Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ALLER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 238-241).
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ALLER. v. n. Se transporter d’un lieu à un autre, soit par son propre mouvement, soit par le secours d’une voiture. Ire, pergere, vadere, proficisci. Allons à l’église, au sermon. Il est allé en voyage. Il est plus sûr d’aller par terre que par mer. Le verbe aller est le seul irrégulier de la première conjugaison. Il se conjugue ainsi : je vais, ou je vas, tu vas, il va. Nous allons, vous allez, ils vont. Il a à l’imparfait j’allois : au prétérit, je fus, j’ai été, je suis allé : au futur j’irai. Dans le subjonctif, il a que j’aille, pour le présent : j’irois, j’allasse, pour l’imparfait : que je sois allé, que j’aie été, pour le prétérit : je serois allé, je fusse allé, j’aurois été, pour le plus que parfait : je serai allé, j’aurai été, pour le futur. Dans l’impératif : on dit va, qu’il aille, allez, qu’ils aillent.

Il seroit trop long de rapporter ici les diverses occasions où il se faut servir tantôt de l’un, & tantôt de l’autre des prétérits de ce verbe. On peut consulter pour s’en instruire tous ceux qui ont fait de nouvelles remarques sur la langue Françoise. On dira seulement, que quand on veut exprimer que quelqu’un est en chemin pour aller en quelque lieu, ou qu’il est dans ce lieu-là, il faut dire qu’il est allé : mais si l’on veut exprimer qu’il est de retour, il faut dire, il a été. Il est allé à Rome ; pour dire, il est à Rome, ou en voyage pour y aller. Il a été à Rome, pour dire, il en est de retour, ou il en est parti. Il faut dire encore pour parler régulièrement : il alla trouver son ami ; & non pas il fut trouver son ami. On dit, le courier est allé de Paris à Rome en dix jours ; & il est venu de Rome à Paris en huit jours. Il est bon de remarquer cette différence. Ménag.

☞ Il faut encore observer qu’on met un s après l’impératif va, quand il est suivi de la particule y. Ainsi l’on dit vas-y, pour éviter l’hiatus que causeroit la rencontre des deux voyelles. Cependant s’il se trouve un verbe après la particule y, on ne met point d’s après va. Tes affaires vont mal ; va y mettre ordre.

☞ Autrefois le verbe aller se joignoit avec les gérondifs des verbes, soit en vers, soit en prose, desorte que tous deux ne signifioient que la même chose que le gérondif. Ainsi l’on disoit qu’un ruisseau va serpentant. Cet homme va disant par-tout. Il les alloit chassant comme des troupeaux de moutons. Ces façons de parler ne sont plus que du discours familier. On dit qu’un homme s’en va mourant ; pour dire, qu’il est sur le point de mourir.

Aller, exprime quelquefois le mouvement de certaines choses vers quelque endroit. Toutes les rivières vont à la mer. Les nuages vont de l’orient au couchant. Tendere, deferri, moveri.

Aller au combat, c’est s’avancer pour combattre. Aller à l’ennemi, s’avancer pour le charger : ce qui paroît supposer que les deux armées sont en présence. Aller au feu, en termes de guerre, s’exposer à essuyer le feu des ennemis. On dit familièrement d’un homme brave, qui s’y expose de bonne grâce, qu’il va au feu comme à la nôce.

Aller aux opinions, aux avis, c’est les recueillir. Suffragia cogere. Aller au conseil, consulter, demander conseil. Consulere. Aller au devin, consulter le devin.

Aller à quelqu’un, quand il s’agit de choses qui sont de sa compétence, de sa juridiction, qui dépendent de son autorité, c’est s’adresser à lui. Il faut aller à l’Evêque pour obtenir des dispenses. Il faut aller au Roi pour telle chose.

Aller, se dit aussi en parlant de la manière dont on se meut. Aller vite, aller bon train. Pleniore gradu incedere. Aller lentement, à pas de tortue. Testudineo gradu. Aller devant. Anteire. Aller après. Subsequi.

Aller bon train, avancer beaucoup en peu de temps, se dit au propre & au figuré, d’un homme par exemple qui fait fortune en peu de temps, d’un auteur qui compose aisément, qui met peu de temps à composer un ouvrage, d’un orateur qui prononce un discours fort vite : alors il est du style familier.

