Dictionnaire de théologie catholique/BULGARIE

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 2.1 : BAADER - CAJETANp. 592-623).

BULGARIE. —
I. Avant les Bulgares ; la question de lTllyricum.
II. Invasion des Bulgares ; leur conversion, 865.
III. Hésitations entre Borne et Constantinople, 866921.
IV. Vicissitudes du premier patriarcat bulgare, 9211019.
V. L’archevêché gréco-bulgare d’Ocbrida, 10^01393.
VI. Le patriarcat bulgare de Tirnovo, 1204-1393.
VII. Le patriarcat gréco-bulgare d’Ocbrida, 1393-1767.
VIII. Liste des patriarches d’Ocbrida.
IX. L’Eglise bulgare sous la domination phanariote, 1767-1860.
X. Le conllit gréco-bulgare. Création de l’exarchat, 1860-187 : 2.
XI. La période contemporaine, 1872-1903.
XII. Organisation intérieure de l’exarchat.
XIII. Statistiques religieuses.
XIV. L’Église bulgare uniate, 1860-1903.
XV. L’Kglise latine en Bulgarie.

I. Avant les Bulgares ; la question de l’Illyricbm.

L’Église bulgare occupe actuellement la partie de la péninsule balkanique, que l’on désignait autrefois sous les noms de Mésie, Thrace et Macédoine. Divisée en trois tronçons principaux, puisqu’elle est comprise à la lois dans la principauté de la Bulgarie, vassale de la Porte, dans la province autonome de la Houmélie orientale et dans les provinces de la Turquie d’Europe, elle a, de tout temps, suivi les variations politiques de son peuple, agrandi ou restreint ses frontières, selon la bonne ou la mauvaise fortune de l’Étal bulgare, prospéré ou même cessé d’être, suivant que les Bulgares développaient leur empire ou perdaient leur indépendance. Sous le nom que nous lui donnons aujourd’hui, l’Église bulgare naquit seulement vers l’année 865, bien qu’elle remonte au moins jusqu’au v siècle par les peuplades slaves qui forment la majorité de sa population et que, par les tribus thraco-illyriennes, produit autochtone du vieux sol, elle se rattache aisément aux premières conquêtes du christianisme. Aussi, sans vouloir raconter les missions de saint Paul et de ses disciples, ni entrer dans des considérations ethnographiques par trop étrangères à notre sujet, convient-il, néanmoins, d’exposer en deux mots la situation politique et religieuse de cette contrée durant les huit premiers siècles de notre ère, afin de hien comprendre les rivalités et les luttes d’iniluence qui s’établirent entre Rome et Constantinople, au sujet de la juridiction ecclésiastique, dès le berceau même de l’Église bulgare.

Les Thraco-llly riens, les plus anciens habitants connus de toute cette région, constituaient deux branches, dont l’une, orientale, se composait surtout de Macédoniens et de Thraces, et l’autre, occidentale, comprenait les Ulyriens et les Épirotes. Après avoir conquis une bonne partie de l’Asie avec Alexandre le Grand et disputé avec Pyrrhus l’empire du monde à la république romaine, ces peuples frères furent définitivement vaincus par les armes de Rome. Dès le iie siècle avant J.-C, la Macédoine était une province romaine, la Mésie en Tant) de notre ère, la Thrace en l’an 46. la Dacie en l’an 108.

