Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AMBRE

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(1p. 276-279).
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AMBRE. s. m. Autrement Karabé, ou Carabé, ou Succin. Succinum, Lyncurium, Electrum, Crysolectrum, Karabé. Il y a eu jusqu’ici bien des sentimens différens sur l’ambre. Selon Pline, c’est une résine qui découle des pins, ou des sapins ; & selon d’autres, elle vient des peupliers, & c’est ce qui lui a fait donner par les Anciens le nom de Succinum. La fable dit que c’est la matière des larmes des sœurs de Phaëton. L’on a crû que c’étoit une concrétion des larmes d’un oiseau, ou l’urine d’un animal qui s’appelle Lynx. D’autres ont dit qu’il venoit d’un lac appelé Céphiside, voisin de la mer Atlantique ; & que son limon échauffé du soleil produisoit l’ambre. Et d’autres, que c’est une congélation qui se trouve dans la mer Baltique, & dans quelques fontaines, où il nage comme une espèce de bitume. Agricola est de ce sentiment. Mais enfin l’on connoît aujourd’hui la véritable nature de l’ambre. C’est une substance bitumineuse, d’un goût résineux, & un peu acre, d’une odeur d’huile de thérebentine, lorsqu’on en frotte des morceaux les uns contre les autres, un peu désagréable étant brûlée, communément jaune & transparente, quelquefois opaque, quelquefois rouge, & quelquefois blanchâtre, ou plutôt pâle, & qui étant échauffée par le frottement attire les brins de paille. Comme le Karabé, ou Carabé se ramasse sur les côtes de la mer Baltique, & sur-tout celles de Prusse, on a cru que ce bitume étoit d’abord formé dans la mer, qu’il y couloit par des sources souterraines, & qu’il étoit jetté sur les côtes par les vagues. Mais on s’est détrompé de cette erreur, en fouillant à quelque distance de la mer ; car on y a trouvé du Karabé pareil à celui qu’on ramasse sur la côte. Certains indices font découvrir les endroits où se peut trouver ce bitume. La surface de la terre y est couverte d’une pierre tendre qui s’écaille facilement. Le vitriol y est aussi commun, tantôt blanc dans les terres noires, tantôt réduit en matière semblable à du verre fondu, & tantôt figuré de manière qu’on diroit que ce sont des morceaux de bois pétrifiés, parmi lesquels il s’en trouve de très-considérables. Où ils sont fréquens, c’est marque qu’il y a abondance de Karabé, & on ne manque guère de le trouver renfermé dans ces bois vitrioliques. Il y a lieu de soupçonner que la Prusse, & les autres pays qui donnent du Karabé, sont abreuvés d’une matière bitumineuse qui se congèle & se fige en morceaux, ou en petites miettes, à proportion de la quantité de cette partie grasse & bitumineuse, & des sels vitrioliques qui sont plus ou moins dégagés. Voici comment Hartman raisonne sur la formation de l’ambre. Le terroir de la Prusse est tout bitumineux, & plein par conséquent d’exhalaisons bitumineuses répandues de tous côtés dans son sein ; la chaleur souterraine les rassemble & les réunit en gouttes. Ce terroir étant plein aussi, non-seulement de vitriol, mais encore d’alun de Mars, de nitre & d’autres sels, comme les lessives le démontrent, la chaleur naturelle pénétrant de même ces sels, elle entraîne des exhalaisons avec soi, & les mêle aux gouttes bitumineuses qu’elle a formées ; les pointes de ces sels mêlés au bitume, en fixent la fluidité. Et c’est ce mélange qui fait l’ambre, lequel est plus ou moins pur, brillant, & ferme, de bonne odeur, selon la pureté & la proportion de ces parties de bitume & de sels. L’ambre qui se trouve dans la mer se produit de la même manière dans les montagnes, ou collines de la mer, c’est-à dire, dans les bans & les grèves. La mer venant dans la suite à les bouleverser, elle en tire l’ambre, & le jette sur les côtes. Il se peut faire aussi qu’une partie du Karabé qui se ramasse sur la côte est tombée des falaises dans la mer, & qu’il en est rejetté ensuite par le mouvement de ses flots.

