Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/VERBE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(8p. 340-344).

VERBE. s. m. Terme de Théologie. Verbum. La seconde personne de la Trinité. Le Verbe incarné, le Verbe s’est fait chair. Au commencement étoit le Verbe, & le Verbe étoit Dieu, dit S. Jean en son Évangile.

Le Verbe est engendré du Père de toute éternité. Filius meus es tu ; ego hodiè genui te ; parce que le Père n’a pu être un seul instant sans le connoître, ni se connoître sans produire un terme de cette connoissance. Ce terme est le Verbe qui procède conséquemment du Père par voie de connoissance & d’entendement. Voyez Trinité, Génération, Procession.

Verbe Incarné. Ordre du Verbe incarné. C’est le nom d’un Ordre Religieux de Filles, dont la fin principale est d’honorer le mystère de l’Incarnation du Verbe. Il a été fondé par la Mère Jeanne-Marie Chézard de Matel, née à Roanne en Forez, le 16 Novembre 1596, & fille de Chézard, Seigneur de Matel, Gentilhomme de la Chambre des Rois Henri IV & Louis XIII, & Capitaine de Chevaux Légers. Ce fut l’an 1615 qu’elle commença cet Institut à Paris, & Urbain VIII accorda la Bulle d’érection l’an 1655, le 11 Juin. Elle établit des Monastères à Lyon, à Avignon, à Grenoble & à Paris ; mais ce dernier fut dissout bientôt après la mort de la Fondatrice, qui arriva le 11 Septembre 1670. Leur habillement consiste en une robe blanche, un manteau & un scapulaire rouge ; la robe ceinte d’une ceinture de laine aussi rouge, & sur le scapulaire un nom de Jésus, dans une couronne d’épines, & au-dessous du nom de Jésus, un cœur surmonté de trois clous, avec ces mots, Amor meus. Le tout en broderie de soie bleue. Leurs Constitutions ont été approuvées par Innocent X. Voyez la vie de la Mère Chézard par le P. Antoine Boissieu Jésuite ; & le P. Hélyot, T. IV. C. 51

VERBE. Terme de Grammaire. Partie de l’oraison, qui se conjugue par temps & par modes. Un verbe actif, est celui qui exprime une action, comme faire, donner, battre, & qui régit l’accusatif. Verbum activum. Les Grammairiens en font de deux sortes : un qu’ils appellent transitif, qui agit sur autrui, comme tourmenter quelqu’un ; l’autre qu’ils nomment réciproque, qui agit sur soi-même, comme, se tourmenter, & qui se joint toujours avec le pronom personnel. Voyez le mot Régir.

Jules César Scaliger a cru trouver un grand mystère, en disant, que la distinction des choses, en ce qui demeure, & ce qui passe, in permanentes & fluentes, étoit la vraie origine de la distinction entre les noms & les verbes, les noms étant pour signifier ce qui demeure, & les verbes ce qui passe : mais cette définition est fausse, & à ne considérer que ce qui est essentiel au verbe, c’est proprement un mot dont le principal usage est de signifier l’affirmation, avec désignation de la personne, du nombre & du temps. Gramm. Rai. On peut encore définir le verbe, en disant que c’est un mot qui sert à marquer ce qu’on fait, ou ce qu’on souffre ; l’existence ou l’état d’une chose, par rapport au temps & aux personnes. Id.

Verbe signifie, suivant l’étymologie Latine, mot ou parole, par où l’on a voulu sans doute marquer que le verbe est le mot, par excellence, en ce qu’il forme la liaison de toutes nos idées, & qu’il n’est pas possible de faire aucun discours suivi, sans le secours des verbes. M Restaut, Grammaire Fr. p. 165. de la 2e édit.

De toutes les parties de l’oraison, il n’y en a aucune dont nous ayons autant de définitions que nous en avons des verbes : chaque Grammairien qui en a traité, ayant différemment défini le verbe, selon qu’il l’a différemment envisagé. Abbé Régnier, Grammaire Fr. in-4o.p. 341.

Il faut savoir parfaitement les deux verbes auxiliaires pour apprendre à conjuguer les autres verbes. Le P. Buffier, n. 569. de la Grammaire Fr. 1714. Quels sont les verbes neutres qui se conjuguent avec l’auxiliaire être. Voyez Intransitif & Marcher.

Verbe passif, est celui qui exprime une passion ; qui souffre & reçoit l’action de quelque agent, & se conjugue avec le verbe auxiliaire je suis. Verbum passivum. Quelques-uns n’admettent point de verbe passif en François ; la raison est, que ce qu’on nomme passif, n’est autre chose que le participe du verbe joint dans différens temps avec le verbe auxiliaire être. Les verbes Latins ont véritablement un passif, parce que les terminaisons en sont différentes, & qu’ils sont passifs de leur nature. Voyez Passif.

Verbe neutre, est celui qui ne désigne aucune action, ni passion, & qui n’a aucun régime : comme dormir. Verbum neutrum.