Romanisées de bonne heure et converties presque immédiatement au christianisme — la dernière tribu thrace, les Basses, fut convertie vers l’an 400 — ces populations se virent aussi de bonne heure forcées d’admettre sur leur territoire un peuple, qui leur était étranger par sa langue et par ses mœurs et qui devait rapidement leur enlever la prépondérance. Dès les conquêtes de Trajan en Dacie — la Transylvanie et la Moldo-Valachie actuelles — les Slaves semblent établis dans cette province. Vers la fin du IIe siècle, ils se rapprochent du Danube ; plus tard, à la suite de plusieurs victoires remportées sur eux par les empereurs Carus, Dioclétien et Galère, une de leurs tribus, les Carpi, qui a donné son nom aux Carpathes, est transplantée tout entière sur la rive droite du fleuve, en Mésie et en Thrace. C’est là le premier jalon de la colonisation slave dans la péninsule balkanique. Au début du Ve siècle, nous trouvons bon nombre de Slaves parmi les hauts dignitaires de l’empire grec et, au vie siècle, deux slaves d’Uskub, Justin I er et son neveu Justinien, assis sur le trône de Byzance. Mais l’émigration décisive se produisit à la fin du ve siècle, ayant son point de départ dans la Transylvanie. Deux peuples slaves en sortirent : les Antes, qui disparurent bientôt, et les Slovènes, dont le nom s’appliqua depuis à l’ensemble de la race. Au "iie siècle, les Slaves avaient déjà assiégé Thessalonique quatre lois, Constantinople une fois en 626 ; ils formaient presque toute la population des provinces de Scythie, Mésie, Dacie, Dardanie, Macédoine, Épire et d’une partie de la Thrace, régions que les Grecs prirent l’habitude de désigner sous le nom générique de Sclavinia. En 688, Justinien II transportait en Asie 30 000 Slaves de Macédoine et, lorsque la peste décima en 747 la Grèce et le Péloponèse, ils se multiplièrent à tel point dans ces deux provinces que l’empereur Constantin Porphyrogénète a fait cet aveu effrayant pour la cause de l’hellénisme : tout le pays devint slave. Cependant, malgré ces invasions successives et malgré leur supériorité numérique sur leurs voisins thraces, grecs et valaques, les Slaves ne constituaient pas encore une nation bien déterminée. Émiettés en tribus multiples, ils auraient été vite décimés dans les guerres civiles, si un peuple, étranger par sa race et sa patrie d’origine, les Bulgares, n’était venu réunir en un seul faisceau toutes ces forces éparses et former un seul corps politique définitif.

Sur les invasions et les colonies slaves, voir A. Rambaud, L’empire grec au. x’siècle, Constantin Porphyrogénète, in-8° Paris, -1870, p. 2)9-240 ; C. Jirecek, Geschiclite der Bulgaren, in-8° Prague. 1876, p. 53-216 ; H. Gelzer, Die dnesis eîer byzantinis.chen Themenver/assung, in-8°, Leipzig, 1899, p. 42-64.

Divisés au sujet des visées politiques, les Thraco-Illyriens et les Slaves ne l’étaient pas moins au point de vue administratif et ecclésiastique. Lors de la réorganisation de l’empire faite par Dioclétien et Constantin le Grand, nous trouvons dans la vaste région qui nous occupe deux grands centres de gouvernement : le diocèse de Thrace, qui comprenait les six provinces d’Europe, Rhodope, Thrace au sens strict, Hémimont, Scythie et Mésie inférieure, et la préfecture d’ilbjrie orientale, qui comprenait elle-même les provinces d’Achaïe, Thessalie, Crète, Macédoine. Vieille et Nouvelle Epire, Dacie ripuaire et Dacie méditerranéenne, Dardanie, Prévalitane, Mésie supérieure et Pannonie. De ces deux grands centres administratifs, le premier, le diocèse de Thrace, échut à l’empire d’Orient, tandis que, au point de vue ecclésiastique, il obéissait à l’exarque d’IIéraclée, et depuis le concile œcuménique de 381, à l’évêque de Constantinople. Il n’en était pas ainsi de l’Illyrie orientale. Cette vaste préfecture fut comprise dans le lot de l’empire d’Occident jusqu’en l’année 389, où Gratien la céda à son collègue Théoclose. Cette cession bénévole de l’empereur Gratien fut le point de départ d’un grave conflit religieux qui éclata entre Rome et Constantinople. Tant que l’Illyrie orientale avait dépendu de l’empire d’Occident, les Byzantins n’avaient pas trouvé mauvais que ses évêques acceptassent la juridiction du patriarche occidental, c’est-à-dire de l’évêque de Rome ; mais du jo’ur où Byzance exerça sur elle la suprématie politique, elle réclama également la suprématie religieuse. Et comme, pour des raisons faciles à concevoir, les empereurs grecs appuyaient de toute leur autorité les tendances centralisatrices des évêques de leur capitale, ceux-ci entrèrent aussitôt en lutte ouverte avec les papes. Pour sauvegarder les droits menacés du saintsiège, saint Darnase ou saint Sirice institua vers l’an 380 le vicariat apostolique de Thessalonique, avec pouvoir pour cette métropole d’informer sur les affaires ecclésiastiques delTllyricum et d’en décider, en lieu et place du pape.

