Dictionnaire de théologie catholique/AME. Doctrine des grecs

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 517-522).

V. AME. Doctrine des grecs- —


I. Photius.
II. XIe et XIIe siècles.
III. XIIIe, xive et XVe siècles.
IV. Depuis la prise de Constantinople par les Turcs.
V. Église russe.

Ce n’est pas chose facile que de faire tenir en quelques pages un exposé des systèmes philosophiques des Byzantins louchant la nature de l’âme et ses facultés. Tandis que, grâce à des recherches persévérantes, il est possible d’embrasser dans une même synthèse les doctrines psychologiques de tout notre moyen âge occidental, pareille satisfaction nous est refusée en ce qui touche le monde oriental. Il faudra nous borner à enregistrer à leur date les rares renseignements de quelque valeur qui se peuvent tirer du peu de documents publiés.

I. Photius. —

Au seuil du moyen âge byzantin se rencontre la grande figure de Photius, dont les écrits résument la plupart des connaissances de son temps. Comme tous les encyclopédistes, Photius entasse plus qu’il n’expose, et ses doctrines philosophiques manquent d’originalité. Pour lui, l’homme est un être composé de deux éléments distincts, le corps et l’âme, dont la réunion constitue une seule personne. Ad Ampltil., q. ccxxx, P. G., t. Ci, col. 1292. L’âme humaine est un esprit, « une substance immatérielle, vivante, intelligente, » tandis que l’âme des bêtes est un souflle purement matériel, qui tire son origine de la terre comme le corps qu’il met en mouvement. P. G., t. xcviii, col. 104. La première est incorporelle, simple, douée d’intelligence et de liberté’, car, sans liberté, que servirait à l’homme d’avoir l’intelligence ? Photius accumule comme à plaisir les termes les plus caractéristiques, les mieux faits pour exalter le libre arbitre. Voir les citations rapportées par .1. Hergenrother, P/iutius, Patriarc/i von Constantinopel, in-8’1, t. iii, Ratisbonne, 1869, p. 441. On comprendra la raison de cette insistance si l’on songe à la lutte que le patriarche eut à soutenir contre les manichéens. L’âme, dit-il quelque part, est la maîtresse du corps, qu’elle gouverne et vivifie. Tandis que celui-ci est mortel, sujet à la corruption, celle-là est immortelle. Hergenrother, op. cit., p. 442.

Avec la majorité des Pères, Photius combat la théorie origéniste de la préexistence des âmes et la métempsycose. Toute âme est créée par Dieu au moment de son union avec le corps ; l’origine de l’un est terrestre, celle de l’autre est divine. Bibl., cod. 237, 240, P. G., t. ciii, col. 1161, 1213. Comme la plupart des anciens encore, notre auteur estime, que l’âme humaine vient informer le corps, non dés le principe, mais seulement quand ce dernier a reçu un développement, une organisation préalable assez parfaite. Op. cit., cod. 231, P. G., t. ciii, col. 1089. Ceci nous amène à l’examen d’une question qu’ont du se poser tous les historiens de Photius : celui-ci a-t-il, oui ou non, partagé la théorie de la dualité des âmes condamnée par le 10e canon du VIIIe concile ? Son enseignement personnel était-il visé par ce canon ? On a beaucoup discuté sur ce point. C’est que le texte même du canon est assez peu explicite : le concile se contente de dire que la sainte Ecriture et les Pères enseignent l’unité en l’homme de l’âme raisonnable et que la doctrine desdeux âmes est hérétique. Hefele, Histoire des conci les, trad. Leclercq, Paris, 1911, t. iv, S 491. Même incertitude du côté des témoignages contemporains ou immédiatement postérieurs. Anastase déclare qu’après avoir enseigné cette doctrine, moins par conviction que pour embarrasser de ses syllogismes la science de son rival Ignace, Photius l’aurait abandonnée sur les remontrances d’un ami, le philosophe Constantin, futur apôtre des Slaves sous le nom de Cyrille. Prsef. in syn. VIII, dans Mansi, Coll. concil., t. XVI, col. 6. A Michel III, qui l’interrogeait sur ce point, Photius déclara n’avoir pas été compris. Syméon Magistcr, De Midi, et Iheod., c. xxxv, P. G., t. cix, col. 730. Restent les ouvrages mêmes de Photius. Or ces ouvrages, au moins dans leur état actuel, ne permettent pas d’attribuer au savant byzantin une erreur aussi grossière. Tout système de la dualité des.’unes se ramène nécessairement à la trichotornie platonicienne ou au dualisme manichéen ; or, Photius n’appartient pas plus à l’école de Platon qu’à celle de Manès. Contre les manichéens, il affirme qu’un même Dieu a créé le corps de l’homme aussi bien que son âme. Contra manich., I, 2, P. G., t. cil, col. 85 sq. En parlant ainsi, il ne songe évidemment qu’à une âme unique. Nous avons vii, d’autre part, que pour lui l’homme est un composé de corps et d’âme : Çtiiov èx A’j-P/^ xa’i <j<ly[i.a.7r J c, auveari ; . Ad Amphil., q. LXXm, P. G., t. ci, col. 453. De pareilles affirmations concordent mal avec la théorie de Platon. Cf. Hergenrother, loc. cit., p. 441-446.