☞ On dit aussi qu’un homme va à pied. Incedit pedes. Aller à cheval. Equitare, equo vehi. Aller en chaise. Gestatoriâ sellâ vehi. En carrosse. Rhedâ. En litière. Lecticâ, &c.

☞ En termes de Manége, on dit en parlant des allures d’un cheval, aller le pas, l’amble, le trot, le galop, &c. Asturco, gradarius, solutarius, succussator equus. Voyez ces mots.

Aller étroit, c’est s’approcher du centre du Manége. Aller large, s’en éloigner. Aller par surprise.

Aller par surprise, c’est se servir des aides, de façon qu’on surprend le cheval au lieu de l’avertir. Aller à toutes jambes, à toute bride, c’est pousser le cheval aussi vite qu’il peut aller.

☞ On dit d’un cheval, qui boîte, qu’il va à trois jambes ; & de celui qui fait une inclination de tête à chaque pas, qu’il va de l’oreille.

☞ En termes d’Escrime, aller à l’épée, c’est faire des mouvemens trop précipités avec son épée pour trouver celle de son adversaire. L’escrimeur qui va à l’épée, en voulant parer un coup, en découvre un autre.

Aller, joint avec les infinitifs des verbes, sert quelquefois à marquer qu’on se met en mouvement pour faire une chose, quelquefois qu’une chose est sur le point d’être faite. Dans la première acception on dit, nous allons nous promener. Allons travailler, allons étudier. Dans la seconde, un tel va partir. Ce malade va mourir. Le jour va finir.

Aller, en parlant de certaines choses artificielles, sert à marquer leur mouvement & leur effet. On fait aller un moulin. Une montre va bien ou mal. Cette pendule va huit jours. Ce ressort ne va pas.

Aller, en parlant du temps, est synonyme de s’écouler. Effluere. Rien ne va plus vite que le temps. Il sert aussi à marquer la durée du temps qu’on emploie à faire quelque chose. Son discours n’ira qu’à une heure. Cet ouvrier va lentement. Cet ouvrage est allé fort vîte.

Aller, servant à marquer l’étendue de certaines choses. Cette montagne va jusqu’aux nues. La forêt va jusqu’à tel endroit. Sa robe va jusqu’à terre.

Aller, servant à marquer la manière dont une chose est figurée. Cette pyramide va en pointe. Desinit in. Une allée qui va en pente. Declivis. Un chemin qui va en tournant. Tortuosus.

Aller, servant à marquer où conduit, où aboutit un chemin. Ce chemin va à la ville. Ducit.

Aller, en matière de comptes, de supputations, est synonyme de monter ou se monter. Sa dépense ira plus loin qu’on ne l’avoit cru. Major erit. Les nouvelles levées vont à plus de vingt mille hommes.

Aller, est aussi employé, tant au propre qu’au figuré, pour marquer le progrès en bien ou en mal, des personnes & des choses. Il n’y a qu’un esprit pénétrant qui puisse aller jusque-là. Pertingere. On dit d’un homme, qu’il ira loin dans les sciences, dans les arts. Progressus facere. Une chose va de mal en pis. In pejus ruere. La santé va de mieux en mieux. Une maison va en décadence. Je n’eusse jamais cru que le luxe & la vanité dussent aller jusque-là. Boil. Eò procedere.

Aller, synonyme d’aboutir. Tous ses vœux vont à la paix. Son entreprise est allée en fumée. In tenuem auram evanuit.

Aller au bien, c’est y tendre, l’avoir pour objet. Tendere, contendere. Heureux l’homme qui va à la gloire par le chemin de la vertu !

Aller, servant à marquer la façon d’agir dans certaines circonstances, la manière de se conduire, d’employer certains moyens. Dans les affaires importantes il faut aller avec prudence. Prudentiam adhibere. Un honnête homme va droit dans les affaires. Un homme éclairé va au fait. La médisance y va plus doucement.

☞ On dit aller par les voies de droit, poursuivre en Justice. Jus persequi. Aller par les voies de fait. Voyez ces mots.