Pour tirer l’ambre de la terre, l’on a un louchet emmanché au bout d’un long bois. On l’enfonce dans la terre pour sonder les endroits où il y a quelques couches de bois ; quand on l’a senti, on racle ce bois, & l’on reçoit sur le louchet panché les morceaux d’ambre. Ce n’est que depuis l’Electeur Frédéric-Guillaume qu’on fouit les montagnes & les falaises pour suivre les veines que l’on trouve, quand la nature du terroir le permet ; comme en celles d’Eross, Gubuicken, Eckoss, Dirsschkeim, Warnicken, Strobschnec, & Palming. L’antiquité, si l’on en croit Hartman, n’a point su tirer l’ambre de la terre. Cependant Philémon dit qu’en deux endroits de Scythie, l’ambre se fouit en terre.

Les morceaux d’ambre prennent toutes sortes de figure dans la terre ; celle d’une poire, d’une amande, d’un oignon, d’un pois, &c. On y trouve des lettres marquées, & quelquefois même des caractères arabes, ou hébreux. M. Hartman en a une qui représente un vieillard tenant un enfant entre ses bras.

Il se trouve des morceaux de Karabé qui renferment des insectes, des feuilles, des morceaux de bois, &c. Ce ne peut être que parce que cette matière a pu être fluide, ou parce qu’étant exposée au soleil dans les falaises, elle s’y est amollie, & y est devenue comme une glu qui a enveloppé les herbes, les insectes, & autres corps sur lesquels elle a passé. M. Hartman croit que ces animaux s’étoient retirés pendant de mauvais temps dans de petits trous de falaises, ou des montagnes, dans lesquels la vapeur bitumineuse venant à pénétrer, elle les a enveloppés ; mais il remarque qu’il y en a beaucoup qui ont été mis dans des morceaux d’ambre après coup & par art. On les connoît en ce que ceux-ci sont au milieu de l’ambre, & les autres plus près de la superficie : outre cela, quand l’ambre où ils sont enclavés, est pur, solide, & sans fente, c’est un signe que c’est l’art & non la nature qui les y a placés. Les bois, les graines, les pailles, les feuilles, les fleurs, l’eau, &c. que l’ambre renferme souvent, se sont aussi trouvés dans ces petits trous, où l’exhalaison bitumineuse a été poussée, & s’est formée en ambre par le mélange des sels dont nous avons parlé.

Quoique l’ambre se tire de la terre, ce n’est point un minéral, car il n’est ni ductile, ni fusible. Il approche plus du bitume & du soufre. Sa dureté le fait mettre au rang des pierres, & son éclat au rang des pierres précieuses.

Ce qu’on ramasse de Karabé sur les côtes de la mer Baltique, dans les états du Roi de Prusse, fait à ce Prince un revenu considérable. La Prusse n’est pas le seul endroit où l’on trouve du Karabé : on en ramasse sur le bord du Pô, sur les côtes de Marseille, en Provence. M. Hartman, non-seulement révoque ce fait en doute, aussi-bien que tout ce que l’on a dit de l’ambre d’Asie, d’Afrique, & d’Amérique ; mais il le traite même de fable. Il soutient qu’on n’en trouve qu’en Pologne, en Silésie, en Bohème, mais rarement ; plus souvent en plusieurs endroits de l’Allemagne septentrionale, de Suède, de Danemarck, de Jutland, du Holstein ; plus encore sur les côtes de Samogitie, de Curlande, de Livonie, où il s’en trouve aussi dans la terre ; mais qu’en nul endroit, ni la mer, ni la terre, n’en fournissent tant qu’en Prusse, dans le pays appelé Sambie, depuis Nève Tiff jusqu’à Vrantz Vrug ; & après la Prusse, en Poméranie, sur-tout depuis Dantzic jusqu’à l’île de Rugen. Quoi qu’il en soit, les plus beaux morceaux viennent de la mer Baltique : le Roi de Prusse en a de très-belles pièces, & conserve plusieurs ouvrages faits de cette matière. On a vu à Paris un morceau d’ambre jaune d’un pied & demi de haut, taillé en crucifix avec les figures de la Sainte Vierge & de Saint Jean. Comme le Karabé est moins friable que les résines des arbres, on le tourne pour en faire des colliers, des pommes de canne ; on en fait aussi différentes figures, en y ajoutant à propos deux ou trois nuances de Karabé, afin que les parties que ces figures représentent puissent être distinguées les unes des autres. On colle si proprement ces pièces de rapport, qu’on auroit peine à les croire collées sans la diversité de leurs couleurs.