II. XIe et XIIe siècles. —

La mort de Photius est suivie d’un siècle à peu près stérile en travaux philosophiques. Lorsque, dans la première moitié du XIe siècle, Syméon le jeune, le plus grand mystique de l’Église grecque, compose ses écrits ascétiques, il fait sans doute œuvre de psychologue non moins que de moraliste, mais la psychologie n’intervient chez lui que pour servir de base aux règles de morale. La psychologie de Syméon est d’ailleurs toute platonicienne, ou, pour mieux dire, plolinienne. Comme Plotin, il aime à parler des trois principes de l’âme, t’o rpiu-epèi ; t/jç « l’U/îj ; , P. G., t. cxx, col. 612, mais il insiste plus spécialement sur les deux facultés supérieures, la raison (X^yoç) et l’intelligence (voOç). Il sait même, à l’occasion, tirer de cette division un excellent parti pour expliquer par analogie le mystère de la Trinité. Que l’on relise, par exemple, le chapitre xxxi de ses "EpuTeç tûv Œi’wv CfLvtov dans la traduction de Pontanus, P. G., t. cxx, col. 578 sq., ou mieux dans le texte original de l’édition de Denys de Zagora : ToO ôciouxa’t Ôeocpôpo-J 7taTp’o : r, |j.<ï>v Xu[AEà)v to0 vioy bîolôyov rà eijpi(rxd[xeva, in-4o, Venise, 1790 ; Syra, 1886. Les trois fameux principes des néoplatoniciens y sont nettement formulés : Y âme irraisonnable constituant Yanimal : lumen dédit, in quo vidèrent et intuerer omnia, nempe hune mundum sensibus expositum ; Yâme raisonnable constituant Y homme, et Yintelligence constituant Yhomme intellectuel, dédit etiam menton et rationem. Ces trois facultés distinctes ne détruisent pas l’unité radicale de l’âme et sa simplicité : habens enim mentem et rationem, liabet hœc secundum essenliam indivisa, et inconfusa similiter consubstantialia, unum hœc tria unitim, et divisim tria, quæ semper et imita et divisa sunt : uniuntur enim inconfuse et secernuntur indivise. Impossible d’être plus précis. Le langage de Syméon n’a pas toujours, il est vrai, la même clarté ni surtout la même sûreté de doctrine. Des phrases comme celle-ci peuvent donner lieu à discussion : Mois absque sensibus actiones et functiones suas non exerit. nec ullo modo absque mente suis officiis funguntur sensus. P. G., t. cxx, col. 613. On ne doit pas oublier que dans la terminologie des néoplatoniciens le voû ; ou mens est le pendant de notre raison pure. Ailleurs, la distinction même des trois principes semble disparaître, ibid., col. 651 ; la pars animée in qua sunt cupidilates et libidines et la pars irascens sont, dans le système de Plotin, de simples subdivisions de l’âme irraisonnable. Par contre, l’influence du physique sur le moral, la réaction réciproque des deux parties de notre être, dont la psychologie moderne se vante comme d’une découverte, n’a jamais été mise en plus vive lumière que dans l’instruction de Syméon sur les passions. De alteralionibus animse et corporis, P. G., t. cxx, col. 687-691. C’est là surtout que le rôle respectif de La partie inférieure (a).oyov) de l’âme raisonnable (), riyo ; ) et de l’intelligence (voOç) est le plus nettement défini. On pourrait, d’ailleurs, multiplier les exemples.

Si nous étions privés des ouvrages de Syméon lui-même, nous pourrions reconstituer sa psychologie à l’aide de la l’reuiièrc Centurie de son disciple préfère’, Nicétas Stéthatos, que les latins, ses contemporains, appellent ordinairement Nicétas Pecloratus. Chez le disciple comme chez le maître, les principes de philosophie ne sont invoqués que pour servir de base au mysticisme ; l’enseignement didactique fait défaut, mais on peut sans trop de peine en réunir les éléments fondamentaux. Le point de départ de Nicétas est la sensibilité et la distinction des sens en raisonnables (vue, ouïe) et irraisonnables (goût, odorat, toucher), les deux premiers, plus voisins de la raison, sont mis en mouvement par elle et éveillent à leur tour les trois autres, par lesquels l’homme touche à la béte. P. G., t. cxx, col. 853. Si de la sensibilité externe nous passons à la sensibilité intérieure, de l’âme irraisonnable à l’âme raisonnable, nous trouvons entre les facultés de l’une et celles de l’autre une parfaite corrélation : à la vue correspond l’intelligence, à l’ouïe la conception, à l’odorat le discernement, au goût le jugement, au toucher la vigilance du cœur. Ibid., col. 856. Nicétas poursuit en assignant à chacune de ces puissances une fonction mystique particulière. Un peu plus loin, il énonce plus clairement son système psychologique. De même, dit-il, que le corps a cinq sens, l’âme est douée de cinq facultés de connaître (aicô/jusc : ) : l’intelligence, la raison, le sens intellectuel, la connaissance et la science, lesquelles se ramènent à trois opérations (Èvepysia ; ) : l’intelligence, la raison, la sensibilité. Ce serait plutôt le contraire qu’il faudrait dire, à moins d’entendre, contrairement à l’usage, par èvepysiûv les facultés, et par 8-jvâ(j.st ; les opérations. Nous ne suivrons point notre auteur dans ses autres subdivisions ; le mysticisme y prédomine, au détriment de la pensée philosophique. De nouvelles considérations, appuyées sur des principes différents, viennent sans cesse modifier les premières impressions.

Michel Psellus (1018-10967) n’est pas un mystique comme Syméon et Nicétas, mais un philosophe de profession. Admirateur passionné de Platon, il en propage les théories à Byzance en les accommodant de son mieux avec la théologie chrétienne. Du reste, rien n’est difficile à résumer méthodiquement comme sa philosophie ; ondoyant et divers, il sème pour ainsi dire les idées plus qu’il ne les coordonne. Le plus souvent, il rapporte l’opinion des anciens sans nous dire s’il la partage ou la rejette. On sent, toutefois, que ses préférences sont pour Platon. Sa psychologie, en particulier, est empruntée tout entière au chef de l’Académie. Je ne puis signaler ici que les points principaux de sa doctrine sur l’âme humaine, en prenant surtout pour base dans cette analyse un certain nombre de chapitres de son De omnifaria doctrina.