Il y en a qui admettent les neutres-passifs ; mais à y prendre garde de près, il n’y en a point en notre Langue, ou fort peu. Verba neutra passiva. Ce sont des verbes neutres ou absolus, qui se conjuguent en y ajoutant le pronom personnel seulement, lequel se met également bien aux actifs, quoiqu’il n’y ait point de neutres actifs. Il est assez difficile de prendre parti là-dessus, d’un côté à cause de ce que l’on vient de dire, & qui paroît assez bien fondé & de l’autre à cause de l’Académie, dont l’autorité semble être une décision absolue, & qui admet un très-grand nombre de neutres-passifs. Richelet n’en reconnoît presque aucun. Il appelle verbes réciproques presque tous ceux que l’Académie appelle neutres-passifs. Quels sont les verbes-neutres qui se conjuguent avec l’auxiliaire avoir ? & quels sont ceux qui se conjuguent avec l’auxiliaire être ? Voy. Intransitif & Marcher.

Verbe absolu, est celui qui n’a besoin d’aucun régime, ni exprimé, ni sous-entendu, comme, il tonne. Verbum absolutum.

Verbe auxiliaire, c’est le verbe avoir & le verbe être, qui aident à conjuguer les verbes actifs & passifs. Verbum auxiliare.

Verbe substantif, est le verbe être, je suis. Verbum substantivum ; sum. Voyez Être.

Verbes réguliers, sont ceux qui se conjuguent tous d’une même façon, & suivant une certaine règle, comme, 'j’aime, je fais. Verba regularia.

Verbes anomaux, sont ceux qui ont des irrégularités, & quelque chose de singulier dans les terminaisons ou formations de leurs temps. Verba anomala seu irregularia, comme, asseoir, faillir.

Verbe impersonnel, est celui qui n’a que la troisième personne, il faut. Verbum impersonale.

Verbe fréquentatif. C’est un verbe qui marque que l’on fait souvent, que l’on réitère souvent la même action, la même chose, comme en Latin itare, ito, aller souvent. Ventitare, ventito, venir souvent. Mussitare, mussito, marmoter. Et en François, élignoter, marmoter, barboter, machicoter. Les verbes fréquentatifs, en François, sont des termes bas & populaires.

Verbe inchoatif. Celui qui marque une action commencée & continue dans le sujet ou suppôt du verbe, comme fleurir, grifonner, reverdir, vieillir, &c. Florescere, canescere, virescere, senescere. Il y a 140 verbes Latins semblables, terminés en asco, esco, isco.

Verbe réduplicatif. C’est celui qui signifie une action répétée deux ou plusieurs fois, ou la répétition d’une même action. Verbum reduplicativum. En Latin reficere, rejicere, recantare, &c. En François, refaire, rejetter, rechanter, &c.

Verbe transitif. C’est celui qui signifie une action qui passe sur un autre, qui tombe sur un sujet différent de celui qui la fait. Verbum transitivum.

Monsieur l’Abbé Dangeau a donné des Réflexions sur les verbes, comme sur toutes les autres parties de la Grammaire Françoise. En voici le précis, dans lequel nous ne suivrons pas tout-à-fait l’ordre que cet illustre Académicien a gardé, mais où nous rendrons un compte fidelle de ses sentimens & de ses préceptes, qui sont, sans contredit, tout ce qu’il y a de plus savant & de meilleur dans nos Grammairiens. Nous supposons ici l’intelligence de tous les termes communs de la Grammaire, parce qu’on les trouvera à leur place dans ce Dictionnaire. Nous expliquerons ceux que M. l’Abbé Dangeau a faits de nouveau, ou auxquels il donne un nouveau sens.

Il y a deux choses en général à considérer dans le verbe, ses espèces & ses variations ou conjugaisons. Il y a deux espèces générales de verbes. Le verbe auxiliaire & le verbe qui se sert de l’auxiliaire : cette division pourroit ne pas paroître juste à quelques-uns, parce que le verbe auxiliaire, comme on le verra, se sert aussi d’auxiliaire lui-même ; mais cela ne détruit point la division ; cela montre seulement que le verbe auxiliaire a deux formalités, deux qualités différentes sous lesquelles il peut être considéré, & en vertu desquelles il constitue comme deux verbes, dont l’un est de l’espèce des auxiliaires, & l’autre est de l’espèce de ceux qui se servent d’auxiliaires. Les verbes qui se servent d’auxiliaires sont ou actifs, ou neutres, ou pronominaux. Notre illustre Académicien ne fait point une espèce de ce qu’on appelle verbes passifs, ou plutôt il leur donne un autre nom, comme nous le verrons dans la suite. Les verbes neutres, sont ou neutres actifs ou neutres passifs. Les pronominaux sont ou identiques, ou réciproques, ou neutrisés, ou passivés. Cela fait huit espèces de verbes. L’auxiliaire, l’actif, le neutre actif, le neutre passif, l’identique, le réciproque, le neutrisé & le passivé.