Les habitans des côtes où l’ambre se trouve en plus grande abondance, ont remarqué, que tous les animaux terrestres, volatiles & aquatiques, en sont fort friands. De-là vient qu’on en trouve très-souvent dans leurs excrémens, ou dans leurs corps quand on les ouvre.

Les propriétés de l’ambre sont d’attirer les corps étrangers ; ceux même, dit Hartman, avec lesquels les Anciens ont cru qu’il avoit de l’Antipathie, comme sont le Basilic, les corps huileux & humides, & les gouttes d’eau. Il attire même une petite sueur à la partie du corps où on l’applique. Rehault explique la cause de cette qualité attractive, Part. IIIe ch. 8, Phys. Hartman l’attribue à des particules huileuses qui sortent de l’ambre. Son odeur vient de la même cause ; elle est différente selon ses différentes couleurs.

Le Karabé est employé dans des suffumigations pour dissiper des fluxions, & en poudre comme un altérant, absorbant, adoucissant & astringent. Dans un temps de peste, les ouvriers qui travailloient l’ambre, Electrotorentæ, n’en furent point attaqués à Konisberg. Il chasse le mauvais air, & jamais on n’en sentit aux côtes de Sudavie, d’où on le tire en abondance. Pris en poudre, il est diurétique, il chasse la pierre, il excite les mois des femmes. Il a les mêmes effets, mais avec moins de force, quand on le prend en poudre dans le vin chaud où il a bouilli. En Médecine le blanc est le meilleur, parce qu’il a plus de sels. En pilules il est diurétique, & consume la pituite & les humeurs superflues. Il s’emploie avec succès dans les emplâtres céphaliques, diaphorétiques, & stomachiques, & sur-tout contre la paralysie, l’apoplexie, l’épilepsie & la gangrène.

On en tire une huile fœtide par la distillation, & un sel volatil, huileux & acide. Hartman ajoute, qu’il a trouvé un baume d’ambre qui a plutôt, plus sûrement & plus agréablement tous les mêmes effets que l’ambre, ou préparé, ou employé sans préparation. Il explique aussi les propriétés du bois vitriolique qui produit l’ambre dans la terre, & les épreuves chimiques auxquelles il l’a mis.

Kerkring a trouvé le moyen, sans ôter la transparence de l’ambre jaune, d’en faire une enveloppe, ou plutôt un cercueil pour les corps morts. Peut-être a-t-il pensé aux Ethiopiens, qui ensevelissoient leurs morts dans du verre. Un Ethiopien bien noir sous un beau cristal de venise, feroit un bel émail, & encore quelque chose de plus beau dans une enveloppe d’ambre jaune. De Vig. Mar.

Comme le Karabé est ordinairement jaune, on l’appelle Ambre jaune ; & sous ce nom l’on comprend les autres espèces, qui ont des nuances plus ou moins claires, ou plus ou moins foncées.

Il y a de l’ambre factice, tant de l’ambre jaune que du gris. On trouvera la composition de l’un & de l’autre dans le Dict. Œconomique, au mot Ambre.

Ce mot, ambre, vient de l’italien ambra, dérivé de l’arabe ambar. Ménage, ou anbar, comme écrit d’Herbelot. On trouve ambar, & ambarum, dans la basse latinité. Voyez Bollandus, T. II, p. 290. Joannes de Janua le dérive d’ambrosia sans aucun fondement. On l’a aussi appelé Harpaga, du grec ἁρπάζω, rapio ; eò quod folia & vestium fimbrias & paleas rapiat.

On dit proverbialement de ceux aux habits desquels quelques pailles se sont attachées, parce qu’ils se sont assis en quelque endroit où il y en avoit, qu’ils ont le cul d’ambre, qu’il attire la paille.