A l’exemple de Platon, Psellus distingue dans l’âme trois parties : l’intelligence (vo0 ; ), l’âme raisonnable (tyv/j,), l’âme irraisonnable (aXoyov). Toute âme ne possède point toute intelligence. L’intelligence suprême, par exemple, reste bien au-dessus de n’importe quelle âme. Après cette première intelligence, il en vient deux autres, l’une supramondaine (ûuepxôirjxio ; ). l’autre mondaine (b(Y.60y.ioç). L’essence, la puissance et l’opération de ces intelligences sont également éternelles. P. G., t. cxxii, col. 701, 712. C’est pour cette raison que l’intelligence n’est point composée de parties. En cela, elle se distingue essentiellement du corps. Ibid., col. 704. Psellus entend-il faire de l’intelligence participée une simple faculté de l’âme humaine, ou un principe foncièrement distinct et autonome ? Son langage est trop indécis pour que l’on puisse répondre à cette question. Ce qu’il dit de l’âme raisonnable (Xoyoç) n’est guère plus précis. Il distingue en elle trois actes : la pensée intuitive (vôrja-i ; ), l’opinion (SôEa), la pensée discursive (Siâvoia). Ibid., col. 705, 709, 1029, 1 137. Ce sont ces trois actes ou facultés qui constituent à proprement parler l’homme (avôpwTio ; ). En descendant plus bas, on rencontre l’animal (Çâ>ov), lequel est constitué par la nature aux formes variées (itoXuwoixiXo ; tç-Jai : ), par l’appétit concupiscible (ÈTu6u|j. ! a) et par l’appétit irascible (Ôujiô ; ). Psellus résume cette doctrine en une phrase qu’il faut citer textuellement : Tpitov o0v ô avôptoro ; , ô piv voepô ; xa’i

u.ovoe18r, ; (= l’intelligence), t 8s Xoytxo ; xat Tpipepïi ; y.a’t Tpiôûvaaoç (= l’âme raisonnable), 6 Sa aîar9Y]Tixôç xat îroXueiSïjç xa 7tavroSa7rô ; (= l’âme irraisonnable). Ibid.

Après avoir énuméré ces trois principes, Psellus s’attache au plus important de tous, à la u-/ïj, dont il étudie l’union avec le corps. Ici encore, sa doctrine est très flottante ; il paraît cependant donner raison à Platon contre Aristote. Si l’âme, dit-il, est une substance véritable, elle ne peut jouer dans le composé humain le rôle de forme, car la forme est une qualité, c’est-à-dire un accident, non une substance : IlXâxajv ôà tï)v àXr, 01vr|V c-jaioev xr, ç <i’j-/y| ; éautr, ; ÇTjirtv sîvat. Tb yàp £ ïMuj) rrjv JTrôcTTaaiv é’/ov eïSoç, K01ÔTt)~a. 0'J<tio>6ï] xaXsî, aXX’oux o’jirtav. Ibid., col. 708. Or, Psellus affirme plus bas que l’âme est une vraie substance, comme le démontrent ses propriétés, col. 708 ; il devrait donc, pour être conséquent, regarder le corps comme un simple instrument de l’âme. Il rejette, d’ailleurs, le traducianisme et reconnaît que l’âme est créée directement par Dieu. Ibid., col. 708, 709, 1144. Quant à la question de savoir à quel moment elle est unie au corps, Psellus hésite d’abord devant les opinions contraires des anciens et de certains Pères de l’Église, mais il finit par dire que l’âme pénètre le corps, comme le soleil l’atmosphère, lorsque le corps est suffisamment disposé à la recevoir : Kw yàp xat a-jvr àOpôooç ilâizTU tô criôjxa sic ty|V Ç(oï)v> xai Çwozotet, toûto £7rtTï]3ec(o ; ê’/ov itpô ; tt)v evwuiv xa-JTrjç. Ibid., col. 716. Les opinions de Psellus touchant la nature (jpûfftç) ou l’âme irraisonnable (aXoyov) sont directement empruntées à la psychologie des néoplatoniciens : elles n’offrent ni originalité ni intérêt. Ibid., col. 713, 716. Il y aurait lieu, par contre, d’insister sur un passage où le consul des philosophes semble admettre dans l’âme une certaine composition de parties, col. 717 ; peut-être a-t-il voulu parler des facultés sensibles de la tyvxr, mais son langage est ici trop vague pour qu’on puisse rien en tirer de concluant. Il est bon d’ajouter qu’ailleurs il affirme l’absolue simplicité de l’âme, tirant de cette simplicité même la preuve de son immortalité. P. G., t. cxxii, col. 1141. Une théorie qu’il formule très nettement est celle de la distinction non seulement numérique mais encore spécifique de chaque âme. Aeï Se xoù to-jto e’tSévai, dit-il, diç itâtra 4 J X’"1 u â<rr, ; tyvyrfi xat’eiSoc Bisoty)xs, y. ai’ô ; osai i{/u-/a, rocra-j-ra xa’i d’ôr, tûv *{/v£b>v èartv. P. G., t. cxxii, col. 1148.

Le résumé qui précède de la psychologie de Psellus est basé, je le répète, sur son De omnifaria doctrina. Il faudrait, pour être moins incomplet, rapprocher cette indigeste compilation des non moins indigestes traités Inpsychogoniam Platonicam, P. G., t. cxxii, col. 1077-1113, et De anima célèbres 0}>iniones, ibid., col. 1029-1076. Mais une exposition de ce genre prendrait trop d’espace. Du reste, les deux traités que je viens de citer sont plutôt historiques. Leur auteur s’y montre, comme partout, très érudit et très ondoyant ; on n’a plus affaire à un philosophe qui expose, mais à un dilettante qui prend plaisir à soulever des questions qu’il laisse pendantes. On peut appliquer à sa psychologie en particulier la critique de Linder à propos "de son commentaire In psychogoniam Platonicam : His in rébus enarrandis Psellus auctorem secutus est Proclum Diadochum, philosophum illum inter Neoplatonicos, qui vocantur, eminentem. Ejus sententiis pro suis ssepenumero ita mus est, ut multis locis ipsa verba Procli transcriberet. Vides igitur in Psello prorsus eamdem Platonicx rationis perturbatianem et confusionem, quam apud Neoplatonicos illos, qui cum Plalonis doctrinam ad suarum voluntatum similitudinem revocarent, tum ad ea, quai Platonis erant, explicanda adhibebant verba Aristotelis, ita ut mirum in modum omnia inter se permulata sint et perversa. P. G., t. cxxii, col. 1078. C. E. Egger, Dictionnaire des sciences philosophiques sous la direction de Ad. Franck, in-8°, Paris, 1875, p. 1418 sq. ; Th. Ouspenski, Le Synodihon pour la semaine de l’orthodoxie, in-8’Odessa, 1893, p. 19-56 (extraits des traités philos iphiques de Psellus).

