Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/181-190

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Fascicules du tome 1
pages 171 à 180

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 181 à 190

pages 191 à 200


AIGRIS. s. m. Espèce de pierre précieuse qui n’a ni beauté, ni éclat ; elle est d’un bleu verdâtre, & ressemble à de la rassade de verre. Elle est fort estimée par les Issinois, qui l’achetent au poids de l’or. ☞ Ils la taillent en petits morceaux, qu’ils nomment Betiquets, percés dans le milieu, afin qu’on puisse les enfiler dans la barbe des Grands-Seigneurs, pour y servir d’ornement. La barbe grise du Roi des Issinois étoit cordelée en vingt petites tresses, qui étoient enfilées en vingt morceaux de pierres d’aigris, percées, rondes & longuettes. P. Loyer.

AIGRUN. s. m. Vieux mot, qui se dit de toutes sortes d’herbes fortes, & de fruits aigres. Mén.

AIGU, UË. adj. Qui se termine en pointe, & qui est perçant ou tranchant, dont la forme est propre à percer ou à couper. Acutus. Cette cognée est bien aiguë. Le fer de ce javelot est fort aigu, fort pointu. Ce mot vient de acutus, & aiguiser de acutiare. Ménag. Les mots d’aiguille, d’aiguillon, d’aiguillonner, & d’aiguillete sont ses dérivés. Dans ce sens il est opposé à ce qu’on appelle obtus.

En termes de Géométrie, on appelle un angle aigu, celui qui est mesuré par un arc plus petit qu’un quart de cercle, ou qui a moins de 90 degrés : c’est celui qui est moins ouvert que l’angle droit : un triangle acutangle ou oxigone, celui qui a ses trois angles aigus.

Aigu, au figuré, s’applique à différentes choses. On disoit encore dans le siècle dernier, un esprit aigu ; pour dire, subtil : une pensée aiguë, une pointe aiguë, fort subtile, qui convient à l’épigramme. Dans ce sens il a cessé d’être en usage.

☞ On dit figurément une voix aiguë, des sons aigus ; pour dire, des sons clairs & perçans, qui blessent l’oreille. Tels sont les cris exprimés par la douleur.

Aigu, se dit en Musique d’un ton perçant ou élevé par rapport à quelqu’autre ton. Dans ce sens il est opposé au mot Grave.

☞ On dit une douleur aiguë, c’est-à-dire, vive & piquante. Les douleurs de l’enfantement sont très aiguës. Une colique aiguë. En ce sens on le peut dire aussi des passions. Ce qui rend les douleurs de la honte & de la jalousie si aiguës, c’est que la vanité ne peut servir à les supporter. Rochef.

Aigu, se dit proprement par les Médecins, des maladies violentes & dangereuses, qui se terminent bientôt, Cum bonis vel malis ægri rebus, ou, comme disent les Médecins, Citò & cum periculo terminantur. Dans ce sens il est opposé à Chronique. Les maladies aiguës sont d’autant plus dangereuses, qu’outre la violence des symptômes, si l’on manque à temps de vider les premières voies, ou de diminuer la quantité du sang, il est très-difficile d’en arrêter le progrès, & de sauver le malade. On divise les maladies aiguës, en celles qu’on nomme proprement aiguës, celles qu’on appelle fort aiguës, & en celles qui à raison de leur peu de durée & de la véhémence des symptômes, ont pris le nom de très-aiguës ; car celles qui passent quarante jours, sont chroniques.

En Grammaire on appelle un accent aigu, celui qui marque que la syllabe doit se prononcer d’un ton élevé. C’est une virgule, ou petite ligne qui se met sur la voyelle, & qui s’incline un peu en descendant de droite à gauche. En françois l’accent aigu ne sert qu’à marquer l’é fermé, ou masculin, comme dans élevé, le premier & le dernier é sont fermés. Voyez. Accent.

Aigu, est aussi un terme de Poësie. Les Espagnols appellent vers aigus, les vers qui finissent par des mots qui ont l’accent sur la dernière syllabe.

A buscar a su mugér
Orfeo baxo ab infierno
Quë por su muger no pudo
Baxar a otra parte Orfeo. Quevedo

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AIGUADE. s. f. Prononcez EGADE. Terme de Marine. ☞ Provision d’eau douce que font les vaisseaux en route, lorsqu’ils en manquent dans le cours de leur voyage. Aquatio. Les vaisseaux entrerent dans cette baie pour faire aiguade. Aquari. Il répandit sa cavalerie le long du rivage, pour empêcher la flotte de faire aiguade. L’aiguade se dit également de la provision de l’eau, & du lieu où on la fait. Dans telle île il y a une bonne aiguade. On lit dans le même sens, & même plus communément, faire de l’eau. DesRoches dit qu’on ne s’en sert qu’au levant.

AIGUAGE. Vieux mot. Droit qu’on payoit pour avoir de l’eau, afin d’arroser un terrain.

☞ AIGUAIL. s. m. L’Acad. écrit aigail. Rosée qui tombe le matin, & demeure par petites gouttes sur les feuilles des arbres & des herbes. Ros. On a dit en Poësie, l’aiguail des fleurs, l’aiguail des prés. L’aiguail ôte le sentiment aux chiens. Ce mot n’est plus d’usage que parmi les Chasseurs.

On dit en termes de chasse, que les chiens d’aiguail ne valent rien au haut du jour. Et au contraire, ils ne valent rien dans l’aiguail, quand ils sont bons le haut du jour.

AIGUAYER, ou AIGAYER. v. a. Tremper, laver dans l’eau. On dit, aiguayer un cheval, quand on le promene dans l’eau pour le rafraîchir ; aiguayer du linge, le laver, le remuer dans l’eau claire, pour en faire sortir le savon, avant que de le tordre. L’Académie écrit égayer, & dans un autre endroit aigayer.

AIGUE. s. f. Vieux mot qui signifioit de l’eau. Aqua. Il n’est plus en usage que dans une partie de la Gascogne. Il se dit encore en ses composés, aigue-perse, aigues-mortes, &c.

Aigue, est aussi le nom d’une rivière de la principauté d’Orange.

Aigue-Belle. Aqua pulchra, aqua bella. Nom d’un bourg de Dauphiné, sur la petite rivière de Bèvre ; & d’une petite ville de Savoie, située sur la rivière, ou plutôt le torrent d’Arc. Ce mot est formé du mot aigue, aqua, de l’eau, & belle ; c’est la même chose que belle-eau.

Aigues-caudes. C’est-à-dire, eaux chaudes. C’est une source du Béarn, fort célébre, dont les eaux mêlées de soufre, de nitre, & d’alun, sont très-salutaires pour plusieurs maladies.

Aigue-marine. s. f. Pierre précieuse, d’une couleur verte, mêlée de bleu, à-peu-près comme la couleur de l’eau de mer, d’où lui vient son nom. Aqua marina. Elle a la même dureté que l’améthiste orientale. C’étoit la dixième pierre du Rational du Grand Prêtre des Juifs, à ce que dit Arias Montanus ; & elle étoit appelée en hébreu Tharsis. C’est aussi le sentiment de Junius & de Trémellius, de Buxtorf le pere, de Danæus, qui nomment cette pierre Berillus Thalassius, & même de Jonathan & d’onkélos, qui l’appellent en Chaldéen כרןם ימא, Cherum jamma. Car quoiqu’on ne sache pas trop ce que signifie le premier mot, cherum, qu’on pourroit interpréter, ou fuligo, si c’est la même chose que אכרןם, ou vinea, si on le prend pour כרם, ou si on l’en dérive ; il est toujours certain que le second mot, Jamma, signifie la mer ; & qu’ainsi ils ont voulu indiquer une pierre dont la couleur approche de celle de la mer. Le mot hébreu signifie la même chose. Car תרשיש se prend souvent pour la mer, suivant la remarque de Louis de Dieu. Les deux Interprètes Arabes traduisent, אזרק azrak, qui signifie glaucus, cœruleus, de couleur de mer, & se dit d’une pierre précieuse de couleur de mer, & des yeux qui sont de la même couleur, & qu’on appelle en latin glauci, cœrulei. Cependant les Septante, Josephe, Saint Jérôme, Aquila, Pagnin, les Traducteurs de Genève, Schindler, traduisent Chrysolythus. D’autres prétendent que c’étoit une Turquoise. Symmaque, Léon de Juda, & Hutterus traduisent, ὑάϰονθος, Hyacinthus. R. David Kimhhi prétend aussi dans ses Racines, que cette pierre approchoit de la hyacinthe ; mais c’est l’interprétation qui revient le moins à l’Hébreu. Les Italiens l’appellent Aqua marina. Pline la nomme Augites. Les Hébreux l’appellent aussi jaschepeh, d’où on croit que le mot de jaspe est venu.

☞ Plusieurs Lapidaires la prennent pour le Béril ; ce qui revient au premier sentiment dont j’ai parlé. Cependant la différence des verts est très-distincte dans ces deux pierres. Celle du Béril est d’un vert de mer ; l’aigue-marine d’un vert tirant sur le bleu.

☞ On la distingue en orientale & en commune. L’orientale est dure, & n’a qu’une légère couleur céleste. La commune a les mêmes couleurs ; mais elle est tendre comme du crystal. On en tire des Indes & de Madagascar.

Aigues-mortes. C’est-à-dire, eaux-mortes. Aquæ mortuæ. Ville de France dans le bas Languedoc, environ à six lieues de Nimes. Quelques Auteurs croient que c’est un ouvrage de Marius, & les Fossæ Marianæ des Latins. D’autres prétendent qu’Aigues-mortes n’est pas une ville si ancienne. On l’appelle Aigues-mortes à cause des eaux croupissantes qu’il y avoit en cet endroit-là. C’étoit autrefois un port, & Nangis raconte que ce fut là qu’en 1269, S. Louis s’embarqua. Aujourd’hui elle est éloignée d’une grande demi-lieue ou près d’une lieue de la mer. Au reste, ceux-là se trompent, qui croient que c’est l’ouvrage de Marius appellé Fossæ Marianæ ; car les fosses de Marius étoient de l’autre côté du Rhône, dans la province de Vienne, au lieu qu’Aigues -mortes est dans la première Narbonnoise, à droite du Rhône. La longitude d’Aigues-mortes est 21°, 44’, 3". Sa latitude 43°, 53’, o". Acad. de Montp.

Aigue-perse. Aqua sparsa. C’est-à-dire, eau éparse. Petite ville d’Auvergne, capitale du duché de Montpensier. Elle est située sur une petite rivière nommée Luron.

Aigues-vives. Aquæ vivæ. Eaux vives. Bourg de Touraine, & Abbaye de Chanoines réguliers de Saint Augustin & de la Congrégation de Sainte Geneviève.

☞ AIGUER. Vieux v. a. Qui signifioit arroser. Aiguer un pré.

