Dictionnaire de théologie catholique/2. VALENTIN, gnostique I. Vie et écrits.

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 484-485).

2. VALENTIN, gnostique du w siècle, fondateur d’un système répandu et diversi fié à l’envi.
I. Vie et écrits. II. Doctrine. III. Disciples.

I. Vie et écrits.

Tous les anciens hérésiologues s’accordent à faire de Valentin un des personnages les pins importants du gnosticisme. Ils lui consacrent de longues notices et de plus longues réfutations.

Cependant, nous connaissons très mal sa vie et sa doctrine authentique, car il a vécu et enseigné d’assez bonne heure dans le iie siècle et ses disciples n’ont pas tardé à modifier dans les sens les plus divers ses enseignements. La plupart des données que nous possédons sur lui remontent à des documents relativement récents, dans lesquels les théories du maître sont déjà plus ou moins modifiées, transformées sous des influences diverses, et les historiens ne sont pas toujours d’accord sur la valeur et la signification qu’il convient d’attribuer aux pièces conservées.

Valentin est originaire de l’Egypte, Épiphane, Hseres., xxxi, 2, 3, et a fait ses études à Alexandrie. Selon saint Hippolyte, Philosoph., t. VI, 21, sa doctrine trouve son fondement dans celle de Platon et dePythagore ; et Tertullien, De carne Christi, 20, l’appelle Plalonicus Valenlinus. De præscript., xxx, il lui donne le nom de Platonicæ ( doclrimv) sectalor. De fait, il est vraisemblable que, comme tous les hommes cultivés de son époque, Valentin ait subi l’influence de Platon, voire qu’il ait lu quelques-uns de ses Dialogues. II est également possible, comme le veut Hippolyte, qu’il n’ait pas entièrement ignoré les spéculations pythagoriciennes sur les nombres. Mais il y a loin de là à le regarder comme un platonicien et un pythagoricien conscient et à faire de son système une adaptation chrétienne de la philosophie profane. Hippolyte se plaît à rattacher arbitrairement les dogmes des hérétiques aux théories des philosophes païens ; il fait beaucoup d’honneur à Valentin en le traitant comme un disciple de Platon. Valentin aurait commencé à enseigner à Alexandrie. Il serait ensuite venu à Rome sous le pontificat de saint Hygin (136-140), Irénée, Cont. hær., III, iv, 3, P. G., t. vii, col. 856. en même temps que Cerdon, le maître de Marcion, et il aurait pris de l’influence sous le pontificat de Pie (140-155). Saint Irénée et Eusèbe ajoutent qu’il aurait vécu, à Rome, semble-t-il, jusqu’au temps d’Anicet (vers 155-166). Tertullien, De præscript., xxxii, 2, après avoir dit que Marcion et lui exercèrent leur activité sous le règne d’Antonin (138-161) prétend que les deux hérétiques « crurent d’abord à la doctrine catholique dans l’Église romaine, sous l’épiscopat du bienheureux Éleuthère, jusqu’au jour où leur curiosité toujours inquiète, par où ils corrompaient leurs frères mêmes, les en fil expulser par deux fois ». Il est certain que la chronologie de Tertullien est ici terriblement embrouillée, car Éleuthère occupa le siège de Rome entre 17 1 cl 189. On a cherché à résoudre la difficulté en supposant que, déjà quelques années avant son épiscopat, Eleuthère avait joué, à titre de diacre, un rôle important dans la communauté romaine. Celle échappatoire est manifestement insuffisante, car Tertullien entend bien parler de l’épiscopat d’Éleuthère. Mais, si récent que soit cet épiscopat au moment où il rédige le De præscriptione, il n’en connaît déjà plus les dates, de sorte que son témoignage est sans autorité. Autant faut il dire, semble-t-il, de la tradition rapportée par Épiphane, Hæres., xxxi, 7. 2, P. G., I. i, i. col. 185, selon laquelle Valentin, après avoir quitté Rome, se serait retiré en Chypre et y serait mort laissant après lui de nombreux disciples. Il n’est pas invraisemblable qu’il y ait eu des valent iniens à Chj pre, ce qu’atteste encore la Vitot Epiphanii, 59 et 64, ibid., col. 100, 103 ; mais nous ne saurions croire, contre le témoignage de saint Irénée, que Valentin a quitté Rome avant sa mort. Comme on le it. nos données sur l’activité de Valentin sont aussi réduites que possible. Ajoutons, pour être complet, que, suivant Clément d’Alexandrie, StromaL, VII, xvii, t. ix, col. 549, Valentin aurait été le disciple d’un certain Théodas ou TbeudaS, qui se donnait lui-même Comme le disciple