Jean Italos, le successeur de Psellus dans la di^nit’de consul des philosophes, écrivit comme son devancier une sorte de De omnifaria doctrina sous forme de réponses à diverses questions qu’on lui avait posées. Par malheur, ce recueil est encore en majeure partie inédit. Dans les courts fragments publiés par Th. Ouspenski, il y a fort peu de chose sur l’âme. On y trouve pourtant cette phrase intéressante. Parlant des diverses façons d’affirmer l’attribut du sujet, l’auteur apporte cette comparaison : wittoo xo » Tr)V i]/-.r/r)v voûv eIvgu X£yof/.ev, iroX-Xaxi ; xa’t’Vj^t|V tôv voOv, aX>’y, |j.sv, { J X r i vovj uk i% ayroù ràç eXXtx|uI/£i ; 6s^o|jivr) xoù yeyovjla iïîrsp èxsïvoç ou [jlyiv 8k o-jcra, ô 8è voy ; oùy ôirsp slvai àXX’û ; aiVio ; tocjtï|ç » a èv saurai sy/ov o yEyÉvvrjXS xpsntova) ; a|xa xoù GeioxÉpo) ; . Ouspenski, Z, e Synodikon pour la semaine de l’orthodoxie, in-8°, Odessa, 1893, p. 58. En d’autres termes : quand on dit de l’âme qu’elle est intelligence, on n’entend pas l’identifier avec l’intelligence ; on veut dire simplement qu’elle reçoit de cette dernière la lumière de la connaissance ; elle devient ainsi intelligence sans être pour cela l’intelligence elle-même. Pareillement, quand on dit de l’intelligence qu’elle est àme, on n’identifie pas l’une avec l’autre, mais on affirme que la première est le principe de la seconde, car l’intelligence possède en elle-même ce qu’il y a de meilleur et de plus divin. On voit clairement par ce passage qu’Italos, comme tous les néoplatoniciens, mettait entre le voû ; et la’^'j/r, une distinction réelle. Dans une réponse à l’empereur Michel Parapinakes (1071-1078), Italos examine une théorie qui ne rentre pas dans notre sujet, puisqu’elle se réfère à l’état des âmes après la mort. Mais avant d’en venir à la question, il passe en revue les opinions des philosophes sur la nature de l’âme et son immortalité. Sa conclusion est que l’âme, considérée en elle-même comme substance, est immortelle, mais qu’elle est mortelle au point de vue de ses opérations à cause du péché : *0 Sy] xoù 8vy)tôv eïvat xoù àôâvatov XÉyetou où xaià to ccjtô Ta aùtà, àXXà to i.vj <î>ç o-Jai’a tiç, to Sa a> ; ÈvÉpysia, à6àvato ; apa’t <iv/j Evépyeiav s/O’jaa 8vY|Tr|v oùx àsi àXXà uoté, xat SrjXov wç Sià TY|V Trapàëacjtv, aXXà xa c7uo"-pa ; psî<Ta 71pô ; laVTY]V àOâvaroc ê<mv. 0]i. cit., p. 63. Ces deux citations nous permettent de juger de la méthode non moins que de la doctrine d’Italos : la première est d’un vigoureux dialecticien, la seconde d’un péripatéticien tempéré de néoplatonisme. Cf. Th. Ouspenski, Esquisses sur l’histoire de la civilisation byzantine (en russe), in-8°, .Saint-Pétersbourg, 1892, p. 146-245. On trouvera dans ce livre une étude bien documentée sur le mouvement philosophique à Byzance aux {{rom|xi)e et {{rom|xii)e siècles.

Un contemporain d’Italos et de Psellus, Philippe le Solitaire, a fait entrer dans sa Dioptra (achevée en 1095) une foule de notions sur l’âme, les unes parfaitement orthodoxes, les autres fort sujettes à caution. Mais il faudrait, pour bien juger du système, posséder l’ouvrage dans le texte original ; la traduction latine, quoique venant de Pontanus, ne rend pas toujours la signification exacte des termes techniques, dont la connaissance est indispensable en une matière aussi délicate. Je me contenterai donc de signaler ce curieux dialogue à l’attention des psychologues. Voir, en particulier, les passages suivants : P. G., t. cxxvii, col. 758 sq., 795, 821 sq., 857 sq.

Constantin Manassés, qui vivait dans la première moitié du {{rom-maj|XII)e siècle, adressa à son (’une un poème encore inédit de soixante-douze vers qui n’est peut-être qu’une imitation de la Dioptra, EL Krumbacher, Geschichte der byz. Lilcratur, in-8< Munich, 1897, p. 380, n. 9. Michel Glykas, contemporain de Manassés, nous expose à son tour ses théories sur l’âme humaine au début de sa

Chronique. P. G., t. clviii, col. 115-150. Il a même tout un chapitre nepi Tpiiôv [Aspù)v ty)ç ^j’/j, ; . lbid., col. 224-232. Sans être nouvelle, son exposition a du moins un mérite assez rare chez les philosophes de profession, celui de la clarté.

