. 485 ; PELAGE, In Boni., P. L., t. XXX, col. 667 ; li saint HiLAiRE de Poitiers, De Trinit., iv, 11, P. L., ’, ! t. X, col. io4 ; Lucifer de Cagliari, De non conv. cuni , i hæreticis, 10, édit. Hartel, Vienne, 1886. p. 20, 22 ; le

! | prêtre Fausti.n, De Trinit., 2, P. I., t. XIII, col. 61 ; 

saint Ambroise, De fw^a sæc, 16, P. L., t. XIV, col. 577, citent cette Epitre comme Ecriture. Saint Philasthe, IIapr., SS, P. L., t. XII, col. 1199, omet l’Epître aux Hébreux et l’Apocalypse. Ruein reproduit un canon complet du Nouveau Testament, Exposit. symb., 87, P. I.., t. XXI, col. 374. Saint Jérôme connaît très bien la situation des écrits contestés dans les différentes Eglises ; pour lui, il les admet tous, et il reconnaît, sur l’autorité des anciens, l’Epître aux Hébreux, malgré les doutes des Latins, et l’Apoca-’j lypse, contrairement à l’opinion des Grecs. L’Eglise 1 ! ’ï^^frique et l’Eglise de Rome, comme nous l’avons -> déjà dit, ont au iv’siècle un canon complet du Nou-’J veau Testament. Les hésitations ont cessé partout, et aucune discussion ne se produisit plus à ce sujet avant le XVI siècle. Le canon du Nouveau Testament était fixé délinitivement et le concile de Trente n’a fjiit que sanctionner ce qui était établi depuis douze siècles. Loin d’avoir innové, il a donc conlirmé de son autorité l’ancienne tradition ecclésiastique à rencontre des novateurs.

3" les apocryphes. — Durant les premiers siècles de l’Eglise, quelques livres non canoniques ont été regardés comme inspirés par plusieurs Pères ou écrivains ecclésiastiques ; mais ils n’ont généralement pas été reçus dans l’usage public et olliciel des Eglises. Saint Iréxée, qui méprisait les apocryphes, a cependant cité le Pasteur d’Hermas comme Ecriture. Cont. liær., ï-, 20, P. G., t. VII, col. io32. L’auteur du traité De aleatoribus, 4, P- J-, t. IV, col. 830, allègue aussi le Pasteur à ce titre et il cite la Didaché au milieu de textes de saint Paul. Le canon de Muratori rejetait déjà le Pasteur, mais il acceptait l’Apocalypse de saint Pierre, tout en ajoutant que quelques Romains refusaient de la lire à l’église. Clément d’Alexandrie, ffui n’est pas un écho lidèle de la tradition, recevait comme Ecriture l’Epître de Barnabe et l’Apocalypse de Pierre, et il les avait commentées dans ses Ilypotrposes : il appelait saint Clément de Rome un apôtre et il citait aussi beaucoup d’apocryphes. Etant encore catholique, Tertullien était favorable au Pasteur et il ne blâmait pas ceux qui le croyaient inspiré. Devenu montaniste, il le traita d’apocryphe ; il semble même dire que l’Eglise catholique l’avait récemment exclu officiellement du canon. Cf. De oratione, 16, P. L., t. I, col. 1171 ; De pudicitia, 10, ibid., t. II, col. 1000. Au rapport d’EusÈBE, H. E., 1. VI, c. XII, P. G., t. XX, col. 545, Sérapion, évêque d’Antioche, avait trouvé à Rossos l’Evangile de Pierre entre les mains des chrétiens ; il permit d’abord sa lecture, mais il l’interdit dès qu’il remarqua des tendances hérétiques. Au témoignage de saint Denys DE CoRiNTHE, la lettre de saint Clément de Rome aux Corinthiens était lue publiquement ; et l’évêque voulait faire lire de la même manière la lettre qu’il venaitde recevoir du pape Soter. Eusèbe, //. £"., 1. IV, c. xxiii, P. G., t. XX, col. 388. Si donc les apocryphes proprement dits, ou la littérature pseudo-apostolique, étaient universellement rejetés, quelques livres chrétiens étaient, en certains milieux, traités comme Ecriture divine. Le crédit du Pasteur baissa vite, et au iv° siècle, aucun de ces écrits édifiants n’était plus nulle part regardé comme inspiré. Ainsi le canon du Nouveau Testament s’était formé graduellement par l’admission successive de tous les deutérocanoniques et par l’élimination de tout écrit non inspiré. La tradition primitive avait réussi à pénétrer partout, pure de tout élément étranger.