Le verbe auxiliaire est celui qui sert à varier, ou conjuguer les autres verbes. Ce n’est pas que les autres emploient toujours & par-tout, c’est-à-dire, en tous leurs mœufs & leurs temps, le secours d’un verbe auxiliaire, mais seulement, parce qu’ils le font souvent ; car quelquefois ils s’en passent. Il y a deux verbes auxiliaires, avoir & être, entre lesquelles il y a deux différences : la première est que le verbe avoir sert non-seulement à former les verbes non auxiliaires, mais encore à former les verbes auxiliaires, c’est-à-dire, à se former lui-même & à former le verbe être, au lieu que le verbe être ne sert qu’à varier ou à former les non-auxiliaires, & n’entre point, comme auxiliaire, ni dans sa propre conjugaison, ni dans celle du verbe avoir. La seconde différence est que le verbe avoir se double, se répète, dans la variation ou formation des verbes non-auxiliaires, c’est-à-dire, qu’on forme quelquefois une de leurs parties ou variations, de deux parties du verbe avoir jointes ensemble, ce qui n’arrive pas à l’auxiliaire être, qui comme auxiliaire, est toujours simple, & ne donne aucune des parties à la formation de chaque partie des autres verbes.

Le verbe actif, est celui qui signifie une action, qui tombe sur un autre sujet ou objet, & il se varie ou se conjugue tant par le verbe avoir, que par le verbe être.

Le verbe neutre est celui qui signifie une action qui n’a point d’objet sur lequel elle tombe, mais qui tout seul remplit toute l’idée de l’action ; par exemple, je dors, tu bailles, il éternue, nous marchions, vous courûtes, ils sortiront. Ces mots expriment toute l’action, ces actions n’ont point de sujet sur qui elles tombent, c’est pourquoi ces sortes de verbes se nomment verbes neutres. Les Latins leur ont donné ce nom, parce que ce sont des verbes, qui ne sont ni actifs, ni passifs.

De ces verbes neutres, il y en a quelques-uns qui forment leurs parties par le moyen du verbe auxiliaire avoir, par exemple, j’ai dormi, nous avons couru. Il y a d’autres verbes neutres, qui forment leurs parties composées par le moyen du verbe auxiliaire être, par exemple, les verbes Venir, arriver, car on dit, je suis venu, & non pas j’ai venu. Ils sont arrivés, & non pas ils ont arrivé. Et comme ces verbes sont neutres de leur nature, & qu’ils se servent de l’auxiliaire être, qui marque ordinairement le passif, M. l’Abbé Dangeau les nomme neutres passifs. Et les verbes neutres qui forment leurs parties avec le verbe avoir, cet habile Académicien avec quelques autres Auteurs, les nomme neutres actifs. On dit qu’un Grammairien nomme les neutres actifs, neutres avoirés, c’est-à-dire, qui se conjuguent avec le verbe avoir ; & les neutres passifs, neutres êtrés, c’est-à-dire, qui prennent pour auxiliaire le verbe être. Mais quoique ces mots soient plus courts, & expriment bien ce que l’on veut faire entendre, parce que l’usage ne les a pas reçus, M. l’Abbé Dangeau n’ose s’en servir.

Cette distinction de verbes neutres actifs, & neutres passifs, est importante. Car, 1°. il y a des verbes qui ont une signification, quand ils sont neutres actifs, & une autre signification quand ils sont neutres passifs ; par exemple, le verbe demeurer, quand il est neutre actif, signifie habiter, faire son séjour, comme dans ces phrases : j’ai demeuré dans cette maison, il a demeuré trois ans en ce pays-là. Et quand il est neutre passif, il signifie, s’arrêter, cesser d’agir, comme dans ces phrases : nous en sommes demeurés en cet endroit-là ; il est demeuré tout court en haranguant le Roi. Le verbe repartir, quand il est neutre passif, signifie partir de nouveau, comme dans cette phrase, il arriva avant-hier, & il est reparti ce matin ; mais quand il est neutre actif, il signifie répondre, comme, il lui a réparti avec beaucoup d’esprit. Il en est de même du verbe convenir, &c. Dans les parties simples de ces sortes de verbes, il n’y a point de différence entre le neutre actif & le neutre passif. C’est ce qui précède & ce qui suit, qui les fait distinguer. 2°. Le même verbe est quelquefois actif, quelquefois neutre actif, & quelquefois neutre passif, & a trois significations différentes, comme le verbe monter, qui dans ces exemples est actif : Il a monté du foin au grenier, il a monté un cheval, j’ai monté ma montre. Il est neutre actif dans ces phrases : J’ai monté avec beaucoup de peine sur ce cheval, il a monté trois heures pour arriver au haut de la montagne. Et neutre passif dans celle-ci : Il est monté fort haut par son mérite, il est monté dans sa chambre il n’y a qu’une heure. Et de même le verbe descendre, le verbe cesser, &c. Le verbe diminuer est quelquefois actif, comme, diminuez quelque chose du prix de cette étoffe ; & quelquefois neutre actif, par exemple, cette eau-là a fort diminué depuis qu’elle est sur le feu ; & quelquefois neutre passif ; par exemple, elle est diminuée de moitié. 3°. Il y a des verbes qui ont une signification quand ils sont pris comme actifs, & une autre quand ils sont pris comme neutres ; par exemple, le verbe répondre : il ne m’a répondu que des sottises : il est actif. Prêtez-lui avec confiance, je répons pour lui : il est neutre. 4°. Il y a une différence considérable entre les neutres actifs, & les neutres passifs, qui est que les neutres actifs n’ont proprement point de participe passif, au lieu que les neutres passifs en ont. On ne dit point : une femme éternuée, des hommes dormis ; mais on dit fort bien, une femme venue fort à propos ; des hommes descendus de bien haut. 5°. Les différens verbes auxiliaires, dont on se sert pour former les parties composées d’un verbe, en changent extrêmement la signification. J’ai résolu de faire : je me suis résolu de faire : ces phrases marquent des choses fort différentes. Toutes ces remarques & d’autres que l’on trouvera dans les Réflexions de M. l’Abbé Dangeau, tendent à montrer combien il est nécessaire de distinguer les verbes comme il fait.