☞ AIGUÉ, ÉE. part. Arrosé. Rabelais dit vin aigué, pour dire, mêlé d’eau. Vinum aquâ mixtum, dilutum.

AIGUIÈRE, mieux que ÉGUIÈRE. s f. Vaisseau rond & quelquefois couvert, qui a une anse & un bec, propre à servir de l’eau sur la table : il faut que son corps soit cylindrique ; car sil est plus enflé en un endroit qu’en un autre, on l’appelle alors pot à l’eau, Aqualis, Urceus aquarius. Les aiguières d’argent doivent être marquées contre-marquées au corps, couvercle, & collet du pied. A l’égard des deux coquilles, de l’anse, du bec, du suage, ou doucine, du carré de pied, ils sont marqués seulement du poinçon du maître.

Aiguière à deux becs. C’est celle qui dans son ouverture a deux becs opposés & propres à verser l’eau. Aqualis utrinque rostratus. Le fruit du Geum a la figure d’une aiguière à deux becs.

AIGUIÉRÉE. s. f. Ce que contient une aiguière pleine, la quantité d’eau ou d’autre liqueur qui tient dans une aiguière, & qu’il faut pour la remplir. Urceus aquâ plenus.

AIGUILLADE. s. f. C’est une espèce de gaule, longue de neuf à dix pieds, dont se servent les Laboureurs & Voituriers dans quelques provinces, & avec laquelle ils piquent leurs bœufs, pour les faire marcher.

☞ AIGUILLE. s. f. Petite verge d’acier ou d’autre métal, déliée, polie, pointue par un bout, percée d’une ouverture par l’autre bout, pour y passer du fil, de la soie, &c. Servant à coudre, broder, faire de la tapisserie & autres ouvrages. Acus. Broderie faite à l’aiguille. Aiguille à coudre, aiguille à travailler en tapisserie. Le chas d’une aiguille. C’est le trou de l’aiguille, l’endroit où elle est percée pour faire passer le fil, la soie, la laine. La pointe d’une aiguille la plus déliée vue avec le microscope, ressemble à une cheville rompue par le bout, & ses côtés paroissent raboteux & pleins de cavités. Les Musulmans disent qu’Edris, c’est-à-dire, Enoch, est l’inventeur de l’aiguille.

On dit, qu’une fille ne sait pas faire un point d’aiguille ; pour dire, qu’elle est entièrement ignorante, ou fainéante.

Aiguille, se dit aussi de plusieurs instrumens pointus. Une aiguille de tête, est celle qui sert à coiffer les femmes, Acus, discerniculum. Aiguille à tricoter des bas. Aiguille d’Emballeur. Aiguille d’Oculiste, pour ôter les cataractes des yeux. Aiguille de Graveur, avec laquelle il dessine sur le vernis. Une aiguille d’Orfévre, pour enfiler des perles. Le fleau d’une balance a aussi une aiguille au milieu, qui marque la moindre inclination de la balance, & sert à faire remarquer la différente pésanteur des choses qui sont dans les deux bassins de la balance.

Aiguille à sétons.Voyez Séton.

Aiguille à mèche. Terme de Chandelier. On appelle ainsi dans la fabrique des chandelles moulées, une aiguille de fil de fer, longue d’un pied, qui a un petit crochet à un bout, & une espèce d’anneau à l’autre. Cette aiguille sert à passer la mèche dans le moule, en la tirant vers le haut par l’ouverture d’enbas.

Aiguille à enfiler. Les Chandeliers se servent de cette seconde aiguille pour enfiler avec des pennes les chandelles, & les mettre par livre. Cette aiguille n’est autre chose qu’une véritable aiguille de rembourrage, longue environ d’un pied. Les pennes dont on se sert à cet ouvrage, sont les bouts de fils qui restent de la chaîne des toiles, après que les Tisserans ont levé leur ouvrage de dessus leurs métiers.

Aiguille à relier. C’est une longue aiguille d’acier recourbée vers la pointe, qui a plus ou moins de longueur, suivant le format des livres. Elle sert aux Plieuses, & Couseuses, qui travaillent chez les Relieurs, à porter d’une nervure à l’autre, le fil qui traverse le milieu de chacune cahier, & qui l’arrête aux ficelles qui sont perpendiculairement placées sur le cousoir.

Aiguilles à Selliers. Ce sont des aiguilles à quatre angles, avec lesquelles les Selliers cousent leurs ouvrages. On les appelle aussi Carrelets, à cause de leur forme triangulaire. Les aiguilles à Selliers sont grosses, moyennes ou fines.

Aiguilles à empointer. Ce sont des espèces de carrelets beaucoup plus longs & plus forts que ceux des Selliers, dont les Marchands Drapiers, Merciers & Manufacturiers se servent pour arrêter avec de la menue ficelle, ou du gros fil, les plis des pièces d’étoffes ; ce qui s’appelle les empointer.

Aiguille à tête, ou à cheveux. C’est un morceau d’acier, de fer, ou de laiton poli, menu & long d’environ quatre pouces, ayant d’un côté une tête plate, trouée en longueur, & de l’autre une pointe peu piquante, qui sert aux femmes à séparer & passer leurs cheveux lorsqu’elles se coiffent.

Aiguille à réseau. Terme de Perruquier. On appelle ainsi un certain petit morceau d’acier ou de fer tendu par les deux bouts, dont on se sert à faire ces sortes de réseaux, sur lesquels les Perruquiers cousent les tresses de cheveux, dont ils forment les perruques.

Aiguille à emballer. Grosse aiguille de fer ou d’acier, longue de cinq à six pouces, ronde du côté de la tête, triangulaire & tranchante du côté de la pointe, qui est fort évidée.

Aiguille aimantée, en termes de Marine, est une petite verge de fer posée au milieu de la boussole, sur une pointe de cuivre sur laquelle elle se meut. Lorsqu’elle est frotée d’aimant, on la voit tourner une de ses extrémités vers le pole boréal de la terre, & l’autre extrémité vers le pole méridional. Acus Magnetica, Magnete perfricta. Nous dirons au mot aimant, que tout le jeu de l’aimant & des corps aimantés, vient des corpuscules magnétiques qui sont dans leurs pores. Ces corpuscules se tournent d’un côté vers le pole boréal de la terre ; & de l’autre, vers le pole méridional. Ils doivent donc tourner leurs aimans avec eux, & communiquer à leur axe une direction constante vers les deux poles de la terre, Voyez Aimant.

☞ De là l’aiguille aimantée sous l’équateur, se trouve parallèle à l’horizon, parce que l’axe des corpuscules magnétiques conserve la même direction que l’axe de la terre. Par la même raison l’aiguille aimantée doit être sous les poles, perpendiculaire à l’horizon, parce que le mouvement de la matière magnétique se fait là d’une manière perpendiculaire à la superficie de la terre. Mais dans les autres endroits de la superficie de la terre, l’aiguille est diversement inclinée selon la ligne que décrit la matière magnétique. Dans les pays septentrionaux, l’extrémité qui regarde le pole méridional ; & dans les pays méridionaux, l’extrémité qui regarde le pole boréal, doit s’incliner vers l’horizon : aussi tout cela arrive-t-il dans la pratique.

☞ Il faut pourtant remarquer que l’aiguille aimantée ne tourne pas exactement ses deux extrémités vers les deux poles de la terre, mais qu’elle décline tantôt vers l’orient, & tantôt vers l’occident. Pour expliquer ce phénomène, les Physiciens supposent avec raison qu’il y a dans le sein de la terre des mines d’aimant & de fer, dont les atmosphères s’étendent fort loin, & dont les corpuscules magnétiques sont portés vers l’aiguille aimantée. Si ces corpuscules viennent des régions occidentales, l’aiguille doit décliner vers l’occident. S’ils viennent de quelque mine située dans les pays orientaux, elle doit décliner vers l’orient.

Dans l’Abrégé de la Vie de Brunetto Latini, il y a une notice de son ouvrage qui est appelé Trésor. On lit dans ce Trésor un passage qui prouve que la boussole, ou l’aiguille aimantée étoit en usage quarante ans avant l’an 1300, où l’on fixe communément l’époque de la boussole. Le Cap des Aiguilles vers le Cap de Bonne-Espérance est ainsi nommé, à cause que l’aiguille n’y décline point.

Aiguille, est aussi en termes de Marine, la partie de l’éperon qui est comprise entre les portes-vergues & la gorgère, ou la partie qui fait une grande saillie en mer. On appelle aiguilles de ventre, ou de trevier, celles qui servent à coudre les voiles. Il y en a de trois sortes, de coutures, d’œillets, & de ralingues. Aiguilles de Bordeaux, sont de petits vaisseaux à pêcher les maigres, poissons de mer.

Aiguille, se dit aussi d’une étaie, ou arc-boutant fait d’une longue pièce de bois, dont les Charpentiers se servent pour appuyer le mât, quand on carène le vaisseau, & qu’on le met sur le côté pour le radouber.

On appelle aussi aiguilles, plusieurs pièces de bois posées à plomb, qui servent à fermer les pertuis des rivières pour arrêter l’eau, & qu’on lève quand les bateaux se présentent au passage.

☞ AIGUILLE. Terme de rivière. Petit bateau de Pêcheurs dont on se sert sur les rivières de Garonne & de Dordogne.

Aiguille, en Gnomonique, est une verge de fer qui montre l’heure sur les horloges & sur les cadrans. Gnomon. On l’appelle ordinairement style en Gnomonique. Voy. ce mot.

En termes d’Architecture on appelle Aiguille une pyramide de pierre ou de charpente, tels que sont les clochers des Eglises, lorsqu’ils sont extrêmement pointus. On les appelle autrement flèches. L’aiguille de la Sainte Chapelle de Paris. On le dit aussi d’un obélisque. L’aiguille de S. Pierre de Rome. Obeliscus, pyrameis.

Aiguille en Botanique. On se sert de ce terme pour donner l’idée, soit d’un pistil, soit d’une semence, soit de toute autre partie des plantes, longue, menue, & qui se termine en pointe. On dit une semence en aiguille, semen acuminatum, ou rostratum, en bec d’oiseau, si elle est un peu recourbée.

Aiguilles d’essai ou touchaux. Terme de Chimie. On appelle ainsi un alliage d’or ou d’argent sous des proportions différentes.

Aiguille, en Conchyliogie. C’est le nom d’une des espèces de coquillage de mer. Acus concha. Gersaint écrit éguille.