Ce vicariat apostolique fonctionna sans trop d’opposition jusqu’en 484, où le métropolitain de Thessalonique acquiesça au schisme d’Acace, entraînant dans sa chute la majorité de ses suffragants. Lorsque l’union fut rétablie en 519, les papes recouvrèrent du coup leurs anciens privilèges. Ils existaient encore sous Justinien, puisque cet empereur s’entendit avec les papes Agapit et Vigile, pour dédoirbler la juridiction supérieure de l’Illyricum et créer, au profit de Justinia)ia prima ou Uskub, sa ville natale, un grand diocèse, qui embrassait les provinces de Dacie ripuaire et Dacie méditerranéenne, Prévalitane, Mésie supérieure, Dardanie, Pannonie et Macédoine deuxième, relevant jusque-là de Thessalonique. Novelle xi du 14 avril 535 et Novelle cxxxi du 18 mars 545. Saint Grégoire le Grand, 590-601, n’écrivit pas moins de 21 lettres relatives à lTllyricum oriental et qui, toutes, démontrent sans doute possible que le pape était le vrai patriarche de ces provinces. Au cours du VIIe siècle, nous rencontrons fréquemment des exemples de haute juridiction métropolitaine, que les évêques de Rome exercent sur cette contrée. Ce n’est qu’avec l’inauguration de la querelle iconoclaste, à la suite des démêlés politiques et religieux entre le pape Grégoire II et le basileus Léun l’Isaurien, 731, que lTllyricum oriental fut rattaché officiellement au siège de Constantinople. Sans doute, les papes protestèrent avec énergie, chaque fois que l’occasion s’offrit de le faire, contre cette usurpation, mais cjue pouvaient-ils au milieu des luttes iconoclastes, qui ensanglantèrent presque tout le viiie siècle et la première moitié du IXe ? Des intérêts autrement graves réclamaient leur intervention en Orient et, d’ailleurs, à quoi bon chercher à l’imposer, puisque les Byzantins eux-mêmes s’étaient laissé exclure de presque toutes ces provinces par des barbares païens, qui ne souffraient aucune immixtion de l’étranger ? Mieux valait garder le silence, en attendant que l’heure de la providence sonnât et que les farouches descendants d’Asparouch se fissent les humbles disciples de Jésus-Christ.

Sur la question de l’Illyricum, voir L. Duchesne, L’Illyricum ecclésiastique, dans la Byzantinische Zeitschrift, t. i (1892), p. 531-550 ; la réponse de Th. Mommssen, dans Neues Archiv der Gesellschaft fur altère deutsche Geschichte, t. xix (1894) ! p. 4It3-’135, et la réplique de Duchesne dans les Églises séparées, in-12, Paris, 1896, p. 229-279. Voir aussi G. Jirecek, Das christliche Elément in der topographischen Nomenclatur der Balkanlànder, dans les Sitzungsbericlite der liais. Akademie der Wissenscliaften in Wien, t. cxxxvi ; tirage à part, in-8°, Vienne, 1897.

II. Invasion des Bulgares ; leur conversion, 865.

— Dès le ve et le VIe siècle de notre ère, et surtout dans la première moitié du viie, une puissante tribu, d’origine turque, d’après les uns, finnoise, d’après les autres, la tribu des Bulgares, occupait le pays compris entre le Don et la Volga. A la mort de son chef Koubrat ou Kourt, sous Constantin Pogonat, 668-685, la nation se fractionna en cinq groupes principaux, commandés chacun par l’un des (ils du défunt. Deux de ces hordes restèrent dans leur pays d’origine avec les deux aines et fondèrent, entre la Volga et la Kama, un vaste royaume, connu au moyen âge sous le nom de Grande-Bulgarie ou de Bulgarie-Noire. Ces Bulgares embrassèrent l’islamisme vers 922 ; leur empire fut détruit au XIIIe siècle par les Tatares. Deux autres tribus, commandées par les deux plus jeunes fils de Koubrat, s’établirent, l’une dans la Hongrie, l’autre dans l’Italie méridionale ; la cinquième, enfin, sous les ordres d’Asparouch, se dirigea vers les embouchures du Danube, occupa la Bessarabie et, de là, fit des incursions en Mésieeten Thrace, 66’J. Vers la fin du vu » siècle, ce dernier groupe de Bulgares avait ravi à l’empire byzantin la Dobroùdja moderne, sur la rive droite du Danube, puis envahi toute la région littorale jusqu’au Balkan. Pour conserver la Thrace et leurs possessions de Macédoine, les Grecs conclurent un traité avec eux et, moyennant un tribut annuel assez élevé, ils vécurent en bons termes avec leurs voisins. Mais, comme les nouveaux venus étaient et sont encore éminemment positifs, dès que le remboursement de l’impôt se faisait par trop attendre, les hostilités recommençaient. C’est ainsi que tout le vme siècle et les vingt premières années du ixe furent remplies de luttes sanglantes, tantôt au profit des Bulgares et tantôt à leur défaveur, mais qui se terminèrent par la défaite et l’humiliation des Byzantins. En 811, le basileus grec Nicéphore était vaincu et tué par Kroum et son crâne évidé servait de coupe royale aux orgies de son adversaire ; en 813, le farouche conquérant s’avançait jusque sous les murs de Constantinople et là, devant la Porte Dorée, au grand scandale des dévots byzantins, il immolait à ses dieux des victimes humaines.