Il y a une sorte de verbes qui sont d’une telle nature, qu’on ne sait sous quelle classe on doit les ranger, comme les verbes subvenir, tâcher. Ces sortes de verbes ont cela de commun avec les verbes qu’on nomme communément des verbes actifs, qu’ils ne forment pas un sens complet par eux-mêmes; mais on ne les nomme pourtant pas communément des actifs, parce qu’ils ne peuvent pas prendre une signification passive, comme sont les verbes actifs, & qu’ils ne gouvernent pas l’accusatif. On ne peut pas aussi les nommer des verbes neutres : parce que le verbe neutre forme de lui-même une idée complette, ce qui fait qu’on le pourroit nommer neutre absolu. Ces sortes de verbes neutres, comme subvenir & tâcher, qui ne s’emploient qu’avec quelque préposition, comme, subvenir aux nécessités de quelqu’un, tâcher de parler, ou tâcher à parler, ne les pourroit-on pas nommer des verbes neutres régissans ?

Pour connoître si un verbe est actif, il n’y a qu a voir s’il peut être suivi immédiatement d’un nom qui signifie une personne, ou une chose, comme, j’aime Pierre, je bâtis une maison. Il n’en est pas de même des neutres, on ne dit pas : dormir quelqu’un, ni dormir quelque chose. Pour les verbes actifs, on peut faire une question en cette sorte : Quel est l’homme que vous aimez ? Quelle est la chose que vous avez bâtie ? Mais on ne peut pas faire une pareille question pour les verbes neutres, & dire : Quel est l’homme que vous avez dormi ? Mais pour les verbes neutres, qui ont un régime, la question ne se peut faire que par la préposition qui les suit ordinairement : c’est pourquoi, comme subvenir régit la préposition à, ou est toujours suivi de la préposition à, ou de quelque chose qui y réponde, je puis former ainsi la question : A quoi cela peut-il subvenir ? A quelles nécessités prétendez-vous subvenir ? Tout de même on dira, A quoi tâchez-vous ?

Une autre espèce de verbe, sont ceux que M. l’Abbé Dangeau appelle pronominaux, parce qu’ils sont toujours formés des pronoms identiques, me, te, se, &c. Les pronoms identiques sont ceux qui servent à marquer la personne qui est en même temps, & celle qui fait l’action, & celle qui est l’objet de l’action.

M. l’Abbé Dangeau divise les verbes pronominaux en quatre classes, savoir, les identiques, les réciproques, les neutrisés & les passivés. Les identiques sont ceux qui marquent une action dont l’objet est la personne même qui fait l’action, par exemple ; je me blesse, tu te nuis à toi-même, il se noircit, il se deshonore, Pierre s’est tué, on se loue mal-à-propos. Dans toutes ces phrases, il est aisé de voir que celui qui fait l’action, & celui sur qui tombe l’action, sont la même personne.

Les verbes réciproques sont ceux dont le nominatif est pluriel, ou un nom collectif, & signifie des personnes qui agissent réciproquement les unes sur les autres, Ces quatre hommes s’entrebattoient. Pierre & toi vous vous louez l’un l’autre. Mon frère & moi nous nous aimons fort. Ces femmes se disent des injures. Comme il y a plusieurs occasions, où l’on pourroit être en peine si ces verbes ont une signification identique, ou une signification réciproque, il est souvent nécessaire d’ajouter les mots moi-même, toi-même, lui-même, soi-même, pour restreindre la signification de la phrase au sens identique, & d’ajouter les mots l’un l’autre, ou la particule entre, ou l’adverbe réciproquement, pour restreindre la phrase au sens réciproque. Ces deux hommes se louent à tout moment : si c’est se louent eux-mêmes à tout moment, le sens est identique, si c’est se louent l’un l’autre, le sens est réciproque. Ces verbes, tant les identiques que les réciproques, gardent toujours leur nature d’actif, & marquent un sujet qui fait l’action, & un sujet sur qui l’action tombe. Les pronoms me, te, se, qu’on emploie avec ces verbes identiques & réciproques, sont quelquefois employés comme des accusatifs & quelquefois comme des datifs ; ce qu’il est important de remarquer. Tu te blesses toi-même, te est à l’accusatif ; Tu te fais grand tort à toi-même, te est au datif. Tout de même avec un verbe réciproque : Ces deux femmes se louent & s’entrelouent, le pronom se est à l’accusatif. Mais si je dis, ces deux femmes se disent, ou s’entredisent des injures, le pronom se est au datif.

