Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Marie, Mère de Dieu (III. Prérogatives)

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique

III. PRINCIPALES PREROGATIVES DE MARIE

L’iiomniage des siècles chrétiens, constamment renouvelé envers Marie, devait à la longue se cristalliser dans certaines appellations particulièrement expressives et par là même chères à la piété des lidèles. Le llorilège connu sous le nom de Doctrina Patrum, et qui représente probablement un dossier christologique recueilli en vue du vi’concile œcuménique (680), énumère jusqu’à 54 appellations plus ou moins usitées envers Marie. Doctrina Patrum, éd. DiBKAMP, Miinster i. W., 1907, c. xxxviii, p. agi. Mais toutes les invocations de cette litanie sont loin de présenter un égal intérêt. Entre les principaux noms de Marie, nous en choisirons trois qui, par leur plénitude de sens et leur difTusion universelle, s’imposèrent à l’attention et appellent un commentaire historique et dogmatique.

I. Marie, mire de Dieu, Qsoz’Mi, Ce nom apparaît probablement au troisième siècle et devient très commun au quatrième.

II. Marie toujours vierge, ’AiiTrào^oo ;. Ce nom apparaît au quatrième siècle.

III. Marie toute sainte, llvMy.yiy.. Ce nom apparaît à l’époque byzantine, en tant que nom propre de la Vierge.

Nous n’avons pas à redire que les idées traduites par ces noms remontent à l’origine même du christianisme, mais à marquer quelqites étapes de leur développement.

1° Maternité divine.

On a vu (col. 13g) comment le titre de lUère de Dieu est, en toute rigueur, dû à Marie, puisque Jésus a reçu d’elle tout ce qu’un (ils reçoit de sa mère, et ce fils est Uieu. Le texte de saint Luc suffit à fonder la conclusion ; elle a été déduite par des Pères très anciens ; qu’il suffise de rappeler, pour le deuxième siècle commençant, saint Ignace d’Antioche ; pour le deuxième siècle finissant, saint Irénée de Lyon. Les textes ont été traduits ci-dessus ; voici les mots essentiels : Saint Ignacb, Ad Ephesios, xviii, 2 :

0£5î rnxCfj’lr, 7’jJi i Xp17zi(’ty.uo-YOprfii] iiT.i iXypirn x « T’oUoiioit.ir>j Qto’j ix < ! ’népfu/.TOi H-^ ^v.jiS, U-jcù/jLxr’^i Sk àr/ioxi. Saint Irénke, Adv. Hær., 111, xxi, 10, P. G., VII, 955 : Jiecapitulans in se Adam ipse Verbum existens ex Maria.

Un seul point reste à éclaircir : quand et comment le nom de mère de Dieu — Sut-m : , deipara — entrat-il dans l’usage courant ? Au v « siècle, Xestorius s’insurgea contre ce nom, comme étant une fâcheuse nouveauté. Voir ses discours traduits par Marius Mercator, p. L., XLVIII, notamment Serm. i, 6. 7 ; in ; IV, 1. 3 ; V, 1. 2. 3., XII, 6. 7, où il flétrit le « seroxo ; comme un terme hérétique, cher aux Apollinaire, aux Arius, aux Eunomius. Il recommande yciiz’.-ir.ai, Serm. II, p. 765 ; v, 8-9 ; xii, 32 ; approuve aussi 6mô « > ;  ;  : , VII, 48, p. 800 ; Unit par admettre ad duritiem éeîTuzî ; , à condition qu’on ne le sépare pas

d’ôaOp<o-mxo ; , V, 5 ; xii, 6. 7. 8. 9. 10. II. 23. 31 ; xni, 7. Dans son apologie écrite après sa condamnation, il délie saint Cyrille de lui montrer ce terme chez les Pères, et au cas où on le découvrirait dans leurs écrits, accepte d’avance l’anathème.

Voir Nkstorius, Le litre d’Héraclide de Damas, traduit en français par l’abbé F. Nau (sur l’édition syriaque du K. P. Bkoja ?<), Paris, 1910, p. 154 :

Pourquoi donc m’avez-vous condamné.’… Est-ce parce que j’ai reproché (à Cyrille) d’avoir menti au sujet des Itères, parce qu’il disait que les Pères ont appelé la Sainte Vierj^e mère de Dieu, lorsqu’ils ne font pas même mention de la nativité ? Est-ce pour cela que vous m’avez ex^’lu ? Il ne taut faire g^râce à personne. Si cette parole (mère de Dieui a été utilisée, dans la discussion de la foi, parles Pères de Nicée, à l’aide desquels il combat contre moi, lise/, la, ou si elle a été dite par un autre concile des orthodoxes. Car elle vient des hérétiques, de tous ceux qui combattent lu divinité du Christ ; mais elle n’a pai été dite par ceux qui ont adhéré, dans leur foi, aux orthodoxes. Car si on montrait qu’elle a été dite par un concile des orthodoxes, alors moi aussi je onfesserais que j’ai été condamné comme un adversaire ; mais si pensonne n’a employé cette expression, tu t’es élevé dans ton audace pour introduire [une parole étrangère à la foi]. C’est pour cela que je te [mettais en demeure], pour te montrer que cette expression n’avait pas été employée par les Pères.

Voir encore ibid., p. 91, 92, 97, 131, 163, 170, 171, 260, 26a ; et M. JuGiK, Neslorius et la controverse nestorienne, p. 118-126, Paris, 1912.

Le déli de Nestorius était facile à relever. Saint Cyrille avait déjà répondu dans l’Apologie de son premier anatkématisme, P. G., LXXVI, 320AB :

Sur le mystère de l’Incarnation du Kils de Dieu, le très éclniré Jean s’est exprimé en termes précis ; Le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nuus. Ce qu’entendant correctement, les bienheureux Pères assemblés jadis à Nicée on dit que le Verbe même engendré du Père, pur qui le Père a fait toutes choses, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, s’est fait chair et s’est fait homme ; en d’autres ternies, qu’il s’est uni à une chair possédant une âme raisonnable et s’est fait homme en demeurant Dieu… Diius cette pensée, les bienheureux Pères ont appelé la Sainte Vierge mère de Dieu, croyant qu’elle a engendre le Fils fuii cliair, fait homme, par qui le Père a fait toutes choses. Contre cette doctrine, Nestorius, inventeur de nouveaux blasphèmes, s’élève en dénaturant et réprouvant le nom de mère de Dieu…

Encore que le mot ©îoto’xo ; ne fût pas inscrit dans le symbole de Nicée, il était appelé par la doctrine que ce symbole consacrait ; les Pères de Nicée, saint Athanase en tête, l’entendirent ainsi et s’exprimèrent en conséquence ; c’est pourquoi Nestorius était condamné par la tradition explicite du quatrième siècle, aussi bien que par la logique du dogme ; saint Cyrille triomphait sur l’un et l’autre terrain.

Voici quelques indications sur la question historique.

Faut-il compter Origine parmi les témoins du 0=5To>îç ? La chose reste douteuse, malgré une assertion positive du v « siècle : Socratb, //. E., VU, XXXII, P. G., LXXVU, 812 AB, constate que les anciens n’ont pas fait difficulté d’appeler Marie .Mère de Dieu. Il cite Eusèbb, Vie de Constantin, III, XLUI, et poursuit :

Origène, en son tome 1" sur l’cpitre de l’.Apôtre aux Romains, examinant en quel sens Marie est dite mère de Dieu, traite longuement la question. D’où il ressort que Mestorius ignorait les écrits des anciens. C’est pourquoi, je le répète, il prend ombrage d’un mot.

Nous ne possédons pas le texte original du commentaire d’Origène sur l’épîlre aux Romains, mais seulement une traduction latine, due à la plume 189

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souvent iniidèle de Rufln : or il faut avouer que le texte de Rulii. ne renferme pas le dcveloppeiuent auquel a fuit allusion Socrate.

Nous ne ferons pas état de VEpistola synudica du concile d’Antioche (26^) à Paul de Samosate, qui nous a été conservée sous le nom de saint Denys d’Alkkandbib, el où le mot 0sotox « ; revient plusieurs fois, Mansi, Concilia, t. I, p. io33 sqq., car cette pièce est généralement reconnue apocryphe. Voir Hbi-ble-Lbclercq, Ilistuire de » Conciles, t. 1, p. 198.

D’ailleurs la tradition alexandrine ne tarde pas à se prononcer nettement pour l’emploi de l’expression fc)EîT5>tî ;.

Selon Philippe de Sidè (1" moitié du v* siècle), PiBRius, chef de l'école catéchétique d’Alexandrie au début du iv" siècle, était l’auteur d’un Aoyo^ tte/si-li 0ÎÎTC/C1U. Fragments de Philippe de Sidè, édités par DE BooR dans Texte und Untersuctiungen, V, ii, p. 105-184(1888).

Nous avons cité plus haut des textes très expressifs de saint Pierre d’Alexandrie, l'évéque martyr (j-311). notamment un texte syriaque, d’oii il est permis de conclure à la présence du mot © « toz^î dans le grec original (col. l’jk) Saint Alexandre d’Alexandrie (-[ 828), qui fut l’un des Pères du concile de Nicée, écrivant à Alexandre de Constantinople au début de la crise arienne, dit en propres termes (ap. Thi' : odoret, //. E., 1, iv, 5^, P. G., XVIII, 568 G) :

Nous croyons à la résurrection d’entre les morts, dotit Notre-Seigneur Jésus-Christ fut les prémices, ayant revêtu réellement et non en apparence un corps pris de Marie mère de Dieu.

… 'Ex vmpôiv « y « Tr « ïly oi'ëv-lM&v, ^^ Oi~aip'/r,-jiyo’JVJ à lùpiOi

Saint Athanasb ({- S^S), Oratio III contra Arianos, xiv. XXIX. xxxiii, P. G., XXVI, 349 C, 385 A, SgS B ; Ve Incainatione Dei Verhi et contra Arianos, viii. XXII, P. G., XXVI, 996 A, 1025 A ; Devirginitale, iii, P. G., XXVIII, 256 G.

PsEUDOATHANASE, Or, IV contra Arianos, xxxii, P. G., XXVI, 519 li ; Contra Apollinarium, II, iv. xii. XIII, P. G., XXVI, 1097 G, iiiS C, 1116 B.

DiDYME l’aveugle, d" Alexandrie (}- 3y8) De Trinitate, I, xxxi ; II, iv ; III, vi. xli, P. G., XXXIX, 421 B, 481 C, 484 A, 848 G, 988 D.

Les Eglises de Syrie et d’Asie Mineure saluaient Marie du même nom.

Saint EusTATUE d’Antioche, autre grande figure du concile de Nicée, commente dans une homélie la parole dite par Jésus à Marie du haut de la croix, et ajoute : « Dès lors le disciple prit cht2 lui la Mère de Dieu » (fragment syriaque édité par Pitka, Analecta sacra, t. IV, p. 210).

On retrouve le mot Qsorii^c ; dans l’homélie éditée sous le nom du même Père par K. Gavalleha,.'>'. Eustatkii episcopi antiocheni in Lazariim, Mariam et Martham homilia christologica, 18, Paris, igo5.

L’empereur Gonstantin — ou l’auteur du discours qu’Eusèbe lui attribue —, affirmait sans ambages la maternité divine de Marie, comme une chose connue de tous. On remarquera l’arôme tout païen de ses expressions conservées par Eusèbe, Oratio ad sanctoruni coetuni, xi, P. G., XX, 1266 A : Xwpij -/àpToi.

y-opr, ,

Eusèbe lui-même (-] 340) parle de la bonne nouvelle portée par l’ange à la Mère de Dieu, Contra Mar rellum. II, I, P, G.. XXIV, 'J77 B : Eùay-/£/iÇs/^.£vî : j Tr, i

Hi^T./^i/. Au sujet de la munificence de l’impératrice Hélène envers le sanctuaire de Bethléem, il écrit,

De Vila Constantini, III, xliii, P, G., XX, no4 A :

lîaTiy c^ y ; Ô£07£C£(jTaT>î r-/ii &£oràxou t/, v xuyi^iv fivvjpiavi 6au/j.v.Œrot^ /.c/.Tixo’jpisi. — Gf. In Psalm. cix, 4> P- G., XXIII, 1344. — Pour Eusèbe, (àicxixoi n’est pas une simple épilhète, mais proprement une appellation de Marie.