☞ On dit qu’une affaire ira loin ; pour dire, qu’elle aura des suites, qu’elle durera long-temps, qu’elle coûtera bien de la peine & des frais. Qu’un homme ira loin ; pour dire, que par son mérite, par ses talens, il fera fortune, il s’avancera dans le monde.

☞ En parlant de deux personnes qui s’échauffent un peu trop dans une dispute, on dit cela va trop loin, pourroit aller trop loin. N’allons pas plus loin. Cela n’ira pas plus loin : c’est-à-dire, on en demeurera .

Aller, servant à marquer l’état bon ou mauvais de certaines choses. Le commerce va bien, va mal. Sa santé va bien. Benè, bellè se habet. Cela va bien pour lui. Benè hoc habet illi. Cela tourne avantageusement pour lui. On dit familièrement, comment vous en va ?

Aller, en parlant des choses qui concernent l’habillement, la parure, sert à marquer la manière dont une chose est faite, mise ou disposée. Aptus, conveniens. Ce manteau va bien, va mal. On dit aussi qu’une chose va bien à quelqu’un, qu’elle lui va mal ; pour dire, qu’elle sied bien ou qu’elle sied mal. Cet habit vous va bien. Hæc te vestis decet.

☞ On dit à peu près dans le même sens, que deux choses vont bien ensemble ; pour dire, qu’elles conviennent bien ensemble. Ces deux couleurs vont bien l’une avec l’autre. Conveniunt.

☞ On le dit de même des choses qui sont faites pour s’accompagner, qui ne se vendent point séparément. Ces tableaux-la vont ensemble.

Aller de pair, être égal. Parem esse. Expression d’usage quand on compare la qualité, la dépense, le mérite des personnes. Ces deux maisons vont de pair pour la noblesse. Il va de pair avec les plus riches Seigneurs pour la dépense. Racine va de pair avec Corneille : personne ne va de pair avec Racine.

☞ Le mot aller est quelquefois surabondant, & s’emploie seulement par élégance, pour donner plus de force à l’expression. N’allez pas croire, n’allez pas imaginer. Dans ces phrases le mot aller ne s’exprime point en latin. Ne credas. Voyez où j’en serois, si elle alloit croire cela. Mol. Il n’est pas de la prudence d’aller attaquer à force ouverte les défauts qu’on a dessein de corriger. S. Evr.

☞ L’impératif de ce verbe sert également à faire des souhaits, des exhortations, des imprécations. Allez en paix. Allons, enfans, courage. Macti este pueri, Macti virtute este. Au singulier, Macte virtute esto ; Macte animi, ou animo. Macte hocce vino. Allons, va, de ce vin. C’est le vocatif de l’ancien Mactus, pour Magis actus. Va, malheureux, va, va-t-en au gibet. Crucem in malam abi, furcifer.

Aller, en termes de jeu, signifie mettre au jeu, provoquer les autres joueurs à coucher une pareille somme. Positâ ludere pecuniâ. On dit au berlan & au lansquenet, j’y vais de tant ; pour dire, je mets tant au jeu. Aux dez & à la bassette, il y va de tout son reste. Va tout.

On dit en termes de Vénerie, aller sur soi, se sur-aller, se sur-marcher, pour dire, revenir sur ses erres, sur ses pas, repasser par le même chemin. Decursum tramitem remetiri. Aller de bon temps, c’est-à-dire, qu’il y a peu de temps que la bête est passée, & alors on dit, les Véneurs alloient de bon temps, lorsque le Roi arriva. Aller d’assurance, c’est-à-dire, que la bête va au pas le pied serré & sans crainte. Aller au gaignage, c’est-à-dire, que la bête fauve, qui est le cerf, le daim & le chevreuil, va dans les grains, pour y viander & manger ; ce qui se dit aussi du lièvre. Aller de hautes erres, c’est lorsqu’il y a sept ou huit heures qu’une bête est passée. On dit, ce lièvre va de hautes erres. Aller en quête ; c’est quand le valet de limier va au bois pour y détourner une bête avec son limier.