Venons aux verbes neutrisés. Quelquefois les verbes actifs deviennent des neutres ; & quoique de leur nature ils soient actifs, ils viennent par l’usage à n’avoir plus la signification active : par exemple, le mot fâcher est de sa nature un actif, & l’on dit, fâcher quelqu’un ; mais si je dis, cet homme se fâche : je ne marque autre chose que la disposition de son esprit, il n’y a plus d’action qui tombe sur son objet, & le verbe est véritablement neutre. Il en est de même de promener ; Promener un cheval, il est actif : Se promener, il devient neutre ; c’est ce qui fait que M. l’Abbé Dangeau nomme ces sortes de verbes des verbes neutrisés, parce qu’étant de leur nature actifs, ils sont devenus neutres par la manière dont on les emploie. Il est vrai qu’il y a quelques-uns de ces verbes neutrisés, qu’on ne peut employer dans une signification active, comme se repentir, se souvenir ; mais outre que ces sortes de verbes sont fort rares dans la langue Françoise, peut-être, dit M. l’Abbé Dangeau, que si l’on examinoit bien leur origine, on trouveroit qu’ils ont une signification active.

Quelquefois un verbe change de nature, selon les différentes manières dont il est employé : par exemple, le verbe étudier est actif de la nature, on dit étudier une langue, étudier un homme. Il devient identique si je dis, s’étudier soi-même. Il devient neutre, si je dis, s’étudier à bien faire quelque chose. Et si l’on examinoit bien la plupart des verbes qui ont présentement un sens neutre par le moyen du nom personnel, on connoîtroit comment d’actifs, ils sont devenus identiques, & ensuite neutrisés. De même dans les verbes neutres : Il a plu à tout le monde, il s’est plu dans cette maison, ont deux significations différentes.

Les verbes passivés sont ceux qui ne s’emploient que dans les troisièmes personnes ; ce sont des verbes actifs de leur nature, qui par le moyen du pronom se, ont une signification passive : Ce livre se vend chez un tel, signifie la même chose que, ce livre est vendu chez un tel ; Ces nouvelles se débitent en tel lieu, veut dire, sont débitées en tel lieu.

Voilà ce qui regarde les différentes espèces des verbes & leur nature. Il faut considérer maintenant leur variation, c’est ce qu’on appelle communément la conjugaison d’un verbe. Conjugatio, inflexio. M. l’Abbé Dangeau ne suit point la méthode ordinaire qui distingue les mœufs ou modes des verbes, & met ensemble tous les temps & toutes les parties d’un même mœuf. Il prend une autre route. Il distingue dans les variations des verbes, des parties simples, des parties composées & des parties surcomposées. Les parties simples sont celles qui se varient sans le secours d’aucun auxiliaire ; comme j’aime, je louois, je parlerai, &c. Les composées & les surcomposées sont celles qui se varient par le moyen d’un auxiliaire. Les parties composées sont celles qui prennent les parties simples des auxiliaires, ou qui ne prennent l’auxiliaire qu’une fois, ou qui ne prennent qu’un auxiliaire, comme : j’ai chanté, j’aurai chanté, j’eusse chanté, &c. Les parties surcomposées sont celles qui prennent les parties composées d’un auxiliaire, ou qui prennent deux auxiliaires, ou deux fois le même auxiliaire. Par exemple, j’ai été blâmé, j’ai eu fait mon ouvrage, j’aurois eu achevé, &c. Cela supposé, M. l’Abbé Dangeau partage les verbes par sections. Dans une section, il met toutes les parties simples à un verbe ; dans une autre, toutes les parties composées, & dans une autre, les surcomposées. Chaque section est divisée en trois mœufs qui font trois colonnes; la première comprend les parties de l’indicatif, ou simples, ou composées, ou surcomposées; la seconde comprend les parties du subjonctif, & la troisième celles de l’impératif, auxquelles il ajoute au bas de la colonne l’infinitif & les participes. Les deux premières colonnes sont encore divisées par les temps : la première colonne qui est celle de l’indicatif en contient quatre qu’il dispose en cet ordre : Présent, prétérit, futur, imparfait. Il met l’imparfait le dernier, parce qu’il renferme l’idée de deux temps différens, & qu’il regarde l’action comme présente dans un temps qui est passé. La seconde colonne, qui est celle du subjonctif n’a que trois temps, auxquels il ne donne point d’autres noms que ceux de premier, second, troisième temps. Dans la troisième colonne, l’impératif & l’infinitif n’ont qu’un temps. Le participe est quelquefois double, l’un actif, l’autre passif. Cela ne regarde que les sections des parties simples. Dans les sections des parties composées & surcomposées, les quatre temps de l’indicatif sont deux prétérits, un prétérit futur, & le plus que parfait. Le reste, comme dans les sections des parties simples.