Peu à peu, par suite de nouvelles victoires sur les Grecs ou grâce à leur esprit de prosélytisme, les Bulgares, dont le nombre était plutôt restreint, attirèrent à eux et réunirent sous leur domination toutes les tribus slaves, qui firent dorénavant cause commune avec eux. Ainsi, en 811, les grands de la nation slave buvaient, à la suite de Kroum, dans le crâne de l’empereur Nicéphore ; ainsi encore, dès cette époque, le roi bulgare s’intitule prince des Slaves et des Bulgares. Il se produisit donc alors, dans la péninsule balkanique, le même phénomène que l’on avait constaté en Gaule aux v° et VIe siècles. Les Bulgares de Kroum et de ses successeurs y jouèrent le même rôle que les Francs de Clovis et de ses héritiers dans notre pays. Au contact des vaincus, supérieurs en nombre et en civilisation, les vainqueurs perdirent leur nationalité, leur idiome et leur religion, mais, en retour, ils donnèrent leur nom

— et pour toujours — à l’amalgame ethnographique. Les successeurs immédiats de Kroum se désistèrent de sa politique aggressive à l’endroit des Grecs et tournèrent plutôt leurs ellbrts du côté des Francs et des Serbes. Boris, qui monta sur le trône vers 852, reprit la lutte contre Byzance, tout en continuant à guerroyer contre les Francs, les Serbes et les Croates. Déjà maître de la Boumanie actuelle et de la Transylvanie, il put encore s’emparer, d’un côté, du pays s’étendant jusqu’à l’Ibar, et de l’autre, de la Macédoine septentrionale y compris Ochrida, ainsi que d’une portion du littoral de la mer Noire, au sud des Balkans.

L’unité politique de la péninsule s’était faite sous le drapeau bulgare, elle allait être consacrée par l’unité religieuse. Avant la conversion et le baptême de Boris, que l’on peut comparer au baptême de Clovis à Beims, nous n’avons que peu de renseignements sur la diffusion du christianisme chez les Bulgares. Il est probable toutefois, malgré le silence de l’histoire, que le voisinage des Grecs, des Francs, des Serbes et des Slaves, presque tous chrétiens, ne fut pas sans exercer une salutaire inlluence sur l’esprit grossier de ces barbares. En 777, un de leurs rois, Cérig ou Télérig, s’enfuyait à Byzance, y recevait le baptême et le titre de patrice. Dans la Mésie inférieure, la Dobroùdja moderne, premier séjour des Bulgares sur la rive droite du Danube, ceux-ci rencontrèrent des églises et des prêtres, grecs ou slaves. Les campagnes heureuses de Kroum furent suivies d’ordinaire, de transplantations de captifs, qui amenèrent dans le royaume une foule de prisonniers chrétiens, grecs, slaves ou valaques, évêques, prêtres ou simples fidèles, mais tous ardents propagateurs de l’Évangile. A’ainement le roi Omortag, pour parer au danger qui menaçait le culte national, mettait à mort, vers l’an 818, l’évêque d’Andrinople avec trois autres prélats et 374 chrétiens, la religion du Christ s’infiltrait insensiblement, même parmi la dynastie d’Asparouch, puisque, au dire de Théophylacte d’Ochrida, le roi Malomir, prédécesseur de Boris, aurait embrassé la foi de Jésus-Christ.