Aiguille à Berger, ou Aiguille de Berger. Terme de Botanique. Scandix, icis. s. m. ou Pecten Veneris. Plante annuelle & ombellifére, dont les tiges sont rondes, hautes d’un pied, assez branchues, garnies de feuilles plus menues que celles du cerfeuil. Elle porte des ombelles de fleurs à cinq pétales inégales, & disposées comme les fleurs de lis des armes de France ; chaque calice qui soutenoit une fleur, devient un fruit composé de deux semences, qui avec leurs enveloppes, représentent assez bien une aiguille à coudre, longue de deux pouces environ sur une demi-ligne de largeur. Son odeur n’est pas agréable ; elle croît communément dans les champs. Il y en a une autre espèce qui vient en Provence, en Languedoc, & en Italie, plus petite dans toutes les parties que la précédente, & dont l’odeur est aussi douce que celle du cerfeuil & de l’anis.

Aiguille, se dit proverbialement en ces phrases : de fil en aiguille ; pour dire, d’un propos à l’autre, d’une chose à une autre.

Conter une chose de fil en aiguille, c’est raconter tout par ordre, ne rien omettre, en rapporter toutes les circonstances. Faire un procès sur la pointe d’une aiguille ; pour dire, contester sans sujet, ou pour une affaire de peu d’importance. On dit de celui qui fait plusieurs petits emprunts d’outils, qu’il lui faut fournir de fil & d’aiguille. ☞ On dit d’une chose qu’on cherche, mais qui est difficile à trouver à cause de sa petitesse, que c’est chercher une aiguille dans une botte de foin. La perte de cette Officier a paru ici comme une aiguille dans une botte de foin. Me de Sev. On a fait une devise d’une aiguille à broder, Pungit ut ornet, elle pique pour orner.

Aiguille, est un nom qu’on a donné à quelques lieux. Aiguille est une île de la mer Ethiopique. Ce nom vient de son nom portugais Agulha.

Le Cap des Aiguilles, Acuum promontorium, est sur la côte des Cafres, en Afrique.

Montagne de l’Aiguille. Montagne de Dauphiné en France, appelée autrement montagne inaccessible. Mons acus, Mons inaccessus. Sa situation est renversée, & elle est comme plantée sur son sommet car elle n’a par le bas que 200 pas de circuit, & elle en a 1000 par en haut ; de là vient son nom d’inaccessible. Quand Charles VIII alla en Italie en 1492, il envoya des gens qui furent assez hardis & assez adroits pour monter jusqu’au haut de cette montagne. Ils n’y trouverent que des chamois. On n’y vit point d’arbres, mais seulement un pré. Il pouvoit y avoir demi-lieue à monter par le chemin qu’on prit. Il y a sur la plate-forme de cette montagne une élévation pointue qui lui fait donner le nom de Montagne de l’Aiguille. Acad. des S. 1700, Hist. p. 31

AIGUILLÉ, ÉE. adj. Composé de parties semblables à des aiguilles. Obeloides. Les sels alkalis dont on se sert pour absorber les sels acides du soufre commun, réduisent l’argent en masse brune & aiguillée, approchante de l’antimoine. Homberg, Acad. des S. 1700. Mem. p.41.

AIGUILLÉE. s. f. Certaine longueur de fil, de soie, de laine, qu’on passe dans une aiguille, proportionnée à l’étendue du bras qui la tire. Acia.

AIGUILLER. v. a. Terme d’Oculiste. C’est ôter la cataracte de l’œil. Les Oculistes sont adroits à aiguiller. Cette expression vient de ce qu’ils se servent d’une aiguille pour cette opération. Il n’est pas en usage.

☞ AIGUILLER la soie. Terme de manufacture de soierie. C’est la nettoyer avec des aiguilles ou instrumens semblables, quand elle est sur le dévidoir, ou qu’on l’en a retirée pour la dépouiller des parties étrangères qui n’ont pas été emportées dans les autres préparations. Il est défendu d’aiguiller la soie, parce que cela l’éraille & la détord.

AIGUILLETTE. s. f. Cordon ou tissu ferré par les deux bouts, qui sert à attacher quelque chose a une autre : Ligula. On attachoit le haut des chausses avec une aiguillette. Un ferret d’aiguillette. On fait aussi des aiguillettes de cuir de mouton, coupé en bandelettes ferrées par les deux bouts.

On appelle aussi aiguillettes, des touffes de rubans ou de cordons ferrés, qui ne servent quelquefois que d’ornement.

Nouer l’aiguillette, se dit d’un prétendu maléfice que le peuple croit empêcher la consommation du mariage. Foscinare conjuges.

On dit au Manége, nouer l’aiguillette, quand un cheval sauteur s’épare, & rue entièrement du train de derrière, alongeant les jambes également de toute leur étendue. Extensis pedibus calcitrare.

On dit populairement & bassement, lâcher l’aiguillette ; pour dire, satisfaire aux nécessités naturelles ; Ligulas solvere. On dit proverbialement, qu’on ne doit point servir un maître qui serre ses vieilles aiguillettes ; c’est-à-dire, qui est trop bon ménager. Courir l’aiguillette, se dit d’une femme qui va se prostituer çà & là. Ce qui vient de ce qu’autrefois à Toulouse les femmes débauchées étoient obligées de porter une aiguillette sur l’épaule, pour marque d’infamie ; ce que Pasquier dit avoir vu encore pratiquer de son temps. C’étoit en exécution de l’Ordonnance de S. Louis. Boyer le dit aussi, sur la Coutume de Bourges. Vitam meretriciam agere, scortari.

☞ Ce mot se dit au figuré des morceaux de la peau ou de la chair arrachés ou coupés en long. Les Barbares lui arracherent la peau du dos par aiguillettes. On lève les aiguillettes d’un oiseau de rivière, on le coupe par aiguillettes.

AIGUILLETTER. v. a. Attacher son haut de chausses avec une ou plusieurs aiguillettes. Vestem ligulis astringere. Ce mot, ainsi que la mode de porter des aiguillettes, n’est plus en usage.

AIGUILLETTÉE, ÉE. part. Astrictus ligulis. Autrefois on étoit toujours aiguilletté ; pour dire, qu’on avoit le haut de chausses attaché au pourpoint avec plusieurs aiguillettes. Un amant aiguilletté sera pour elle un ragoût merveilleux. Mol.

On dit au figuré d’un homme qui a l’air contraint & guindé, que c’est un homme aiguilletté.

AIGUILLETTIER. s. m. Ouvrier qui ferre les aiguillettes & les lacets. Ligularum artifex.

AIGUILLIER. s. m. Ouvrier qui fait des aiguilles. Acuum artifex.

Aiguillier, se dit aussi du petit étui où l’on met des aiguilles. Theca acuum. Mon aiguillier est fort joli. On trouve acuarium dans la basse latinité.

AIGUILLON. s. m. Ce qui est piquant en matière d’aiguille. Aculeus. Les hérissons sont couverts de pointes & d’aiguillons. Les abeilles ont un aiguillon, dont la figure se voit dans la Micrographie de M. Hook, & dans le Journal des Savans, 1666, p.497.

☞ On a aussi donné le nom d’aiguillon (Hist. nat.) aux parties osseuses & pointues qui sont dans les nageoires, & sur d’autres parties du corps de la plûpart des poissons.

Aiguillon.Aculeus en Botanique, c’est, suivant Linnæus, une pointe fragile, qui est si peu adhérente à la plante, qu’on peut la détacher aisément, sans rien déchirer. Cette circonstance la distingue de l’épine : mais communément ce mot se dit des pointes qu’on trouve autour des feuilles, ou sur les feuilles, comme sont celles des feuilles de choux.

Aiguillon. (Manége) Voyez Valet.

Aiguillons. Terme de chasse. Ce sont les fientes & les fumées des bêtes fauves qui ont une pointe au bout. Ces fumées ont des aiguillons ; c’est une bête fauve qui a passé.

Aiguillon, se dit encore d’une pointe de fer attachée au bout d’un grand bâton, dont on se sert pour piquer les bœufs, & pour les faire marcher. Stimulus. Piquer de l’aiguillon, donner de l’aiguillon. Les bouviers chassent leurs bœufs avec un aiguillon.

Aiguillon, se dit figurément en Morale de ce qui excite à quelque chose. Incitamentum, irritamentum, stimulus. L’aiguillon de l’amour, c’est la difficulté. Malh. Nos passions ont plus besoin de bride que d’aiguillon. La louange des belles actions sert d’aiguillon à la vertu. Ablanc. La colère servoit d’aiguillon à son ardeur naturelle. Vaug. La récompense est un puissant aiguillon pour nous porter avec courage aux travaux & aux dangers. Aristote disoit de Calistène, qu’il avoit besoin d’aiguillon pour être excité, & Théophraste d’un frein pour le retenir.

AIGUILLON. Ville de France. Aguillionum. Elle est dans l’Agenois, qui est une contrée de la Guyenne, au confluent du Lot & de la Garonne, entre Agen & Nérac. Aiguillon a titre de Duché.

AIGUILLONNER. v. a. Donner de l’aiguillon, piquer de l’aiguillon. Terme de Laboureur. Stimulare ; aculeum admovere. Aiguillonnez ce bœuf. Il se dit rarement au propre.

Aiguillonner, au figuré, signifie pousser quelqu’un à faire, ou à entreprendre quelque chose, l’exciter par de fortes raisons, par de puissans motifs. ☞ Les grands Vocabulistes disent, presser quelqu’un à faire quelque chose. Locution vicieuse. On presse quelqu’un de faire une chose, de parler, de partir : mais on n’a jamais dit, presser quelqu’un à parler, à partir, à faire. Stimulare, excitare, acuere. L’exemple de nos aïeux nous aiguillonne à la vertu. Il y a de bons Auteurs qui prétendent que, quoique le terme d’aiguillon soit du bel usage, il n’en est pas tout-à-fait de même de celui d’aiguillonner, qui, selon eux, ne s’emploie jamais bien noblement, & qu’en sa place il faut dire, Provoquer, exciter, enflammer, &c.

☞ AIGUILLONNÉ, ÉE. adj. Terme de chasse qui se dit des fumées qui portent un aiguillon quand elles sont en nœuds ; ce qui marque ordinairement que les cerfs ont eu quelque ennui.

AIGUISEMENT. s. m. Action d’aiguiser. Exacutio. Il a tant coûté pour l’aiguisement de ces couteaux. On ne le dit guère.

AIGUISER. v. a. Rendre aigu, plus pointu, plus tranchant. Acuere, exacuere. Les faucheurs aiguisent leurs faux avec des queues, ou des dalles. Les tailleurs de pierres aiguisent leurs marteaux & leurs ciseaux sur des pavés. On porte les couteaux & les rasoirs chez les émouleurs pour les aiguiser, & les passer sur la meule, sur la pierre.

Aiguiser, se dit figurément de l’esprit & de quelques passions. Les Conférences académiques aiguisent l’esprit, le rendent plus subtil. Un ragoût aiguise l’appétit, l’augmente, le renouvelle, le rend plus vif.