Un des gricl’s de l’empereur Julien l’apostat(-i- 363). contre les chrétiens, était qu’ils avaient toujours ce nom à la bouche. GvniLLE d’Alexandrie, Contra Iulianum,. VIII, P. G., LXXVI, 924 D : 'A ;  ; ù t)ècii, yr)Ti.v lîu/iavo ; , ix %eoù xa&' û/Aàç è A070 ; iurt, xc/St zr, ^ oùcrifxi èçé^u toù Ilar^o' ; , &îOTdxov ùpisc^ xvO' 6rou rr^y Ilv.pOivov titai f/KT :  ; lliB ; yUp « v réxoi Qem a.-j6 pomoi "iiutt. xa.O' ii/^ài ; Saint Basile (-{- 368), IJom, in sanctam Christi generationem, iii, P. G., XXXI, 1468B.

Saint Grégoire de Nazianzb (-j- 389), Or. xxxix, i, P. G., 80 A ; Ep. Ad Cledontum, p. G., XXXVII,

177 G : Ei' Tiç où diOTOxyj t> : j à.-/ir ».-j }A’xp(y : j l17ro/K/uC « » 8t,

jjw/sij èiTi T>75 teTV7To ;. Le même docteur n’est pas moins expressif dans ses poésies. Il montre Dieu conçu et naissant de la Vierge. Carmina theologica, I, x. De Incarnalione, adversus Apollinarium, w. 21-24, 49 :

'Ey ycf.p à.yvrj TTapôivu KuifjxeTXi re xai "npoépyizv.t. 0£o ;.

O’j.01 OcO'î Tfi XVÀ fîpOTC^, C61^Wy jUt ' Ô/.OV,

1 104 vooùfj.evdi Te xcfi 6pdip.£V01*

T(4 Y) Qsoù yévvy^'7Il SX f^ç n

y.pfjz’jou ;

Saint Grégoirk de Nysse (-j- 394), In Christi resurrectionem Or. 11, P. G., XLVI, 648B ; Or.v, In Christi resurrectionem, P. G., XLVI, 688 C :

De même que Marie, mère de Dieu, vierge étrangère à l’hymen, sans le dénouement de ! a douleur, par la volonté de Dieu et la grâce de l’Esiirit, mit au monde le Créateur des siècles. Dieu Verbe de Dieu ; ainsi ia terre, de son propre sein, comme dénouement des douleurs de mort, rendit sur l’ordre (divin) le maître dos Juifs : car elle ne pouvait retenir ce corps devenu véhicule d’immortalité.

Ep. iii, P. G., XLVI, 1024 A, non content d’approuver le mot Oiorixoi, Grégoire réprouve le mot àvBpanoToxoi, employé par certains novateurs : M/ ; t/, v v.yiy.v Wa.pOho-j Tr, v OsOTOxov i : ÔJp-Y171 rtç rip.dv xv.l àv^^wTTOTCxov etTTErv, OTiEp àxojopiv Ttvv-i è? aùràiy àcet^ij ; '/éysiv ',

Saint Cyrille de Jérusalem, Cateches., x, 19 (en 348), P. G., XXXIII, 685 A.

Dès lors, on comprend saint Cyrille d’Alexandrie, au temps du concile d’Ephèse, écrivant à Acacb de Bérée, Ep. xiv, P. G., LXXVll, 97 A B :

Que ferons-nous, frappés d’anathème dans l’Eglise orthodoxe avec les saints Pères ? Car je trouve dans leurs écrits que l'évoque d’illustre mémoire, Athanase, a souvent appelé.Marie mère de Dieu ; de même notre bienheureux pore Tliéupliile, et beaucoup d’autres saints évêques de ces temps- là ; Basile, Grégoire, et aussi le bienheureux Atticus. Aucun, dis-je, des Pères orthc-doxes n’a craint de l’appeler mère de Dieu, puisqu’on vérité l’Emmantiel est Dieu. Ainsi les saints Pères qui sont devant Dieu, sont anolliènip, et avec eux tous ceux qui suivent la doctrine de vérité.

Parmi les cinq noms mentionnés dans cette lettre, figurent deux patriarches d’Alexandrie (Athanase et Théopuile), et deux patriarches de Constantinople (Grégoire et.tticus). Le cinquième est un docteur de l’Eglise, saint Basile de Gésarée.

Antiociius (évêque) de Ptolémais (-{- 408) cité par par saint Cyrille d’Alexandrie, />e recta fide adregiHfls.x, P. G., LXXVI, I2j3 G.

Ammon (évêque) d’Andrinople, cité par saint Cyrille d’Alexandrie, De recta jlde ad reginas, x, P. G., LXXVI, 1213 D.

Saint Cyrille mentionne, ibid., d’autres Pères 191

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orientaux qui professent la même doctrine, s’ils n’usent pas des mêmes termes.

Nommons encore saint Proclus (év. de Cyzique ; mort en 446 év. de Conslantinople), défenseur du &€orixcti contre Nestorius avant le concile d’Ephèse. Voir P. G., LXV, 681 A.

Thkouote d’Ancyrk, Homilia lecta in synodo, Cyrillo præsente, a. m. P. G., LXXVIl, iS’ja.

Tous ces auteurs — parmi lesquels il n’y a pas seulement des prêtres ou des évêques, mais un catéchumène (l’empereur Constantin) et un païen (l’empereur Julien) —, témoignent pour l’Eglise grecque du IV" siècle et du v" siècle commençant.

Saint Ei’HREM (}- vers SjS) témoigne pour l’Eglise de Syrie. Parmi ses innombrables prières à la Vierge, l’une commence : llv.p61v€ Sé^noivy. ©coto’xs xs ; /a^(Tw^ev/3, 0pp. græca, éd. Romœ, t. III, p. 52^ ; quatre autres commencent : Ïl « p0évc Sé7noij « @soTixe, iHtl., p. 526.543. 548. 551 ; c’est pour lui une formule stéréotypée. Voir encore //>7nni et sermones, éd. Lamy, t. ii, 608, etc.

L’Occident latin s’est laissé devancer par l’Orient pour la mise en formule du dogme de la maternité divine. Pourtant, dès avant la fin du ii' siècle, on lit chez Tertullien, Apologelicum, xxi : Iste igitiir Dei radius.., delapsus in yirginem quandam et in utero eius caro figuratus, nasciliir Itomo Deo mixtus.

Saint HiLAiRB nu Poitiers (-j- 36 ;), De Trinitale, II, XXV, P. /.., X, 66 C : Inenarrabilis a Deo originis uiius untgenitus Deus, in corpusculi humani formam sanctæ Virginis utero insertus, accrescit.

Saint Ambhoise de Milan (fig’j). De virginibus, II, II, 7, P. L., XVI, 209 A : Quid nobilius Dei matre ? Quid splendidius ea quam Splendor elegit ? — Ihid., II, II, 13, 210 G : Quamfis mater Dornini, discere lumen præcepta Dumini desiderubat ; et quæ Deuin genuerat, Deum iamen scire cupiebat. — De virginitate, XI, 65, P. /,., XVI, 282 G : Maria… virgo coucepit. virgo peperit… Dei Filium. — In Lticam, 1. II, XXV, P. t., XV, 1561 G : Mater Domini Verbo fêta, Dca plena est.

Au Concile romain qui prépara la condamnation de Nestorius, on entendit le pape saint Cklhstin réciter cette strophe de saint Ambroise, empruntée à un hymne pour la fête de la Nativité :

Veni^ Redemptor gctitiuin, Ostende parLuni virginis : Miretur otitiie sæcuJiiin. Talis decet parias Deum.

Mansi, t. IV, 550D.

Saint Paulin de Nole, Poema xxv, 154, P. L., LXI, 636, célèbre la maternité de Marie

Quæ genuit saUa virginitate Deum.

Et encore, ibid., 160, le mystère

Quo Deus assumpsit virgine matre hominem.

On ne lit chez saint Jérôme (-j- 420) ni l’apiiellation Mater Dei ni Deipara ; Marie est haljituellemenl Mater Domini, ainsi Epp. xxii, 19. 38 ; xxiix, 6 ; XLVi, 2 ; cxvii, 4. P. L-, XXII, 406, 422, 472, 484, 1 199 ; De perpétua t’irginitate B. Mariae, xiv, P. /.., XXlll, 196 C ; Adv. lovinianum, I, xxxi, P. /.., XXIll, 254 A ; Dial. adf. Pelagianos, I, xvi, P. L., XXUI, 510 D ; In lonam, m. 6 sqq., P. L., XXV, 1142 B ; fn Agg, II, 13, P. /.., XXV, 1399 C ; Anecd. Mur., Il, 414 ; on rencontre Mater Domini Sah’atoris, Ep. cxx, 4, P. /., XXII, 988 ; Mater Saltaloris, De perp. yirginitale, , P. L., XXUI, 192. ; Anecd. Mar., 111, 88 ; une fois Mater Virginis nostri virgo perpétua, Ep. xlviii, 21, P. L., XXII, 51<). Par ailleurs, saint Jérôme insiste beaucoup sur l’unité de personne en Jésus Christ et

prélude à la définition d’Ephèse. Ainsi, In Tit., 11, 12 sqq., P. L., XXVI, 587 A : Neque vero alium lesum Christum, alium Verbum dicimus, ut noi’a hæresis calumniatur ; sed eundem et ante sæcula et post sæcula et ante mundum et post Mariam, immo ex Maria, magnum Deum a pp ellamus Salvatorem noslrum lesum Christum. In Gal., I, 1, P. L., XXVI, 313 A : Non quod allas Deus sit et Itomo ; sed qui Deus semper erat, homo ob nnslram saluiem esse dignatus est ; voir encore In Zach., iii, i sqq., P. L., XXV, 1436 C ; In.Matt., xxviii, 2.3, P.L., XXVI, 216 B. Il ne craint pas d'écrire, In h., vii, 15, P. L., XXIV, 1 10 A : Non mireris ad rei novilatem, si virgo Deum pariât, affirmant par ces trois mots la maternité divine avec la maternité virginale. — Voir J.Niessen, Die Mariologie des hl. Dieronymus, p. 155.

Saint Augustin (-j- 430) n’emploie pas non plus le mot Deipara, mais il en donne maintes fois le commentaire. Citons un seul exemple, Serm., ccxci (/ «  natali loannis liaptistae, v), 6, P. L, , XXXVIIl, 1319 : Quid es, quæ postea paritura es.' Unde meruisti ? Unde hoc accepisti ? Unde fiet in te qui fecit te ? Unde, inquam, tibi hoc tantum bonum ? Virgo es, sancta es, votum vovisti ; sed multum quod meruisti, imo vero multum quod accepisti. Nam unde hoc meruisti ? Fit in te qui fecit te, fit in te per quem facta es ; immo vero per quem factum est cælum et terra, per quem facta sunt omnia, fit in te Verbum Dei caro, accipiendo carnem, non amittendo divinitatem. Et Verbum iungitur carni, et Verbum copulatur carni ; et huias tanti coniugii thalamus utérus tuus… — Au commencement du v° siècle, la Gaule avait vu poindre l’hérésie christologique destinée à refleurir en Orient avec Nestorius : un moine nommé Lbporius, après avoir professé cette erreur, la rétracta devant plusieurs évêques d’Afrique, au nombre desquels figure saint Augustin. Nous possédons sa rétractation, contresignée ijar l'évêque d’Hippone ; on y lit, Libellus emendationis, iii, P. I.., WXi, 122415 : Ergo confitemur Dominum ac Deum nostrum lesum Christum, unicum Filium Dei, qui ante sæcula natus ex Pâtre est, novissimo tempore de Spiritu sancto et Maria semper virgine factum hominem Deum natum…

Ce dépouillement de la tradition patristique antérieure au concile d’Eplièse ne prétend pas être complet ; il ne porte d’ailleurs que sur les débris qui nous ont été conservés, non sur tous les éci-its des Pères de ces premiers siècles. Mais déjà il nous donne le droit d’affirmer, contre la prétention de Nestorius, que dès lors la liltéralure du 6c-st « î ; était immense. El il explique la condamnation de l’hérésiarque.

