Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AMIRAL

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 295-297).
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AMIRAL. s. m. Grand Officier de la Couronne qui commande en chef les Armées navales d’un Etat. Maris Præfectus. Thalassiarcus, ou Architalassius. Rei maritimæ, ou classiaræ magister, Regiæ classis Prætor, Imperator : quelques-uns ont dit Neptunus Galliarum, & Duumvir classiarius. Ce dernier ne se peut dire du Grand-Amiral qui est seul, mais seulement quand il y a un Amiral du Ponant, & un du Levant ; de même qu’à Rome, des Duumvirs de la Flotte, l’un commandoit dans la mer de Toscane, Duumvir maris inferi, & l’autre dans la mer Adriatique, & étoit Duumir maris superi. Il y a eu autrefois un Amiral du Ponant, & un Amiral du Levant. L’Amiral d’Arragon, d’Angleterre, l’Amiral de Hollande, l’Amiral de Zélande, ne sont que des commissions. En Espagne on dit l’Amirante ; mais l’Amiral n’est là que le second Officier, qui a un Général d’Armée au-dessus de lui. L’Amiral en France porte pour marque extérieure de sa dignité, deux ancres d’or passées en sautoir derrière son écu. Il a droit de donner les congés tant en guerre qu’en marchandise. Il a le dixième des prises faites en mer & sur les grèves, & celui des rançons & des représailles, le tiers de ce qu’on tire de la mer, ou qu’elle rejette, le droit d’ancrage, tonnes & balises. L’Amiral n’a point de séance au Parlement, suivant l’Arrêt rendu à la réception de l’Amiral de Châtillon en 1551. Après qu’il eut prêté le serment ordinaire, le Premier-Président Gilles le Maistre lui dit, que comme Amiral il n’avoit point de séance au Parlement, mais que comme Gouverneur de l’Île de France il l’avoit, & que comme tel il pourroit prendre place. Les anciens Amiraux n’avoient point de Juridiction contentieuse : elle appartenoit à leurs Lieutenans ou Officiers de robe longue. Mais en l’an 1626, le Cardinal de Richelieu, en se faisant donner le titre de Grand-Maître & de Surintendant du commerce & de la navigation, au lieu de la charge d’Amiral qui fut alors supprimée, se fit attribuer l’autorité de décider & de juger souverainement de toutes les questions de la Marine, même des prises & du bris des vaisseaux ; desorte que les Juges de l’Amirauté n’ont plus en cette matière que la simple instruction. Le jugement s’en fait aujourd’hui au Conseil de la Marine, composé de Conseillers d’Etat. Quand l’Armée est licenciée, le vaisseau où aura été la personne du Roi, avec toutes ses armes & munitions, appartiennent à l’Amiral. Le premier Amiral en France fut Enguerrand de Coussy en 1284, selon Jean le Ferron, en son Traité des Amiraux. Il en compte 33 jusqu’à l’Amiral de Châtillon ; mais Du Tillet dit que le premier fut Amaury, Vicomte de Narbonne. La Popeliniere a aussi fait un Livre intitulé l’Amiral. C’est le Duc de Penthièvre qui est aujourd’hui (mil sept cent soixante-neuf) Amiral de France. Il fut pourvû de cette charge en 1734. Il y a eu quelquefois en France autant d’Amiraux que de régions maritimes. On fait mention surtout de trois, l’Amiral d’Aquitaine, l’Amiral de Bretagne, & l’Amiral de Normandie, qui fut depuis appelé Amiral de France : cette distinction est venue de ce que ces provinces étoient possédées par différens Souverains. La charge d’Amiral a été rétablie par le Roi en 1669, avec le titre de grand Officier de la Couronne. Le Roi alors se réserva le choix & la provision de tous les Officiers de guerre & de finance de la Marine, & accorda à M. l’Amiral que toute la justice de l’Amirauté se rendroit en son nom ; qu’il pourvoiroit de plein droit aux offices des Siéges des Amirautés ; qu’il jouiroit des droits des amendes, confiscations, du droit du dixième sur toutes les prises, du droit d’ancrage comme les Amiraux en ont joui, du droit de congé sur tous les vaisseaux qui partent des ports du royaume. Voyez sur la charge d’Amiral, ses droits, ses fonctions, &c. l’Ordonnance de François I de 1543, celles de Louis XIV, du premier Février 1650, du mois de Novembre 1669, du mois d’Août 1681, & c’est à cette dernière qu’il s’en faut tenir dans les choses en quoi elle est différente des autres.