On dit proverbialement, & familièrement, Aiguiser ses couteaux ; pour dire, se préparer au combat. Aiguiser ses dents ; pour dire, se préparer à bien manger, accingere se.

AIGUISÉ, ÉE. part. Exacutus.

Aiguisé, en termes de Blason, se dit des pièces qui ont les bouts aigus & terminés en pointe. In mucronem, acumen, cuspidem desinens. Comme une croix aiguisée, une fasce aiguisée, des pals aiguisés. Quand ils ne sont pointus que par le bout d’en bas, on les appelle fichés.

AIGÛMENT. adv. Nicot écrit aguëment, comme on le prononçoit autrefois ; ce qui revient mieux à l’adverbe latin acutè, finement, ingénieusement, subtilement. Cependant il l’explique par acriter, qui signifie rudement, durement ; explication convenable à l’exemple qui suit, où il s’agit des Philosophes, qui bien loin de s’étudier à orner leurs discours de fleurs de Rhétorique, affectent de se servir des expressions simples.

Il y a des Philosophes, qui, à l’exemple de Chrysippe, affectent de parler aigûment & séchement, la frugalité leur plaisant en toutes choses, & en paroles autant qu’au reste de la vie. Le Vayer. to. 13, p. 351. Aigûment n’est point usité.

AII.

AIIS DANGILLON. Aiatia. Petite ville de Berry. Ce nom est pluriel. Les Aiis Dangillon. Il y a une Collégiale aux aiis ; car ordinairement on dit simplement les aiis, & il faut prononcer les ais. Ce mot s’est formé du Latin Aiatia, & le second de Dam, ou Dom Gillon, qui en a été autrefois Seigneur.

AIL.

AIL. s. m. au pluriel aulx. Plante assez connue, & dont il y a diverses sortes. Allium. Le cultivé, qui est celui des jardins, a une tige assez longue, toute unie, & creuse : ses fleurs sont à six feuilles, & naissent en gros bouquets sphériques. Son fruit est divisé en trois loges, remplies de quelques semences presque rondes ; ses feuilles ne sont point fistuleuses comme celles de l’oignon. Sa racine est bulbeuse, ou à oignon, composée de quelques tuniques, qui enveloppent plusieurs tubercules charnus, d’un goût âcre, & d’une odeur forte. L’ail est fort chaud, & caustique ; non-seulement il excite des vessies, mais il ronge, étant appliqué en dehors : il ne fait pas le même effet dans l’estomac, quand on en mange, soit à cause du levain, & des autres alimens qui y sont contenus ; soit parce que la tissure en est différente. On s’en sert dans la peste, dans la colique venteuse & dans plusieurs autres maladies. On l’appelle pour cette raison, la Thériaque des paysans. Son usage est désagréable, à cause de sa puanteur. Outre les aulx domestiques, il y en a de sauvages. Il y en a un dont les feuilles sont plus larges, semblables à celles du poireau. D’autres ont leurs feuilles menues & très-étroites, & les têtes très-petites, en comparaison du domestique ; elles sont garnies de fleurs, ou blanches, ou purpurines, ou rayées, ou jaunes. Il y en a une espèce commune en France qui vient dans les bois & fleurit au printemps. Cette espèce ne donne qu’une ou deux feuilles aussi larges que celles du muguet ; d’entre ces deux feuilles s’élève une tige haute d’un pied au plus, qui porte à son extrémité une tête garnie de fleurs blanches. On la nomme ail d’ours, Allium ursinum. Les anciens Botanistes avoient donré le nom de Moly à une partie de ces aulx sauvages, & ils appelaient Scorodoprasum, les espèces qui portoient des feuilles de poireau.

Ail de chien. Voyez Muscari. Ses fleurs sont de couleur de pourpre. Il y a aussi un ail poireau, qui est gros comme un poireau, & qui participe aux qualités de l’un & de l’autre : en Grec σκοροδπρασον. On ne peut souffrir l’haleine de ceux qui ont mangé de l’ail. En 1368 Alphonse, Roi de Castille, fit un Ordre de Chevalerie, qu’il appela l’Ordre de la Bande ; il leur défendit par ses Statuts de manger des aulx, ni des oignons, & ordonna que les contrevenans s’abstiendroient pendant un mois de pratiquer la Cour, ni les autres Chevaliers. Matth. Vie de Louis XI. Liv. 6. en ses annot. marg. De Roch. Les aulx & les oignons sont les viandes ordinaires des Espagnols & des Gascons ; la dixme de l’ail rend plus de 1000 écus de rente à l’Archevêché d’Alby. La pointe d’une épée qui a touché de l’ail fait une plaie où la gangrène se met d’abord, si l’on n’y remédie. L’ail se sème de gousse, ou autrement de caïeux, à la fin de Février, & se met trois à quatre pouces avant dans la terre, & à trois à quatre pouces de distance. On les tire de terre vers la fin de Juillet, & on les met sécher, pour les garder ensuite d’une année à l’autre dans un lieu qui ne soit pas humide. L’ail mangé à jeun est la Thériaque des Paysans. Il est vrai qu’il cause la soif, la chaleur par tout le corps, & des maux de tête quand on en use souvent ; mais on peut corriger ces accidens en mangeant de l’ache, ou du persil incontinent après. L’ail appliqué en forme de cataplasme sur une morsure de serpent, ou de chien enragé, est, dit-on, un souverain remède. Pour empêcher que les oiseaux ne nuisent aux fruits nouveaux des arbres, il faut pendre aux branches quelque quantité d’ails. Id. En latin allium, qui vient du grec ἄγλιθες, qui signifie la tête de l’ail. Vespasien dit à un jeune homme, qui lui demandoit un gouvernement : j’aimerois mieux que tu sentisses l’ail, que le parfum. Ablanc. Il étoit défendu à ceux qui avoient mangé de l’ail, d’entrer dans le temple de la mere des Dieux. Bayl.

Cette plante n’a été appelée allium en latin, selon saint Isidore, Orig. lib. 3, cap. 10, qu’à cause de la forte odeur qu’elle répand, allium dictum quòd oleat.

AILA, ou AILATH, ou ÆLATH, ÉLATH. Ancienne ville de l’Idumée. Aila, Ailath, Ælath. Elle étoit placée sur le bord de la mer rouge, près d’Asiongaber. Elle fut le siége d’un Roi des Iduméens. Saint Jérôme dit que de son temps elle s’appeloit Legio Xa, parce que les Romains y avoient fait une colonie de la dixième légion. On prétend que c’est la même que Joséphe appelle Elana.

AILBERT. s. m. Nom d’homme, qui s’est fait d’Agilbert. Agilbertus. S. Ailbert, ou Agilbert, étoit Evêque de Paris. Baillet.

AILE. s. f. La partie de l’oiseau qui l’élève ou qui le soutient en l’air, quand elle est étendue. ☞ Parties du corps des oiseaux, qui sont les instrumens du vol, & qui sont façonnées pour cet effet avec beaucoup d’art, & placées à l’endroit le plus propre pour tenir le corps dans un exact équilibre. Ala. L’aigle est un oiseau qui vole à tire d’aile. Les Faucons se tiennent long-temps sur aile, ils ont l’aile vîte, tranchante, l’aile forte, l’aile entière. On dit aussi ; faire voir en aile l’oiseau, le mettre en aile : voler de belles ailes. Les poussins sont encore sous l’aile de la mère.

Aile, se dit aussi d’une chauve-souris, d’une mouche, d’un papillon, d’un serpent, d’un dragon, & généralement de tout ce qui sert à quelques insectes à voler. La chauve-souris n’a point de plumes à ses ailes. Les ailes d’un papillon, d’un moucheron, &c.

Aile, se dit aussi de cette partie charnue qui s’étend de l’estomac à la cuisse dans les oiseau qu’on mange. Une aile de chapon, de perdrix. Il y en a qui préfèrent la cuisse à l’aile.

Aile, se dit figurément en choses morales & spirituelles, & signifie, protection, garde. C’est une fille d’honneur qui a toujours été élevée sous l’aile de la mere. Et sur-tout en poësie : Cache-la sous ton aile au jour épouvantable, dit Desportes en parlant à Dieu en faveur de l’ame pécheresse. Malherbe a dit aussi,

 
Et son ame étendant ses ailes,
Fut toute prête à s’envoler.

On dit aussi familièrement, la peur lui a mis des ailes aux talons ; pour dire, l’a fait fuir en diligence. Si la peur vous donne des ailes pour vous sauver, l’espérance lui en donnera de plus fortes pour vous atteindre. Vaug. ☞ On peint ordinairement Mercure avec des ailes aux talons. Les anciens payens donnoient des ailes à la victoire, à la renommée, au cheval pégase, à l’amour. Les Peintres & les Poëtes en donnent aux vents, au temps, aux heures. On dit poëtiquement sur les ailes du temps, sur les ailes des vents, des zéphirs.

On donne aussi figurément des ailes aux Chérubins, & aux Anges. Les Chérubins devant Dieu se couvrent la face de leurs ailes : ils couvroient l’arche de leurs ailes.

Aile, en termes d’Anatomie, se dit par analogie, de plusieurs parties du corps. Les lobes du foie s’appellent souvent ailes, ou ailerons. On appelle ailes ou ailerons, les chaires molles & spongieuses qui sortent de la partie naturelle des femmes, que les Anatomistes appellent nymphes, ou dames des eaux, parce qu’elles servent à conduire l’urine dehors. On appelle aussi ailes, ou ailerons, les deux cartillages qui sont aux côtés du nez, & qui forment les narines. On appelle encore ailes ou ailerons, le haut des oreilles, les cartilages qui forment la partie supérieure des oreilles.

Aile, en termes de Blason, quand elle est seule, s’appelle un demi-vol ; & lorsqu’il y en a deux, elle s’appelle un vol : ce qui se dit de quelque oiseau que ce soit.

On appelle au Manége ailes, ces pièces de bois qu’on met aux côtés de la lance pour la charger vers la poignée.

Aile, en termes de Botanique, c’est l’angle que les feuilles d’une plante, ou la queue des feuilles forment avec la tige, ou avec une branche de la plante. Cet angle est ordinairement aigu, & tourne toujours en haut. Il s’appelle ainsi par ressemblance à l’angle que forment les ailes d’un oiseau avec son corps, ou plutôt à l’angle que forme le bras de l’homme avec le tronc du corps, & qui s’appelle aussi aile. Quelquefois on appelle aussi de ce nom les branches mêmes, ou les feuilles qui poussent à côté l’une de l’autre sur les tiges des arbres ou des plantes, & qui forment avec la tige l’angle dont on vient de parler. Le mot d’aisselle convient mieux ici

Aile, se dit encore en Botanique. 1.o Des deux pétales latérales des fleurs légumineuses, situées entre le pavillon & la nacelle. 2.o De l’expansion membraneuse qui accompagne certaines semences. Le bignonia, l’Erable, &c. ont leurs semences ailées. Semina alata. 3.o De ces feuillets membraneux qui accompagnent les tiges suivant leur longueur. Alors on dit que les tiges sont ailées : Caulis alatus.