L’attention de Rome avait été mise en éveil par certains écrits anonymes, qui circulaient sous le manteau et qu’on soupçonnait venir de Constanlinople. L’unité de personne dans le Clirist y était méconnue. Au cours de Tannée 429, le pape Gélestin et les évoques d’Italie, profondément scandalisés, en écrivirent à Cyrille patriarche d’Alexandrie. Vers le même temps, Nestorius entrait en correspondance avec le Saint Siège au sujet d’une autre controverse qui intéressait l’Orient et l’Occident. Depuis la condamnation du pélagianime par le pape Zosime (418), les chefs de cette secte avaient trouvé un refuge à Constanlinople. Ils avaient cherché à s’appuyer sur l’empereur et sondèrent le nouveau patriarche. A celle occasion, Nestorius écrivit donc au pape Céleslin, En même temps, il le mit au courant des discussions soulevées, autour du ©iirozs ;. Ne recevant pas de réponse, il écrivit d’autres lettres encore, en y joignant le texte de ses homélies.

D’autre part, Alexandrie était en pleine effervescence. Là aussi, des écrits nestoriens avaient circulé ; ils avaient même troublé dans leur solitude les 193

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moines du désert, liorames de foi vive et de théologie plutôt courte. Le patriarche Cyrille ne put se dispenser d’intervenir. Il exposa la doctrine catholique sur la personne du Christ, dans son homélie pascale de l’année 42g ; il y revint dans une lettre adressée aux moines d’Ëg’ypte. Dans ces tlocuments, le nom de Nestorius n’est pas prononcé, mais sa doctrine est visée si clairement qu’il ne pouvait manquer de s’y reconnaître. Quand la lettre aux moines lui parvint, il éclata en invectives contre « l’Egyptien » ; les représailles suivirent de près. Tandis que deux de ses amis entreprenaient de réfuter Cyrille par écrit, lui-même accueillait les plaintes de trois clercs alexandrins condamnés par leur évêque pour des fautes graves, et manifestait l’intention d’évoquer leur cause à sa barre, comme évécfvie de la ville impériale. Cyrille crut le moment venu d’adresser directement des remontrances à Nestorius : il le somma de mettre fin, par l’acceptation loyale du 0£iTo.<î ; , à un scandale qui troublait toute l’Eglise ; Nestorius écarta la question par quelques lignes dédaigneuses. Cyrille revint à la charge dans une épître dogmatique. Nestorius répondit sèchement par l’exposition de sa propre doctrine, et engagea le patriarche d’Alexandrie à s’occuper de ses affaires. Il n’y avait rien à gagner avec cet homme opiniâtre : Cyrille se tourna vers Rome.

A cette date — printemps 430 — Rome voyait clair dans la pensée de Nestorius. Le pape avait eu tout le temps de faire traduire en lutin les pièces venues de Constantinople ; sa conviction fut encore affermie par le supplément d’information que le diacre Posidonius lui apporta d’Alexandrie. Au mois d’août, un synode se réunit à Rome ; l’enseignement de Nestorius fut condamné, non pas, comme il devait s’en plaindre plus lard, sur le témoignage de ses ennemis, mais sur un vaste dossier dont lui-même avait fourni la très grande part.

Nous n’avons pas les actes de ce synode, mais ses conclusions nous sont connues par quatre lettres pontiflcales datées du 1 1 août ^30 et notifiant à Nestorius lui-même, au clergé et au peuple de Constantinople, à Cyrille d’Alexandrie et à Jean d’Antioche, la sentence rendue. Mamsi, t. IV, 1026 sqq.

La lettre adressée à Nestorius est sévère. Le pape rappelle la grande réputation acf|uise autrefois par le patriarche de Constantinople, et si malheureusement compromise par son blasphème ; ses lettres pleines de bavardage et de tergiversations ; l’opposition irréductible qui existe entre la foi catholique et ces lettres, par lesquelles il s’est condamné lui-même ; il casse toutes les sentences portées par Nestorius contre ses opposants et lui enjoint, sous menace d’excommunication et de déposition, de rétracter ses erreurs dans les dix jours à dater de la notification qui lui sera faite par Cyrille d’Alexandrie, exécuteur de la sentence romaine.

Au clergé et au peuple de Constantinople, le pape dénonce la doctrine abominable de leur évêque, touchant la maternité de la Vierge et la divinité du Sauveur ; doctrine certifiée par les lettres mêmes signées de Nestorius et par le rapport de Cyrille. A Cyrille, le pape décerne de grands éloges pour avoir découvert les pièges d’une prédication artificieuse ; il lui communique l’autorité du Saint-Siège afin de procurer l’exécution rigoureuse du décret.

Ce ne fut pas par Cyrille d’Alexandrie que Nestorius reçut la première nouvelle du coup qui venait de l’atteindre. Une voix amie, celle de Jean, patriarche d’Antioche, lui apporta, au cours des mois d’automne, un avertissement et des conseils salutaires. Jean pressait son ami de mettre fin au trouble excité clans l’Eslisepar ses attaques contre le0J2T ; « ;  ; il lui rappelait l’exemple de Théodore de Mopsueste lui-Tome III.

même qui, dans une occasion moins solennelle, n’avait pas hésité à rétracter publiquement une parole prononcée en chaire, plutôt que de scandaliser les fidèles ; il lui rejjrésentait que ce mot de Ws5r « 5î n’avait jamais été rejeté par les docteurs de l’Eglise ; que plusieurs, parmi les plus grands, l’avaient employé ; qu’il traduisait une vérité admise par tous les chrétiens, à savoir la divinité du Fils de la Vierge : et qu’à prendre ombrage du mot on risquait de paraître nier la chose.

Cette lettre est fort intéressante, parce qu’elle montre que le patriarche d’Antioche ne partageait pas tons les préjugés de l’école antiochienne et qu’à cette date au moins, il fut le bon génie de Nestorius. D’ailleurs il ne parlait pas seulement en son nom per sonnel, mais au nom de plusieuv" <%.éques alors réunis dans sa ville épiscopale ; danslà liste de ces évêques, nous relevons un nom illustre, celui de Théodorel, évêque de Cjt, destiné à un rôle de premier plan dans la suite du conflit nestorien.

Rome, Alexandrie, Antioche, se prononçaientd’une seule voix en faveur de la doctrine rejetée par Nestorius. Que va faire le patriarche de Constantinople ? Sa réponse à Jean d’Antioche est fort courtoise. Il remercie son ami de ses témoignages d’affection et le félicite de son zèle pour la paix de l’Eglise. Il déclare n’être pas l’adversaire irréductible du mol Os’ircx’j ; , mais avoir voulu prévenir les dangers que ce mot présente, car il a besoin d’explication : on peut trop aisément lui donner un sens arien ou apollinariste. Au reste, que le patriarche d’Antioche se rassure : toutes les explications désirables seront fournies dans le concile qui se prépare et qui mettra un frein à la présomption coutumière des Egyptiens. En post-scriptum, Nestorius se vante d’avoir rallié à sa cause le clergé, le peuple et la cour.

Voilà donc le grand mot lâché : au lieu de capituler devant la sentence romaine, Nestorius préjiareun concile. A la coalition des trois grands patriarcats, Rome, Alexandrie, Antioche, il rêve d’opposer une réunion plénière de l’épiscopat et, à cet effet, s’est emparé de l’esprit de l’empereur. Le ig novembre, une circulaire impériale avait été lancée pour enjoindre à tous les métropolitains de l’empire de se trouver à Ephèse avec quelques-uns de leurs suffragants les plus distingués, pour la Pentecôte de l’année suivante.

Entre temps, Cyrille d’Alexandrie préparait l’accomplissement de la mission qui lui avait été confiée par le pape. Il avait voulu agir de concert avec l’épiscopat égyptien, et un synode s’était assemblé à Alexandrie pour arrêter les termes de l’ultimatum qui devait être adressé à Nestorius. Une lettre fut rédigée, qui fait vivement ressortir l’unité de personne dans le Christ, à l’encontre de la conception nestorienne. Elle se termine par douze anathématismes, dont voici le premier : Si quelqu’un refuse d’admettre que l’Emmanuel est i-raiment Dieu, et conséquemment la sainte Vierge mère de Dieu, comme ayant en^tendré selon la chair le Verbe de Pieu fait chair, qu’il soit anathème. Le 3 novembre /|30, cette pièce fut signée par tous les évêques réunis autour de Cyrille.

Trente-trois jours après la clôture du concile d’Alexandrie, le 6 décembre, parvinrent à Constantinople les députés alexandrins chargés de remettre à Nestorius la formule qu’il devait souscrire dans un délai de dix jours, s’il voulait rester en communion avec l’Eglise romaine et le reste de la chrétienté. Mais il y avait déjà dix-sept jours que les courriers impériaux portaient sous tous les cieux l’ordre de convocation du concile, et Nestorius triomphait. Etrange époque, en vérité, que celle où un César 195

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s’alUibuait l’initiative des réunions conciliaires. Ce spectacle, si éloigné de nos mœurs, n’était pas entièrement nouveau. Cent ans plus tôt, on avait entendu Constantin — simple catéchumène — ailicher naïvement la prétention d’être l’évêque du dehors, et son ingérence dans les matières de foi avait cruellement éprouvé l’Eglise ; son fils Constance, pris dans les iilels de l’arianisme, ne se souvint que trop des exemples paternels. L’histoire byzantine présente, à chaque page, de tels empiétements. Celui que venait de commettre Théodose II, et qui mettait le pape en présence d’un fait accompli, devait tromper l’espérance du patriarche de Constantinople, qui l’avait provoque. Mais dans le premier enivrement de sa victoire, Nestorius ne gardait aucun ménagement. Loin de souscrire aux anathématisræs des Alexandrins, il leur opposait douze contre-anathéraalisræs ; voici le premier : Si quelqu’un dit que l’Emmanuel est Dieu Verbe, au lieu de dire qu’il est Dieu atec nous, qu’il a habité une nature conforme à la notre, en s’unissant à noire chair qu’il a prise de la Vierge Marie : s’il appelle la Sainte Vierge Mère du Dieu Verbe et non Mère de l’Emmanuel, s’il prétend que le Dieu Verbe lui-même fut changé en la chair qu’il prit pour manifester sa dii-inité en acceptant la condition d’homme, qu’il soit analhème.

Cet énoncé, où la doctrine catholique est confondue avec l’hérésie apoUinariste, offre un bon spécimen de la tactique où allait se renfermer l’hérésie.

Cependant le concile s’assemblait à Ephèse, comme sur un terrain neutre entre Constantinople et Alexandrie. Si la désignation du lieu est imputable à Nestorius, le geste ne manquait pas de hardiesse, car la métropole d’Asie Mineure était célèbre dans tout l’Orient pour sa dévotion à Marie, et il résulte du témoignage de saint Cyrille, Ep., xxiv, P. G., LXXVII, iS^B, que la grande église, où allaient siéger les Pères, était justement placée sous le vocable de la Mère de Dieu : c’est même l’exemple le plus ancien, le seul que nous connaissions à cette date, d’un tel vocable. Il y avait là une apparence de déli.

