Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COUCHE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 951-953).
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COUCHE. s. m. bois de lit : une couche à hauts piliers. Lectus. Les Anciens faisoient des couches de cèdre, de citronnier. On en a vu une chez la Reine de bois de Calemba d’un très-grand prix. Et quand on crie à l’encan une couche, on n’entend vendre que le bois du lit. Ménage dérive ce mot de culca, d’où vient le diminutif culcita : ce que dit aussi Vossius.

Couche se prend aussi pour le lit entier ; mais en ce sens il est de peu d’usage, à moins qu’on ne l’emploie dans la Poësie, ou dans quelques façons de parler consacrées, comme la couche nuptiale, la couche royale.

Couche se dit dans les matières de piété pour un beau lit, un lit magnifique. Le soleil est comme un époux qui sort de sa couche. Maucroix.

Couche se prend aussi figurément en Morale, pour le mariage. Nuptiæ. On dit d’une femme, qu’elle a souillé la couche de son mari, quand elle a commis un adultère. Souiller la couche de quelqu’un, abuser de sa femme. On dit aussi, les fruits de sa couche ; pour dire, les fruits du mariage. Dieu a béni leur couche ; pour dire, leur a donné des enfans. Lectus genialis.

Les Dieux ne montrent point que sa douleur les touche :
D’aucun gage, Narcisse, ils n’honorent sa couche. Rac.

Couche signifie aussi l’enfantement. Partus. Cette femme a eu une mauvaise couche, a été fort malade en accouchant, ou depuis qu’elle est accouchée : c’est sa première couche. Une fausse couche, est un accouchement avant terme. Voyez Accouchement. Abortus, abortio. Les violens & fréquens vomissemens, les coliques & les tranchées violentes sont faire de fausses couches. Une trop grande colère, une peur subite, une médecine forte, peuvent causer une fausse couche. Une femme à qui une fausse couche arrive, est bien plus en danger de la vie qu’une femme qui accouche naturellement. Mauriceau.

Couche signifie encore la maladie, le travail d’une femme qui enfante, ou le temps qu’elle est obligée de garder le lit pour se remettre, & pour reprendre ses forces. Puerperium. Cette femme est robuste, elle n’est que quinze jours en couche. Elle a fait faire un beau lit pour les couches. Il n’y a que deux jours qu’elle est relevée de couche.

On appelle les couches de la Vierge, une dévotion à la Sainte Vierge, où on lui chante des Saluts neuf jours avant Noël. On dit aussi que la permission de manger de la chair les samedis jusqu’à la Chandeleur en certains Diocèses, se donne en l’honneur des couches sacrées de la Vierge. On fait une cérémonie à l’Eglise quand les femmes relèvent de couche, en mémoire de la Purification qui se faisoit dans l’ancienne Loi après les couches.

Couche est aussi un des linges dont on enveloppe les enfans au maillot, & que l’on change aussi souvent que la propreté l’exige. Cunæ, cunabula. Il faut changer cet enfant de couches.

COUCHE est aussi un enduit de couleurs, ou autre chose liquide, molle, qu’on met sur quelque chose pour la colorer, ou pour la rendre plus ferme & plus unie. Il faut mettre la dernière couche de plâtre fin pour rendre cette muraille bien polie, bien luisante. Corium, crusta, incrustatio. Pour imprimer une toile à peindre, il y faut deux couches de colle avant que d’y mettre la peinture. On met deux ou trois couches de blanc de plomb sur du bois, avant la couche d’or qu’on y applique ; une couche de vernis sur une cane. Color inductus, coloris inductio. On dit donner la dernière couche à un tableau, il faut donner deux couches de couleurs à un plafond. Félib.

Couche se dit en Chimie des lits différens des différentes matières qu’on met alternativement les unes après les autres, pour les faire mieux fondre ou imbiber. On appelle cela aussi stratification, ou stratum super stratum : ce qui s’exprime par cette note, S, S, S.

Couches ligneuses, termes d’Histoire naturelle. On appelle ainsi certains cercles ligneux que l’on remarque quand on coupe horisontalement un tronc d’arbre, & qui marquent la crue de chaque année, Voyez au mot Arbre, comment se fait l’augmentation en grosseur par le moyen de ces couches ligneuses.

☞ Il faut remarquer que ces cercles ligneux ne sont pas toujours concentriques à l’axe, mais qu’ordinairement ils s’en écartent plus d’un côté que d’un autre. Quelques Auteurs ont pensé que c’étoit principalement du côté du nord : plusieurs ont cru que c’étoit du côté du midi ; mais ils se sont accordés à dire qu’au moyen de cette excentricité de couches ligneuses, les Voyageurs égarés y trouveroient une boussole naturelle qui les orienteroit, & l’on a entrepris de donner des raisons physiques de ce phénomène utile.

☞ Ceux qui prétendoient que les couches ligneuses étoient plus épaisses du côté du nord, apportoient pour raison que le soleil ayant moins d’action de ce côté, il s’y conserveroit plus d’humidité, ce qui devroit nécessairement produire une augmentation de ces couches ligneuses. Ceux au contraire qui prétendoient avoir observé que les couches sont plus épaisses du côté du midi, disoient que le soleil, comme principal moteur de la sève, la déterminoit à passer plus abondamment de ce côté. Ainsi chacun trouvoit dans la Physique des raisons spécieuses d’une chose qui n’est pas. Le fait mieux observé déconcerte entièrement leur systême.

