Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ALAMBIC

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 206).
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ALAMBIC, s. m. Terme de Chimie. Vaisseau qui sert à distiller. Vas distillandis succis, Alambix. Dans sa signification étroite, c’est un vase rond, élevé en pointe vers le haut, & plus large vers le bas. Il a en dedans un rebord courbé & assez large pour recevoir les liqueurs ; ce rebord est percé pour laisser écouler la liqueur, laquelle sort par un long bec, ou tuyau, & tombe dans un autre vaisseau, qu’on appelle le récipient. Ce vase, ou alambic, est adapté à un vaisseau qu’on appelle la cucurbite, & dans lequel on met la liqueur qu’on veut distiller. La force du feu éleve de la liqueur contenue dans la cucurbite des vapeurs qui sont reçues dans l’alambic ; & là elles se condensent, soit par la froideur de l’air extérieur, soit par l’eau qu’on y applique extérieurement, & se convertissent en liqueur, laquelle s’écoule dans le récipient par le bec de l’alambic. Comme ce vaisseau ressemble un peu à une chapelle à l’antique, on l’appelle chape, chapelle, ou chapiteau. Quelquefois on met autour de ce chapiteau une espèce de bassin rempli d’eau fraîche, qui sert à condenser & à résoudre les vapeurs qui s’élevent de la cucurbite. Quelquefois le bec de l’alambic est joint & uni à un tuyau entortillé, qui, à cause de cela, s’appelle serpentin, & qui passe à travers un tonneau plein d’eau froide, & que l’on a soin de rafraîchir à mesure qu’elle s’échauffe. En ce cas on se sert plus communément d’une chape étamée, en forme de tête, qu’on appelle Tête de more, autour de laquelle il n’y a point de réfrigérant. Mais le mot alambic, dans sa signification plus étendue & plus générale, comprend toute la machine qui sert à distiller, c’est-à-dire, la cucurbite, le chapiteau, &c. Il y a différentes sortes d’alambics : un alambic ouvert, lequel est composé de deux pièces séparées ; la cucurbite, & le chapiteau : un alambic aveugle, composé d’un chapiteau posé, & scellé hermétiquement sur la cucurbite, &c. ☞ Il y a des alambics de cuivre, il y en a de verre, & d’autres de terre. Mettre une chose à l’alambic. Tirer à l’alambic, par l’alambic, passer par l’alambic.

On dit figurément, qu’une proposition, qu’une affaire a passé par l’alambic ; pour dire, qu’elle a été bien discutée, bien examinée, qu’on en a tiré toute la substance. Res diù multùmque agitata.

Ce mot vient de l’article arabe al, & du mot grec Ἂμβιξ, qui est une espèce de vaisseau de terre, dont parlent Athénée & Hésychius, Ménage, après Casaubon, & Vossius. Guichard tire outre cela Ἂμβιξ de l’Hébreu ; car, selon lui, il a été formé de אבוק, qui est interprété Fistula, Canna per quam aqua fluit in balneum, c’est-à-dire, tuyau, canal par lequel l’eau se rend dans un bain ; Mais Mattheus Sylvaticus, dans ses Pandectes de Médecine, dit que ce mot est arabe, & signifie la partie supérieure du vaisseau distillatoire. Il a raison ; on le trouve dans Avicenne אלאגבוק alambic, pour signifier alambic, vaisseau distillatoire. Ce mot vient du verbe נבק, Nabaka, qui a la huitième conjugaison אנבק Inbaca, signifie eduxit, elicuit, il a tiré ; d’où se forme le nom אגבוק Anbic, ou Enbic, & avec l’article אלאגבוק, alanbic, ou alenbic, d’où nous avons fait alambic, en changeant l’n en m, sans rien changer au son, ni à la prononciation. C’est aussi le sentiment de M. d’Herbelot.