A la date lixée, c’est-à-dire à la Pentecôte, 7 juin 43 1, Nestorius était là, avec seize évêques de son patriarcat et une escorte aux ordres du comte Irénée. Cyrille y était aussi, avec cinquante sullragants et une troupe de marins et de moines. Memnon, évêque d’Ephèse, avait déjà réuni quarante suffragants, plus douze évêques de Pamphylie. D’autres métropolitains se firent attendre : Juvénal de Jérusalem et Flavien de Thessalonique arrivèrent après quelques jours. Jean d’Antioche et ses « Orientaux » manquaient encore ; mais par une lettre très cordiale, adressée au patriarche d’Alexandrie et reçue un peu jdus tard, Jean s’annonçait pour le cinquième ou sixième jour. Cyrille redoutait manifestement l’in(luence de Jean d’Antioche, favorable à la personne de Nestorius. Après l’avoir attendu quinze jours, comme il le déclare dans une lettre aux clercs de Constantinople, fort des droits que lui conférait l’investiture du Saint-Siège, il décida de passer outre. Le concile s’ouvrit le 22 juin, malgré la proteslation formulée la veille par soixante-huit évêques, notamment par Théodoret de Cyr,.lexandre d’Apaniée, Alexandre d’Hiérapolis, et malgré l’opposition du commissaire impérial, couite Candidien. Entre Cyrille d’Alexandrie et Nestorius, qui s’anathématisaient réciproquement, ce tiers parti avait escompté la médiation de Jean d’Antioche. Mais Cyrille entendait bien ne céder à personne la présidence du concile. Quant à Nestorius, il se tenait enfermé dans sa maison, sous la garde de soldats impériaux. Trois sommations lui furent faites inutilement ; alors le concile aborda l’examen de la question dogmatique.

Lecture fut donnée du symbole de Nicée. puis des dernières lettres échangées entre Cyrille et Nestorius ; tous les Pères présents anathématisèrent la doctrine du patriarche de Constantinople. Après avoir entendu encore la lettre du pape Célestin à Nestorius, notifiant la sentence du concile romain, puis la lettre synodale d’Alexandrie, notifiant les douze anathématismes, le concile formula sa sentence en ces termes (Mansi, t. IV, 1212CD) :

Etant donné qu’eu outre de tous les faits qui lui sont reprochés l’impie Nestorius n’a pas voulu obéir à notre citation et n’a pas reçu les saints et pieux évêques que nous lui avions envoyés, nous avons du procéder à l’examen de ses actes impies. Nous l’avons pris en flagrant délit par ses lettres, par ses autres écr-its. entin par les propos qu’il a tenus récemment dans cette métropole et qui nous ont été certitiés, d’opinions et d’enseignements impies. C’est pourquoi, pressés par les canons et par la lettre de notre saint père et collègue Célestin, évêque de l’Eglise romaine, nous avons dû, après beaucoup de larmes, prononcer contre lui cette triste sentence : Le Seigneur Jésus-Christ, qu’il a blasphémé, iii, par ce saint synode, déclaré Nestorius exclu de la dignité épiscopale et de toute communion sacerdotale.

Cette pièce recueillit plus de deux cents signatures ; notification fut faite à Nestorius le surlendemain, Cyrille put écrire à son peuple d’Alexandrie (Ep., XXIV, P. G., LXXVII, 137) : « Nous étions réunis environ deux cents évêques. Tout le peuple de la ville demeura en suspens du matin au soir, attendant le jugement du saint synode. Quand on apprit que le malheureux avait été déposé, tous d’une seule voix commencèrent à féliciter le saint synode et à glorifier Dieu pour la chute de l’ennemi de la foi. A notre sortie de l’église, on nous reconduisit avec des llambeaux jusqu’à nos demeures. C’était le soir ; toute la ville se réjouit et illumina ; des femmes marchaient devant nous avec des cassolettes d’encens. A ceux qui blasphèment son nom, le Seigneur a montré sa toute-puissance… »

Cependant le comte Candidien avait immédiatement protesté au nom de l’empereur contre la sentence rendue. En même temps que le concile faisait parvenir à la cour une relation des faits, Nestorius écrivait de son côté, et recueillait les signatures de ses adhérents.

Quatre ou cinq jours après l’événement, Jean d’.

tioche et ses évêques orientaux firent enfin leur entrée dans Ephèse. Avec l’appui des comtes Candidien et Irénée, les nouveaux venus et quelques-uns de ceux qui avaient protesté contre l’ouverture du concile se réunirent dans une maison privée ; leur conciliabule, qui comptait quarante-trois évêques, déclara déchus de l’épiscopat Cyrille d’Alexandrie et Memnon d’Ephèse, et les excommunia avec tous leurs adhérents, comme hérétiques ariens ou apbllinaristes. Mansi, t. IV, 1268-1269.

Ce coup de théâtre compromettait l’oeuvre du concile, et la confusion fut portée au comble par un message de Théodose II, frappant de nullité tout ce qui s’était fait jusqu’à ce jour et interdisant aux Pères de se séparer avant qu’une enquête eût été accomplie par les olliciers impériaux. — Mais la lumière allait venir de Home.

Vers le même temps parvinrent à Ephèse les trois légats représentant le pape Célestin. Us étaient porteurs d’une lettre pontificale qui réglait expressément la procédure du concile et mettait à néant les prétentions de Nestorius. Le 10 et le 1 juillet, deux sessions furent tenues par la partie saine du concile dans la maison de Memnon, archevêque d’Ephèse. Les légats remirent la lettre pontificale et demandèrent communication des actes de la session tenue 197

MARIE, MERE DE DIEU

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le 21 juin, alin de les ratifier. Le sentiment de l’Eglise s’aflirmait de plus en plus ; il s’imposa même à Tliéodose II. Tandis que la plupart des dissidents se ralliaient à l’orthodoxie, Nestorius allait cacher au * monastère d’Euprépios prèsd’Antioche, et plus tard à l’Oasis d’Egypte, son dépit et son obstination irréductible.

En résumé, l’accusation de nouveauté, formulée par Nestorius contre le dogme de la maternité divine, est réfutée par le témoignage de la tradition, surtout de la tradition grecque ; et très particulièrement des Pères alexandrins et des Pères cappadociens. D’ailleurs les démentis lui vinrent de partout : non seulement d’Alexandrie et de Rome, où saint Cyrille et le pape saint Célestin marchaient d’accord, mais d’Asie même, où les amis de Nestorius reconnurent les lacunes de sa science, et de Gaule, où Cassien éleva la voix contre lui, et d’Afrique où, à défaut de saint Augustin, mort depuis un an, Capreolus, évoque de Carthage, atVirnia la foi de cette Eglise.

Jean d’Antiochb, principal soutien de Nestorius à Ephèse, lui avait écrit pour le détourner de faire opposition à tin titre dont aucun auteur ecclésiastique n’a pris ombrage. £p. ad Aestoriiim, l), P. G., LXXVII, 1456 A : ToOro yoLp tô ^vo/jlv. ojêîli twv '£/ : ^// ; ffta7Ttxâv 0tôv.7xyj(it’j TrxpyiTYiTXi.

Alexandre d’Hiérapolis, fervent admirateur de Nestorius, et en pleine révolte contre la sentence prononcée à Eplièse, écrit à Théodoret (ap. Mansi, t. V, 8^5 8) : Assurément, s’il ne s’agissait que de dire, en style de panégj’rique, Mère de Dieu, comme on dit : Juifs déicides, il n’y aurait pas lieu de s’en offusquer : ce sont là formules consacrées par l’usage et qui ne tirent pas à conséquence… — Donc Alexandre proteste contre la sentence rendue, mais il avoue que l’usage plaide en sa faveur.

Théodoret de Cyr, l’une des meilleures têtes de l'école antiochienne, rallié, non sans peine, à la sentence d’Ephèse, juge que le principe de l’erreur de Nestorius fut son opposition à un titre que l’enseignement catholique, appuyé sur la tradition des Apôtres, a de tout temps accordé à Marie. Ilæieticarumfabutarumcompendium, IV, xii, /*. G., LXXXin,

4 36 A : ViviTV.1 Û£ V.VTOl TT^ÛTOy T^J KV.lVOTCfiiai £'/j ; £t^*ÎUa, T6 flh Sîîv T/, v â-/(' « v TTOt^évOV, rr, -J TÔV TOO 0sOy Ay/OV Tex^ÛffKV, £^'

VMTfii 5 « /5xal/aCcvra, Qtorôy.ov é/j^oJ.O'/iiv, pt7T0TCx^v 0£ /xc’vov tûv 7rà/ac xat Tr^ooTTa/at Tr, ^ ip$oB6çc-j Trt’ffTEw ; Kr, p’JKmv xarà zr, v

« TTOTrî/lXïîV nxpv.ÛOTl-J 0£CrTOXOV St'êK^âvTOiV ÔvOlJ.V.%iCJ y.vi TZlIZlùivJ

T/JV TGÛ KupiOU fATtTÉpK.

Les Eglises d’Extrême-Orient ne demandaient qu'à se rallier à la foi d’Ephèse.

Rabulas, évcque d’Edesse (-}- 435) (cité par Lagrange, Mélanges d’histoire religieuse, p. 224, Paris, 1915), chantait dans un hymne :

Salut, parfaitement sainte, mère de Dieu, Marie 1 trésor glorieux et précieux de toute la terre ! lumière étincelante et brillante, asile de l’incompréhensible, temple très pur du Créateur de l’Univers. Salut ! par toi nous avons connu Celui qui porte le péché du monde et le sauve.

L’hérésie n’en essaya pas moins de compromettre ' le métropolitain d’Edesse avec l’opposition au concile d’Ephèse, et son nom a figure au bas de deux lettres écrites par les dissidents que présidait Jean d’Antioche. Il est possible que Rabulas n’ait pas vii, de prime abord, très clair, dans les intrigues nouées alentour du concile ; mais son attachement à la doctrine de Cyrille et son aversion pour celle de Nestorius ne font aucun doute ; il s’en est expliqué avec toute la clarté possible, avant et après l'événement. Voir Lagrange, ibid., p. 213 sqq. Il écrivait à André de Samosate :

Je frémis, rien qu'à rapporter les blasphèmes que Nestorius osait proférer : « La bienheureuse Marie n’est pas la Mère de Dieu ; elle n’a engendré que l’homme ; car, si.Marie est la mère du Fils, Elisabeth sera la mère de l’Esprit saint. » Il osa dire que le Fils avait habité en Jésus comme l’Esprit en Jean. C'était le serviteur né de la femme qui avait souffert selon ta nature, et le Fils habitant en lui faisait des miracles.

Non content de redire en toute occasion : « Marie la sainte est vraiment mère de Dieu », Rabulas assembla un concile pour condamner, outre Nestorius, Théodore de Mopsueste, le vrai père de l’hérésie nestorienne, et affirmer avec éclat la foi de l’Eglise de Syrie.

Au VIII"' siècle, saint Jean Damasckne prend encore la peine de repousser toute assimilation entre le culte de Marie et celui de la mère des dieu.r, dont les fêtes orgiastiques n'étaient pas oubliées en Orient. Hom. II in dormitionem B. Virginis Mariae, 15, P. G., XCVI, 742 C. De cette allusion rétrospective à une controverse éteinte, il ne faudrait pas conclure que l’Eglise de Syrie hésitât encore sur l’appellation de Mère de Dieu.