Ailes, en termes de Jardinage, sont des branches d’arbres ou d’autres plantes, qui poussent à côté l’une de l’autre. Ces branches font des ailes. Liger. Ce terme se dit en particulier des artichaux ; & ces ailes sont les pommes qui accompagnent le principal montant sur la même tige, & ne sont pas si grosses que la principale pomme. La Quint. Liger. Il ne reste plus que des ailes sur nos pieds d’artichaux. Lig. On donne ce nom à ces sortes de productions, à cause qu’étant placées vis-à-vis l’une de l’autre, & s’étendant des deux côtés opposés, elles font comme des ailes. Id.

Aile, se dit aussi d’un moulin à vent. Ce sont quatre grands chassis couverts de toile & garnis d’échelons, qui traversent l’aissieu en dehors ; & reçoivent le vent pour faire tourner le moulin. Les Meûniers les appellent autrement volans.

Les ouvriers nomment aussi les ailes d’une fiche, ou couplet, ces deux petits morceaux de fer mobiles par le moyen de leurs charnières, qui servent à soutenir & à faire mouvoir des portes ou des fenêtres, ou des volets brisés. Ils appellent ailes de lucarne les deux côtés qui posent sur les chevrons, & qu’on appelle autrement joues de la lucarne.

Aile de lardoires. Terme de cuisine. On entend par-là les parties de la lardoire, où l’on met le lardon, lorsqu’on veut larder ou piquer quelque viande.

Aile, est aussi un terme d’Horloger, qui se dit des pignons. L’aile est à l’égard d’un pignon, ce que la dent est à l’égard d’une roue. C’est aussi une des branches du volant de sonnerie.

Les Vitriers appellent encore ailes, ou ailerons, ces petites bandes de plomb fort déliées, qui servent à engager les losanges du verre dans les panneaux des vitres, & à les y tenir ferme.

Aile en Architecture. On appelle les ailes d’un bâtiment, ce qu’on bâtit à droite & à gauche pour accompagner le principal corps de logis, & faire les deux côtés de la cour. Ce sont les deux extrémités d’un bâtiment qui s’avancent en saillie. Aile droite, aile gauche. L’aile droite doit s’étendre, non pas par rapport à la personne qui regarde, mais par rapport au bâtiment même. Dict. de Peint. et d’Archit. Ce bâtiment est imparfait, il n’y a qu’une aile de bâtie. On appelle aussi ces ailes, bras, ou potences. On dit encore, les ailes d’un théâtre, les ailes d’un pont.

On appelle aussi aile dans les Eglises, ce qui est à droite & à gauche de la croisée ; les bas côtés, ou les petites voûtes qui sont à côtés de la grande. Le portail de l’aile droite est plus beau que celui de la gauche. On n’a bâti que le chœur, ou va bientôt travailler aux ailes. Quand il y a doubles ailes dans les Eglises, comme à Notre-Dame de Paris, les secondes qui sont ordinairement plus basses que les autres, s’appellent les basses ailes.

Ailes de pavé. C’est ainsi qu’on appelle les deux côtés ou pentes de la chaussée d’un pavé.

Aile, se dit en termes de Guerre, des deux extrémités d’une armée rangée en bataille. Ala, cornu. L’aile droite fut la première rompue. La cavalerie se met sur les ailes ; c’est-à-dire, sur les flancs, ou sur les extrémités de chaque ligne à droite & à gauche. En ce sens, ce mot vient de alauda, selon Bochart, qui signifioit une Légion Gauloise, ainsi nommée à cause de la figure des casques que portoient les soldats, qui étoient crêtés comme des allouettes. On dit que Pan, l’un des capitaines de Bacchus, a été le premier inventeur de cette manière de ranger une armée en bataille : d’où vient que les anciens l’ont peint avec des cornes à la tête, parce qu’ils appeloient cornes, ce que nous appelons les ailes. Il y a beaucoup plus d’apparence, ou plutôt, il est certain que aile dans ce sens vient du mot latin ala, aile, qui se donnoit à un corps de cavalerie ; parce que dans les armées Romaines, la cavalerie se divisoit en deux corps, qu’on jetoit sur les deux côtés de l’armée, l’un à droite, & l’autre à gauche, & dont on la flanquoit ; ce qu’on appeloit alæ, les deux ailes, parce qu’ils faisoient à peu près, par rapport au corps de l’armée, la figure que font par rapport au corps d’un oiseau, ses ailes, quand elles sont étendues. Les deux côtés, les deux flancs de l’armée, s’appeloient donc ailes ; c’est de-là que nous avons pris ce mot, pour signifier la même chose.

Aile, se dit aussi des deux côtés ou des files qui terminent chaque bataillon, ou chaque escadron, à droite & à gauche. Les Piquiers sont rangés au milieu, & les Mousquetaires sur les ailes. On a commencé à défiler par l’aile droite. On appelle aussi les ailes d’un bataillon, ses manches, ou son flanc.

Aile, se dit aussi en termes de Fortification, du flanc d’un bastion, & plus ordinairement des longs côtés qui terminent, à droite & à gauche, un ouvrage à cornes ou couronné, & qui sont flanqués par quelque endroit de la place, par quelque dehors, ou travail particulier.

Aile. Terme de Conchyliologie : ce n’est autre chose que l’extension d’une des lèvres de la bouche d’une coquille, ce qui forme une espèce d’aile. On dit un Murex ailé : on ne doit pas prendre cette aile pour une oreille, quoiqu’on dise Murex auritus.

Ailes, en termes de Tourneur, signifie deux pièces de bois plattes, de figure triangulaire, qui s’attachent transversalement à une des poupées du Tour, pour servir de support lorsqu’on veut tourner de quatre ronds. On appelle Poupées à ailes, celles qui ont de ces sortes de supports.

Dans l’Art d’écrire, on appelle bouts d’ailes, des plumes à écrire, qui sont tirées du bout des ailes d’une oie. Penna.

Aile de S. Michel. Ordre militaire de Portugal, qui fut institué, selon le P. André Mendo, Jésuite, De Ordin. Milit. l’an 1165, ou l’an 1171 ; selon Joseph di Michieli, dans son Tesoro militar. de Cavalleria antiqua y moderna ; c’est-à-dire Trésor, militaire de Chevalerie ancienne & moderne, imprimé à Madrid en 1642. Alphonse Henri I, Roi de Portugal, l’institua en mémoire d’une victoire qu’il remporta sur le Roi de Séville & les Sarrasins, & dont il crut être redevable à S. Michel, qu’il avoit pris pour patron dans cette guerre contre les Infidèles. Les Chevaliers de l’aile de S. Michel furent ainsi nommés, parce que dans leur enseigne, ils portoient une aile en forme de celle de Archange, laquelle étoit de couleur de pourpre, environnée de rayons d’or. Ces Chevaliers avoient la règle de S. Benoît, suivant l’institut de Cîteaux. Ils faisoient vœu de défendre la religion chrétienne, & les confins du royaume, & de protéger les veuves & les orphelins. Dans leur étendard on voyoit d’un côté un S. Michel terrassant le démon, & de l’autre la croix de l’Ordre en forme d’épée, avec ce mot ; Quis ut Deus, qui est semblable à Dieu ? Cet Ordre ne subsiste plus. Outre les deux Auteurs que j’ai cités, Voyez Antonio Bromdon, Monarc. Lusitana, Liv. XI, ch. 22. Antonio Manriquez, T. II, ch. 8. August. Barbosa, Summ. Apost. cecis. col. 306. Caramuel, Theolog. Reg. p. 9. Bernardo Justiniani, historia dell’origine de Cavallieri, ch. 28.

Aile, se dit proverbialement en ces phrases : cet homme ne bat plus que d’une aile ; pour dire, que son crédit, sa fortune, son esprit, sont diminués, & qu’il n’en peut plus. On lui a tiré une plume de son aile : pour dire, qu’on lui a arraché quelque chose de son bien : qu’on en tirera pied ou aile ; pour dire, qu’on tirera quelque chose d’une affaire, & qu’on ne perdra pas tout. On lui a rogné les ailes ; pour dire, qu’on a retranché de son autorité, de ses richesses. On dit d’un téméraire, qu’il a voulu voler avant que d’avoir des ailes, qu’il n’a pas l’aile encore assez forte ; pour dire, qu’il a commencé trop tôt quelque entreprise au-dessus de ses forces. On dit d’un homme malheureux, qu’il en a dans l’aile ; pour dire, qu’il lui est arrivé quelque accident fâcheux, ou bien qu’il a passé les 50 ans, qu’on marque avec une L. On le dit aussi d’un homme qui a perdu sa liberté.

 
Mon cher ami, j’en ai dans l’aile.
Je suis perdu, j’ai regardé Cloris. Scar.

Si vous en avez dans l’aile,
Plaignez-vous adroitement. S. Amant.

On dit aussi, voler à tire d’aile ; pour dire, d’un vol prompt & vigoureux ; & figurément, d’un grand empressement, d’une vîtesse grande & précipitée, d’une ardeur prompte comme en ces vers,

Cette vengeance, aussi-tôt qu’elle appelle,
On part, on court, on vole à tire d’aile.
On ne lui plaint ni dépense ni soin ;
Contre quiconque on soutient la querelle.

Et en ceux-ci,

Elle a beau faire, la cruelle, (la goutte)
Elle ne peut durer toujours :
Et nous irons en dépit d’elle,
Dans vos cantons, à tire d’aile,
Vous relancer un de ces jours.

Une aile étendue, avec ce mot, Serpere nescit, marque dans Aresi l’élévation du génie. Une aile avec ce mot. Non sufficit una, une seule ne suffit pas, signifie qu’une vertu, ou une bonne qualité seule, ne suffit pas pour quelque entreprise. L’Académie de Philoponi : c’est-à-dire, des amateurs du travail, de Faënza, a pour devise une aile mise en éventail, dont une main chasse les mouches, avec ces mots, Fugantur desides, on chasse les fainéans. Deux ailes, avec ces mots, Portantem portant, elles portent celui qui les porte, marquent un secours réciproque.

Les ailes, selon Platon, sont l’hiéroglyphe de l’intelligence ; & les ailes d’or que le prétendu Orphée donne au premier né de Saturne, sont, au sentiment du P. Kircher, le symbole de la sagesse de l’ame du monde, dans les idées platoniciennes.

Aile, s. f. C’est un mot qui vient de l’Anglois ale, & qui est en usage à Paris. La première syllable se prononce un peu long. C’est une sorte de bière Angloise, qui se fait sans houblon, & qui est plus forte & plus chargée que la bière ordinaire.

