Dictionnaire de Trévoux, 1771/Économie

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 555-556).
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☞ ÉCONOMIE, s. f. Œconomia, du Grec Οἰκονομία sage conduite ; ou bien de οἶκος ; maison, & νόμος, loi. Sage & prudent gouvernement d’une maison ; règle qu’on apporte dans la conduite d’un ménage, dans la dépense d’une maison.

☞ Dans cette acception, le mot d’Economie est relatif à l’usage qu’on fait de son bien : c’est une juste dispensation du bien que l’on a ; un emploi convenable de ses fonds, un moyen industrieux de les perpétuer, pour être toujours à portée de ne pas diminuer sa dépense, & même l’augmenter, en multipliant sans interruption le produit des sommes qu’on fait circuler avec honneur. Son grand art est de tirer parti de tout ce qui est entre ses mains, & de ne rien dissiper. Un prudent père de famille accroît ses biens par une prévoyante économie. Je n’approuve pas une économie triste qui se contente de satisfaire aux besoins, & ne donne rien au plaisir. S. Evr. Un avare déguise son avarice sous le nom honnête d’économie.

Économie rustique. C’est l’art de tirer le plus grand avantage possible des biens de la campagne.

Économie, se dit aussi du bon usage qu’on fait de son esprit, & de ses autres qualités : de la prudence à les bien placer, ou à les bien ménager. Œconomia, prudens administratio, Ce n’est pas assez d’avoir de grandes qualités, il en faut avoir l’économie. La Roch. Ménagez vos talens avec économie : autrement ils deviendront fades, si vous les mettez à tous les jours. Bell. Il faut de l’économie dans les plaisirs : l’ame s’ennuie d’être toujours dans la même assiette. S. Evr. Epicure voulut que la sobriété fût une économie de l’appétit. Id. Cet ouvrage demande un homme, qui, par une étude assidue & une sévère économie de son temps, se soit rendu familier le style des Pères. Mém. de Trév.

☞ On le dit, à-peu-près, dans le même sens, d’une conduite réglée sur les circonstances du temps, du lieu & des personnes. Sage tempérament. Le Prince de Condé fit voir qu’il avoit une parfaite intelligence de l’Economie Militaire, & combien la prévoyance est nécessaire à un Général. Sar. L’Eglise souffre quelquefois les scandales par économie.

☞ Ce mot, dans une signification plus étendue, se dit, au figuré, de l’ordre par lequel un corps politique subsiste principalement. Renverser toute l’économie d’un État.

Économie Légale. Legalis. C’est la manière dont Dieu jugea à propos de conduire son peuple, par le ministère de Moïse. Elle comprenoit non-seulement les lois politiques & cérémoniales, mais aussi la loi morale, en tant qu’elle prononçoit malédiction contre tous ceux qui ne l’accompliroient pas parfaitement. L’économie légale n’avoit pas la force de sanctifier les hommes.

Économie Evangélique, Evangelica, se dit par opposition à l’économie légale, & renferme tout ce qui appartient à l’alliance de grâce que Dieu a traitées avec les hommes par Jésus-Christ.

On appelle en Pologne, Économies Royales, les biens affectés pour l’entretien de la Maison du Roi.

Économie, se dit encore, au figuré, de l’ordre, de la juste disposition des choses, de l’harmonie qui est entre les différentes parties, ou les différentes qualités d’un corps physique. On le dit de même de la disposition d’un dessein, de la distribution d’un discours, du plan, de l’ordre, de la proportion d’un bâtiment. Harmonia. Voyez Harmonie. C’est une chose admirable que l’économie & la disposition des parties du corps humain, & de voir comme chacune fait régulièrement ses fonctions.

Économie animale. Termes impropres, dont on se sert quelquefois pour désigner l’animal même. De-là ces façons de parler abusives, mouvemens, fonctions de l’économie animale. À parler exactement, cette dénomination ne regarde que le méchanisme, l’ordre, l’ensemble des fonctions & des mouvemens qui entretiennent la vie des animaux, dont l’exercice parfait constitue l’état de santé, dont le moindre dérangement est par lui-même maladie, & dont la cessation est la mort. C’est dans ce sens qu’on dit, mouvemens, lois de l’économie animale.

L’économie d’un bâtiment est l’art de ménager le terrein, & de distribuer les appartemens de la manière la plus convenable & la plus commode. L’économie d’un tableau. L’économie du dessein. Une belle économie.

Ce mot, dans ce sens, s’applique aux mystères de la Religion, & aux matières de la Théologie ; & on appelle économie, la disposition des choses que la Providence a faites concernant l’incarnation du Verbe, & ce que Jesus-Christ a fait sur la terre pour sauver les hommes. Ce mot est pris de l’Ecriture, où S. Paul appelle cette conduite de Dieu Οἰκονομία, que S. Jérôme a traduit par dispensatio. Voyez Ephes. I. 10. III. 29. Coloss. I. 25.