Citons encore : Cassien, De Incarnalione Chrisli contra Nesiorium hæreticum, II, 11, P. /,., L, 3 1 : Dicis itaque, quisquis es ille hæretice, qui Deuni ex yirgine natuin negas, Mariam matrem Domini nostri lesu Ckristi Qs’jTçyM, i. e. Matrem Dei, appellari non passe, sed X/5tTTSToWv, ii, e. Cliristi tanlum, matrem, non Dei : nemo enim, inquis, antiquiorem se parit… ll, v, 43B : A Deo… necesse est gratiam datam non neges. Deus ergo est qui dédit, data autem est per Domtnum nostrum lesum Cliristum ; ergo Dominas iesus Cliristus Deus. Si autem est ille, ulique ut est, Deus, ergo ilta quæ Deum peperit Theotocos, i. e. Dei genitrix…, W, II, 77 B : Vides ergo quod non solum, inquam, antiquiorem se Maria peperit, non solum, inquam, antiquiorem se, sed auctorem sui.

Capreolus, év. de Carthage (f 43 1). Epistola 11, seu Rescriptum ad Vitalem et Constanlium, de iina Cliristi leri Dei et hominis persona, contra recens damnatam hæresim Aestorii, P. L., LUI, 849-868.

Le mot Deipara se lit chez Marius Mehcator, traduisant Nestorius, Serm., v, 2, P. /,., XLVIIl, 786 A.

Saint Cyrille d’Alexandrie, qui eut le rôle principal dans la lutte pour le triomphe du QtoT’ly.ai, avait, dès le principe, formulé la doctrine dans le premier anathématisme qu’il opposait à Nestorius : l’Emmanuel est Dieu, donc la Vierge sa mère est mère de Dieu ; D. B., I13 (73) :

Et Ttç ou ; ^ QfiO/v/zl o//.o/5'/£( QiO’j Etvvi yv.Tv. v’rr, Onwj ro’j 'Kij./j.y.voii/i/- xkî Stv. zoùTo ôsordy.ov 1^ t/.-/it/.v T : ixp81vo-j…, ù.-jùSifxot.

£7TW.

Le 10" anathématisme s’attaque à la racine même de l’erreur nestorienne, en allirninnt que le (ils de la femme est le Dieu Verbe en personne. DenzingkrBannwart, 122(82).

Nous ne pouvons que mentionner les principaux ouvrages où Cyrille développe et défend cette doctrine : Adi’ersus Nestorium ; Dialogus cum Nestorio ; Quod Virgo sit Deipara : Explicatio XII capitum Ephesi pronuntiata ; Apologeticus pro XII capitihas ; Apologeticus contra Theodoretum : De recta fide, ad Theodosium ; De recta jide, ad reginas. On les trouvera réunis, P. G., t. LXXVI. La correspondance éditée au t. LXXVII jette une lumière précieuse sur la controverse. Voir en outre Mansi, Concilia, t. V. Quant aux doctrines de l'école antiochienne et aux causes de l’opposition qu’elle lit au dogme d’Ephèse, voir le mémoire de J. iMaiié, Les anuthématismes desaint Cyrille d' Alexandrie et les éi'éques orientaux du patriarcat d’Antioche, dans Revue d’IIist. ecclésiastique (Louvain), 1906, p. 505-542. 199

MAUIE, MERE DE DIEU

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2° Virginité perpétuelle

La croyance à la virginité perpétuelle de Marie renferme, outre la croyance à la conception virginale, sur laquelle nous ne reviendrons pas, deux affirmations distinctes : i" Pas plus après qu’avant la naissance de Jésus, Marie n’a connu d’époux (virginité posi partum) ; 2° La naissance de Jésus, aussi bien que sa conception, fut miraculeuse : il vint au jour sans détriment poiir l’intégrité virginale du corps de sa mère (virginité in partu).

I" Sur la virginité post partum, le sens chrétien a rarement liésité. Une convenance impérieuse veut que le corps consacré par l’Incarnation du Verbe soit demeuré à tout jamais un temple inviolé. On a vu ci-dessus les diflicultés, plus on moins spécieuses, fondées sur l’Evangile (Matt., xii, /16-50 et parall.. xui, b ! ^-b-) et parall.) ; difficultés largement discutées dans l’article Frèrbs nu Seigneur. Ces difficultés n’ont pas troublé la foi des premiers siècles chrétiens à la virginité de Marie pa$t partum. Si Tbrtullirn parait atTirmer qu’après la naissance de Jésus Marie connut un époux (De monogamia, vui : Semel miptura post partum ; cf. De virginilius i’elandis vi ; IV Adv. Marclonem, xix ; De carne Christi, vu ; et notre Théologie de TertuUien, p. 196-197). son affirmation n’a pas trouvé d’écho. Origkne mentionne (fn Luc, Ilom. vii, Irad. de saint Jérôme, P. G., XIII, 1818 A) un auteur assez insensé pour avoir osé prétendre qu’après la naissance de Jésus Marie eut commerce avec Joseph : In tantam quippe nescio quis prorupil insaniam ut assereret negatam fuisse Mariam a Salvatore, eo quod post nativilatem illius iuncla fueritlosepli ; et locuius est quæ quali mente dixerit, ipse noverit qui locutus est. Dans cet auteur anonyme, qu’Origène flétrit entre les hérétiques, il faudrait reconnaître TertuUien, d’après le II. P. Durand, L’enfance de Jésus-Christ, p. 233-234. Et de fait, on ne voit pas quel autre pourrait être visé. Au vi « siècle, l’assertion relative au commerce de Marie avec Joseph fut renouvelée par les Anlidiconiarianites en Orient, par Helvidius en Occident. Nous avons résumé ci-dessus la réponse faite par saint Epiphane aux Anlidiconiarianites. et la réponse beaucoup plus solide faite par saint Jérôme à Helvidius.

Ces docteurs n’ont fait que renouer la chaîne d’une tradition plus ancienne. Le titre de toujours vieri^e,

« iTTa/sfco ; , était déjà décerné à Marie par saint Atoana.

se, Or. Il contra Arianos, lxx, P. G., XXVI, 296 B. On le retrouve chez un autre Alexandrin, Didymb l’aveugle. De Trinitate, I, xxvii, P. G., XXXIX, 404 C.

Dès l’année 890, un synode romain avait condamné l’erreur d’Helvidius, renouvelée par Jovinien et Bonose. Le pape saint SmicE y revint dans une lettre adressée, en 392, à Anysius évêque de Thessalonique, D. B., 91 (1781). On y lit : Mérita yestram sanctitatem abltorruisse quod e.r eodem utero virginali, ex quo secundum carnem Christus natus est, alius partus eff’uSHS sit. Le nom de à’.mdpSv^ùi, déjà décerné à Marie par le symbole de saint Epiphane, D. B., 13, entrait dans l’enseignement catholique explicite. Il figure dans la lettre du pape Jean II aux sénateiu-s de Constantinople (534), D. B., 202 (143) ; dans le 2’et le 6* anathèræ du V° concile œcuménique (Constantinople, 553), D. B., 214-218(173-177). Particulièrement solennelle est la déclaration du Concile de Latran sous Martin I"’(649), can. 3, D. B., 266 (204) : i’i qnis secundum Sanctos Patres non confitetur proprie et secundum veritatem Dei genitricem sanctam semperque i’irginemet immaculatam Mariam, utpote ipsum Deum Verbum… incorrupliliiliter genuisse, indissohihili permanente et post partum eiusdem virginitate, condemlatus sit.

3° Beaucoup plus délicate est la question de la virginité in partu, car ici l’objet même de la croyance est miraculeux, et l’argumentation n’a de recours qu’à la foi. Il est clair que le rationaliste, incrédule au miracle de la conception virginale, repoussera au même titre, et même à plus fort litre, le miracle de l’enfantement virginal. Le rôle de l’apologiste consistera surtout à faire remarquer commenl les deux miracles se tiennent et comment la croyance explicite au premier appelait la croyance au second.

Il devait se passer des siècles avant qu’on s’en avisât. La virginité in parla a été niée non seulement par TertuUien, mais pent-ètre par Origène. Nous avons largement cité en français le De carne Christi de Tbrtullien ; sur le point qui nous occupe, il se résume en quelques mots, xxui : Peperil quæ peperit ; et, si virgo concepit, in partu suo nupsit. | Voir ci-dessus, col. 161-i 63]. Origène tient un langage assez semblable, In Luc, Hom., xiv, P. ( ;., XIII, 1834 A, quand il suppose que Marie était, comme toutes les mères en Israël, soumise à la loi de purilication, et surtout quand il ajoute à la page suivante, 1836 : ilatris… Domini eo tempore vuha reserata est quo et partus edilus. On sait les tempéraments qu’il apporta ultérieurement à sa pensée, et l’hommage sans restriction qu’il a rendu à la pureté de Marie, supérieure à toute pureté. In Matt., t. X, P. (’.. XIII, 877 A ; In Lev., Nom., viii, a, P. G., Xll, 498. II reste que, dans l’Eglise du 11" et du 111° siècle, la croyance à l’enfantement virginal n’était pas encore élevée au-dessus de toute discussion. Ci-dessus, 170-172.

C’est pour beaucoup de critiques rationalistes un fait avéré que la croyance à la virginité in partu pénétra dans l’Eglise au 11" siècle sous l’influence du docétisme, à qui appartiendrait la paternité de cette croyance et de cette idée. Dilïuse dans plusieurs ouvrages protestants, cette théorie a été condensée par G. Hkhzog en quelques pages de la Revue d’Histoire et de la Littérature religieuses, t. XII, T907, p. 483-496. Elle revient à dire que, si l’on s’avisa de soustraire à la loi commune la naissance du Christ, c’est que l’on regardait l’humanité du Chrisl comme étrangère à la condition humaine.

Assurément, il est malheureux pour cette théorie que le premier adversaire du docétisme, parmi les Pères, soit aussi le premier à appeler l’attention sur le mystère de cet enfantement qui donna au monde un Sauveur, et à le mettre en parallèle avec le mj-stère de la conception du Christ et le mystère de sa mort. En effet, saint Ignace d’Antioche ne s’est pas contenté d’allirmer, à rencontre des docèles, que le Chrisl est vraiment né de la Vierge (Ad Smyrn., i, i) ; après avoir indiqué qu’il fut porté dans le sein virginal, il énumère, dans un même contexte, ces trois faits qui échappèrent à la connaissance du prince de ce monde : la virginité de Marie, son enfantement, et la mort du Seigneur : trois mystères retentissants, accomplis dans le silence de Dieu » (Ad Eph., xix, 1). En présentant sur un même plan ces trois ouvrages merveilleux de la puissance divine, Ignace indique assez qu’il y voit des faits de même ordre. L’enfantement de Marie — ô « zîts ; a.ùrn — est merveilleux, au même titre que sa virginité et que la mort du Seigneur. Divers autres textes confirment ce parallélisme (Ad Eph., xviii, a : parallèle entre la conception et la naissance ; Ad Ma’gn., xi, parallèle entre la naissance, la mort et la résurrection). Ce n’est pas chez Ignace que nous trouverons la naissance du Fils de Dieu assimilée purement et simplement à celle du commun des hommes. Par ailleurs, Ignace ne se lasse pas d’aflirmer que le Christ a soulfert vraiment et pas seulement en apparence, qu’il est vraiment homme comme nous. Smyrn., iv, 201

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2 ; vil, I. Sa croyance à la naissance virginale ne procède donc nullenient d’une croyance incomplète au mystère de l’Incarnation.