III. {{rom-maj|XIII)e, {{rom|xiv)e et {{rom-maj|XV)e siècles. —

La renaissance philosophique du {{rom|xi)e siècle, dont nous venons de nommer les plus illustres représentants, n’eut qu’une durée éphémère. Les croisades et l’occupation de Constantinople par les Latins vinrent arrêter dans son élan ce réveil des anciennes doctrines et il faut descendre jusqu’au milieu du {{rom-maj|XIII)e siècle pour trouver dans un écrivain comme Nicéphore Blemrnides un philosophe comparable à Psellus. A la différence de celui-ci, Blemrnides se rattache de préférence aux théories d’Aristote. Cf. A. Heisenberg, Nicephori Blemmytlse curriculum vilx et carmina, in-8°, Leipzig, 1896, p. lxviii. Dans son petit traité de l’âme, IIsp’i >livyj, : , il suit en quelque sorte pas à pas le philosophe de Stagyre, expliquant d’abord le terme même de < ! /'j>y|, et passant ensuite aux relations de l’âme avec le corps, â ses facultés diverses, pour finir par une étude sur l’âme des bêtes et l’âme humaine en particulier. Cet opuscule mérite d’être lu en entier. Il est malheureusement d’un accès difficile, car il ne se trouve édité que dans un livre fort rare : Nixrjçôpoy lvovaoTO’JxaiTtpsao-jTipcrj to’j BXe(X|j.180u’ETUTOixYiXoyiXYJ ; … [iïtà tyj ; ’EjrtTO|j.r, ç çucixy, ; - ÈcpES ; Y|< ; 8k o te Ilsp’c twiaocto ; xat rcspi tyvyrfi…, in-8°, Leipzig, 1784, 181-181-140 p. La nature même de l’âme est exposée chez notre auteur sans beaucoup d’originalité ; la manière dont les quatre éléments influent sur elle est l’objet de longs commentaires avec lesquels la science sérieuse n’a absolument rien à voir ; son immortalité est assez bien démontrée. Mais là où Blemrnides excelle, c’est dans la description des facultés de l’âme. Il y revient sans cesse et dans presque tous ses écrits. Y revenir nous-même serait nous condamner à des redites. Mieux vaut, ce semble, résumer cette partie de sa psychologie en reproduisant le tableau synoptique qu’il en a dressé lui-même, P. G., t. xlii, col. 719 :

Facultés de l’ame.

1. Végétatives Nutritives. Augmentatives. Génératrices.

2. Vitales et appétitives Volonté. Élection. Colère. Désir.

3. Cognoscitives Intelligence. Pensée. Opinion. Imagination. Sensibilité.

Ce tableau d’ensemble est précédé, dans la Logique de Blemrnides, de définitions et d’explications dont la clarté ne laisse rien à désirer. P. G., t. xlii, col. 712, 716 ; cf. encore, col. 733-736.

La clarté ne laisse rien â désirer, non plus, dans l’œuvre psychologique de Nicéphore Choumnos, personnage des plus inlluents à la cour de Michel VIII (12611283) et d’Andronic II (1283-1328). Un manuscrit de Patmos contient, entre autres ouvrages de lui, deux petits traités intitulés, l’un’AvtiOstixô ; irpbç IlXomvov TtEpi <1/JJ£TJ ; , et l’autre flepl t^ç. GpE7tTiXïj ; xal a’KTGrjUxr, ; ’iu/r| ; xai Tùiv xaià TaÛTa ; x ! vt, « te(ov. J. Sakkélion, IlaT|j.axY) ptêXioGr.xrj, Athènes, 1890, p. 74. De ces deux traités, le premier, YAntitheticusinPlotinum de anima, se trouve dans Migne, P. G., t. (’.XL, col. 1403-1438 : il a été publié’par Fr. Creuzer, d’abord dans son Plotini de pulchritudine, Heidélberg, 1814, p. 395-457, ensuite dans son édition complète de l’iotin, t. il, Oxford, 1835, j). 1416-1430. Quant au second, . ! . Sakkélion, op. et loc. cit., le donne comme inédit ; mais il semblerait, à lire K. Krumbacher, op. cit., p. 482, qu’il faille l’identifier avec le Dialogus de anima que Fr. Creuzer a publié sans nom d’auteur, en 1835, à la suite de VAntithetictis in Plotinum, p. 1443-1447. Sans embrasser aveuglément toutes les opinions d’Aristote, Choumnos est un adversaire avoué, non seulement des néo-platoniciens, mais encore de Platon : par-dessus l’auteur alexandrin son traité atteint en droite ligne le rival du Stagyrite. Pour le prouver et montrer du même coup à quelle école se rattache notre philosophe, il suffit de dire que les propositions soutenues par lui contre Plotin sont les suivantes : les âmes ne préexistent pas aux corps ; elles n’émigrent pas d’un corps dans un autre ; la brute n’est et ne sera jamais douée d’une âme intelligente ; nos connaissances ne sont pas de vieux souvenirs qui se réveillent ; les corps ressusciteront ; unis à l’âme ils jouiront de biens éternels ou subiront des peines éternelles. On devinera sans peine, à ce résumé, que Nicéphore Choumnos n’ignorait point le T héophraste d’Énée de Gaza. P. G., t. lxxxv, col. 871-1004.