Tout cela donne XIX Tables dont chacune contient une section en trois colonnes. En voici l’ordre & la disposition. Première Table. Première section du verbe actif ou ses parties simples. Première colonne. Indicatif, Présent ; Je chante, tu chantes, &c. Prétérit : Je chantai, tu chantas, &c. Futur : Je chanterai, tu chanteras, &c. Imparfait : Je chantois, tu chantois, &c. 2e colonne. Subjonctif. 1 temps : Que je chante, que tu chantes, &c. 2e temps : Que je chantasse, &c. 3e temps : Je chanterois, &c. 3e colonne. Impératif : Chante &c. Infinitif : Chanter. Participes, actif : Chantant. Passif : Chanté.

La deuxième Table comprend dans le même ordre la première section du verbe auxiliaire Avoir, ou ses parties simples. J’ai, j’eus, j’aurai, j’avois. Que j’aye, que j’eusse, j’aurois, ayez, avoir, ayant, eu.

Troisième Table. Seconde section du verbe actif, ou ses parties composées par le moyen du verbe auxiliaire Avoir. Premier Prétérit : J’ai chanté. Second Prétérit : J’eus chanté. Prétérit futur : J’aurai chanté. Plus que parfait : J’avois chanté. Subjonctif. Premier temps : Que j’aie chanté. Deuxième temps : Que j’eusse chanté. Troisième temps : J’aurois chanté.

Quatrième Table. Seconde section du verbe avoir, ou de ses parties composées par le moyen du verbe avoir, c’est-à dire, de soi-même. Indicatif. Premier Prétérit. J’ai eu. Second Prétérit. J’eus eu. Prétérit futur. J’aurai eu. Plus que parfait : J’avois eu. Subjonctif. Premier temps. Que j’aie eu. Deuxième temps : Que j’eusse eu. Troisième temps : J’aurois eu. Impératif : Ayez eu. Infinitif : Avoir eu. Participe : Ayant eu.

Cinquième Table. Troisième section du verbe actif, ou ses parties surcomposées par le moyen de la seconde section du verbe auxiliaire Avoir. Indicatif. Premier Prétérit : J’ai eu chanté. Second Prétérit. J’eus eu chanté. Prétérit futur : J’aurai eu chanté. Plus que partait : J’avois eu chanté. Subjonctif. Premier temps : Que j’aie eu chanté. Deuxième temps : Que j’eusse eu chanté. Troisième temps : J’aurois eu chanté. Impératif : Aies eu chanté. Prétérit, Infinitif : Avoir eu chanté. Participe prétérit : Ayant eu chanté.

VIe Table. Première section du verbe être, ou ses parties simples. Indicatif, présent : Je suis. Prétérit : Je fus. Futur : Je serai. Imparfait : J’étois. Subjonctif Premier temps : Que je sois. Deuxième temps : Que je fusse. Troisième temps : Je serois. Impératif : Sois. Infinitif : Être. Participe, actif ; Étant. Passif : Été.

VIIe Table. Quatrième section du verbe actif, ou ses parties surcomposées par le moyen du verbe Être. Indicatif, présent : Je suis loué. Prétérit : Je fus loué. Futur : Je serai loué. Imparfait : J’étois loué. Subjonctif. Premier temps : Que je sois loué. Deuxième temps : Que je fusse loué. Troisième temps : Je serois loué. Impératif : Sois loué. Infinitif : Être loué. Participe actif : Ayant été loué.

VIIIe Table. Seconde section du verbe Être, ou ses parties composées par le moyen du verbe auxiliaire Avoir. Indicatif, premier Prétérit : J’ai été. Second Prétérit : J’eus été. Prétérit futur : J’aurai été. Plus que partait : J’avois été. Subjonctif, premier temps : Que j’aie été. Deuxième temps : Que j’eusse été. Troisième temps : J’aurois été. Impératif : Aies été. Infinitif : Avoir été. Participe prétérit, actif : Ayant été.

IXe Table. Cinquième section du verbe actif, ou ses parties surcomposées par le moyen du verbe auxiliaire Avoir, & du participe Été. Indicatif, premier Prétérit : J’ai été loué. Second Prétérit : J’eus été loué. Prétérit futur : J’aurai été loué. Plus que parfait : J’avois été loué. Subjonctif, premier temps ; Que j’aie été loué. Deuxième temps : Que j’eusse été loué. Troisième temps : J’aurois été loué. Impératif : Aies été loué. Prétérit infinitif : Avoir été loué. Participe prétérit actif : Ayant été loué.