Un demi-siècle plus tard, à Rome, saint Justin commente la parole de Dieu au serpent (Cen., iii, |5), et développe le parallèle entre Kve et Marie. A la parole du serpent, Eve, encore -vierge, conçoit et enfdiile un fruit de mort ; à la parole de l’ange, Marie, vierge, conçoit et enfante un fruit de vie (Dial. citm Tryphone, c). Ailleurs, il insiste sur l’oracle d’Isaïe {/s., vil, 115) et sur le mystère de cette génération inénarrable (/s., lui, S). Nulle part on ne voit que la conception virginale en épuise le miracle ; au contraire, il ramène assidûment cette expression a né de la Vierge », dont le sensplénier déborde évidemment la notion stricte de conception dans le sein d’une vierge.

Ces exemples montrent clairement que l'éclosion du docétisme ne fut pas la première apparition du merveilleux, dans la cbristologie ; elle n’en fut que la déformation. Saint Matthieu et saint Luc, en allirmant la conception virginale, avaient sulUsamment orienté les pieuses méditations des fidèles vers un monde surnaturel où ils ne pouvaient manquer de rencontrer le mystère de la naissance du Christ ; ils en raisonnèrent selon des analogies de foi qui, dans l’espèce, ne pouvaient être trompeuses.

C’est ce que fait saint Irknke, le premier théologien de l’Eglise, dans l’ordre des temps. G. Hkrzog nous assuie (p. 484) qu’lrénée soumit la naissance du Christ à la loi commune. Et il expédie ce témoignage en trois lignes, dans une note. Il faut y regarder de plus près.

Peut-on bien, sans en être impressionné, transcrire, d’après un homme tel qu’Ii'énée, cette formule jidv. Jlær., IV, xxxiii, 11, P. G., VII, 1080 : Filius Dei filius liominis parus pure puram aperiens yulvam ? Cela paraît dillicile, car enfin ces mots parus pure puram forment un bloc homogène et malaisé à disjoindre. Surnaturel est l’enfant, d’après la pensée incontestable d’irénée ; surnaturelle sa conception dans le sein virginal ; donc surnaturel aussi, sauf preuve évidente du contraire, le mode d’enfantement. Le sens très clair des adjectifs purus, puram, dicte l’interprétation de l’adverbe qu’ils encadrent. Ailleurs, saint Irénée affirme, entre l’Incarnation du Verbe d’une part, sa passion et sa résurrection d’entre les morts de l’autre, sa naissance de la vierge — Tr.v 'sz ïly.pOé-Mu /tni)'^vj —. Ce sont là, pour lui, événements de même ordre. Et notez que cette aâîrmation se rencontre, non dans un développement oratoire quelconque, mais à la page la plus grave du traité Contre les hérésies, dans l'énumération solennelle des articles de notre foi. Adi'. //aer., 1, s, 1, P. G., VU, 549.

Il y a bien les mots aperiens vuU’am, et c’est de quoi l’on s’autorise pour soutenir qu’lrénée a soumis la naissance du Christ à la loi commune. Mais peuton bien faire fond sur ces mots, quand on sait que les Pères du ve siècle, habitués à confesser de bouche et de cœur la virginité in partu, sur laquelle on ne discutait plus enli’e catholiques, ont coutume de citer ces mêmes mots de l’Ecriture sans aucun embarras, comme simple figure de style, innocente catachrèse, tout à fait indiÛ'érente à leur croyance ? Quand, de plus, on voit saint Ircnée, après saint Justin, commenter l’oracle de l’Emmanuel (/s., vii, 14), en insistant, non pas seulement siu- sa conception, mais sur sa naissance delà Vierge ? Ad^'. llær., m, XXI. 4-6, P. G., VII, 950-9.53 : Eum qui ex Virgine nutus est, Emmanuel… — Si^ni/icunte Spiritu sanclo (ludire volentihus repromissionem i/uam repromisit Deits, de fructu i’entris eius suscitare regem,

impletam esse in Vir^inis, h. e. in Mariæ picrlii.' — Quoniain inopinaia salus hominihus inciperet fieri, Deo adiuvante, inopinatus et parlus ]'irf(inis fiebat, Deo dante sifçnum hoc. Même lanj^age dans le Ei ; i-niosi^i-j T&y à.T^o^Tz/ t/.'jù z/îcUyy/T^ ; , décoin’erl dans unç version arménienne et restitué de nos jours à Irénée Liii-Liv, trad. Bartiioulot, Paris, 19 : 6. La loi de l’Exode, applicable aux mères en Israël, fondait sur l’existence d’une impureté légale l’obligation d’un rite purificatoire. Etait-ce bien le cas de tant appuyer sur la pureté transcendante de cet enfantement — purus pure puram — pour affirmer au mot suivant <|ue Marie avait encouru la souillure commune ? A tout le moins, une accumulation de mots si extraordinaire nous avertit qu’il y a là une question réservée, que le texte présente une nuance délicate, et qu'à y vouloir appliquer une exégèse brutale, nous le faus serons infailliblement. Ou l’adverbe /( « ce ne signifie absolument rien, ou Irénée a voulu faire entendre que cette naissance ne ressemble jias à toutes les naissances.

Passons condamnation sur Tertullien, mais en observant deux choses. La première est que, si Tertullien mena rude guerre contre le docétisme, Irénée avait déjà combattu la même hérésie avec une égale vigueur : il serait donc puéril de chercher dans une différence d’attitude à l'égard du docétisme la raison de leur divergence quant à la virginité in partu. Tertullien reprit, vingt ou trente ans après Irénée, la campagne contre la gnose valentinienne, sans la confondre un instant avec le catholicisme. En second lieu, quand Tertullien se prononça comme on sait contre la virginité in parlu, il avait cessé d’appartenir à l’Eglise catholique. C’est la réponse de saint Jérôme à Helvidius, qui se réclamait de Tertullien : De Tertulliano niliil quidem amplius dico, quam Ecclesiæ hominem non fuisse. On ne trouvepas trace de cette opinion dans ses écrits de la période orthodoxe. Mais, après comme avant sa défection, Tertullien réprouve aussi fermement qu’lrénée la chimère gnostique, d’après laquelle Jésus aurait passé par le sein de Marie non comme les autres enfants passent par le sein maternel, mais comme l’eau passe par un canal, sans lui rien prendre. Cette chimère va directement à nier la maternité humaine de Marie ; et en cela consiste proprement la contribution du docétisme à la mariaiogie. — Voir Irénée, Ilær., III, XXII, 2 ; Tertullien, Apologettcum. xxi ; Adv. Vulenlinianos, xxvii ; iJe carne Christi. xx ; et notre Théologie de Tertullien, p, ig^-igô.

Jusqu’ici nous n’avons constaté — tant s’en faut — nulle trace de docétisme chez ces premiers témoins de la doctrine chrétienne sur Marie. Par contre, nous les avons vus, dans leurs écrits catholiques, s’arrêter devant le mystère de la naissance du Seigneur, pleins de respect et d’adoration. Mais il y a le Protét’angile de Jacques. Dans cet apocryphe, qui sous sa forme la plus ancienne a dû exister avant la fin du U8 siècle, il y a une page entachée de docétisme ; et l’on nous assure que de là procède l’idée, antérieurement inédite, de la virginité in partu.

Nous avons reproduit intégralement cette page, col. iG5 ; nous ne contestons ni l’ancienneté du Prolévangile de Jacques, ni la réalité de l’influence qu’il exerça sur le développement de la mariaiogie. Mais nous ne voyons pas qu’il ail subi l’influence du docétisme ; encore moins voyons-nous qu’il ait servi de pont entre cette hérésie et la doctrine catholique.

La contribution du docétisme à la mariaiogie consista, disions-nous, à supprimer la réalité de la maternité divine, en attribuant à Jésus je ne sais quel corps astral qui ne devrait rien à sa mère. Contribution toute négative : cette hérésie n’a point passé 203

MARIE, MERE DE DIEU

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dans renseignement catholique ; elle n’avait point pénétré dans le Protévangile de Jacques. Ce que ce protévangile présente d’original, c’est la légende de la sage-femme, constatant expérimentalement la virginité de Marie devenue mère. On peut croire que cette légende fut créée pour donner corps à la croyance préexistante en la virginité perpétuelle de Marie ; de fait, elle put servir à la répandre et à la populariser ; nous avons vu Clément d’Alexandrie, dès la (in du 11° siècle, l’accueillir avec une certaine faveur. Mais Clément n’a rien d’un docète, et s’il accueillit cette donnée légendaire, c’est qu’elle lui parut exempte du docétisme. Elle paraît telle également aux hommes qui, de nos jours, ont le mieux étudié le Protévangile de Jacques. Nommons Tischrn-Doni-’, r)e evaiigelioriim apocryphorum luigine et iisii, p. 2^-34, La Haye, 1851 ; Th. Zahn, Geschichte des ATltclien Kanohs, i. II, p. 774-780, iSga ; Harnack, Heschichte der AUchristlichen Litteratiir, t. 1, p. 698-Go 3, Leipzig, 1897(liésitant) ; E. Amann, f.e Protéangile de Jacques, p. 100, Paris, 1910. (M. C. Michel, Evangiles apocryphes, t. I, p. viii, Paris, 191 1, ne se prononce pas.) Certaines expressions paraissent exclure formellement le docétisme, par exemple cette promesse adressée à Siméon, qu’il ne mourra pas avant d’avoir vu le Christ venu dans la chair, X/jiîTcv sv av.r./.i (xxiv, 4)- L’observation est de Tischendorf.

Pour légendaire qu’il soit, le récit du Pseudojacques n’a rien d’hérétique et témoigne à sa façon de la croyance populaire. Origène cite le même apocryphe au sujet des n frères du Seigneur », In Malt., t. X, XVII, P. G., XIII, 876-877, sans y trouver à redire. Voir sup., col. 171. Origène, lui aussi, est pur de tout docétisme.

Le Protévangile de Jacques n’est d’ailleurs pas le seul apocryphe qui dépose en faveur de la croyance populaire à la virginité de Marie in partu ; la même conclusion se dégage de l’Ascension d’Isaïe, xi, citée plus haut, col. 167. On a lu également, ibid., Odes de Salomnn, xix : « L’Esprit étendit ses ailes sur le sein de la Vierge, et elle conçut et enfanta, et elle devint mère vierge avec beaucoup de miséricorde ; elle devint grosse et enfanta un fils sans douleur… »

Les témoignages des Pères se font, avec le temps, plus explicites.

.u m" siècle, on a entendu saint Grégoire Thait-MATURGR dire : « Quand une femme est mariée, elle conçoit et enfante selon la loi du mariage. Mais quand une vierge non mariée enfante miraculeusement un fils en demeurant vierge, la cliose dépasse la nature des corps… Le Christ est Dieu par nature, et il est devenu homme, mais selon sa nature. Voilà ce que nous affirmons et croyons véritablement, en invoquant comme témoins les sceaux d’une virginité immaculée, gage de la toute-puissance divine… »

L’idée de la virginité in partu manque à saint EpiruANE, qui d’ailleurs réserve le caractère absolument unique de cet enfantement. Hæres., lxxvii, 35 ; Lxxviii. 19, P. G., XLII, 693, 729.

L’Eglise de Syrie professait, dès le iv" siècle, la doctrine de la virginité in partit, et saint Ephrem l’expliquait par le recours à une image pittoresque. Serrno ady. hæreticos, 0pp. græcolatina, t. II. p. 266-267, Roniae, 1743 : (Chrisias) sine dolore genilus est, quoniam et sine corruptione fuerat conceptus, in Virgine cornent accipiens, non a rame sed a Spiritu sancto. Propterea et e.r Virgine prodiit, Spiritu sancto uterum aperiente ut egrederetur liomo qui naturae opifcr erat et Virgini tirtutem in suum augmentunt præhehat..Spiritus erat qui puerperam, tori maritalis nescinm. in partu adiuvabat. Quapropter neque quod natnmest sigilhim virginitatis commovit,

neque Virgo laborem ac dolorem in partu sensit. divisa quidem ob turnorem geniti Filii, sed rursus ad suum ipsius sigillum reversa, instar plicarum conchyliorum, quæ margaritam producunt et rursus in indissolubilem unionem ac sigillum coeunt… Quemadmodum igitur solus er Virgine natus est Christus, ita etiam Mariam in partu virginem permanere decebat, matremque absque dolore fieri.