Voyez sur l’ambre Hevelius Polonois, Schefferus Professeur Suédois, & Cœlius ; & les Transactions philosophiques. T. II, p. 473, & suiv. Il y a une Histoire de l’ambre en latin par Juste Klobius, Docteur de l’Université de Wittemberg. Mais celui qui a le mieux écrit sur l’ambre, & qui a découvert sa véritable nature, est un Médecin nommé Phil. Jacq. Hartman, dont nous avons deux ouvrages sur cette matière. L’un a pour titre, Succini Prussici Physica & Civilis Historia : il parut en 1677. Et l’autre, qui parut à Berlin en 1699. Succincta succini Prussici Historia & Demonstratio. On l’a inséré dans les Transactions Philosophiques N. 248, p. 5 & T. II p. 473.

Ambre gris. s. m. Ambarum. Ambra grisca. Drogue qui se fond à-peu-près comme la cire, d’une couleur tantôt gris de souris clair, tantôt cendrée, ou blanchâtre, tantôt mêlée de blanc, de gris & de jaune, & quelquefois noirâtre, d’une odeur très-douce, lorsqu’elle est étendue, ou mêlée parmi quelqu’autre drogue odoriférante ; car étant nouvelle, elle répand très-peu d’odeur. Elle se ramasse au bord de la mer dans différentes contrées, mais sur-tout aux Maldives. Il n’y a guère de voyageur qui n’ait parlé de l’ambre, & qui n’ait donné ses conjectures sur cette matière : il semble même que la plûpart aient pris plaisir d’en hasarder de nouvelles, soit afin de passer pour plus habiles observateurs, soit peut-être pour avoir le plaisir de contredire ceux qui en avoient écrit avant eux. On pourroit faire un juste volume, si on vouloit ramasser tous les différens sentimens, & les prétendues observations rapportées dans toutes les relations, & tous les raisonnemens qu’on y fait, souvent aussi peu solides que les observations sont peu sûres.

Les sentimens qui ont le plus prévalu chez les Naturalistes sont 1.o Que c’est l’excrément d’une espèce d’oiseau commun dans certaines îles, comme Madagascar, les Maldives, au rapport de quelques voyageurs ; & que ces excrémens se fondent à la chaleur du soleil, se réduisent en masse & sont entraînés par les vagues de la mer, qui vient flotter sur les rochers où ces excrémens se sont amassés. Ou bien, comme Barbosa rapporte l’avoir appris des Mores habitans des Maldives, où il se trouve beaucoup d’ambre, & de fort gros morceaux, les uns blancs, les autres bruns, & d’autres noirs ; ces excrémens exposés au soleil, à la lune, & au grand air, s’affinent sur ces rochers, d’où la mer les détache quand elle s’enfle. Ils ajoutoient que les baleines en avaloient plusieurs ; que c’étoient les noirs qui prenoient cette teinture dans le corps de ces animaux ; que les bruns sont ceux qui ont le plus long-temps flotté sur la mer ; & les blancs ceux qui n’y avoient pas été long-temps, & qu’ils estimoient davantage. Voyez le Recueil de Ramusio, Tom. I, fol. 313.

II. Certains Voyageurs disent que c’est excrément d’un poisson cetacée, parce qu’on a trouvé de l’ambre auprès de ces excrémens, ou qu’on en a tiré du ventre de ces poissons. Justus Klobius, en son Histoire de l’ambre, dit que ce poisson est une baleine, appelée la Trompe, parce qu’elle a sur la tête une trompe où il y a des dents longues d’un pied, & grosses comme le poing, & que c’est aussi dans sa tête qu’on trouve le sperma ceti. Le sentiment le plus commun est, qu’en effet c’est la baleine qui jette l’ambre. Cependant quelques Orientaux, au rapport de M. d’Herbelot, & en particulier les Persans, disent que c’est l’excrément du veau marin, agité par les flots de la mer, & cuit par l’ardeur du soleil. Quelques Africains, si l’on en croit Marmol, disent aussi que ce n’est pas la baleine qui jette l’ambre, mais un autre poisson nommé Ambracan, au rapport de Lonvillers. Quelques-uns se sont imaginés que l’ambre vient des crocodilles, parce que leur chair est parfumée. Mais on oppose à ces deux premiers sentimens, qu’on n’a point encore trouvé d’excrément qui pût se fondre comme de la cire. D’ailleurs, si c’étoit l’excrément de la baleine, il s’en devroit plus trouver aux plages où ces animaux sont en plus grand nombre, comme en Groenland, Spitsberg, &c. qu’aux endroits où ils ne vont point ; ce qui n’arrive pourtant pas, n’y ayant point de lieu où il se voie plus d’ambre gris qu’aux Maldives, à Soffala, à Melinde, à Sarsume, au cap de Comorin, & en quelques autres lieux des Indes, où il n’y a point de baleines.