☞ Nous avons reconnu, dit M. Duhamel, que les couches sont souvent, & presque toujours plus épaisses d’un côté que d’un autre ; mais cela arrive indifféremment, soit du côté du nord, soit du côté du midi, de l’est ou de l’ouest. Cette prétendue boussole est donc sujette à bien des variations, qui dérouteroient furieusement un voyageur égaré qui voudroit y mettre sa confiance. Mais elle est bien autrement sujette à erreur, puisque nous avons observé que dans un même arbre la plus grande épaisseur des couches varie quelquefois de tout le diamètre de l’arbre ; en sorte que, si auprès des racines, la plus grande épaisseur se trouve du côté du midi ; elle s’observe souvent auprès des branches du côté du nord, ou vers toute autre partie de la circonférence de l’arbre. Il est aisé d’appercevoir la raison physique de cette inégalité d’épaisseur des couches ligneuses, puisqu’il est clair qu’elle dépend de l’insertion des racines & de l’éruption des branches. S’il se trouve du côté du nord une grosse racine, les couches ligneuses du bas de l’arbre seront plus épaisses de ce côté-là, parce que la sève y sera portée avec plus d’abondance. Si au contraire vers la cime du même arbre, il sort une grosse branche du côté du midi, les couches ligneuses examinées en cet endroit, seront plus épaisses de ce côté, parce que la sève aura été déterminée à y couler plus abondamment ; de sorte que les variétés sans bornes qu’on observe dans la position des racines & des branches, en produisent d’aussi considérables dans l’épaisseur des couches ligneuses. C’est ainsi qu’il arrive souvent que le merveilleux s’évanouit quand on observe attentivement la nature.

Couche, en termes de Botanique, se prend pour le fond du calice des fleurs à fleurons & à demi-fleurons, & des fleurs radiées, du calice, dis-je, de ces fleurs, sur lequel sont posées les semences. Calicis fundus, ima pars.

On le dit aussi dans la cuisine ordinaire. Pour faire des soupes, des ragoûts, des syrops, il faut mettre une couche de pain, une couche de fromage, de pommes, &c. c’est-à-dire, différens lits.

Couche, terme de Boulanger, C’est un morceau de grosse toile sur lequel on couche le pain au lait. Tela crassior excipiendo pani comparata. Les pains sont sur la couche.

Couche, terme de Tireur d’or, feuille d’or ou d’argent, qu’on met autour du bâton qu’on veut dorer ou argenter. Bractea.

Couche, terme de Doreur sur cuir ; composition d’eau & de blanc d’œuf qu’on pose sur le cuir avant que de le dorer. Coloris inductio.

Couche, terme de Tanneur ; ce sont quatre ou cinq cuirs qu’on met sur le chevalet pour être quiossés, c’est-à-dire, pour en faire sortir la grosse ordure avec la quiosse. Pelles inductæ pelle. Faire une couche.

Couche, en termes de Charpenterie, est la pièce de bois qui se met sous une étaie qui sert de patin, ainsi nommée, parce qu’elle est couchée de plat. Tignum in planum collocatum. Il y a des couches de haut & d’autres de bas.

Couche d’Arquebusier est la partie du fût d’une arme à feu qu’on approche du visage, quand on veut coucher en joue quelque chose. Ferreæ fistulæ postica pars. C’est ce qu’autrefois on appeloit crosse au mousquet.

Couche, en termes de Jardinage, est une préparation ☞ de grand fumier de cheval qu’on tripe bien, & couvert d’environ un demi-pié de terreau, élevé de deux ou trois piés au dessus de la superficie de la terre, pour y semer des graines ou des plantes délicates, & qu’on veut avancer. Pulvinus.

☞ La couche chaude est celle qui est nouvelle, & qui conserve encore sa chaleur qu’on est obligé de laisser évaporer pendant sept à huit jours avant que d’y rien semer. On juge en enfonçant le doigt dans la couche, du degré de chaleur convenable pour semer.

☞ La couche tiède est celle qui a perdu un peu trop de sa chaleur, & qui a besoin d’être réchauffée ; ce qui se fait en répandant du grand fumier dans les sentiers qui sont autour de la couche, & que l’on appelle réchauds.

☞ La couche sourde est celle qui est enfoncée en terre, & ne s’élève point au dessus de la superficie du terrain, composée de fumier comme les autres, mais ayant beaucoup moins de chaleur. On se sert aussi de cette dernière pour faire venir les champignons, & pour réchauffer des arbres plantés en caisse.

☞ Quand on craint la fraîcheur des nuits, on couvre les couches de paillassons & de brise-vents.

Couche, entre les joueurs, est le premier enjeu, ce qu’on met d’argent d’abord sur une carte sans le renvi. Deposita à lusoribus pecunia. Ce joueur est sage, il ne renvie point, il ne prend jamais que sa couche.