En termes de Marine, on dit aller vent largue, c’est avoir le vent par le travers, ensorte qu’on ne soit point obligé de haler les boulines. Transverso vento navigare. Aller au plus près du vent ; c’est cingler à six quarts du rumb d’où il vient. Aller à la bouline grasse, ou à la grasse bouline, c’est se servir d’un vent éloigné du lieu de la route par un intervalle d’environ six rumbs. Aller proche du vent, ou aller à la bouline, c’est se servir d’un vent qui semble contraire à la route, & prendre ce vent de biais, en mettant les voiles de côté par le moyen des boulines. Obliquis ventis navigare. Aller au lof, c’est chercher l’avantage du vent, & la même chose qu’Aller au plus près du vent. Aller debout au vent, ou avoir le vent par proue, c’est aller contre le vent, ou à vent contraire, comme il arrive aux petits bâtimens. Adverso vento. Aller à la dérive, c’est aller de côté au gré du vent & de la marée, au lieu d’aller en droiture. Deflectere. Aller terre à terre, c’est ranger la côte, naviger en cotoyant le rivage. Terras radere. Aller à trait, & à rame, c’est aller avec les voiles, & avec les rames. Remis ventisque procedere. Aller à mats, & à cordes, c’est quand on a abaissé les vergues & les voiles, pour éviter la fureur du vent. Contractis velis ire. Aller à la sonde, c’est quand on se trouve dans un pays inconnu, ou dangereux, aller en sondant le fond. Ad bolidem navigare. Aller entre deux écoutes, c’est aller contre un vaisseau ennemi pour l’enlever. Hostilem navim invadere. Aller de flotte, c’est aller de compagnie. Conjunctis ire navibus. Aller en caravane ; c’est aller croiser sur les Turcs, & faire une campagne de mer. Navalem contra Turcas expeditionem moliri. Aller en droiture, c’est naviger en droite route, sans se détourner & sans s’arrêter. Rectà pergere. Aller en course, c’est croiser sur les vaisseaux du parti contraire. Mare infestum habere.

Ménage dérive ce mot de anare, qui a été fait de l’italien andare, qu’il prétend avoir été fait d’anduare, qu’on a dit pour andruare. Voyez ses raisons. Et en un autre lieu, il dit qu’il vient de ambulare, qu’on a dit pour proficisci. D’autres le dérivent de ala, parce que les ailes servent à aller plus vite, quasi ab alis ferri.

Aller, devient quelquefois impersonnel. Alors on y joint la particule y, & il sert à marquer la chose dont on parle, & de quelle importance elle est. Quand il devroit y aller de toute ma fortune. C’est une affaire où il y va de tout votre bien. Agitur de fortunis. Il faut prendre garde d’offenser Dieu, il y va de notre salut. Il y va de votre réputation. Vaug. Il y alloit de sa gloire. Ablanc.

☞ Dans cette acception, si l’on se sert du futur du subjonctif, on supprime la particule y, à cause de la rencontre désagréable de ces deux lettres. Quand il iroit de tout mon bien ; quand il iroit de ma vie, & non pas quand il y iroit.

☞ On l’emploie aussi impersonnellement avec la particule relative en. Il n’en va pas de cette affaire comme de l’autre ; pour dire, il n’en est pas ainsi.

Aller, signifie aussi faire ses nécessités naturelles. Alvum reddere. Aller à la garde-robe, aller à la selle. Le remède que ce malade a pris, l’a fait aller plusieurs fois. Alvum ducere, liquare. Aller par haut, c’est vomir. L’émétique fait aller par bas & par haut. Alvum vomitumque ciet. Aller à la selle avec beaucoup de vents. Alvum reddere cum mulco spiritu.

☞ On dit en ce sens, qu’un malade laisse tout aller sous lui ; pour dire, qu’il ne peut plus retenir ses excrémens. Alvus resoluta, fusior.

Se laisser aller, se dit des gens qui ne sont pas fermes de corps. Dejicere, demiettere ; & s’il est neutre, prolabi, flacescere, Laxo ac remisso esse corpore. Il laisse aller son corps, ses bras, sa tête en dansant. Il s’applique figurément aux choses spirituelles & morales. Il se laisse aller à toutes ses passions. Il se laisse aller à tout ce qu’on lui dit, pour dire, il est crédule, on fait de lui tout ce qu’on veut. On dit aussi, se laisser aller, pour signifier, ne pas résister, ne pas faire la résistance qu’on pourroit ou qu’on devroit faire. Permittere se, Parere, Morem gerere. Cette fille s’est laissé aller ; pour dire, qu’elle n’a pas résisté aux insinuations de son amant. Il se laisse aller aux pleurs comme une femme. Ablanc. Heureux l’homme qui ne se laisse point aller au conseil des méchans.