Ce que je disais tout à l’heure au sujet de la part très large faite par lilemmides au chapitre des facultés de l’âme dans tous ses ouvrages philosophiques, il faudrait le répéter pour la plupart des Byzantins qui se sont occupés de psychologie. Ainsi, Mathieu Cantacuzène, le fils aîné de l’empereur Jean Cantacuzène (1341-1355), écrivit pour sa propre fille un petit traité sur les trois puissances de l’âme. Ces trois principes sont ceux-là mêmes que Platon a imaginés : l’un qui s’émeut et s’indigne, tô 0u[j.o£15£ ;  ; un autre qui résonne et connaît, tô Xoyia-Tcxôv ; le dernier, enfin, qui convoite tout ce qui se rapporte aux plaisirs et aux délices du corps, tô stt16’jjxr]Tixôv. Ce dernier est placé dans le foie (Platon le mettait dans le ventre) ; la colère se trouve dans le cœur ; l’intelligence enfin dans le cerveau. Le reste du traité est moins d’un psychologue que d’un physiologue. Il a été publié par J. Sakkélion, AeXtiVjv tîj ; i<7Toptxî) ; xa èôvoXoyixîi ; âtaipîai ; ty|ç’EXXâôoç, Athènes, t. II, 18851889, p. 436-439, et, d’une façon plus correcte, dans le Ilapvaaaôç, Athènes, t. xi, 1888, p. 282-284. B. Antoniades a donné les variantes du manuscrit de Moscou, AeXti’ov, t. iv, 1892-1895, p. 527-532.

On a de Grégoire Palamas, mort vers 1360, une curieuse prosopopée en trois parties ; on y voit tour à tour l’âme dresser contre le corps un réquisitoire en règle, le corps se défendre, et le tribunal fictif prononcer son verdict : Prosopopœia animée accusantis corpus et corporis se defendentis, cum, judicio. P. G., t. cl, col. 959, 1347 ; A. Jahn, in-8°, Halle, 1884. Cette étrange composition s’ouvre par une considération toute platonicienne sur la nature de l’âme et sur ses parties. Cf. K. Krumbacher, op. cit., p. 485-486. Le même auteur parle également de l’âme en plus d’un passage de ses Capila pliysica, tlteologica, etc. P. G., t. cl, col. 1140 sq.

Un des plus complets représentants de la science religieuse byzantine à son déclin est Syméon, archevêque de Thessalonique (1410-1429). Sans avoir écrit sur le sujet qui nous occupe de traité méthodique, il n’a pas manqué de nous en dire quelque chose en passant. Ici, il affirme que l’âme est créée par Dieu et unie au corps dès le premier instant de la conception, ouo-riç (i.e. ty>yr { c) jxàv àv a’JT’ii (i.e. (ipiçsi) cpycn-xâj ; àp - /918ev tû> <77répij.aTi êrifjuo-jpYixvjÔEi’aô-jviiiEi, P. G., t. clv, col. 840 ; là, que cette âme, en dehors de la vie qu’elle communique au corps, possède une vie, une existence propre, -r 4°JX*i 5è û xat tô <To)}j.a Î(oo7roteî’, àXXà xoù xaO’kûttJv êori, P. G., t. clv, col. 837 ; ailleurs, que l’âme est immatérielle de sa nature. P. G., t. clv, col. 844. Certain passage de lui sur le concept, sur le verbe intérieur, est tout à fait digne de notre scolastique. P. G., t. clv, col. 348-349.

Joseph Bryennios, mort vers 1436, se rapproche beaucoup par la méthode comme par la doctrine de Nicéphore Blemmid.es : c’est un définisseur perpétuel. Telle de ses pages, où il traite ex professo de l’âme, n’offre qu’une accumulation de définitions empruntées à Platon aussi bien qu’à Aristote. Voici celle qu’il adopte pour son propre compte ; je la donne dans le texte original, fort difficile à se procurer :’iu’/r, £<7Tiv o-iffia Xstuty], àopa-ro ; ts xa’i a<7 - /rj[j.àT[<TTo ; , elxtôv 6so{j xat ôtioiuirt ; - -Loù u.ip’0 T0wnr]ç oO Ta TpS71Ta xcxt’evlpyeiav (xôvov, XoyiffjLôç, O’jiaô ; xa emôuiu’a, àXXà iroXXài jj.5XX.ov Ta èvdvTa tocjtti xa6’jTtapÇtv, voO ; xai Xôyo ; xài vEÛjxâ Ècm ; l’unie est une substance simple, invisible, sans forme déterminée ; c’est l’image et la ressemblance de Dieu : elle n’a pas seulement comme parties les instruments de ses opéralions, c’est-à-dire le raisonnement et les deux appétits concupiscible et irascible, mais encore et surtout Ich puissances innées qui la constituent, l’intelligence, la raison, le principe vital.’Iwa-rj ? [j.ova-/o’j toù Bpuevviu-j Ta eûpeOÉvTa, Leipzig, 1768-1784, t. I, p. 55. Ailleurs, il ne distingue dans l’âme que deux parties : le Xoycxdv et l’àXoyov. Au Xdyoç, il attribue le voûç et le izvvjj.o. ; à l’aXoyov, le 8uij.ô ; et rèiriO’ju, îa, la çavTatua et l’aî’<j8ï)<ri ; . Tom. cit., p. 50. Mais il revient àla division platonicienne des troisparties pourfonder son système moral. Tom. cil., p. 130, 167. Sa répartition des puissances (Suvâ^eiç) en trois catégories, végétatives, vitales, cognoscitives, est en tout semblable à celle de Blemmides. Même similitude pour les opérations attribuées à chacune d’elles. Des cinq facultés de connaître, levo-jç et la îcàvoia appartiennent au Xoyixôv, la çavTaffia et l’al’cÛ/ii :  ; à l’aXofov, la Sd ?a est commune aux deux. Tom. cit., p. 66 sq. En résumé, la psychologie de Bryennios, comme celle de Blemmides et de tous les Byzantins est un syncrétisme de tous les systèmes antérieurs. Cf. Ph. Meyer, Des Joseph Bryennios Schriften, Lcben und Bildung, dans Byzantinisc /ie Zeitschrift, t. v (1896), p. 74-111, et plus spécialement les pages 108-109.