AILÉ, ÉE. adj. Qui a des ailes. Alatus. Les Poëtes appellent les oiseaux, les peuples ailés. Les papillons, ses cigales, sont des insectes ailés. Les bonites sont des poissons ailés, qui se trouvent assez communément sur l’Océan Atlantique.

☞ On représente ordinairement un foudre ailé pour symbole de la puissance & de la vitesse.

En termes de Blason, on appelle un oiseau ailé, quand ses ailes sont d’un autre émail que son corps. On appelle aussi ailé, tout ce qui est peint avec des ailes, quoique contre sa nature : comme un cerf ailé, un cœur ailé, des dragons, des serpens ailés, une main ailée, une tête de léopard ailée, une bande ailée, &c.

Ailé. Alatus, se dit en Botanique des tiges qui sont garnies dans leur longueur de feuillets membraneux. Plusieurs espèces de chardons ont leurs tiges & leurs branches ailées. On appelle aussi feuilles ailées, celles qui sont composées de plusieurs petites feuilles égales, ou inégales, & qui sont rangées sur une même côte, ensorte que toutes ensemble, elles ne font qu’une même feuille. Folia alata, ou pennata. Telles sont les feuilles d’aigremoine, de la reine des prés, de l’acacia, du frêne, &c. Voyez Aile, en Botanique.

☞ AILERON. s. m. Extrémité de l’aile des oiseaux à laquelle tiennent les grandes plumes de l’aile. Extrema ala.

Aileron, se dit aussi des nageoires des poissons qui leur servent comme d’ailes, ou de rames pour s’agiter dans l’eau. Pinna. C’est un poisson qu’on voit le dos appuyé contre sa coquille, qui lui sert comme de proue : sa tête, qu’il éleve, lui tient lieu de voiles ; & ses ailerons sont ses rames, Ablanc.

Aileron. Terme d’Anatomie. Voyez Aile.

Aileron, signifie aussi, les planches de bois sur lesquelles tombe l’eau pour faire tourner les roues des moulins à eau. On les appelle autrement alichons, ou volets.

On appeloit aussi autrefois ailerons de petits bords d’étoffe qu’on mettoit aux pourpoints, pour couvrir les coutures du haut des manches.

Aileron, en Architecture, est une espèce de console renversée, de pierre ou de bois, revêtue de plomb, dont on orne les côtés d’une lucarne, comme on en voit au-devant des combles de la place Vendôme.

AILESBURY. En latin Æglesburgum. Petite ville, ou plutôt bourg d’Angleterre, avec titre de Comté, en Buckinghamsire, sur la Thame, à quinze milles au-dessus d’Oxford.

AILETTE ou ALETTE, s. f. Terme de Cordonnier. C’est une petite pièce de cuir qu’on met par dedans le long du soulier, & qui prend depuis le pâton jusqu’aux quartiers. L’ailette de ce soulier est bien cousue. On dit aussi l’ailette d’un rouet de femme à filer.

AILEURES. Prononcez Ailures. ILOIRES. s. f. Terme de marine. Nicos dit que ce sont deux gros soliveaux dans les navires ; qu’ils ont vingt pieds de longueur, & sont portés le long du pont sur les traversins, faisant un carré avec ces traversins. Ce carré est la fenêtre ou le trou par lequel on reçoit le bateau dans le navire.

AILLADE. s. f. Ail, ou sauce faite avec de l’ail. Cotgrave l’a mis dans son Dictionnaire, & La Fontaine s’en est servi dans le conte du Paysan qui avoit offensé son Seigneur, pour marquer les trente aulx que ce Paysan étoit obligé de manger de suite, qui faisoient une des trois amendes dont il avoit le choix, en punition de l’injure faite au Seigneur.

Il vous faudra choisir après cela
Des cent écus, ou de la bastonade,
Pour suppléer au défaut de l’aillade.

AILLER. s. m. C’est, selon Nicot, un grand filet qu’on étend sur le blé dans les campagnes, pour prendre des cailles. Il est vert ou blanc, selon la couleur du blé. Il croit qu’on a dit Ailler au lieu de Cailler.

AILLEURS. Adverbe de lieu. Autre part. Alibi. Quand on ne trouve pas à vivre en un lieu, il en faut chercher ailleurs. On dit d’un homme distrait : son corps est ici, mais son esprit est ailleurs. J’apprends d’ailleurs, pour dire, d’un autre côté. Aliunde.

On le dit au figuré, cela procède d’ailleurs, pour dire, d’une autre cause, d’un autre principe.

D’ailleurs, de plus, outre cela. Voyez Dailleurs.

AILLIER. Sorte d’oiseau de proie. On lit dans la Bible historiée rapportée par Borel,

Si comme aigles, ailliers, & escoustes.

AILLORS, se disoit autrefois pour ailleurs. Borel.

AIM.

AIMABLE. adj. m. & f. Qui est digne d’être aimé, qui a des qualités qui attirent l’amour, ou l’amitié de quelqu’un. Amabilis. Cet homme est fort aimable. Cette femme est aimable. Son caractère est aimable. Ses manières sont aimables. Admirez la simplicité de cette bergère ; elle ne sait qu’être aimable, & ne sait pas encore se faire aimer. Fonten. Le plus dangereux ridicule des vieilles personnes qui ont été aimables, c’est d’oublier qu’elles ne le sont plus. Rochefort.

Un amant sûr d’être aimé,
Cesse toujours d’être aimable. Des-H.

☞ On dit aussi d’un endroit délicieux, c’est le lieu du monde le plus aimable. Amœnus.

☞ Demandez aux grands Vocabulistes ce que c’est qu’une chose aimable : ils vous répondront que c’est ce qui entraîne l’amour ou l’amitié. Cela n’est ni vrai ni bien dit. Mais sans nous arrêter à l’expression, ne peut-on pas être aimable à moins de frais ? Faut-il faire violence aux gens, les subjuguer, les captiver, entraîner l’amour ou l’amitié ? Celui qui sait tout cela est plus qu’aimable.

AIMABLE ORPHÉE. s. m. Terme de Fleuriste. C’est un œillet cramoisi & blanc ; sa fleur n’est pas bien large, mais elle est bien tranchée : sa plante est d’un beau vert, & donne beaucoup de marcotes. Il vient de Lille.

AIMANT, ou AIMAN, ou AYMAN. s. m. Magnes. C’est une pierre minérale, ou plutôt un métal, ou un fer imparfait, dont la pesanteur & la couleur approchent fort de celles du fer. Il est pourtant plus pesant, & plus dur. On le trouve pour l’ordinaire dans les mines de fer ; & il se rencontre souvent des morceaux, qui sont moitié aimant, & moitié fer. Sa couleur est différente suivant les différens pays d’où il vient : le meilleur est d’un noir luisant. Il n’y en a point de blanc. Celui d’Arabie est rougeâtre ; celui de Macédoine noirâtre ; celui de Hongrie, d’Allemagne, d’Angleterre, &c. de couleur de fer non poli. Sa figure ni sa grosseur ne sont point déterminées. On en trouve de toutes figures, & de grosseurs différentes. Il a des propriétés merveilleuses. Il va s’unir au fer, lorsqu’il en est à une certaine distance ; & il peut même le tenir suspendu, quoiqu’il ne le touche pas, & qu’il y ait même entre eux du papier, du carton, du cuivre, ou quelque autre corps mince. C’est ce qu’on appelle sa vertu attractive. Il tourne toujours un certain côté vers le Nord, & le côté opposé vers le Sud. C’est là sa vertu directive. On appelle ses côtés, les pôles de l’aimant, & la ligne qui va de l’un à l’autre pôle, l’axe de l’aimant. Il communique ces mêmes propriétés au fer qu’il touche ou qui a passé près de lui à une certaine distance ; ensorte qu’il a des pôles qui se tournent vers les pôles du monde, aussi bien que ceux de l’aimant. Ce qu’il y a de singulier, c’est que si ayant présenté au pôle d’un aimant le pôle d’un autre aimant, ils se joignent ; en lui présentant le pôle opposé, ils semblent se fuir. On connoît les pôles de l’aimant, en posant dessus une aiguille en liberté : cette aiguille se tournera de sorte qu’un de ses bouts marquera un pôle de l’aimant, & l’autre marquera le pôle opposé. Pour conserver un aimant, il faut l’armer, ou l’entourer de petites plaques de fer, qui puissent le toucher ; ou bien le suspendre à un fil par son équateur, pour lui laisser prendre sa situation. S’il s’enrouille, si on le laisse quelque temps dans le feu, ou si on le met en poudre, il perd la conformation naturelle de ses pores, & par conséquent toutes ses propriétés. On peut augmenter, ou diminuer la force de l’aimant ; au lieu qu’on ne peut point la rétablir lorsqu’elle est perdue. Il n’est pas vrai qu’un aimant frotté d’ail perd sa vertu. Matthiole dit que l’aimant fondu avec du bronze roux, le fait devenir de couleur d’argent, comme la calamine donne la couleur d’or au cuivre. Pline dit, que l’Architecte Dinocrates Alexandrin avoit commencé à voûter d’aimant le temple qu’un des Ptolomées avoit fait bâtir à Alexandrie à sa sœur Arsinoé qui étoit aussi sa femme, afin d’y faire tenir suspendue en l’air la statue de cette Princesse qui étoit toute de fer. Mais Ptolomée & l’Architecte moururent avant que l’ouvrage fut achevé. M. Godeau écrit la même chose de la statue de Sérapis faite par le Roi Sesostris, & suspendue dans un temple d’Alexandrie. On a fait accroire au peuple la même chose du cercueil de Mahomet. Mais ce sont des fables. Le tombeau de Mahomet est en terre au milieu de la Mosquée.

Gassendi & le Pzre Fournier dérivent ce mot de l’amour que l’aimant a pour le fer & pour le pôle, quia nihil amantiùs quàm attrahere & retinere. Ménage le dérive de adamante, ablatif de adamas, dont on a usé en cette signification. Voyez les Acta SS. April. T. I.p. 19, & dans la vie de S. Waleric, Ch. 2. Cette étimologie est plus vraie que celle qu’apporte au même endroit Henschenius, qui dit que nous l’appelons Pierre aimant ; c’est à-dire, Lapis amans, ou adamans. Guichard va plus loin. Il prétend qu’adamas signifie proprement la pierre d’aimant, & qu’elle a été ainsi appelée du mot hébreux אדם, adam, qui signifie être rouge, parce qu’en effet il y en a de rougeâtre. On l’appelle en latin Magnes, Lapis Lydius, ou Heraclius, parce qu’on le trouvoit auprès d’Héraclée, qui est une ville de Magnésie, qui fait partie de la Lydie, ou du nom d’un berger nommé Magnes qui le premier le découvrit avec le fer de sa houlette au mont Ida. ☞ L’ayant enfoncée dans la terre, dit Nicander, il eut de la peine à la retirer. Curieux de découvrir la cause du nouvel obstacle qu’il rencontroit, il creusa autour du bâton, & il en trouva la pointe attachée à un aimant.