Aller, avec le pronom personnel, & la particule en, est réciproque, & signifie alors sortir d’un lieu. Abire. Il s’en va, arrêtez-le. Ils s’en sont allés. Ils s’en iront demain.

s’en aller, signifie s’écouler, dissiper, s’évaporer. Ce muid de vin s’en va ; pour dire, que le vin qui est dedans, s’écoule. Diffluere. Si votre fiole n’est pas bien bouchée, l’esprit de vin s’en ira.

Faire aller, façon de parler qui ne peut trouver place que dans la conversation, ou dans le style très-familier, signifie quelquefois, congédier, renvoyer. Dimittere. Faites en aller tout le monde. Quelquefois ôter, effacer, guérir. On vend des pierres pour faire en aller les taches des habits. Abolere, delere. Pommade pour faire en aller les rousseurs. Secret pour faire en aller les punaises. Recette pour faire en aller la fièvre.

s’en Aller, se dit encore des choses qui s’usent ou se consument de quelque manière que ce soit. Cet habit s’en va. Usu detrita est vestis. Son argent s’en va en procès. Absumi, consumi. Tout son temps s’en va à cette affaire.

☞ Dans le style très-familier, on dit qu’une chose s’en va faite ; pour dire, qu’elle est sur le point de finir, d’être achevée. Le sermon s’en va dit. La comédie s’en va finie. On dit aussi dans le même style qu’une chose s’en va commencer, s’en va finir ; pour dire, qu’elle commencera ou finira bientôt. Le sermon s’en va commencer, s’en va finir. Il s’en va onze heures. Il s’en va midi.

☞ Au jeu des cartes, On dit s’en aller d’une carte ; pour dire, l’écarter, ou s’en défaire. Abjicere, dimittere. Il s’en est allé d’un roi. Je m’en suis allé de tous mes carreaux.

s’en Aller. Terme de Trictrac. S’en aller, je m’en vais, allons-nous-en, sont les termes dont se sert un joueur, qui voyant que son jeu n’est pas si beau que celui de son adversaire, se dégarnit entièrement, remet les dames au talon, & oblige l’autre à en faire de même, pour recommencer de nouveau. L. S. Un joueur ne peut s’en aller que sous deux conditions. La première est qu’il ne peut le faire que lorsqu’il a assez de points pour marquer au moins un trou de son dé, & non pas du dé ou de la perte de son adversaire, Id. S’en aller d’accord. Il arrive souvent qu’après avoir commencé un retour, les deux joueurs conviennent ensemble de s’en aller au premier trou ; souvent même dans le jeu ordinaire, lorsque les avantages paroissent égaux, & qu’on craint mutuellement le retour, on permet à celui qui fait un trou de points donnés, ou d’écoles, de s’en aller contre la règle générale. Cela est permis ; celui qui s’en va de la sorte, joue le premier à la reprise suivante ; mais on doit éviter ces façons de s’en aller. Id. Lorsqu’on veut s’en aller, il faut dire, je m’en vais, avant de rompre son jeu, ou du moins en le rompant. Tr. du Trictrac. Il n’est pas permis de s’en aller après avoir dit je tiens, ni de tenir après avoir dit je m’en vais. Ib. Celui qui veut s’en aller, ne doit pas jouer son bois, autrement il ne peut plus s’en aller. Ib. Qui s’en va, perd tous les points qu’il a de reste.

Aller, est quelquefois substantif. L’aller ne me coûte rien, il n’y a que le retour. ☞ Au long aller petit fardeau pese, pour marquer, qu’il n’y a point de charge, quelque légère qu’elle soit, qui ne devienne fâcheuse à la longue. Marot a aussi employé cet infinitif substantivement.

Le temps (pour vrai) efface toutes choses
Au long aller mes tristes encloses
Effacera.