Cependant, si glorieuses que fussent ces conquêtes, elles n’auraient pas réussi probablement à entamer la nation, si un prince valeureux n’avait lui-même donné l’exemple, en entraînant à sa suite les adorateurs des faux dieux. A vrai dire, nous sommes encore assez mal fixés sur les causes qui déterminèrent une démarche aussi hardie et poussèrent le roi Boris à recevoir le baptême. On a parlé d’une sœur du roi bulgare, prisonnière à Byzance, et qui, de retour chez les siens, leur aurait inculqué les premières notions du christianisme, mais le tait ne paraît avoir que la portée d’une simple légende. On a même cité le nom d’un moine, Méthode, peintre habile, dont un tableau du jugement dernier aurait décidé la conversion du prince, et l’on a vu dans ce personnage saint Méthode, le frère de saint Cyrille ; mais, d’après Syméon Métaphraste, qui, le premier, rapporte ce récit, ceci eut lieu après le baptême de Boris, et le moine Méthode n’était qu’un peintre vulgaire de son métier. Il est, d’ailleurs, prouvé aujourd’hui que les deux frères Cyrille et Méthode ne sont pour rien dans la conversion des Bulgares et qu’on doit attribur à leurs premiers disciples la juste popularité, dont ces deux apôtres des Moraves jouissent en Bulgarie.

Goloubinski, Précis d’histoire dm Églises orthodoxes, bulgare, serbe et roumaine (en russe), in-8°, Moscou, 1871, p. 2227, 225-249 ; G. Jirecek, op. cit., p. 150-160 ;  !.. Léger, Cyrille et Méthode, ln-8*, Paris, 186s, p. 87-91 ; A. Lapôtre, Le pape Jean VIII. in-8°, Paris, 1895, p. 100-106. Voir surtout dans Geschichte der byzantinischeti Litteratur do Knmibacher, 2e édit., p. 1001, 1002, la bibliographie concernant les saints Cyrille et Méthode.

La conversion de Boris est due, sans doute, à des motifs presque uniquement politiques : « Les Slaves de la Moravie, qui touchaient aux limites septentrionales des possessions bulgares, venaient d’embrasser le christianisme, convertis par Cyrille et Méthode ; Boris, que ses conquêtes avaient rendu voisin des Francs, se trouvait entouré d’États chrétiens. Il crut donc utile à ses intérêts de recevoir aussi le baptême. A la suite d’une campagne victorieuse contre l’empereur Michel III, il lui offrit la paix à des conditions peu onéreuses et profita de cette circonstance pour faire profession de la foi chrétienne. L’empereur lui servit de parrain et le nom de Michel fut choisi par Boris comme nom de baptême. » L. Lamouche, La Bulgarie dans le passé et dans le présent, in-12, Paris, 1892, p. 62. Voir aussi C. Jirecek, op. cit., p. 154, 155 ; A. Lapôtre, Le pape Jean VIII, p. 49 ; V. Lah, De Borisio seu Michæle I, dans Archiv f’ùr Kirchenrecht, t. XL, p. 274-293 ; t. xi.n, p. 81-120. Conformément aux usages du temps, le souverain contraignit ses sujets à partager ses nouvelles croyances, mais ce brusque changement ne fut pas goûte de tout le monde, surtout des boyars, les chefs de la nation. Une violente insurrection éclata pour renverser Boris du trône et lui substituer un païen ; elle fut étoulfée dans le sang des principaux meneurs.

La date de cet événement capital pour l’avenir de la péninsule balkanique doit se placer à la fin de 804, ou mieux dans les premiers mois de 865. En effet, dans une lettre écrite en 864, le pape saint Nicolas parle de la conversion de Boris comme d’un simple projet, P. L., t. cxix, col. 875 ; de môme, Hincmar écrit dans ses Annales, édit. Pertz, t. I, p. 465, à la date de 864, que l’on s’attend en Allemagne au prochain baptême du roi bulgare ; enfin, dans sa fameuse lettre encyclique, P. G., t. en, col. 724, Photius déclare qu’il ne s’est pas écoulé tout à l’ait deux ans entre l’arrivée en Bulgarie des missionnaires latins, fin de l’année 866, et la conversion des Bulgares opérée par les prêtres grecs.