Bibliographie. — Les Introductions générales à l’Ecriture sainte et beaucoup d’Introductions spéciales à l’Ancien et au Nouveau Testament traitent la question du canon des Livres saints, dans son ensemble ou pour chacun des deux Testaments. Il n’y a pas lieu de signaler ici les ouvrages spéciaux des protestants et des rationalistes qui attaquent plus ou moins directement le canon de l’Eglise catholique. Nous indiquerons seulement ceux des catholiques, qui justifient le décret du concile de Trente par polémique directe contre les adversaires, ou qui exposent exactement l’histoire du canon biblique.

i" Ouvrages polémi(iucs : J. Bianchini, Vindiciae canonicaruni Scripturaruni Vulgatæ latinæ editionis, in-fol., Rome, 1740, t. I (seul paru) ; Vincenzi, Sessio quarta concilii Tridentini i-indicata, seii Introductio in Scripturas deuterocanonicas Veteris Testamenti, 3 in-8°, Rome, 1842-1844 ; Mgr Malou, La lecture de la Bible en langue vulgaire, Louvain, 1846, t. H, p. 1-201 ; Vieusse, l.a Bible mutilée par les protestants, publiée par Mgr d’Astros, in-8°, Toulouse, 1847

2" Etudes historiques : A. Loisy, Histoire du canon de r Ancien Testament, in-8*, Paiis, 1890 ; Id., IlisCANOSSA

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toire du canon du Nouveau Testament, in-8°, Paris, 1891 ; Magnier, Etude sur la canonicité des saintes Ecritures, in-12, Pai-is, 1882 ; P. Batiffol, L’Eglise naissante. Le canon du Nouveau Testament, dans la Revue biblique, 1908, t. XII, p. 10-26, 226-233 ; F. Vigouroiix, Canon des Ecritures, dans le Dictionnaire de la Bible, t. II, col. 134-184 ; E. Mangenot, Canon des Livres saints, dans le Dictionnaire de théologie catholique, t. II, col. 1550-1605 ; C. Julius, Die griechischen Daniel Zusàtze und ihre kanonische Geltung, Fribourg-en-Brisgau, 1901 ; U. Fracassini, Le origini del canone del Vecchio Testamento, dans Rivista storico-critica délia scienze teologiche, 1909, p. 81-99, 2^9 ; Id., Le origini del canone del Nuovo Test., ibid., p. 249-268 ; P. Dauscli, Der Kanon des Neuen Testamentes, Munster, 1908. Pour le Nouveau Testament, on consultera avec fruit les ouvrages suivants d’auteurs non catholiques : B. J. Westcott, A gênerai survey ofthe history ofthe canon ofthe Aeiv Testament during the first four centuries, in-12, Cambridge, 1855 ; 6’édit., Londres, 1889 ; Th. Zabn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, 2 in-8’^ en plusieurs parties, Erlangen et Leipzig, 1888-1892 ; Id., Grundriss der Geschichte des Neutestamcntlichen Kanons, in-8^ Leipzig, 1901 ; 2eédit., 190^ ; C. R. Gregory, Canon and Text of the New Testament, in-S », Londres, 1907 ; J. Leipoldt, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, 2 in-S", Leipzig, 1907, 1908,

E. Mangenot.