En Occident, même doctrine chez saint Hilaire de Poitiers ({- 366). Citons ses propres paroles. De Tri- 1 nitate, III, xix, P. L., X, 87 A : Non quæro quomodo | natus e.r virgine sit : an detrimentum suicaro perfec-’tant e.v se carnem generans perpessa sit. Et certenon suscepit quod edidit ; sed caro carnem sine elementorum nostrorum pudore provexit, et perfectum ipsa de suis non immutata generavit.

Saint ZENON db Vérone s’exprime plus clairement, avec allusion expresse à la légende racontée par le Protévangile de Jacques : 1. I, Tract., v, 3, P. L., XI, 303 A : Serf dicet aliquis Etiam Maria virgo et nupsit et peperit. Sit aliqua tatis et cedo. Ceterum illa fuit virgo postconnubium, virgo post conceptum, virgo post filium. — L.II, 7’rac/., viii, 2, 4’4.V-415 A : Omagnum sacramentum.’Maria virgo incorrupta concepit, post conceptum virgo peperit, post partumvirgo permansit, Obstetricis incredulæ periclitantis eniram, in testlmonium reperta eiusdem esse virginitatis, incenditur manus : qua tacto infante, statim edax illa flamma sopitur ; sicque illa medica féliciter curiosa, dein admirata mulierem virginem, admirata infantem Deum, ingenti gaudio exultans, quæ curatum vénérât, curata recessil.

Saint Ambroise, In Lucam, II, lvii, P. /,., XV, 1673 A, après avoir rappelé la sanctification de saint Jean-Baptiste, vient à la naissance de Jésus : Qui ergo vulvam sanctificavit alienam ut nasceretur propheta, hic est qui aperuit matris suæ vulvam ut immaculatus e.riret. Ce passage est éclairé par le suivant. De institutione virginis, viii, 52, P. L., XVI, 320 A, après citation de E :., xuv, 2 : Quæ est liæc porta, nisi Maria, ideo clausa quia virgo ? Porta igitur Maria, per quam Christus intravit in hune mundum, quando virginali fusus est partu, et genitalia virginitatis claustra non solvit. — Du rapprochement de ces deux textes, il ressort que, dans le premier, aperuit vulvam n’a que la valeur d’une expression toute faite, pour signifier : editus est in liicem.

Selon G. Herzoo, p. 486, à la veille du cinquième siècle, … saint Jérûme ne craint pas d’attribuer à la naissance du Christ les misères qui accompagnent la naissance des simples mortels. » On nous renvoie à Adv. Iletvid., iv et Ep., xxxii, 89, à Paula. Qu’y voyons-nous ? A condition de rectifier par conjectures la documentation précaire du mystérieux Herzog, le voici. Adv. llelvid., iv (lisez xviii), P. t., XXIII, 202, nous voyons qu’en attaquant le principe de la virginité chrétienne, Helvidius avait été conduit à nier la perpétuelle virginité de Marie. Et, appuyant sa négation àe&r^’n’lé post parfum sur celle de la virginité in partu, il énumérait les hontes de l’enfantement, qu’un Dieu, pourtant, n’avait pas jugées indignes de lui. Jérôme renchérit sur l’adversaire : il détaille avec une sorte de complaisance ce qu’Helvidius n’avait fait qu’indiquer, et conclut par cette apostrophe : Accumulez les ignominies tant que vous voudrez, vousne surpasserez jamais l’ignominie de la croix, de cette croix à laquelle va l’hommage de notre foi et par laquelle nous triomphons de nos ennemis. L’autre passage, Ep., xxxii, 89, à Paula (lisez Ep., xxii, 89, à Eustochium), P. /., XXII, 428, reprend le même thème, afin de provoquer l’amour du Christ par l’émulation de ses abaissements et de ses souffrances : Novem mensibus in 205

MARIE, MERE DE DIEU

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utero ut nascalur exspectal, fastidiu siistinet, criieritus egreditiir… — Que conclure ? Le réalisme de la peinture est incontestable, et il est voulu. Mais en tout ceci, Marie n’est pas directement mise en cause. Le développement ne va qu'à faire ressortir les abaissements volontaires de son Fils. On ne trouvera pas là une néjjation explicite de la virginité in partit. Quand même on l’y trouverait, tout ce qu’on pourrait conclure, c’est qu'à cette date la pensée de saint Jérôme n'était pas encore fixée. Il écrivait Adi'. HeUidiam en 383 ; la lettre à Eustocliium en 38^. Le jor livre Adi'. lovinianum, écrit en 892/2, touche une fois, en passant, xxxi, P. /-., XXIII, 264 B, à la perl>étuelle virginité de Marie : Ilæc virgo perpétua multarum est mater virgiimm. Mais il n’est pas sûr que, dans la pensée de l’auteur, ce trait vise la virginité in partit ; on peut, je crois, l’entendre de la seule virginité pont partiim. Quoi qu’il en soit, à la fin de sa carrière, saint Jérôme n’iiésitail plus. Dans le dialogue Adi : Pelagianos, écrit à la fin de l’année 415, on lit : II, IV, p. I.., XXIII, 438 G : Solus enim Cliristiis dansas portas viiU'æ virginalis aperiiit, qttæ lamen clausæ iugiter permanserttnt. Ilæc est porta orientalis clausa, per quant solus Pontife.r ingreditur et egreditur, et nihilominus semper clausa est. C’est le dernier mot de saint Jérôme sur la virginité in partu ; il est décisif. — A vrai dire, nous ne croyons pas nécessaire de descendre jusque-là pour connaître sur ce point la pensée de saint Jérôme. Dès la polémique avec Helvidius, il notait expressément que Marie n’eut recours aux bons offices de personne pour envelopper de langes son Fils nouveau-né ; il raillait même les rêveries apocryphes qui font intervenir une sage-femme. Adv. Ilelvidium, viii, P. L., XXIII, 192 A. Ce ne sont pas chez lui de vains mots que ces noms de Virgo puerpera, Ep., Lxxvii, 2 ; cxLvii, 4. P. /-., XXII, 691 ; 1 19g ; Virgo incorrupta, Adv. lov., I, vni, P. L., XXIII, 221 G ; Virgo de virgine, de incorriipta incorruptus ; Mater t’irgo, Adv. lov., I, XXVI, P. /,., XXIII, 248 A ; £'^., cviii, 10, P. L., XXII, 885. Il compare à Marie la Sagesse, Jtp., ui, 4. P- '-. XXII, b’io : Inipolluta enim est, virginilatisque perpetuae, et qiiæ in stmililudinem Mariae, cum qiiolidie generet semperque parturiat, incorrupta est. Ce langage n’est pas nouveau ; il témoigne, chez saint Jérôme, d’une pensée qui ne varie pas.

Rien de plus net que la doctrine de saint Augustin, (f 430), Sermo CLxxxvi, in Natali Domini, iii, 1, P. /,., XXXVIII, 999 : Concipiens virgo, pariens virgo, virgo gravida, virgo fêta, virgo perpétua… Deum sic nasci oportiiit, qitando esse dignatus est homo.

Nous en rapprocherons saint Fulgen( : e(- ; -533), />e veritate prædestinationis et gratiæ Dei, I, 11, ii, P. /,., Lxv, 605 : A’ec tibidinem sensit cum Deum conciperet in utero factiim mirahiliter hominom, nec aliquam corruptionem diim in vera nostri generis carne pareret hitmani generis liedemptorem… Nequc enim decehat ut integritatem virfiinitalis creator humanae carni Deus in conditione trilnteret et idem carnis humanae' siisceptor Deus, quod /'itérai redemptttrus, virginitatem carni de qua nascebatur auferrel. Ces paroles si claires peuvent servir de commentaire à d’autres paroles du même auteur, oii G. Herzog (P- ^19^) a trouvé une dérogation à la croyance dès lors commune, £ ;  !., xvii, 27, P. L., LXV, 468 : Vulvam matris… omnipotentia Filii nascentis aperuit. Cette deuxième formule est plus concise que la précédente, mais elle ne dit pas autre chose.

La virginité in partu se trouve renfermée, avec la virginité posl partum, dans le canon 3' de Latran sous Martin ! « ' (64g), confirmé par le pape Agatiion, à l’occasion du vi' concile œcuménique (681), U. B., 206 (204). Nous avons déjà cité ce canon, col. igg.

Une formule plus précise fut employée par Paul IV en 1555 contre les Sociniens, D. B., gg3 (880) ; Nos …omnes et singitlos qui hactenus asseruerunt dogmatizarunt vel crediderunt… Beatissiinam Virginein Mariant non esse verain Dei ntatreni, nec perstitisse semper in virginitatis integritaie, ante partum se, in partu et perpetuo post partum, e.r parte Omnipotenlis Dei, Patris et Filii et Spiritus sancti apostolica auctoritate requirimus et inonemus…

La virginité perpétuelle de Marie est un thème familier aux auteurs catholiques. Nous sommes heureux d’y joindre un auteur protestant estimable, F. A. VON Lehnhr, Die Marienverehrung in den ersten.lahrhunderten, 2" Aufi., Stuttgart, 1886, p. g-36 ; 120-143.

3° La Sainteté de Mar ; e

S’il est une croyance intimement liée dès l’origine à la croyance au mystère de l’Incarnation, c’est bien la croyance à la sainteté personnelle de Marie, la Xï'/.jyyiy. '. Les quelques hésitations passagères que nous avons signalées chez des Pères du troisième et du quatrième siècle ne constituent, par rapport à l’ensemble de la tradition patristique, qu’une exception négligeable. U n’y a pas lieu de s'étendre ici sur le développement d’une croyance aussi primitive, mais seulement de préciser son objet, d’ajirès les lumières acquises à une époque de maturité théologique.

Avant tout, notons que la question de la sainteté de Marie ne peut être convenablement élucidée qu’en fonction du dogme de l’Immaculée Conception. Ce dogme devant être étudié ci-dessous, nous le supposerons acquis, et sous bénéfice des lumières qu’il apporte à la foi catholique, chercherons à interpréter la parole de l’ange : » Je vous salue, pleine de grâce. >

Le dogme de l’Immaculée Conception égale Marie à nos premiers parents avant la chute, et donne à l'édifice de sa sainteté un fondement sur lequel aucune autre sainteté — Jésus toujours mis à part — ne fut bâtie. Ce fondement une fois posé, nous sommes autorisés à croire que l’intelligence et l’amour surnaturels devancèrent en Marie l'œuvre de la nature ; qu’un don éminent de science infuse la disposa dès lors à reconnaître en son àme les touches délicates du Saint-Esprit ; que, dans l'œuvre