Le IIIe sentiment dit, que c’est une espèce de cire qui tombe des arbres, ou des rochers dans la mer, qui s’y déguise & devient ambre ; ou bien que ce sont des rayons de miel, qui étant recuits, avec le temps, se détachent des rochers, & tombent dans la mer, dont le sel & les flots agités achevent la digestion, & lui donnent la consistance où on le trouve. Ce sentiment est fondé sur ce qu’on a rencontré dans des pièces d’ambre des rayons de ruches, dont les alvéoles étoient encore remplis de miel & de mouches. Mais comment les flots de la mer agiront-ils, pour convertir une matière qui n’a aucune odeur, en une approchante de l’ambre ? Comment pourront-ils la faire changer, de manière qu’elle puisse pousser une odeur particulière, comme est celle de l’ambre ?

IVe sentiment. Plusieurs Orientaux, ainsi que le rapporte M. d’Herbelot, croient qu’il sort du fond de la mer, comme la Naphte sort de certaines fontaines. Ils ajoutent que ces sources d’ambre gris ne se trouvent que dans la mer d’Oman, entre le golfe Arabique, & le golfe Persique. Edrissi, qui est de ce sentiment, écrit dans le premier climat de sa Géographie, que l’on a trouvé des morceaux d’ambre gris sur les côtes de cette mer qui pesoient plus d’un quintal. Quelques-uns veulent que ce soit une espèce de champignon marin que la tempête arrache du fond de la mer, & qu’elle pousse au rivage ; car l’ambre gris ne s’y trouve qu’après une grande agitation des flots ; & c’est un présent que la mer ne fait aux hommes que dans sa colère. Bouh. Le rapport de cette matière à une plante n’est pas juste. Ve. Quelques-uns disent que c’est le sperme de la baleine. VIe. D’autres disent que c’est une écume de mer. VIIe. Quelques autres que ce sont des pièces d’îles, & des fragmens de rochers cachés en mer.

VIIIe. Isaac Vigny croit que c’est une viscosité maritime qui devient ambre étant séchée au soleil. IXe. D’autres soutiennent que c’est une terre spongieuse que l’agitation de la mer tire de dessus les rochers, & qui, comme elle est légère, surnage sur la superficie de l’eau. Paludanus & Linschoot prétendent que c’est une sorte de poix qui se détache insensiblement du fond de la mer, & se durcit aux rayons du soleil, de même que l’ambre jaune & le corail ; & l’Auteur des Ambassades de la Compagnie Hollandoise des Indes, croit que c’est l’opinion qui approche le plus de la vérité.

Xe. Enfin, le dernier sentiment enseigne que c’est une matière bitumineuse, & c’est le plus vraisemblable ; car, que ce bitume soit liquide, & qu’il coule dans la mer, ou qu’il tombe en masse, peu importe. Comme il est souvent en morceaux composés de plusieurs couches appliquées les unes sur les autres ; qu’il renferme des pierres, ou autres corps, & que les couches sont quelquefois remplies de quelques coquillages qui paroissent être d’une espèce de concha anatifera, ce qu’on a pris faussement pour des becs de perroquets ; on doit soupçonner qu’il a été liquide, ou qu’au moins il a dû se fondre, & couler sur ces corps à différentes reprises, embarrasser même avec eux des coquillages. On a apporté des Indes en Europe de fort gros morceaux d’ambre. Les Hollandois en ont long-temps conservé une des plus considérables pièces qu’on ait jamais vues.

