Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AMMONIAC

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 299-300).
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AMMONIAC. s. m. C’est le nom d’une gomme dont on se sert en Pharmacie. Gummi ammoniacum. On nous l’apporte des Indes Orientales, & on croit qu’elle découle d’une plante ombellifere. Elle doit être en larmes sèches, blanchâtres en dedans, un peu roussâtres en dehors, faciles à se fondre, gommeuses & résineuses, un peu amères, d’une odeur & d’un goût âcre, tenant de l’ail. On en apporte aussi en masses remplies de petites larmes bien nettes & bien blanches. Cette gomme roussit en vieillissant ; Dioscoride & Pline en font mention. Dioscoride dit que l’ammoniac est le jus d’une espèce de férule qui croît en Afrique, auprès de Cirène de Barbarie. La plante qui le porte, & sa racine, s’appellent Agasyilis. Le bon ammoniac est haut en couleur, & n’est brouillé ni de raclure de bois, ni de sable, ni de pierres. Il a des petits grains comme l’encens, tient de l’odeur du castoreum, & est amer au goût. On appelle le bon Ammoniac, θραὒσμα ; c’est-à-dire, émiettement & brisure ; & celui qui est plein de pierres & de sable φύραμα ; c’est-à-dire, mixtion. Pline appelle l’arbre d’où il découle Metopion, du grec μέτωπινο, & dit que son nom vient du temple, de Jupiter Ammon, auprès duquel croît cet arbre. L’ammoniac des Apothicaires est réduit en masse comme la poix résine, au lieu d’être fraisé & menu comme de l’encens. On prétend qu’il servoit d’encens aux Anciens dans leurs sacrifices. Cette gomme entre dans plusieurs compositions ; elle est purgative, fondante, & résolutive, étant appliquée extérieurement. Gaser en tire un esprit & une huile, qui ont, à ce qu’il dit, de grandes propriétés, lesquelles ne procèdent que du sel volatil qu’elle contient. Mais comme il est mêlé d’un acide qui empêche son activité, il donne le moyen de séparer ces deux esprits, lesquels sont capables, selon lui, de produire des effets tout différens. Voyez cet Auteur, Lémery, & les autres Chimistes modernes.

☞ Ce mot est plus souvent adjectif. Ammoniac, aque. Gomme ammoniaque, suc concret qui tient le milieu entre la gomme & la résine, dont on vient de parler.

Sel ammoniac, & non pas armoniac. Sel neutre formé par l’union du sel marin & de l’alcali, qu’on nomme volatil. Il y a le sel ammoniac naturel. & le sel ammoniac factice. Le factice se tire de l’urine & des excrémens des chameaux. Sal ammoniacus. Il est appelé par les Chimistes Aquila cœlestis. Celui de Venise & d’Amsterdam se fait d’une partie de suie de cheminée, de deux parties de sel marin, & de dix parties d’urine d’homme.

Il s’en trouve de naturel sur le chemin de Lahor à Thanasseri & à Tzéhint. C’est une espèce d’écume qui sort de la terre en des endroits où il y a de vieilles cavernes, ou creux de rochers. On le tire de-là, & on le cuit comme on fait le salpêtre. Rec. de Thevenot.

Les Anciens en avoient un autre naturel qui se trouvoit dans les sables de l’Arabie ou de la Lybie, qui n’étoit autre chose que le sel volatil de l’urine des chameaux qui alloient au temple de Jupiter Ammon. Ce sel étoit naturellement sublimé sur ces sables, par la chaleur du soleil qui est brûlante dans ce pays-là : d’où vient que plusieurs l’appellent ammoniac. Les autres disent qu’on l’appelle sel armoniac, au lieu de sel acrimonial, à cause de son acrimonie. Les fleurs de sel ammoniac ne sont autre chose que sa portion la plus subtile, élevée par le feu ; & son esprit volatil n’est autre chose que son sel volatil dissous dans quelque portion de son flegme.