1. Les indications des lexiques, relatives fi ce nom, sont généralement insuftisantes et fautives. Sopiioki.es, Greek Lexicon of the mnian and byzantine periods, New-York, 1900, Y a mis un peu plus de soin que les autres, car il cite 6 exemples ; 1 de saint Hippolyte, 3 de saint Méthode d’Olympe, I de saint Sophronius de Jérusalem, 1 de .Jean le jeùtieur. Mais l’unique exemple de saint Hippolyte, emprunté £1 l'écrit Àdversus Beronem, est apocryphe et de basse époque. Il en est de même des 3 exemples empruntés à saint Méthode, et provenant de l'écrit apocryphe De Simeone et Anna. L’exemple de saint Sophrone (f 638) paraît bien authentique, encore ne s’agit-il que de l’emploi adjectif — et non substantif — du mot T.vjixytv.. Oratloin SS. Deiparæ Annuntiationem, 37, P. G, LXXXVÏI, 3265 C : » : Trvyy.yi’x. Uy.pOé-joi. Enfin le Pénitentiel attribué à Jean le jeûneur, archevêque de Conslantinople (f 59.5), serait en réalité l'œuvre d’un autre Jean le Jeûneur, vers l’an 1100, selon Bardenhewer, Pairoîogie^, p, 493, Reste donc un seul exemple, du vu* siècle. A vrai dire, on en pourrait trouver de plus anciens. Ainsi, au iv* siècle, EusiiBE Diî CKSARf-E écrit, De ecclesinstica iheologia. III, XVI, /'. G., XXIV, 103'* B : -npn rh r.y-jy/iyj UycOhn. Mais en général, l’emploi du mol ïlv.vyyi’y., surtout du substantif, comme aj>pellatinn de la Vierge, est une marque d’assez basse époque. A partir du ix* siècle, le nom de lu Uyvyyiok est fréquent dans les sceaux bizantins. Voir SchlumbfkŒR, Sigillographie de l’empire byzantin, p. 4.15.36.134. 157.158. etc. Paris. 1884, in-4°. 207

MARIE, MERE DE DIEU

même de sa sancUQcation, elle ne fut pas purement passive, mais que dès lors son esprit et son cœur coopérèrent aux prévenances de la grâce. Nous sommes autorisés à croire que la première orientation de son âme vers Dieu fut détinilive, que ses ascensions se poursuivirent sans intermittence ni défaillance, que tous les instants de sa vie et tous les battements de son coeur furent marqués par des accroissements de grâce. Nous sommes autorisés à croire que, comme elle échappa aux blessures de l’ignorance et de la concupiscence, elle échappa à l’infirmité commune, par l’absolue maîtrise qu’elle exerça en tout temps sur les actes de sa vie intérieure, n’étant distraite de Dieu ni par la fatigue ni par le sommeil. La justiûcation précise de ces positions appartient à la théologie. Qu’il suffise à l’apologiste d’en avoir indique le principe en tenues généraux.

La psychologie de Marie ne doit pas être assimilée simplement à celle du Christ, car l’union hj’postatique projetait dans l’âme du Christ des clartés (fue l’âme de Marie ne possédait pas. Mais, sans perdre de vue la distance infinie qui sépare la mère du Fils, on doit avoir égard aux exigences de la Providence unique impliquée dans l’Immaculée Conception. Pour donner quelque idée des développements suggérés par la piété envers Marie, touchant ces voies toutes miracnleusrs de la Providence, nous citerons R. M. DE LA Broisb, La Sainte Vierge, c. ii, p. 41-U :

I L’Immaculée, pensent communément les théologiens, reçut le bienfait de la sanctiQcation dans une âme pensante et libre, et avec une parfaite correspondance à l’action de son Créateur. La grâce est une mystérieuse union entre Dieu et la créature intelligente. La dignité de cette union demande, si rien ne s’y oppose d’ailleurs, qu’elle soit librement acceptée, et que l’amour créé réponde, en se tournant vers lui, aux avances de l’amour infini. C’est d’ailleurs l’ordre de la Providence de donner le plus possible d’action personnelle et de mérite aux créatures. Ainsi Adam, ainsi la multitude des anges, lorsque Dieu, dès le premier moment de leur existence, les éleva à l’ordre surnaturel, ne furent ni inconscients ni passifs. Par la connaissance et l’amour, ils attirèrent la grâce, au moment même où Dieu la répandait en eux. En tout supérieure aux anges et à l’homme innocent, Marie n’a pu être sanctiliée d’une façon moins parfaite. Pour elle, 11 est ^Tai, l’usage de l’intelligence, naturel pour l’ange et pour le premier homme créé adulte, ne pouvait être que l’effet d’un miracle ; mais ce raii-acle, comment Dieu le lui aurait-il refusé, au moment où il prodiguait pour elle ses merveilles ?

« Bien entendu, même avec ce pouvoir d’user de

ses facultés spirituelles sans le concours des sens, Marie ne pouvait ni mériter la première grâce actuelle, toujours et essentiellement gratuite, ni se disposer à être sanctifiée par un acte qui précédât, dans le temps, sa sanctification elle-même. Mais, par les actes de ces facultés qui échappent à la loi du temps, elle pouvait se tourner vers Dieu au même moment où il se tournait vers elle, et par là mériter, d’un mérite de convenance, que la grâce sanctifiante fut aussitôt versée dans son âme. Quand la lumière du matin vient toucher et ranimer la fleur, la tige se relève d’elle-même vers le soleil ; la corolle s’ouvre et se dilate, comme pour attirer et boire avidement les chauds rayons. Ainsi, prévenue par l’action divine, Marie ouvrit à la grâce, aussi largement que possible, toutes les issues et toutes les capacités de son âme.

« Son esprit s’éveille à la vie, plein d’idées qu’il

n’a pas acquises, mais que le Créateur y a mises en

lui donnant l’Etre. C’est Dieu qui est là, présent à son intelligence, non pas vu dans son essence, mais se révélant clairement comme l’infinie beauté, le bien parfait, la Un où il faut tendi-e par le Verbe médiateur. Excitée en même temps par la grâce prévenante, l’âme se jette tout entière dans ce bien suprême, qui l’invite et l’attire ; l’intelligence acquiesce à la révélation qu’il fait de lui-même, la volonté se donne sans réser%* par le plus ardent amour. Dans le même indivisible moment où Marie produit ces actes, la grâce déborde en elle, suivant l’insondable mesure de son amour pour Dieu, et la mesure plus insondaijle encore de l’amour de Dieu pour elle. Avec la grâce sanctifiante, ce sont tous les privilèges qui tiennent à l’essence même de cette grâce ou en forment le brillant cortège : pailicipation de la vie divine, relation d’amitié avec Dieu, habitation de la Trinité sainte dans l’âme comme dans un temple consacré, dons du Saint-Esprit, dispositions données aux facultés pour leur faire produire les actes de toutes les vertus. Et toutes ces divines énergies ne sont pas en elle à l’état de germe et encore sommeillantes, comme chez tout enfant que la grâce vient de régénérer ; Marie est, dès l’origine, pleine d’une vie surnaturelle développée et agissante ; déjà son âme est le jardin de délices qu’embellissent toutes les llcurs et qu’embaument tous les parfums… »

Dans cette vie spirituelle absolument unique, le point initial devait être marqué par une grâce insigne.

La piété des théologiens appuya sur ce fondement de magnifiques constructions à la gloire de Marie. Avant tout, elle revendi(]ua pour Marie l’exemption absolue de toute faute actuelle. Nous n’avons pas à revenir sur les soupçons injurieux dont certaines scènes évangéliques ont fourni l’occasion et qui s’exprimèrent quelquefois par la plume d’un TertuUien, d’un Origène, d’un saint Basile, d’un saint Uilaire, d’un saint Jean Chrjsostome, d un saint Cyrille d’.A.lexandrie. On a vu plus haut comment l’Evangile, mieux lii, ne donne aucune prise à ces imputations. Et depuis le cinquième siècle, on peut dire que le sens public de l’Eglise en a fait justice. Le jugement de saint Augustin, De nalttra et gratia, xxxvi,

! i, I’. L., XLIY, 267 : … Sancla virgine Maria, de

qiia, projiler honorem JJumini, nallcun prorsus, ciim de peccalis agitur, huheri volo quæstionew, s’est imposé à tous, au nom du respect dû à la Mère du Seigneur, et le Concile de Trente l’a fait sien en affirmant, dans une définition solennelle, le privUège de la Vierge, s. vi, can. 28, D. B., 833 (916) : Si quis hominem semel iusiificatum dixerii… passe in tota vita peccata omriia, eliant yenialia, vitare, nisi ex speciali Dei privilégia, quemadmodum de Beala Virgine ienet Ècclesia, A. S.

Mais l’exemption de toute faute n’est que l’aspect négatif de la sainteté de Marie. Sur l’aspect positif, les théologiens ne sont pas moins unanimes. Ceux d’Orient avec une profusion d’épithètes et d’images qui répond à l’éclat de leur pensée ; ceux d’Occident avec une langue plus sobre, déclarent d’une seule voix que — Jésus mis à part — aucune sainteté n’approche, même de bien loin, de la s.ainteté de Marie ; et les raisons qu’ils en donnent sont renfermées dansleprincipeexcellemment formulépar saint Thomas o’Aquin : Celui-là participe plus largement à la grâce, qui approche de plus près la source de toute grâce. P. III, (]. 27, art. 5 : Qiianlo aliquid mugis appropinquat principio in quolibet génère, tantomagis participai efjectiim illiiis principii…Iieala aulem Virgo Maria propinquissima Christo fuit secunduni humanitaiem, quia ex ea accepit humanam En cours naiuram. Et ideu præ céleris inaiorem detniit a Clirisio gratiæ plenitudinem ohlinere.

Dans l’ascension continue de Marie vers la lumière divine, on peut, avec saint Thomas, ibid., ad 2’", distinguer trois stades. Le premier, antérieur à l’Incarnation : dès le terme de ce stade, Marie est saluée par l’ange, pleine de grâce. Le second stade s’ouvre sur l’Incarnation et se ferme sur la mort de la Vierge. Comment douter que le Verbe divin, venant s’incarner en Marie, l’ait enrichie merveilleusement ? A cette idée, on ne peut objecter que la plénitude même de la grâce qui élait en Marie, et qui ne laissait plus de place à un nouvel afflux de grâce, comme dans un vase trop plein. Mais ces analogies matérielles sont en défaut, quand il s’agit de décrire les opérations divines. C’est en effet le pro]ire de la grâce, de dilater le vase qu’elle remplit et de créer sans mesure des capacités nouvelles. Le troisième stade s’ou^Te dans la gloire céleste, où Marie contemple Dieu, non pas sans doute de plus près, mais d’un regard plus limpide, alïranchie qu’elle est de toutes les ombres à travers lesquelles l’homme chemine icibas.

Nommer ces trois stades est facile ; mais, dès le premier, notre impuissance éclate à suivre la radieuse ascension de Marie. En alUrniantque la grâce initiale de Marie surpassa la plus haute grâce (inale accordée aux plus séraphiques des anges et des hommes, SuAHEZ croit ne rien avancer que de pieux et de vraisemblable, et rappelle qu’on lui a souvent appliqué le texte du Psaume lxxxvi : « Ses fondements sont sur les montagnes saintes », pour marquer que la sainteté de la Vierge commence 1 » où exjiire celle des âmes les plus élevées. Ile mvsteriis yitæ Chiisti. Disp. IV, s. I, n. li, éd. Vives, t. XIX, p. 67. Etant donnée l’intensité de son amour et l’ardeur de son élan vers Dieu, le progrès de sa vie intérieure échappe à toute conception. Ce ne sont point là vaines rêveries, mais déductions solides, de prémisses appuyées sur l’Evangile. Nous ne saurions les poursuivre, mais nous renverrons aux auteurs qui, de nos jours, ont essaj’é d’éclairer ces persjjeetives inlinies, par exemple, Terrien, La Mère de Dieu, t. II, 1. VII, p. lyi-Sii. Plus brièvement, de la Broise, La Sainte Vierge, c. xii, p. 226 sqq.

Si l’on entre dans ces pensées, on ne sera point porté à réprouver les manifestations de la piété envers Marie, comme une concession faite par la divine Providence à la dureté de cœur des hommes (expressions de J. IJ. Mayor, art. Mary, dans Dictionary of tlie Bible, éd. Hastings, t. III, col. 292 B) ; bien plutôt y verra-t-on l’expression d’un sentiment très délicat et très Juste, qui proportionne l’hommage au mérite, sans perdre de vue la distance qui sépare la créature du Créateur.

A. d’Alès.