Xe Table. Première section du verbe neutre actif, ou ses parties simples. Indicatif, présent : Je marche. Prétérit : Je marchai. Futur : Je marcherai. Imparfait : Je marchois. Subjonctif, premier temps : Que je marche. Deuxième temps : Que je marchasse. Troisième temps : Je marcherois. Impératif : Marche. Infinitif : Marcher. Participes, actif : Marchant. Passif : Marché.

XIe Table. Seconde section du verbe neutre actif. ou ses parties composées par le moyen du verbe auxiliaire Avoir. Indicatif, premier Prétérit : J’ai marché. Second Prétérit : J’eus marché. Prétérit futur : J’aurai marché. Plus que parfait : J’avois marché. Subjonctif, premier temps : Que j’aie marché. Deuxième temps : Que j’eusse marché. Troisième temps : J’aurois marché. Impératif ; Aies marché. Prétérit infinitif : Avoir marché. Participe prétérit actif : Ayant marché.

XIIe Table. Troisième section du verbe neutre actif, ou les parties surcomposées par le moyen de la seconde section du verbe auxiliaire Avoir. Indicatif, premier Prétérit : J’ai eu marché. Second Prétérit : J’eus eu marché. Prétérit futur : J’aurai eu marché. Plus que partait : J’avois eu marché. Subjonctif, premier temps : Que j’aie eu marché. Deuxième temps : Que j’eusse eu marché. Troisième temps : J’aurois eu marché. Imparfait : Aies eu marché. Prétérit infinitif : Avoir eu marché. Participe prétérit, actif : Ayant eu marché. Passif : Eu marché.

XIIIe Table. Première section du verbe neutre passif, ou ses parties simples. Indicatif, présent : Je tombe. Prétérit : Je tombai. Futur : Je tomberai. Imparfait : Je tombois. Subjonctif, premier temps : Que je tombe. Deuxième temps : Que je tombasse. Troisième temps : Je tomberois. Impératif : Tombe. Infinitif : Tomber. Participes, actif : Tombant. Passif : Tombé.

XIVe Table. Seconde section du verbe neutre passif, ou ses parties composées par le moyen du verbe auxiliaire Être. Indicatif, présent : Je suis tombé. Prétérit : Je fus tombé. Futur : Je serai tombé. Imparfait ; J’étois tombé. Subjonctif, premier temps : Que je sois tombé. Deuxième temps : Que je fusse tombé. Troisième temps : Je serois tombé. Impératif : Sois tombé. Infinitif : Être tombé. Participe actif : Étant tombé.

XVe Table. Troisième section du verbe neutre passif, ou ses parties surcomposées par le moyen du verbe auxiliaire Avoir, & du prétérit Été. C’est-à-dire, par le moyen de la seconde section du verbe auxiliaire Être. Indicatif, premier Prétérit : J’ai été arrivé. Second Prétérit : J’eus été arrivé. Plus que parfait : J’avois été arrivé. Subjonctif, premier temps : Que j’aie été arrivé. Deuxième temps : Que j’eusse été arrivé. Troisième temps : J’aurois été arrivé. Impératif : Aies été arrivé. Prétérit infinitif : Avoir été arrivé. Participe prétérit, actif : Ayant été arrivé.

XVIe Table. Première section du verbe pronominal, quand le pronom est à l’accusatif. Indicatif présent : Je me blesse. Prétérit : Je me blessai. Futur : Je me blesserai. Imparfait : Je me blessois. Subjonctif, premier temps : Que je me blesse. Deuxième temps : Que je me blessasse. Troisième temps : Je me blesserois. Impératif : Blesse-toi. Infinitif : Se blesser. Participe actif : se blessant.

XVIIe Table. Seconde section du verbe pronominal, quand le pronom est à l’accusatif, ou ses parties composées par le moyen du verbe auxiliaire Être. Indicatif, premier Prétérit : Je me suis blessé. Second prétérit : Je me fus blessé. Prétérit futur : Je me serai blessé. Plus que parfait : Je m’étois blessé. Subjonctif, premier temps : Que je me sois blessé. Deuxième temps : Que je me fusse blessé. Troisième temps. Je me serois blessé. Point d’impératif. Prétérit infinitif : S’être blessé. Participe prétérit, actif : S’étant blessé.

XVIIIe Table. Première section du verbe pronominal, quand le pronom est datif. Indicatif, présent : Je m’imagine. Prétérit : Je m’imaginai. Futur : Je m’imaginerai. Imparfait : Je m’imaginois. Subjonctif, premier temps : Que je m’imagine. Deuxième temps : Que je m’imaginasse. Troisième temps : Je m’imaginerois. Impératif : Imagine-toi. Infinitif : S’imaginer. Participe actif : S’imaginant.

XIXe Table. Seconde section du verbe pronominal quand le pronom est au datif, ou ses parties composées par le moyen du verbe auxiliaire Être. Indicatif, premier Prétérit : Je me suis imaginé. Second Prétérit : Je me fus imaginé. Prétérit futur : Je me serai imaginé. Plus que parfait : Je m’étois imaginé. Subjonctif, premier temps : Que je me sois imaginé. Deuxième temps : Que je me fusse imaginé. Troisième temps : Je me serai imaginé. Point d’impératif. Prétérit infinitif : S’être imaginé. Participe présent, actif : S’étant imaginé.