Quand Bryennios mourut, la querelle qui divisait déjà les contemporains de Nicéphore Choumnos, K. Krumbacher, op. cit., p. 479, élait sur le point d’éclater à nouveau dans le monde philosophique. Durant tout le moyen âge, en dépit de controverses passagères, une sorte de compromis avait régné, à Byzance, entre Aristote et Platon ; il s’agissait maintenant d’opter entre les deux écoles. De là les polémiques passionnées qui s’élevèrent, vers le milieu du XVe siècle, sur l’autorité des deux princes de la philosophie et la valeur de leurs systèmes respectifs. Engagé d’abord par Gennadius et Pléthon, le débat fut continué par Bessarion et Georges de Trébizonde, puis par tous les savants grecs de la Benaissance. Cf. W. Gass, Gennadius und Plcthon, in-8°, Brestau, 1844 ; A. Stôckl, Geschiclite der Philosophie des Miltelalters, in-8 Mayence, 1866, t. iii, p. 136-151 ; H. Vast, Le cardinal Bessarion, in-8°, Paris, 1878, p. 326-363 ; Ch. Huit, Le platonisme à Byzance et en Italie à la fin du moyen âge, Compte rendu du troisième congrès scientifique international des catholiques. Sciences philosophiques, in-8 », Bruxelles, 1895, p. 293-309. Les autres ouvrages relatifs à cette question sont cités par K. Krumhacher, op. cit., p. 429. Très intéressante en elle-même, cette grande querelle n’eut aucune influence sur la psychologie. On discuta beaucoup, de part et d’autre, sur les théories de Platon et d’Aristote relatives à l’âme humaine ; mais on ne jeta dans le débat aucune idée nouvelle. Il n’y a donc pas lieu de nous y arrêter.

IV. Depuis la. prise de Constantinople par les Turcs. —

Avec la conquête ottomane commence pour l’Église grecque une existence toute nouvelle, dont les conditions imposèrent nécessairement aux esprits une orientation qu’ils n’avaient point connue auparavant. Dans le domaine psychologique, le seul qui doive nous occuper ici, cette conquête amena comme dans les affaires extérieures une certaine anarchie. L’enseignement traditionnel faisant défaut, les rares intelligences que tourmentaient encore les problèmes de la destinée humaine, se créeront une sorte de philosophie individuelle, au gré de leur caprice ou des inlluences du dehors. Dans son Discours sur la création, Pachomios Rliusanos (1510-1553 ?) enseigne la création de l’âme par Dieu et l’immortalité du premier homme, bien que, sur ce dernier point, sa doctrine soit un peu hésitante. Ph. Meyer, Die theologische Literatur der griechischen Kirche im xvi Jahrhundert, in-8o, Leipzig, 1899, p. 49. Théophile Corydallée (1563-1646) se lit au xviie siècle, l’ardent propagateur des doctrines d’Aristote. Disciple de l’Italien César Cremonini, il écrivit comme ce dernier un Traité de l’âme qui le fait mettre par plusieurs de ses coreligionnaires au nombre des athées ; il allait jusqu’à nier l’immortalité de l’àme. Ph. Meyer, op. cit., p. 10. Son influence n’en fut pas moins considérable, et tous les philosophes grecs du XVIIe siècle, Alexandre Mavrocordato, Nicolas Koursoulas, Georges Sougdouris, furent péripatéticiens. Une nouvelle ère s’ouvrit avec le XVIIIe siècle. Méthode Anthracites mit en grec les œuvres de Descartes et de Malebranche et, en 1723, un synode de Constantinople le condamna comme hérétique ; il avait fini par tomber dans un panthéisme idéaliste, qui mettait en cause l’existence même de l’âme. Un autre philosophe, Christodoulos d’Acarnanie, embrassait quelque temps après les erreurs de Spinoza et l’Église oflicielle l’excommuniait en 1793. Ph. Meyer, op. cit., p. 14. Et pourtant vers la même époque, l’évêque de Campanie, Théophile, écrivait dans son Ta|xeïov 6p6030££a ; , un chapitre presque irréprochable sur l’àme humaine ; c’est le quatre-vingt-seizième de cet ouvrage si souvent réimprimé. Cf. l’édition de Tripoli, 1888, in-8°, p. 209215. Le célèbre Eugène Bulgaris (1716-1806) n’est qu’un éclectique en philosophie ; il emprunte à Locke beaucoup de ses théories, rejette les idées innées et regarde l’âme comme une table rase.’II Xoyixii, èx 7ra).ai<ov te xaï vewTÉpiov (ruvspavta-QEÏira, in-8o, Leipzig, 1766, p. 58-59. Dans son Cow>'s de t/téologie, Bulgaris passe rapidement sur l’origine de l’âme et ses facultés ; il en prouve assez bien la spiritualité, en appuyant ses conclusions sur plusieurs textes scripturaires. ©EoXoyix’jv, in-8o, Venise, 1872, p. 380-389. La démonstration de la spiritualité de l’âme semble avoir été la grande préoccupation des théologiens grecs de la fin du dernier siècle. Le seul chapitre qu’Athanase de Paros consacre à l’âme dans son Exposé des dogmes est intitulé : ot^ àôâvaTÔv -ci yp^jj.a xa’i açôaprov, tj OéoÛev tô> àvOpcÔTca) i rvvjn§v.GZ. PJ-/Y1.’E711toij.ï) eïte aVXXoyr, tô>v Œi’wv tT|Ç tïicttewç Soyl >.à-w, in-8°, Leipzig, 1806, p. 262-269.