III. HÉSITATIONS ENTRE HOME ET CONSTANTINOPLE, 866-924. —

Au lendemain de son baptême, Boris demandait à Photius, patriarche de Byzance, un archevêque, des évêques et le cortège obligé d’une hiérarchie régulière, mais soit qu’il méconnût la réalité de la situation, soit qu’il trouvât les Bulgares par trop dénués de culture chrétienne, celui-ci se contenta d’adresser au roi des missionnaires avec une fort jolie lettre. P. G., t. en, col. 627-696. Ce n’était pas ce que voulait Boris. Aussi, moins de deux ans après, envoyait-il une ambassade solennelle à Borne et une autre au roi de Germanie pour en obtenir ce que lui avait refusé Constantinople. Le but intéressé du souverain bulgare apparaît manifestement dans cette double ambassade. Au fond, il se souciait médiocrement d’une suprématie religieuse universelle, d’où qu’elle vint, de Constantinople, de Borne ou d’Allemagne, mais il voyait un empereur d’Orient couronné par le patriarche de Constantinople, un empereur d’Occident couronné par l’évoque de Borne, et son ilair de barbare lui suggérait qu’il ne serait empereur que lorsqu’il aurait son patriarche.

L’habileté, avec laquelle le pape saint Nicolas sut entrer dans les vues de Boris, rendit vains pour le moment tous ses calculs politiques. Une mission partit de Home ayant deux évêques à sa tête, Formose de Porto et Paul de Populania ; elle arriva vers la fin de l’année 866. Ces deux évêques devaient gouverner l’Église bulgare à titre provisoire, en attendant qu’on leur donnât des successeurs définitifs sous la haute juridiction d’un archevêque, dont l’investiture par le pallium appartiendrait au saint-siège. Saint Nicolas résolvait ensuite dans ses 106 Responsa ad Bulgarorum considta, P. L., t. CXix, col. 978 sq., une foule de questions dogmatiques, morales et disciplinaires, posées par le roi bulgare et qui, à défaut d’autre mérite, avaient au moins celui d’être claires, précises, pratiques ; ce qu’on ne

saurait dire de la métaphysique byzantine. Boris s’éprit d’une véritable affection pour Formose, le chef de la mission ; il lui laissa libre carrière pour organiser la chrétienté naissante et renvoyer dans leurs foyers les missionnaires allemands et byzantins qui lui déplairaient. Formose ne se fit pas faute d’user de la permission. Partout, le rite latin fut substitué au rite grec, les églises désaffectées, les chrétiens reconfirmés, au grand scandale de Photius qui dénonçait le fait à toute la chrétienté, en 867. En moins de deux ans, avec une rapidité que Photius lui-même compare à la marche de la foudre, Formose avait établi la foi chrétienne sur les ruines du paganisme. P. G., t. en, col. 721-734. A force de voir Formose à l’œuvre, Boris le réclama au pape comme archevêque, mais saint Nicolas refusa, alléguant le canon ecclésiastique qui prohibait le transfert d’un évêque d’un siège à un autre et, avant de mourir, 13 novembre 867, il mit fin à la mission du légat. Vita Nicolai, c. lxxiv, lxxv, dans le Liber ponti/icalis, édit. Duchesne, t. ii, p. 165 ; Sententia in Formosum, P. L., t. cxxvi, col. 676.