Quelques Auteurs tiennent qu’il y a un poisson nommé azel, qui est fort friand de l’ambre gris ; desorte qu’il est toujours occupé à le chercher ; mais il n’en a pas sitôt mangé, qu’il en meurt ; & les pêcheurs voyant flotter ce poisson mort, tâchent de l’attraper, pour tirer de son ventre l’ambre qu’il a englouti. Le P. de Urreta, Liv. I de son Histoire d’Ethiopie, dit, que les baleines dans un certain temps de l’année mangent d’un fruit qui croît dans le fond de la mer, & qui ressemble à des fèves ; mais dont l’odeur est si forte & les vapeurs si violentes, qu’elles entêtent ces animaux & leur cause une espèce de fureur ; que pour se guérir, leur remède est de boire de l’eau douce ; qu’elles viennent en bande dans le fleuve appelé el Rio Negro ; qu’elles prennent de son eau, qui les fait vomir, & rendre tout ce qu’elles ont dans l’estomac avec tant d’impétuosité, qu’elles en poussent une partie jusque sur le rivage ; que ces ordures qui sortent de l’estomac de la baleine font l’ambre ; que comme on sait le temps où cela arrive, on dispose des gens proche de l’embouchure de ce fleuve, qui, les uns sur le bord du fleuve, les autres dans des barques, ramassent ce que ces animaux rejetent, en levant la tête au-dessus de l’eau ; que ces gens ont grand soin de se boucher le nez, parce que l’odeur est si forte, qu’elle les entêteroit violemment ; qu’ainsi l’ambre n’est autre chose que les ordures que vomit la baleine. Le P. d’Ouagli rapporte aussi ce sentiment dans son Histoire du Chili, où il assure qu’il s’en trouve une grande quantité, parce qu’il y a aussi une quantité prodigieuse de baleines.

l’Ambre gris se trouve en plus grande abondance sur les côtes de la Floride, qu’en aucune des autres contrées de l’Amérique. On en a aussi ramassé quelquefois sur les rades de Tabago, de la Barbade, & des autres Antilles. Lonvillers. Hist. nat. des Antilles, ch. 20. Le meilleur ambre gris se trouve dans l’île Mauricius, & se trouve communément après une tempête. Les pourceaux le sentent à une grande distance, & y courent comme enragés. Isaac Vigny, grand voyageur François, dit, qu’en une certaine côte il en trouva une si grande quantité, qu’on en eût pû charger 1000 vaisseaux. Il en prit une pièce qu’il vendit 1300 livres sterling. Mais on n’a pû retrouver ce lieu-là, quoiqu’on ait croisé sur cette côte six semaines durant. Christoval de Acosta, dans son livre De las drogas, rapporte après Orta, que des vaisseaux avoient trouvé une île entière d’ambre ; qu’ayant remarqué l’endroit, & y étant retournés, ils n’avoient plus rien trouvé, d’où ils avoient conclu qu’elle étoit flottante, dit le P. de Urreta, Liv. I. de l’Histoire d’Ethiop. ch. 29. où il rapporte encore que le même Acosta assure qu’il a vu un morceau d’ambre de la grandeur d’un homme, & un autre long de 90 palmes, & large de 18, & qu’en 1555 on trouva par le travers du cap de Comorin une malle d’ambre, qui pesoit quinze mille livres. L’Ambassade mémorable à l’Empereur du Japon, Part. II. pag. 90. parle d’un morceau d’ambre gris pesant 130 livres, que le Seigneur de Sarsuma vouloit vendre 14000 tails.

Ce qu’on nomme ambre blanc est quelquefois une variété de l’ambre gris, d’autres fois on entend le Blanc de la baleine, ou Sperma ceti. A l’égard de l’ambre noir, tantôt c’est le jayet, Cagates, tantôt une matière noire, grasse & odorante, que nos Droguistes nomment ambre noir, ambre renardé. Est-il naturel ou factice ? C’est ce que nous ne savons pas. Les Parfumeurs emploient le gris & le noir. L’ambre fortifie ; mais on n’oseroit à présent le mettre en usage, à cause que la plûpart des personnes en craignent l’odeur, & qu’elle leur cause des vapeurs. On fond l’ambre sur un petit feu, & on en fait des extraits, des essences & des teintures. On le mêle aussi avec d’autres aromates. Voy. Rumphius Cœsius, & les Trans. Philos. Tom. II pag. 490. On dit d’un homme qui sent bon, qu’il sent le musc & l’ambre. On dit aussi d’un homme fin, il est fin comme l’ambre.

Ambre. Espèce de Saule appelé Salix amerina. Ce mot n’est guère usité que dans le Lyonnois.

La prune d’ambre. Espèce de prune qui a la chair séche. La Quint. Elle est de celles qui ne quittent point le noyau. Id.

Ambre. Voyez Amber.