Ce mot vient du grec ἁλμυρὸς, qui signifie salure ou saline, comme qui diroit, Maître des salines, ou de la mer, qu’on appelle en latin salum. Nicod. Les Grecs nommoient les Capitaines de mer Almiraux. Covarruvias dit que selon Léon d’Afrique ce mot est Arabe, & qu’il signifie Capitaine général de l’Armée. D’autres disent que ce mot vient de l’Africain Amiras qui signifie Prince. Nébrissensis dit qu’en arabe ce mot signifie Roi. D’autres Auteurs tiennent que ce mot vient du grec ἅλμη, qui signifie eau salée, & de ἀρχὸς, Princeps. D’autres disent que ce mot vient du grec μυρίαρχος, qui signifie, celui qui commande sur dix mille hommes. D’autres le dérivent de Emir, ou Amir, qui signifie Seigneur en arabe, & de ἄλιος, qui signifie Marinus. On trouve souvent Emir dans Zonaras, Cedrenus, Nicétas, & les autres Grecs du même siècle, pour signifier un Chef qui commande aux autres. C’est pourquoi quelques-uns prétendent que la dignité, aussi-bien que le nom, est venue d’Orient. En effet on ne trouve l’établissement de la charge d’Amiral, que sous le règne de Philippe en 1284, lequel avoit suivi le Roi S. Louis en Afrique, & dans la guerre contre les Sarrasins. Pasq. Néanmoins dans l’Empire de Constantinople, l’Amiral n’étoit pas le premier Officier sur mer. C’étoit le Dux magnus, Grand Duc, ou Grand Chef, Grand Général, qui avoit sous lui l’Amiral, Amiralius le premier Comte, Protocomes, &c. C’est mal-à-propos que quelques-uns l’écrivent avec un d. Il ne faut pas non plus l’écrire avec un l, comme fait Rochefort Almiral. Quand même il viendroit de l’arabe, & que al seroit l’article, ou quand il viendroit du grec ἀλς, il ne faudroit point y mettre de l ; l’usage ne le veut point. Du Cange dit que chez les Sarrasins le nom de Amir a été donné à des Juges, Prévôts, Consuls, Capitaines, Vicerois & Gouverneurs de provinces, aussi-bien qu’aux Généraux de leurs Flotes ; & que les Siciliens ont été les premiers, ensuite les Génois, qui ont appelé Amiraux les Généraux de leurs Armées navales. Je trouve en effet dans la vie de S. Pierre Thomasius, Admiratus Jerusalem, pour le Gouverneur de Jerusalem pour le Soudan d’Egypte : sur quoi Bollandus remarque, T. II. p. 1002. qu’on a appelé Amiræus, Emir, le Chef du Conseil, ou, comme il parle, du Sénat des Sarrasins.

Amiral, se dit aussi du principal vaisseau, que monte l’Amiral. Navis prætoria. Il porte le pavillon carré au grand mât, & quatre fanaux en poupe. On appelle aussi Amiral, le principal vaisseau d’une Flote, quelque petite qu’elle soit. Quand deux navires de guerre de semblable bannière se rencontrent dans un même port, le premier arrivé a les prérogatives & la qualité d’Amiral : celui qui arrive après, quoique plus grand & plus fort, ne sera que Vice-Amiral. Il en est de même des Terreneuviers, dont le premier arrivé prend la qualité d’Amiral, & la retient pendant tout le temps de la pêche. Il porte le pavillon au grand mât, donne les ordres, & assigne les places pour pêcher à ceux qui sont arrivés après lui, & règle leurs contestations.

Le mot d’Amiral se disoit autrefois de ceux qui commandoient dans les provinces, aussi bien que sur la mer. On dit aussi des Amiraux de Galères. Monstrelet fait mention d’un Amiral des Arbalêtriers.

Amiral, ou Grand Amiral. s. m. C’est la quatrième dignité de l’Ordre de Malte, après le Grand-Maître. Il est le chef & le pilier de la langue d’Italie dont il est toujours tiré. En l’absence du Maréchal il commande sur mer aux soldats & matelots. Il nomme le prud’homme & l’écrivain de l’Arsenal ; & lorsqu’il demande le Généralat des galères, le Grand-Maître est obligé de le proposer au Conseil, qui l’admet ou le refuse, selon qu’il le juge à propos. L’Abbé de Vertot.

Les Îles de l’Amiral, Insulæ Talassiarchicæ, sont des îles de la mer de Zanguebar, au septentrion de celle de Madagascar, & au levant du royaume de Mélinde. Il y a encore près de la nouvelle Zemble une île de l’Amiral.

AMIRAL, ALE. adj. Qui appartient à l’Amiral. Vaisseau amiral. Pavillon amiral. Galère amirale. Prætorius.

Amiral-tromp. s. m. Terme de Fleuriste. Ce nom, qui est celui d’un Amiral d’Angleterre, fameux dans le XVIIe siècle, a été donné à une espèce d’œillet. C’est un violet sur un fond blanc, qui vient de Lille : sa fleur est large.

Amiral de frise. s. m. Terme de Fleuriste, espèce d’œillet piqueté.

Ce nom Amiral, en termes de Fleuristes, entre encore dans les noms de plusieurs tulipes que voici. Amiral d’Angleterre, a rouge brun, colombin vif & blanc. Amiral castellin est colombin, rouge pâle & blanc. Amiral chrétien, colombin pâle, mêlé d’un colombin obscur & blanc d’entrée : elle est printanière. Amiral de Brissiére, rouge brun, colombin, & blanc d’entrée. Amiral de Delf, rose rouge & blanc. Amiral fray, gris lavandé, minime brûlé & blanc. Amiral de France, pourpre obscur, colombin clair & blanc non d’entrée. Amiral fournier, tristamen rouge & jaune blanchissant. Amiral d’heverte, pourpre obscur, violet clair & blanc d’entrée, printanière. Amiral d’Hollande, rouge & blanc. Amiral de Mars, rouge de sang & blanc. Amiral Poncet, fleur de lin, colombin & blanc d’entrée. Amiral Trivermon, couleur de rose, colombin & blanc non d’entrée. Amiral Vallier, orange, couleur de rose, citron & blanc sale. Amiral Villiers, pourpre, colombin, & blanc d’entrée. Amiral de Vesnes, rouge triste, rose & chamois blanchissant.

☞ AMIRAL & VICE-AMIRAL. Terme de Conchyliologie. M. D’Argenville donne ce nom à deux coquillages de la classe des univalves.