Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DANSE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 103-104).
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DANSE. s. f. Mouvemens réglés du corps, sauts & pas mesurés qui se font en cadence, au son des instrumens ou de la voix. Saltatio, saltatus. Danse noble. Danse figurée. On a vu des danses de chevaux au Carousel du Roi Louis XIII. Les Sybarites sont les premiers qui ont inventé cette sorte de danse.

Ce mot vient de l’Allemand dantz, signifiant la même chose, & danser de dantzen. Bochard le dérive de l’Arabe tanza, signifiant aussi la même chose, & Guichart de l’Hébreu דנץ donts, qui signifie à-peu-près la même chose. Voyez Danser.

La danse est en usage chez tous les peuples, tant civilisés, que barbares. Elle a été pourtant estimée chez quelques-uns, & méprisée par les autres. La danse de soi n’est point mauvaise. Il y a, dit l’Ecclésiastique, un temps pour danser ; quelque fois même on en a fait un acte de religion ; ainsi David dansa devant l’Arche, pour honorer Dieu, & pour marquer l’excès de la joie qu’il avoit de voir venir l’Arche dans la ville de Sion. Socrate apprit à danser d’Aspasia. Ceux de Sparte & de Crète alloient à l’assaut en dansant. Au contraire, Cicéron fait reproche à Gabinius, homme Consulaire, d’avoir dansé. Tibère chassa de Rome les Danseurs. Domitien ôta du Sénat quelques Sénateurs pour avoir dansé.

Les anciens avoient trois sortes de danses : l’une grave, nommée Emmélie, qui répond à nos basses danses, & pavanes. La seconde était gaie, qu’ils nommoient Cordax, qui répond à nos gaillardes, voltes, courantes, & gavottes. La troisième nommée Siccinnis, entremêlée de gravité & de gaieté, qui répond à nos branles. Néoptolémus, fils d’Achille, enseigna à ceux de Crète une danse, appelée, Pyrrichie, ou la danse armée, pour s’en aider à la guerre. Pyrrichia, armata saltatio. Mais la fable dit que les Curètes inventèrent cette danse pour amuser le petit Jupiter avec le bruit de leurs épées, dont ils frappoient sur leurs boucliers. Diodore de Sicile, au IVe L. de sa Bibliothèque, dit que Cybèle, fille de Ménon, Roi de Phrygie, & de Dindymène sa femme, inventa beaucoup de choses, & entre autres le flageolet composé de plusieurs chalumeaux, la danse, le tambourin & les cymbales. Numa institua aussi une danse pour les Saliens, Prêtres de Mars, qui servoient avec des armes. Saltatio Saliaris. Et de ces danses on en a composé une qu’on appelle des Boufons ou Matassins, dont les Danseurs sont vêtus de petits corcelets avec des morions dorés, des sonnettes aux jambes, avec l’épée & le bouclier à la main. Mimicè saltare. On y fait plusieurs passages dont Thoinot Arbeau a donné la tablature en son Orchésographie. Lucien en a fait un Traité, & Julius Pollux un Chapitre. Il en est aussi parlé dans Athénée, Cælius Rhodiginus, & Scaliger. Quelques-uns ont dit que Castor & Pollux furent ceux qui apprirent l’art de la danse aux Cariens. D’autres disent qu’elle fut inventée par Minerve, qui dansa de joie après la défaite des Titans.

La danse est un effet & une marque de joie chez la plûpart des peuples. Il y a quelques nations dans l’Amérique méridionale qui dansent pour marquer leur tristesse. Voyez le P. Pelleprat dans la seconde partie de les Relations.

Thoinot Arbeau a donné une Orchésographie. Il y a quelque temps qu’un Maître ds Danse à Paris donna une Orchésographie, l’art marque les danses & les pas, comme on marque les tons en Plainchant & en musique. Le fameux Beauchamp prétendit être l’inventeur de ce secret, & il y eut un Arrêt en sa faveur. Vigenere traite sçavamment des danses antiques dans ses Annot. sur Tite-Live, p. 1291. & suiv.

Danse, se dit aussi d’un air à danser. On dit d’un bon Danseur, qu’il danse toutes sortes de danses. Telle danse est grave.

Danse, se dit aussi quelquefois pour la manière de danser. Saltatio. Il a une danse contrainte. Il y a plaisir à voir danser ce jeune Seigneur, sa danse est noble, libre, aisée.

On dit proverbialement & figurément, commencer la danse, pour dire, être le premier attaqué, soit en guerre, soit en procès, &c. Esther en danse, pour dire, s’y mêler, s’y embarrasser, quand l’affaire est commencée. On dit aussi, après la panse vient la danse ; pour dire, qu’après avoir bien bu & mangé, on veut rire d’une autre manière. En 1313. Guy Comte de Forès, après s’être croisé avec Philippe le Bel dans la grande assemblée que le Roi tint à Paris à la Pentecôte, retourna chez lui en Forès avec un grand nombre de Gentilshommes de son pays, qui l’avoient suivi, il leur donna une grande fête, accompagnée de bals, danses, & autres réjouissances ; mais pendant qu’on dansoit, le plancher de la salle tomba, écrasa la plûpart de ceux qui étoient de cette assemblée, blessa les autres qui en moururent quelque temps après. De-là vintle proverbe, danse de Forès, pour marquer une joie excessive suivie d’une malheureuse fin. Paradin, Annal. de Bourg. L. II. p. 308.

On dit : Ne doit point se mettre en danse qui ne veut point danser, pour dire que lorsqu’on s’est embarqué dans une affaire, il en faut essuyer les mauvais événemens comme les bons.

Danse-basse. Saltatio composita. On appeloit ainsi autrefois les danses régulières & communes, telles que sont celles des honnêtes gens : ces sortes de danses furent ainsi nommées, pour les distinguer des danses irrégulières, accompagnées de sauts, de mouvemens violens, de contorsions extraordinaires, telles que sont les danses des Pantomimes & des Saltimbanques : ces dernières sortes de danses se nommoient danses par haut. Saltatio sublimior.

Danse du Trihory. Danse ancienne de France. Saltatio trichorica. Eutrapel dans ses contes en parle ainsi : La danse du Trihory est trois fois plus magistrale & gaillarde que nulle autre. Et plus bas. La voix & le mot sont par entrelaceures, petites pauses & intervalles rompus, joints avec le nerf & corde de l’instrument, en sorte que la force de sa parole & sa grace y demeurent prins & englués, sans espérance de les pouvoir séparer, pour demeurer en vrai ravissement d’esprit, soit à joie, soit à pitié.

Danse Suisse. Saltatio Helvetica. Sorte de danse propre des Suisses, qui consiste dans un continuel traînement de jambes. Voyez les Notes sur Rabelais, p. 164. liv. IV. c. 38.