Dictionnaire de théologie catholique/ÉGLISE II. Définition

La bibliothèque libre.
Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 421-422).

II. Définition. —

Entendue dans le sens théologique strict et pour le Nouveau Testament seul, l’Église est la société des fidèles unis par la profession intégrale de la même foi chrétienne, par la participation aux mêmes sacrements et par la soumission à la même autorité surnaturelle émanant de Jésus-Christ, principalement à l’autorité du pontife romain, vicaire de Jésus-Christ.

1° L’Église, étant une société, possède les trois caractères communs à toute société : une fin commune à laquelle tous les membres sont dirigés, des sujets aptes à être conduits à cette commune fin, et une autorité capable d’assurer effectivement cette direction. Par ces caractères communs, l’Eglise a des ressemblances assez étroites avec les sociétés purement humaines, religieuses ou non religieuses, postérieures ou même antérieures à son institution ; ressemblances existant plutôt dans les apparences extérieures que dans la vie intime et s’expliquant suffisamment par la possession des mêmes éléments communs à toute société ou par la nécessité de satisfaire aux’mêmes besoins de la nature humaine, principalement en ce qui concerne le culte religieux. C’est ce que l’on a particulièrement le droit d’affirmer pour certaines ressemblances d’ailleurs assez vagues, entre l’Église catholique et quelques organisations religieuses comme celles du bouddhisme. P. de Broglie, Problèmes et conclusions de l’histoire des religions, 2e édit., Paris, 1886, p. 217 sq. ; L. de la Vallée Poussin, Le bouddhisme et l’apologétique, dans la Revue praln /iie d’apologétique du 15 octobre 1908.

2° Tout en ayant des traits communs avec les autres sociétés, l’Église s’en distingue par des caractéristiques spéciales. —

1. la première de ces caractéristiques est la fin toute surnaturelle de l’Eglise, qui est de continuer la mission de Jésus-Christ sur la terre et de conduire ainsi les âmes au salut éternel, selon l’enseignement du concile du Vatican : Pastor irternus et episcopus animarum nostrarum, ut salutiferum redemptionis opus perenne redderet, sanctam œdificare Ecclesiam decrevit, in qua veluli in domo Dei viventis fidèles omnes unius fidei et caritatis vinculo conlinerentur. Sess. IV, début. Cette fin sublime est expressément indiquée par Jésus-Christ donnant à ses apôtres, à perpétuité, tousses pouvoirs, avec la charge d’enseigner intégralement sa doctrine. Matth., xxviii, 20 ; Marc, xvi, 15. Cette même fin surnaturelle a toujours été reconnue par la tradition chrétienne, soit dans cette vérité que l’Église est, comme nous le démontrerons bientôt, le corps mystique de Jésus-Christ constamment informé par la vie qu’elle reçoit de son divin fondateur, soit dans cette autre croyance non moins formelle que toute l’autorité qui réside dans l’Eglise provient de Jésus-Christ lui-même et s’exerce en son nom.

C’est de cette fin surnaturelle que dépend vraiment toute l’organisation de l’Eglise, nécessairement proportionnée au but que se proposait son divin fondateur. C’est encore cette même fin qui assure normalement à l’Eglise la direction de toutes les sociétés humaines, dans la mesure stricte où elles sont tenues de s’orienter vers leur suprême fin surnaturelle, ou du moins de ne la contredire en rien, selon le principe ainsi formulé par saint Thomas : Tanlo est regimen sublimius quanta ad finem ulteriorem ordinatur. Semper enim invenitur ille ad quem pertinct ullimus finis, imperare operantibus ea quæ ad finem ullimum ordinantur. De regimine principum, l. I, c. xiv.

2. La deuxième caractéristique spéciale de l’Église, c’est la nature particulière de son autorité. —

a) Tandis que les sociétés humaines ont une autorité provenant de Dieu assurément, mais d’ordre purement naturel et restreinte à la recherche immédiate du bien temporel des sujets, l’Eglise possède une autorité éminemment surnaturelle. Cette autorité surnaturelle comprend un triple pouvoir : un pouvoir d’ordre communiquant abondamment aux âmes la vie divine par les sacrements ; une autorité doctrinale s’exerçant d’une manière infaillible sur tout ce qui a été révélé par Jésus-Christ : et un pouvoir de commandement capable d’obliger tous les fidèles à ce qui est jugé nécessaire ou utile pour leur bien surnaturel. — b) Au lieu que les pouvoirs humains ont d’étroites limites, fixées par leur fin immédiate purement temporelle et par leur dépendance nécessaire vis-à-vis de la fin surnaturelle, l’autorité de l’Église, s’étendant sans aucune restriclion à tout ce qui relève de la suprême fin surnaturelle, est elle-même absolument autonome et contrôle tous les pouvoirs humains, autant que l’exige son droit exclusif de diriger vers la fin surnaturelle à laquelle tout doit être subordonné. — c) Tandis que les constitutions humaines déterminant l’exercice des pouvoirs humains, sont sujettes à de fréquentes variations exigées par des besoins nouveaux selon la diversité des temps et des milieux, l’autorité surnaturelle de l’Église garde immuablement sa constitution divine en tout ce qui a été définitivement fixé par Jésus-Christ, puisque toute l’œuvre de Jésus-Chriet doit rester intacte jusqu’à la consommation des siècles, selon sa promesse formelle. Matth., xvi, 18 ; xxviii, 20.