Les Anciens qui ont sû que l’aimant attire le fer, ont entièrement ignoré la propriété qu’il a de se diriger vers les pôles du monde. Cette qualité nous est connue depuis 3 ou 4 siècles. On assure qu’un certain Jean de Goya de Melphi dans le 13e siècle a été l’inventeur de l’aiguille aimantée. Cependant Georges Wler Anglois, dans son voyage de Dalmatie, de Grèce & du Levant, dit qu’il a vu un ancien livre d’Astronomie, qui supposoit l’usage de l’aiguille aimantée, quoiqu’on ne s’en servît pas pour la navigation, mais pour d’autres usages d’Astronomie. Platon appelle l’aimant, Pierre Herculienne, à cause qu’elle commande au fer, qui dompte toutes choses. C’est ainsi qu’elle est nommée dans Euripide. On l’appelle aussi Lapis nauticus, à cause de son extrême utilité pour la navigation ; & sideritis, à cause qu’il attire le fer, que les Grecs nomment σιδηρος & en vieux françois calamite, ou marinette. Gilbert, Cabeus, les Peres Grandami & Kircher, en ont écrit fort au long. Le Pere Lieutaud en a donné un nouveau système. Descartes, Rohault, & après eux M. Regis, ont traité la même matière. Ils ont tâché d’en expliquer les effets d’une manière très-claire & très-simple ; & ils ont confirmé leurs sentimens par une infinité d’expériences, qui s’accordent parfaitement avec leurs principes. Les Anciens ont attribué la propriété attractive de l’aimant, ou à une ame qui l’anime, ou à une certaine sympathie entre le fer & l’aimant, ou à certains corpuscules qui s’écoulent du fer, & de l’aimant, & qui vont s’insinuer dans les pôles de l’un & de l’autre. Pour expliquer les effets de l’aimant, les Philosophes modernes ont imaginé plusieurs systèmes, dont quelques-uns, quoiqu’ingénieux, sont peu conformes aux loix de la saine physique.

☞ On doit supposer que chaque aimant a deux pôles, c’est-à-dire, deux points dans lesquels réside toute sa force, savoir le pôle du nord ou boréal, qui se tourne constamment vers le nord ; & le pôle austral, ou méridional, ou pôle du sud, qui se tourne vers le sud. C’est au moins la dénomination reçue parmi nous. Chez les Anglois, c’est tout le contraire.

☞ L’Aimant a ses pores droits & parallèles à son axe. Il est probable que les pores qui vont du nord au midi, n’ont pas précisément la même figure que ceux qui vont du midi au nord.

☞ On donne à l’aimant une atmosphère composée de corpuscules magnétiques. On ne doit pas regarder ceci comme une simple supposition, puisque l’expérience nous apprend que le fer s’aimante sans toucher l’aimant, pourvu qu’on le mette dans l’atmosphère de la pierre. L’espace dans lequel se meut cette espèce de tourbillon de matière magnétique autour de l’aimant, est ce qu’on appelle la sphère d’activité de l’aimant. Sa qualité attractive ne s’étend point au-delà.

☞ On regarde les pores de l’aimant comme remplis de corpuscules magnétiques, dont chacun est un petit aimant qui a son axe & ses deux pôles. On peut soupçonner que ces corpuscules ont une figure à peu près ronde. La facilité qu’ils ont de se mouvoir sur leur axe paroît l’annoncer. On peut supposer encore que les corpuscules magnétiques qui viennent de la partie boréale de la terre ne sont pas tout-à-fait semblables à ceux qui viennent de la partie méridionale.

☞ Enfin chaque corpuscule magnétique a une direction constante, & il tourne une des extrémités de son axe vers le pôle boréal de la terre, & l’autre extrémité vers le pôle méridional. D’où peut venir une direction aussi constante ?

☞ Les Physiciens ont toujours regardé la terre comme un grand aimant. On peut donc lui donner des pores parallèles à son axe, & supposer qu’elle nous fournit tous les corpuscules magnétiques qui se trouvent dans son atmosphère ; & que l’émission des corpuscules causée probablement par la fermentation qui se fait dans le sein de notre globe, ne peut se faire que par les pôles de la terre, puisque l’ouverture par laquelle elle se fait, se trouve aux pôles ou aux environs des pôles. Enfin l’on peut supposer que les corpuscules magnétiques conservent une direction vers les pôles de la terre, puisque c’est delà qu’ils sortent.

☞ Avec ces suppositions on explique avec assez de facilité les expériences de l’aimant.

☞ Si l’on fait toucher à une pierre d’aimant une aiguille de fer ou d’acier, elle recevra par le contact les propriétés de l’aimant ; parce que le fer & l’acier ont des pores à-peu-près semblables à ceux de l’aimant : ainsi les corpuscules qui sortent de l’aimant, vont se loger dans les pores de l’aiguille, & lui communiquent les propriétés de l’aimant.

☞ L’extrémité de l’aiguille qui touche le boréal d’une pierre d’aimant, acquiert une vertu méridionale, c’est-à-dire, une vertu qui la fera tourner vers le pôle de la terre opposé à celui que regardoit le pôle de la pierre qui a servi à l’aimanter, parce que les corpuscules magnetiques qui sortent du pôle boréal de la pierre, entrent dans l’aiguille d’acier en conservant leur direction. Ils y entrent donc la face boréale la première. Donc l’extrémité de l’aiguille qui ne touche pas la pierre, doit acquérir la vertu boréale, & celle qui touche le pôle boréal de la pierre, doit acquérir une vertu méridionale.

☞ Par la même raison, si l’extrémité de l’aiguille touchoit le pôle méridional de la pierre, elle acquérroit une vertu boréale.

☞ Si on fait toucher l’équateur de la pierre à l’aiguille, au lieu de lui faire toucher un des deux pôles, elle ne s’aimantera pas sensiblement, parce que l’aiguille ne s’aimante qu’autant qu’elle reçoit dans ses pores les corpuscules magnétiques. Or c’est par les pôles de la pierre que se fait l’émission de ces corpuscules, & non par l’équateur.

☞ Pour ce qui concerne la direction & la déclinaison de l’aiguille aimantée, Voyez au mot Aiguille.

☞ Pour l’attraction & la répulsion magnétique. Voyez au mot Attraction.

☞ Un aimant armé a beaucoup plus de force qu’un aimant désarmé, & il soutient quelquefois un poids cent quatre-vingts fois plus grand. On arme un aimant en appliquant à chacun de ses pôles une plaque d’acier terminée par un bouton. Ces deux boutons sont les deux endroits où va se réunir toute la force des deux pôles. Aussi c’est sur un de ces boutons que l’on doit frotter ce que l’on veut aimanter.

☞ On ne sera pas surpris de la force prodigieuse des aimans armés, si l’on fait attention que par le moyen de l’armure, les corpuscules magnétiques non-seulement ne s’évaporent pas, mais encore au lieu d’être épars çà & là, ils vont tous se réunir dans les deux boutons que l’on nomme les deux pôles.

☞ De plus, l’acier étant plus poli que la pierre d’aimant, il reste moins d’air entre l’acier & les corps qui s’attachent immédiatement à lui, qu’il n’en resteroit entre la pierre & ces mêmes corps.

☞ Enfin l’acier a des pores moins larges que l’aimant. Les corpuscules magnétiques qui sortent de l’aimant pour entrer dans l’armure d’acier, passent d’un endroit plus large dans un endroit plus étroit : ils accélerent donc leur mouvement ; & par conséquent leur force est augmentée.

☞ Pour connoître les deux pôles d’un aimant, enterrez-le dans la limaille d’acier. En le retirant, vous verrez la limaille attachée à deux endroits préférablement à tous les autres. Ces deux endroits sont les deux pôles de la pierre.

M. Parent est persuadé que dans le système de l’aimant, on doit admettre deux tourbillons de matière magnétique, qui tournent en hélice autour de la terre & le long de son axe en deux sens opposés l’un à l’autre, & dont l’un sort par un hémisphère, & l’aune par l’hémisphère opposé. Acad. des S. 1703. Hist. p. 15.

M. André, Médecin, dans ses Entretiens sur l’acide & sur l’alkali, prétend qu’on peut expliquer, par le moyen de ces sels, tous les effets qu’on attribuoit autrefois à des qualités occultes, & entr’autres la vertu de l’aimant. Il dit que la force de l’aimant qui est un fer imparfait, consiste dans de petits corps pointus qui remplissent ses pores ; qu’il sort sans cesse de l’aimant quantité de ces petits corps, en même temps qu’il y en rentre d’autres qui prennent leur place, parce que l’air en est tout rempli ; que ces atômes qui sortent continuellement de l’aimant, s’insinuent dans les pores du fer, & les remplissent ; mais que comme ils ne peuvent sortir sans agiter l’air avec violence, cet air ainsi agité pousse le fer vers l’aimant, ou l’aimant vers le fer, suivant que l’un de ces deux corps lui résiste.

Nicolas Harsocker dans ses Principes de Physique, prétend que l’aimant n’est qu’une pierre ordinaire parsemée d’une infinité de prismes creux, qui, par le mouvement diurne de la terre se sont rangés parallèles les uns aux autres, & à-peu près parallèles à l’axe de la terre. Ces prismes contiennent dans leurs canaux une matière extremement subtile, qui par le mouvement diurne de la terre doit couler par les canaux des prismes qui sont à la file l’un de l’autre ; ayant ainsi coulé de prisme en prisme jusqu’au dernier, elle doit retourner vers le premier & y rentrer par la même ouverture qui lui a déjà servi d’entrée ; ainsi elle doit faire une circulation perpétuelle autour de ses prismes. Par ces principes il prétend expliquer tous les phénomènes de l’aimant.

Monconis, T. II. p. 449, parle d’une pierre d’aimant qui ne pesoit qu’une once, & qui en portoit 33 étant armée, & d’une autre qui pesoit 5 onces, & portoit 13 livres de 12 onces chacune. Voyez sur l’aimant le livre du Pere Lieutaud Jésuite, intitulé Magnetologia, & imprimé à Lyon en 1668, in-4o. Velschius, dans ses Observationes Physico-Medicæ, parle d’un aimant blanc, qui avoit la même force & la même vertu que le meilleur aimant du monde, & d’un aimant artificiel sur lequel il discourt amplement.