Telle est la nouvelle idée sur laquelle M. l’Abbé Dangeau nous présente les conjugaisons des verbes. C’est le fruit d’un grand nombre de Réflexions également savantes & judicieuses sur cette partie de notre Grammaire. Qu’il nous soit permis de proposer quelques points, en quoi il nous semble qu’on pourroit les perfectionner encore, & y mettre plus de simplicité, plus d’analogie, plus d’ordre.

1o. Il semble que l’imparfait renfermant l’idée du Présent & du Prétérit, il faudroit le mettre immédiatement après ces deux temps, & ne l’en pas séparer en plaçant le futur entre deux ; mais c’est une minutie. M. l'Abbé Dangeau a eu sa raison, il a voulu mettre de suite tous les temps simples. Celui-ci participe de deux temps.

2o. Ceci est plus important. M. l’Abbé Dargeau exclut de ses verbes toute l’espèce des verbes passifs, aux participes près, entre lesquels il en reconnoît de passifs comme d’actifs. En conséquence de ce retranchement, il donne cinq sections au verbe actif, dont la première est simple ; les deux suivantes, composées du verbe auxiliaire Avoir, & les deux dernières, composées du verbe auxiliaire Être. Or il paroît qu’en ceci il y a de l’erreur & de la confusion. Car 1°. Il est certain que dans les cinq sections du verbe actif de l’illustre Académicien, dont nous venons d’exposer le système, le verbe a deux rapports très-réels, mais très-différens aussi à son nominatif. Dans les trois premières sections, la personne signifiée par le nominatif fait une action, qui est reçue par un autre, ou sur un autre. Dans les deux dernières le nominatif souffre ou reçoit une action faite par un autre. Or faire une action qu’un autre souffre ou reçoive, & souffrir ou recevoir une action qu’un autre fait, sont deux choses fort différentes, & qui doivent faire distinguer deux espèces de verbes ; & il paroît que notre habile Académicien doit en convenir lui-même, comme la suite le va montrer. Car en second lieu, il ne distingue deux espèces de verbes neutres, des neutres actifs & des neutres passifs, que parce qu’il y en a qui forment leurs parties, ou leurs secondes sections par le moyen du verbe auxiliaire Avoir, par exemple, J’ai dormi, nous avons couru ; & qu’il y en d’autres qui forment leurs parties composées par le moyen du verbe auxiliaire être, par exemple, les verbes venir, arriver ; car on dit, Je suis venu, & non pas, J’ai venu. Ils sont arrivés, & non pas, ils ont arrivé. Et comme ces verbes neutres le servent de l’auxiliaire être, qui marque ordinairement le passif, il les nomme neutres passifs. Puisque le verbe auxiliaire être marque le passif, les deux dernières sections du verbe actif de M. l’Abbé Dangeau sont passives, & le doivent autant être que les verbes neutres passifs. 3°. En faisant un verbe passif de ces deux sections, il y a plus d’analogie, plus de rapport entre les actifs & les neutres. Car les actifs répondent aux neutres actifs, & les passifs aux neutres passifs ; leurs variations, leurs conjugaisons se ressemblent, & par-là elles s’aideront mutuellement l’une l’autre, & seront plus aisées & plus faciles à retenir ; ce ne seront que les mêmes règles pour les unes & pour les autres, & il y aura plus d’unité.

Un troisième point regarde la disposition des sections des Tables. Les verbes auxiliaires avoir & être sont mêlés & entrelacés alternativement entre les cinq sections du verbe actif. Cela fait de l’embarras & de la confusion. Il paroîtroit mieux de les en séparer, & de commencer par la conjugaison de ces deux verbes, comme font tous les autres Grammairiens.

Ainsi nous voudrions distinguer en général quatre espèces de verbes, des verbes actifs, des verbes passifs, des neutres & des pronominaux. Les actifs seroient les trois premières sections du verbe actif de M. l’Abbé Dangeau ; les passifs seroient les deux dernières sections du même verbe actif. Les autres, comme ils sont marqués par cet excellent Auteur. Nous commencerions par la conjugaison du verbe auxiliaire avoir, dont nous mettrions les deux sections tout de suite. Après le verbe auxiliaire être suivroit de même. Puis le verbe actif, dont les trois sections seroient de suite ; puis le verbe passif & ses deux sections de même ; & enfin les autres avec les destinations & dans l’ordre qu’ils sont dans les Tables de M. l’Abbé Dangeau. Au reste en faisant ces légers changemens, nous n’ajoutons, nous ne retranchons rien, & proprement nous ne changeons rien au système de cet illustre Académicien.

On dit familièrement de quelqu’un qui décide avec hauteur, qui parle avec présomption, qu’il a le verbe haut ; &, dans cette phrase, le verbe, se prend pour la parole, la voix. Acad. Fr.