Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ANNATE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 364).
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ANNATE. s. f. Droit que l’on paye au Pape sur tous les bénéfices consistoriaux, lorsqu’il donne les bulles, ou d’une abbaye, ou d’un évêché. C’est le revenu d’une année, qui a été taxé selon l’évaluation du revenu du bénéfice, faite au temps du Concordat. Annuum vectigal vacantis beneficii ecclesiastici. On l’appelle communément Annata. Ce droit est appelé Annuale dans une charte de Robert, Abbé de S. Victor de Paris, & Annualia au pluriel dans le Nécrologe de la même abbaye.

Ce fut Jean XXII, qui introduisit les annates en France. Il prétendoit que le revenu de la première année de chaque bénéfice vacant lui appartenoit ; de-là ce droit fut appelé Annate. Bonitace IX les confirma à toute sa postérité par une sentence décrétale. Clément VII ordonna que de tous les bénéfices de France il prendroit la moitié du revenu pour lui & pour l’entretien des Cardinaux. Les Papes ont pris aussi quelque temps tous les fruits des abbayes pendant la vacance, & généralement l’annate de tous les bénéfices vacans en quelque sorte que ce fût, même en régale & en patronage lai, jusqu’à ce qu’il y ait eu une Ordonnance de Charles VI de l’an 1385, qui abrogea cette coutume. Les Rois & les Parlemens se sont toujours opposés aux annates, comme à un tribut qui leur paroissoit odieux. Le Concile de Bâle même, dans sa Session XII & XXI, en 1431, abolit les annates, & ce décret fut inséré dans la Pragmatique Sanction, dressée à Bourges en présence de Charles VII. Cependant par le Concordat entre Léon X & François I en 1516, on ne parla point des annates, & la Pragmatique Sanction fut supprimée. Au reste, Polydore Virgile, de Invent. Rer. Livre VIII, ch. 2, & plusieurs autres, croient les annates plus anciennes qu’on n’a dit ci-dessus. Il est certain que dès le XIIe siècle il y eut des Evêques & des Abbés qui par une coutume, ou par un privilége particulier recevoient les annates des bénéfices dépendans de leur diocèse, ou de leur abbaye. Voyez la Lettre d’Etienne Abbé de Sainte Geneviève, à l’Archevêque de Reims. Il y en a encore des exemples à Beauvais, à Paris, à Amiens, dans le même siècle. Matthieu Paris, dans son Histoire d’Angleterre à l’année 746, rapporte, qu’autrefois l’Archevêque de Cantorbery, par une concession du Pape, jouissoit des annates de tous les bénéfices qui vaquoient en Angleterre. Clément V, prédécesseur de Jean XXII, se fit payer les annates des bénéfices vacans en Angleterre pendant deux ans, selon Matthieu de Westminster, & pendant trois ans, selon Thomas Walsingham ; & le premier assure que ce fut de tous les bénéfices, cures, & même vicariats, & jusqu’aux plus minces bénéfices : ce qui montre que Polydore Virgile se trompe, quand il dit que les Anglois n’ont point payé les annates des petits bénéfices. Il paroît encore par le même Matthieu de Westminster, qu’avant ce temps-là le Pape accordoit aux Evêques d’Angleterre, les annates des bénéfices de leur diocèse. Car Clément V, dit-il, ne les prit que parce qu’il crut qu’un supérieur pouvoit s’approprier ce qu’il donnoit aux autres. Outre les Auteurs dont j’ai parlé, on peut voir Budé, Liv. V, de Asse, Card. Gusanus, de Concord. Cathol. Liv. II, ch. 40. Nic. de Clemengis, de annat. non solv. Duaren, Liv. I, de Sacr. Eccles. min. ch. 6. Par le droit commun, les bénéfices qui ne sont pas consistoriaux, ne laissent pas d’être sujets à l’annate ; mais en France on s’en dispense, en exposant dans la supplique que le bénéfice dont on demande les bulles, n’excède pas la valeur de vingt-quatre ducats, bien qu’il soit de plus grand revenu ; & en France la règle de la Chancellerie, De vero valore exprimendo, n’a pas lieu, comme dans les pays d’obédience. Il y a des Chapitres qui jouissent du droit d’annates des chanoinies vacantes : ces revenus sont destinés pour la fabrique & les ornemens de l’Eglise.

Le Grand-Maître de Malte retire une annate de toutes les Commanderies de grâce. Vertot.