de saint Paul et qu’il aurait de la sorte été capable de rapporter des traditions apostoliques ; que, suivant Tertullien, Adv. Valent., 4, sa rupture définitive avec l’Église romaine, rupture précédée peut-être de mesures provisoires ou de menaces, De præscript., xxx, 2, aurait été provoquée par son dépit de n’avoir pas été choisi comme évêque de Rome. Ces détails semblent bien légendaires et ne sauraient être retenus.

Nous connaissons, surtout par Clément d’Alexandrie, le titre et même quelques fragments des œuvres de Valentin. Ces œuvres comprennent d’abord des lettres : lettse à Agathopous, Stromat, III, vii, 59, édit. Stàhlin, t. ii, p. 223, 1. 12 ; lettre à un groupe d’inconnus, upôç -uvaç, Stromat., II, xii, 114, ibid., p. 132, 1. 6 ; puis des homélies dont une sur les amis, 7T£pi çîXcov, Stromat., VI, lii, 3, p. 458, 1. 12, et une autre dont le titre n’est pas indiqué, Stromat., IV, xin, 89, p. 287, 1. 10.

Hippolyte, Philosoph., VI, 37, cite, comme étant de lui, un court fragment d’un psaume ou d’un cantique, si bien que l’on pourrait admettre qu’il a eu recours au chant pour répandre son enseignement dans le peuple. On peut, il est vrai, se demander, si le passage cité par Hippolyte est bien authentique, car nous avons dans les Philosophoumena un certain nombre de citations apocryphes.

Épiphane, Hæres., xxxi, 5-6, col. 481 sq. cite un assez long fragment qu’il donne comme emprunté aux œuvres des valentiniens ; il n’indique d’ailleurs aucun titre et l’on peut se demander quelle en est l’origine et la valeur. O. Dibelius, Studien zur Geschichte der Valentinianer, dans la Zeitschrift fur N. T. Wissensch., t. ix, 1908, p. 329 sq., n’attribue pas grande valeur à ce texte. Au contraire, K. H oïl, Epiphanius Werke, t. i, 1915, p. 390, le tient pour un des plus anciens morceaux de la littérature valentinienne, sinon pour l’œuvre du maître lui-même. Nous admettons volontiers l’importance de ce fragment ; mais la réserve avec laquelle l’hérésiologue le présente comme provenant d’un écrit anonyme ne nous autorise décidément pas à y découvrir la main de Valentin. Autant en dirions nous des extraits ou plutôt des allusions qui suivent, Hæres., xxxi, 7, 3, col. 485. Sans doute ici, saint Épiphane dit expressément Xéyei. Se ocùtôç ; mais il ajoute prudemment un xcù o[ ooitoù qui donne à réfléchir. Plus loin, il introduit ses citations, données toujours en style indirect, par des formules vagues : cpaat, çâaxouvréç ti fxupcoSeç xal XtjpwSeç. En dépit de certaines impressions défavorables, E. de Faye, Gnostiques et gnosticisme, 2e éd., Paris, 1925, p. 67, n’hésite pas à conclure au sujet de ce texte : « Défalcation faite de (quelques) remarques qui sont tendancieuses, ou qui manifestement s’appliquent aux valentiniens d’un âge plus récent, on n’y trouve rien qui soit en désaccord avec les fragments. Au contraire, les principaux traits ont tous les caractères de l’authenticité. » Nous ne saurions admettre ici une conclusion aussi favorable. Même si l’évêque de Salamine a puisé ses renseignements à des sources autorisées, ce qui est fort douteux, il ne cite pas un écrit authentique de Valentin et nous n’avons pas de raison suffisante pour introduire cet anépigraphe dans notre liste.

Il est possible enfin que Valentin soit l’auteur d’un ouvrage intitulé Sur les trois natures ; cf. G. Mercati, dans Rendiconti del islitulo Lombardo, série II, t. xxxi. Il va sans dire que ces trois natures sont celles des pneumatiques, des psychiques et des hyliques. Mais la question reste posée de savoir si Valentin est réellement l’auteur de ce texte.