☞ On dit aussi le pis aller ; pour dire, le pis qui puisse arriver. Quod deterius contingere potest. Alors il s’emploie ordinairement avec les pronoms personnels. S’il ne réussit pas dans son entreprise, son pis aller sera de demeurer comme il est. Si vous ne trouvez pas mieux, je serai votre pis aller.

☞ On dit aussi adverbialement, au pis aller. Au pis aller, j’en serai quitte pour une reprimande.

Aller, se dit proverbialement en ces phrases. Aller son chemin, poursuivre son entreprise. Aller son grand chemin, sans détour, sans artifice. On dit qu’un homme sait aller & parler ; pour dire, qu’il est éclairé, qu’on peut lui confier quelque affaire. On lui a donné l’aller & le venir ; pour dire, un soufflet sur chaque joue. On dit encore à force de mal aller, tout ira bien, quand on espère quelque révolution, quelque événement heureux qui fera changer la face des affaires. On dit aussi il y va de cul & de tête, comme une corneille qui abat des noix : il n’y va que d’une fesse ; pour dire, qu’il agit mollement & lentement. Cela est comme le Bréviaire de Messire Jean, il s’en va sans dire, en parlant de quelque chose qu’on doit sous-entendre. Cela va comme il plaît à Dieu, en parlant d’une chose dont on néglige la conduite. Cela ne va pas comme votre tête ; pour dire, cela n’ira pas comme vous pensez. On dit qu’un homme va vîte en besogne ; pour dire, qu’il expédie les affaires ; & quelquefois, qu’il y va à l’étourdie, & qu’il ne consulte pas assez. Allez lui dire cela, & puis allez vous chauffer à son feu ; pour dire, allez-lui reprocher en face sa faute. Toujours va qui danse ; pour dire, faire une chose bien ou mal. Tout son bien s’en est allé en eau de boudin, en brouet d’andouilles, à-vau-l’eau. On dit aussi, il va & vient comme un pois en pot ; pour dire, qu’il se donne beaucoup de mouvement sans sujet. Tout y va, la paille & le blé. On dit encore, on va bien loin depuis qu’on est las, il ne faut pas se décourager, se rebuter dans les affaires. Tout chemin vont à Rome, par différens moyens on arrive au même but. On dit qu’un homme n’y va pas de main morte ; pour dire, qu’il frappe de toute sa force. Qu’on l’a bien rangé à son devoir. On appelle aussi un las d’aller, un fainéant, un paresseux, qu’on a de la peine à faire travailler. On dit aussi, ce qui vient de la flûte, s’en va par le tambour ; pour dire, que le bien s’en est allé comme il étoit venu ; ce qui se dit aussi d’un bien mal acquis. Malè parta malè dilabuntur. Va-t-en voir s’ils viennent Jean, va-t-en voir s’ils viennent, qu’on prononce comme en chantant. Ce qui se dit d’une personne qui s’est esquivée, dont on n’attend plus le retour ; on le dit aussi d’une chose qui a été détournée. En allant doucement on va bien loin ; pour dire, que sans rien brouiller, ni se précipiter, on ne laisse pas de faire bien de l’ouvrage. Cet homme va comme on le mène, c’est-à-dire, est foible & ne fait rien de lui-même. Qui va trop loin se perd. M. de Coulanges a employé ce proverbe pour marquer qu’il ne faut rien entreprendre au-dessus de ses forces.

Sapho qui va trop loin se perd.
Je crains un labyrinthe :
Le chemin ne m’est point ouvert,
Pour aller à Corinthe.

Ces deux derniers vers sont encore un proverbe grec & latin qu’il a traduit en notre langue : Non licet omnibus adire Corinthum : ou comme Erasme l’exprime, sur le grec de Suidas qui le rapporte, Non est cujuslibet Corinthum adpellere. Il se dit aussi des entreprises difficiles : il étoit fondé sur la difficulté qu’il y avoit à entrer dans le port de Corinthe.

☞ ALLÉ, ÉE. part.

ALLER. s. m. ALRE. s. f. Rivière de la basse-Saxe, en Allemagne. Allera, ou Alerus. Elle a sa source dans le duché de Magdebourg, traverse celui de Lunebourg, & se décharge dans le Weser, au-dessous de Ferden.