On trouve en presque toutes les provinces de la Chine des pierres d’aimant. Il en vient aussi du Japon ; mais le grand usage qu’en font les Chinois est dans la Médecine. On les achete au poids, & les meilleures ne se vendent que 8 ou 10 sous l’once. J’en ai apporté une d’un pouce & demi d’épaisseur, qui quoiqu’assez mal armée, lève néanmoins 11 livres ; elle en lèvera 14 ou 15, quand elle sera en état. Au reste, ils ont une facilité fort grande de les tailler ; on a coupé à Nankin la mienne en moins de deux heures. La machine dont ils se servirent pour cela est simple ; & si nos ouvriers veulent en user, ils abrégeront beaucoup le travail. Elle est composée de deux jambages de 3 ou 4 pieds de haut arc-boutés par deux liens en contrefiches, & séparés par une membrure qui les traverse, & qui est emmortaisée dans leurs semelles. Sur la tête des jambages on pose de champ un petit rouleau, ou un cylindre, d’un pouce & demi de diamètre, qui peut tourner circulairement par le moyen d’une corde roulée sur le milieu, dont les deux bouts pendans sont attachés à une double marche, sur laquelle pose les pieds de l’ouvrier. A l’une des extrémités du cylindre, on a mastiqué par son centre une plaque de fer fort mince, fort ronde, & bien aiguisée en tout son contour, qui a environ huit pouces de diamètre, & qui se meut avec une grande vîtesse, tantôt en dessus & tantôt en dessous, selon qu’on élève ou qu’on abat les marches. L’ouvrier cependant présente d’une main l’aimant, & de l’autre de la boue faite d’un sable très-fin, qui rafraîchit le fer, & qui sert à couper la pierre ; mais parce que le fer en passant au travers du sable, le jette & le pousse tout autour avec violence, ce qui pourroit aveugler celui qui travaille, on a soin de placer précisément au-dessus une petite latte tournée en demi-cercle qui le reçoit & qui en défend l’ouvrier. P. Le Comte.

AIMANTER. v. a. Faire toucher une aiguille ou autre chose à de l’aimant, la frotter d’aimant, la faire passer sur une pierre d’aimant Magnete perfricare. Le fer & l’acier ne s’aimantent pas seulement en les faisant toucher à une pierre d’aimant ; les fameuses croix des clochers d’Aix & de Chartres ont assez appris qu’exposé à l’air pendant une longue suite d’années, le fer semble se convertir en un véritable aimant. Une barre de fer posée verticalement a bientôt deux pôles comme l’aimant. On peut en faire l’expérience avec des pincettes de cheminée, pourvu qu’on ait l’attention de ne les pas renverser. M. Rohaut rapporte qu’ayant fait rougir un morceau d’acier long & délié, & l’ayant ensuite trempé en le tenant perpendiculaire à l’horizon, il a trouvé à chacun de ses bouts la vertu d’un des pôles de l’aimant, jointe à celle d’attirer assez bien la limaille de fer. Il y a une façon dont le fer & l’acier s’aimantent, beaucoup plus sure & plus commune que la précédente, & cependant plus connue des ouvriers en fer que des Physiciens. Dans les boutiques de Serruriers, des Couteliers, de Taillandiers, on ne voit qu’outils aimantés. Presque tous ceux dont ces ouvriers se servent pour couper ou percer le fer à froid, comme ciseaux, forêts, poinçons, se chargent de limaille de fer dès qu’on les en approche ; il y en a même qui enlèvent aussi-bien de petits cloux, qu’ils le feroient, si on les avoit fait toucher par un aimant médiocre. Les limes mêmes se trouvent souvent aimantées : en un mot, cela est propre à tous les outils qui entament le fer. Les expériences montrent que ce n’est point la trempe qui leur donne cette propriété. Les outils qui viennent d’être trempés ne l’ont nullement ; mais il ne faut qu’un instant pour la leur donner. Qu’on prenne un ciseau, ou un poinçon au sortir de la trempe ; qu’on pose le taillant de l’un ou la pointe de l’autre sur un morceau de fer, n’importe sous quelle inclinaison, & qu’on donne ensuite un coup de marteau sur l’autre bout de l’outil, en voilà assez, on a aimanté sa pointe ou son taillant. Il a suffi à l’outil de couper le fer, pour prendre la vertu de l’attirer. Après le premier coup de marteau, cette vertu est encore foible ; on l’augmente si l’on recommence à appliquer & à frapper de même cet outil. Et cette opération simple, répétée un nombre de fois, ajoutera toujours à la nouvelle force attractive : mais il y a un terme par-delà lequel on répéteroit inutilement l’opération. La vertu de l’outil n’y gagneroit plus rien. Un morceau de fenton de fer de Berry, c’est-à-dire, de fer très-doux, serré dans un étau, à quatre ou cinq pouces d’un de ses bouts, plié & replié plusieurs fois dans le même endroit, se casse. Aussitôt on présente la cassure de chaque bout à de la limaille de fer, elle s’en couvre entièrement ; elle en attireroit moins, si elle n’eût touché qu’un aimant foible. Toutes choses d’ailleurs égales, plus le fer qu’on a cassé est doux, plus il est fibreux, plus il s’est laissé tourmenter avant que de se casser, plus vigoureusement se trouve-t-il aimanté dans ses cassures. Le fer à lames, le fer cassant s’aimante plus foiblement ; mais l’acier trempé s’aimante encore moins. Pour l’acier non trempé, l’acier recuit, il s’aimante plus ou moins, selon qu’il est plus ou moins doux. En général on ne trouve point de fer dont la cassure n’attire au moins quelques grains de limaille, si on l’essaie dans l’instant qu’elle vient d’être faite. Voyez M. De Reaumur. Acad. des S. 1724. Mém. p. 181 & suiv.

AIMANTÉ, ÉE. part. L’aiguille aimantée est l’aiguille de la boussole. Magnete perfrictus.

AIMANTIN, INE. adj. Qui a la propriété de l’aimant, ou une nature semblable. Vi magneticâ præditus. Plusieurs Philosophes attribuent à la terre une vertu aimantine, qui lui fait attirer les corps graves. Ce mot n’est pas d’usage. On dit magnétique.

☞ AIMAR. s. m. Ademarus. Nom propre, le même que celui d’Ademar, ou Adimar, dont il s’est formé par le retranchement du d, Ademar, Aemar, Aimar. Ademar, ou Aimar de Chabanois, Moine de S. Cibar d’Angoulême, au XIIe siècle écrivit une chronique qui commence à l’an de Jésus-Christ 829, & finit en 1029. Ademar, ou Aimar, Cardinal de S. Anastase au XIVe siècle.

☞ AIMARGUES. Armaniæ. Petite ville de Languedoc, dans le diocèse de Nismes. Elle est dans les marais. Elle étoit assez forte quand les PP. Réformés s’en rendirent maîtres.

AIMER. v. a. En général c’est avoir de l’affection pour un objet quel qu’il soit, dans la pensée que c’est un bien. Amare. Un ancien a dit qu’il faut aimer ses amis, comme devant les haïr un jour ; & haïr ses ennemis, comme devant les aimer un jour. Cet ancien est Isocrates, & il n’est pas le seul qui ait été dans ce sentiment : sa maxime peut avoir un bon sens, mais absolument parlant, elle est fausse, & même pernicieuse, & contre les loix de la Religion & de la raison. Voyez ce qu’en ont dit Cicéron & M. de Sacy, dans leurs traités de l’amitié. Il faut aimer Dieu de tout son cœur, & son prochain comme soi même. ☞ On le dit dans ce sens pour marquer l’attachement qu’on a pour les animaux & pour certaines choses qui font plaisir. On aime les chevaux, les chiens, les oiseaux. La Religion fait aimer l’austérité aux personnes pieuses. S. Evr. Les uns aiment le bien ; les autres la gloire. Les uns aiment l’étude ; les autres les plaisirs, le vin, la débauche, le jeu.

Aimer, absolument, se dit plus particulièrement de l’inclination qu’on a pour une maîtresse, & de cette forte & tendre affection, qu’un sexe a pour l’autre. Le mariage n’apprend point à aimer, il veut seulement qu’on se laisse aimer. Qui aime en plus d’un lieu, ne sauroit bien aimer. Despor. Aimer ou n’aimer pas, n’est pas de notre choix. M. de la Suze. Il est dangereux d’aimer.

Quand aimer signifie prendre plaisir à quelque chose, il veut le verbe qu’il régit à l’infinitif avec la particule à. On n’aime point à louer, & on ne loue jamais sans intérêt. Rochef. Le mensonge est tellement reconnu pour un vice, que ceux qui aiment le plus à mentir, le condamnent. Peliss. Le lecteur aime à être traité en habile homme, & non pas en ignorant, qui ne peut rien suppléer de lui-même. Perr.

Aimer, signifie aussi quelquefois, savoir gré à quelqu’un d’une chose, lui en être obligé. Mol. Je vous aime de ce que vous avez répondu à Octavius. Aimez qu’on vous conseille, & non pas qu’on vous loue. Boil.

Aimer, se dit aussi avec le pronom personnel, & alors il signifie, se plaire, Delectari aliquâre. Il s’aime bien à la cour, à la guerre, à l’étude. Les éléphans ne s’aiment pas dans les pays froids. Les saules, les aunes s’aiment dans les lieux humides. C’est-à-dire, y profitent, y réussissent mieux qu’ailleurs. On dit aussi qu’une personne s’aime bien, quand elle a un soin extraordinaire de sa personne, ou quand elle a trop d’amour propre. Sibi placere.

 
Très-souvent un esprit qui se flatte, & qui s’aime,
Méconnoît son génie, & s’ignore soi-même. Boil.

Aimer mieux. Malle. Quand ces mots sont suivis d’un infinitif, cet infinitif veut être suivi des particules que & de qui en régissent un autre. Ils aimerent mieux le prendre vif, que de le tuer. Vaug. Il aime mieux dire du mal de soi, que de n’en point parler. Rochef.

Aimer mieux, se dit quelquefois des choses dont on préfère les unes aux autres. Il aime mieux une fortune basse & tranquille, qu’une fortune élevée & tumultueuse. Bouh.

Aimer mieux, se dit aussi des personnes, quand il ne s’agit pas d’amitié, mais d’une simple préférence. J’aime mieux un valet mal fait & sage, qu’un valet bien fait & fripon. Id. Mais quand il s’agit d’amitié, & non pas de préférence, il faut dire Aimer plus, & non pas aimer mieux. Ainsi il faut dire, c’est l’homme du monde que j’aime le plus, & non pas, c’est l’homme du monde que j’aime le mieux. Id. Voyez Plus et Mieux.

Aimer, se dit proverbialement en ces phrases : qui aime Bertrand, aime son chien, ou qui m’aime, aime mon chien ; pour dire, que quand on aime quelqu’un, on aime tout ce qui lui appartient. On dit à la guerre, ou en quelqu’entreprise périlleuse, qui m’aime, me