3. La troisième caractéristique spéciale de l’Église concerne les sujets qu’elle doit diriger à sa fin toute spéciale. —

a) Comme toutes les sociétés humaines, elle a pour sujet l’homme ; mais elle le considère non comme une créature simplement raisonnable, soumise à des besoins et à des intérêts purement temporels, mais au seul point de vue de sa fin surnaturelle vers laquelle tout doit converger dans sa vie individuelle et sociale, selon la volonté expresse de Jésus-Christ. D’où il est aisé de conclure qu’il ne peut y avoir conflit entre le pouvoir ecclésiastique et le pouvoir civil, bien qu’ils s’exercent sur les mêmes sujets. Car tout conflit entre les deux pouvoirs est écarté par ce double principe, que chaque autorité est souveraine dans sa sphère immédiate selon l’enseignement de Léon XIII dans l’encyclique lmmortale Dei, et que, dans les matières mixtes, selon le même enseignement, tout ce qui a une connexion intime avec la fin surnaturelle dépend uniquement du pouvoir de l’Église. Il est d’ailleurs bien démontré par la tradition chrétienne, que l’Etat, dans une société normalement chrétienne, doit obéissance à l’Église en tout ce qui relève de son autorité propre. —

b) Tandis que les sujets sont soumis à la puissance civile par le simple fait de leur incorporation à la société à laquelle ils appartiennent, trois qualités sont exigées des sujets de l’Église d’après les documents que nous citerons bientôt,
a. Il est nécessaire que le sujet soit régénéré par le sacrement de baptême, qui seul lui donne le pouvoir surnaturel de recevoir validement tous les autres sacrements et lui assure les grâces nécessaires pour vivre conformément à sa foi nouvelle. C’est ce qu’enseigne Eugène IV dans le décret Ad Armeuos, quand il déclare que le baptême est la porte de la vie spirituelle et que par lui nous sommes faits membres de.Iésus-Christ et incorporés à. son Église. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. CJ6. —
b. A la réception du baptême, les sujets de l’Église doivent joindre la foi surnaturelle aux vérités divinement révélées, dont la connaissance est strictement requise pour mener la vie surnaturelle conformément aux volontés de Jésus-Christ et tendre ainsi à la récompense éternelle. Cette foi doit non seulement exister dans l’intime de l’intelligence, mais encore être professée publiquement, pour que l’on appartienne manifestement à cette société visible qu’est l’Eglise. C’est ce qui résulte particulièrement des nombreuses décisions ecclésiastiques qui requièrent, absolument et toujours, quelque manifestation publique de la foi catholique. —
c. A cette foi sincère et publique doit être jointe une soumission constante à l’autorité directrice de l’Église, en ce que celle-ci juge nécessaire pour que ses membres puissent tendre effectivement à leur fin surnaturelle. Cette soumission est tellement nécessaire que ceux qui l’ont opiniâtrement refusée ont toujours été considérés comme séparés ou exclus de l’Église visible, et comme tels jugés indignes d’obtenir le salut éternel.

3° Cette définition de l’Église nous fait déjà entrevoir l’étroite dépendance qui existe manifestement entre Jésus-Christ et son Église, en ce sens que l’Église reçoit de.Iésus-Christ toute sa vie surnaturelle, comme le corps reçoit de lame toute sa vie naturelle. C’est pour cette raison que l’Eglise est appelée par saint Paul le corps de Jésus-Christ, I Cor., xii, 27 ; Col., 1, 18 ; Eph., I, 22 sq. ; ou qu’elle est encore désignée sous le nom d’épouse de Jésus-Christ, Eph., v. 23 sq., indissolublement unie à lui et enfantant perpétuellement par lui à la vie de la grâce un grand nombre de fidèles. Doctrine que nous aurons bientôt l’occasion d’étudier dans la tradition patristique et théologique.