Nicodème l’Haghiorite, de Naxos († 1809), traite souvent de l’âme dans ses nombreux et volumineux ouvrages, mais sans trop sortir du domaine de l’ascétisme. Quand il lui arrive de parler psychologie, il ne fait que répéter la vieille théorie de la division de l’àme en trois parties : XoyicrTcxôv, 8uu.txov, È7rcOj|17)T’.x6v. Voir par exemple, son ouvrage intitulé : K^ttoç -/apÎTtov, in-4o, Venise, 1819, p. 10. Le manque d’originalité est, d’ailleurs, le moindre défaut de la philosophie des Grecs modernes. A peine affranchis du joug ottoman, ils se livrèrent avec leur ardeur ordinaire à l’étude des systèmes philosophiques de l’Allemagne ou de la France et, sans toujours les comprendre, essayèrent de les faire pénétrer dans leur langue, sinon dans leur esprit. Il sortit de ce chaos une philosophie composite, dont l’histoire n’est pas à faire ; elle devrait se borner à une sèche énumération de traductions ou d’adaptations d’ouvrages étrangers. On doit pourtant une mention spéciale à un philosophe encore vivant, Apostolos Makrakis, dont la doctrine sur le compose humain eut l’honneur d’être condamnée, en 1879, par le saint-synode de Grèce. Dans bon nombre de brochures, comme dans son journal le Aôyo ; , Makrakis préconise ce qu’il appelle le Tpia-’JvOsTov, c’est-à-dire la composition de l’homme en trois éléments :’l ?v/y, i : v£-j|j.a, <sù>t.a. ou o-ipf. La nature humaine n’est parfaite qu’à la condition de les réunir tous les trois. Jésus-Christ lui-même n’a été homme parfait que le jour où il reçut, dans les eaux du Jourdain, « l’esprit, » t’o 7rvEJ|j.a. Condamné à Athènes, Makrakis en appela au patriarche de Constantinople Denys V, et lui adressa, sous forme de mémoire, une apologie de son système. A l’entendre, le 7rvE0[j.a n’est pas la ùvyrj ; c’est une parcelle, une communication « de l’esprit de Dieu et du Christ faite à l’homme, en tant que celui-ci est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu ». Notre philosophe ne craint pas d’appuyer son dire sur l’autorité de saint Grégoire de Nysse ; il n’admet point que le IIe concile œcuménique ait anathématisé cette erreur dans la personne d’Apollinaire. L’occasion était belle pour le patriarche de Constantinople d’affirmer par une intervention officielle sa suprématie doctrinale ; mais Denys V ne répondit point et Makrakis continue d’enseigner sa théorie du TpccûvÔETov. Un autre écrivain encore vivant, Nectaire Kephalas, a écrit sur les Commémoraisons funèbres un intéressant opuscule, dont la majeure partie est consacrée à prouver l’immortalité de l’âme. Ta tepà ii, vr)u.ôo-jva, in-8o, Athènes, 1892, p. 7-24. En dehors de ces deux écrivains, je ne puis que signaler, par ordre de date, les auteurs de manuels scolaires ou de traités les plus répandus : N. Khortakis, 'Av6pa>nûXoyi’a <xio|AaTix-r) xai ^J/oXoyixr, , in-8o, Athènes, 1865 ; C. Papadoukas, Wvyo-Xoyîa Ëfj.TCiptxr l, in-8°, Athènes, 1871 ; P. Bradas Armenis, 'E7riaroXa 4>i).o6éou xai E’iyEvi’ov, v^toi a-JVTOfio ; UEpt’ii-jyr^ xa 8eo0 618a<rxaX : a, in-8o, Athènes, 1884 ; J. Skaltsounis, ^PuyoXoytxa’i |xE>.ÉTai, in-8o, Athènes, 1889 ; —’Ap(j.oveat 5qu(7Tcavi<T[j.O’j xai È7ri<TTï||iT) ; xa TtEp’i yEvÉaEw ; to-j àv6p(Ô7ro’j, in-8°, Athènes, 1893 ; A. K. Spathakis, *FuyoXoy ; a è[iuEtpixT) x « i Xoyixïj, in-8o, Athènes, 1895 ; D. Olympios, ^ÏV/oXoyia ; è[j.7rEipiXTj ; Èy/_Ecpi’810v (simple traduction du manuel de G. A. Lidner), in-8o, Athènes, 1896 ; T. Sophianos, 0su>pï)TixY) 4 /u X ^ Y ta > in-8o, Constantinople,

V. Eglise russe. —

L’Eglise russe, dans son enseignement officiel sur l’âme humaine, s’en tient strictement à la doctrine formulée au XVIIe siècle dans la Confessio orthodoxa, si souvent imprimée depuis, part. I, rép. 28. Elle professe naturellement la création de l’àme par Dieu. Mais comment entend-elle cette création ? Elle ne le détermine point d’une manière précise. Toutefois, le plus grand de ses théologiens, Macaire, pense « que Dieu crée les âmes humaines, ainsi que les corps, par la vertu de cette même bénédiction : Croissez et multipliez-vous, donnée par lui dès le commencement au premier couple ; qu’il les crée, non de rien, mais de l’âme des parents ». Ce qui pousse Macaire à adopter cette manière de voir, c’est la doctrine du péché originel, « dont la transmission, dit-il, serait impossible si Dieu tirait les âmes du néant. » Objecte-t-on au théologien russe que l’âme, être simple, ne saurait être formée d’une autre âme ? Il répond que Dieu, esprit pur, engendre pourtant de son essence le Fils et produit le Saint-Esprit, sans qu’il y ait division ou partage de son indivisible essence. Aussi ajoute-t-il avec les anciens docteurs que le mystère de la création de nos âmes n’est accessible qu’à Dieu seul. Théologie dogmatique orlliodoxe, trad. par un Russe, t. I, in-8°, Paris, 1859, p. 535. Tout en professant cette opinion, Macaire rejette le traducianisme et la divisibilité de l’àme des parents ; il n’admet pas que Dieu crée les âmes de rien, doctrine inconciliable à ses yeux avec le dogme de la transmission du péché originel. Cette grave question tle l’origine de l’àme a fort préoccupé les théologiens russes, mais ils ne sont point encore parvenus à s’entendre sur un mode de conciliation. Cf. Et. Jauwsky, Indication des questions théologiques, dans les Lectures chrétiennes, 1844, t. iii, p. 400-113 ; Th. Procopovitch, Theologia christiana orthodoxa, in-8o, Kœnigsberg, 1773-1775, t. il, p. 37-15. L. Petit.