Formose parti, Boris réclama le diacre Marin et, cette fois encore, il se heurta contre un refus. Las enfin de toutes ces tergiversations, il députa une ambassade solennelle au concile œcuménique de 869, réuni à Constantinople, afin qu’il fût tranché définitivement si la Bulgarie relevait de Borne ou de Byzance. Dans une réunion extraconciliaire, tenue en présence de l’empereur Basile I er, des légats du pape, du patriarche Ignace, des représentants des trois patriarches orientaux et des députés bulgares, les Grecs décidèrent, malgré l’opposition des légats romains, que la direction ecclésiastique de la Bulgarie serait dorénavant accordée à l’évêque de Constantinople. Les motifs invoqués furent que la Bulgarie avait appartenu autrefois à l’empire byzantin et que, lors de la conquête, les Bulgares y avaient trouvé des prêtres grecs. Comme les envoyés du pape objectaient avec raison que l’administration de l’Église ne doit pas être subordonnée à des considérations politiques et que le pays des Bulgares formait une partie de l’Illyricum oriental, soumis jusqu’à Léon l’Isaurien aux évêques de Rome, les trois délégués orientaux, d’accord avec Basile et le patriarche Ignace, répliquèrent qu’il n’appartenait pas à des transfuges de l’empire grec, comme l’étaient les Romains, d’exercer la moindre juridiction sur les terres du basileus. Et, sur ce, les Bulgares trompés crurent qu’ils relevaient de Constantinople ; les missionnaires latins, expulsés par Boris, se replièrent sur l’Italie, pendant que l’archevêque Joseph et une dizaine d’évêques grecs prenaient officiellement, au nom d’Ignace, possession de l’Église bulgare, 870. Mansi, Concil., t. xvi, col. 10-13 ; Epistola Hailriani II ad Basilium, P. L., t. cxxii, col. 1310 ; Epistola Johannis VIII, dans Neues Archiv, t. v, p. 300 ; Vita Basilii imperatoris, P. G., t. cix, col. 357 ; J. Hergenrôther, Photius, Patriarch von Conslantinopel, Batisbonne, 1867, t. ii, p. 149-166. Vainement, les papes protestèrent-ils contre cet escamotage indigne et adressèrent-ils des menaces à Boris, à Basile et à Ignace ! Le roi bulgare, content de son archevêque, fit la sourde oreille ; Basile répondit presque par des insultes ; quant à Ignace, il manifesta la même obstination qu’il avait jadis montrée à l’égard de l’usurpateur Photius. Enlin, le pape Jean VIII, 872-882, somma le patriarche byzantin de venir s’expliquer à Rome, et, sur son refus, envoya deux légats à Constantinople avec l’ordre formel d’excommunier et de déposer Ignace, s’il ne rappelait pas de la Bulgarie le clergé grec. Mais, à l’arrivée des légats romains, Ignace était mort, 23 octobre 877, et Photius, réconcilié avec Basile, l’avait remplacé. Jean VIII le reconnut et, au concile de 878, Photius promit de s’entendre avec l’empereur pour le règlement définitif de la question bulgare. La promesse fut tenue, puisque, en 880, le pape écrivait à Basile : « Je vous rends de nombreuses actions de grâces de ce que, par amour pour nous et comme le demandait la justice, vous nous avez permis de posséder le diocèse des Bulgares. » Epist., ccxLvi, ». L., t. cxxv, col. 909. De l’ait, à partir de ce moment, la Bulgarie cesse de figurer sur les listes épiscopales du patriarcat byzantin. 11. Gelz.er, Georgii Cyprii descriplio orbis romani, Leipzig, 1890, p. 57 sq. Cependant, si toute difficulté était levée du cûté de Constantinople, il n’en était pas de même du côté de la Bulgarie. Boris ne comprit pas ou feignit de ne pas comprendre le nouvel accord survenu entre Borne et Constantinople et il garda le clergé grec jusqu’à plus ample information.

Vers la même époque, le royaume voisin de Moravie vit se terminer une lutte engagée depuis une vingtaine d’années entre les Allemands et les Slaves, lutte qui devait exercer une influence décisive sur l’avenir religieux de la Bulgarie. On sait, sans doute, que les deux h’èresCyrille et Méthode avaient introduit en Moravie, avec la foi en Jésus-Christ, l’alphabet slave et la liturgie slavonne. Approuvées par le pape Adrien II en 867, ces innovations liturgiques des deux frères recevaient en 873, de la part de Jean VIII, un blâme officiel. Méthode était prié, sous menace des peines canoniques, de célébrer la messe seulement en grec ou en latin. P. L., t. cxxvi, col. 850 ; Jaffé-Ewald, Regesta ponti/icum, n. 2978. Comme le missionnaire byzantin ne semble avoir tenu aucun compte de cet avertissement, le pape réitéra sa défense en 879, lui enjoignant, en outre, de se rendre à Borne. P. L., t. cxxvi, col. 850. Méthode obéit et Jean VIII fut si satisfait des explications données de vive voix qu’il autorisa, non seulement « la prédication ou certaines prières en langue slave, mais encore tous les offices, les heures, les leçons, la messe, les formes les plus intimes et les plus sacrées de la liturgie chrétienne » . P. L., t. cxxvi, col. 906. Moins de six années après cette lettre de Jean VIII à Swatopluk, prince de Moravie, le pape Etienne V prenait des décisions diamétralement opposées, proscrivait la liturgie slavonne et ramenait les Moraves à un latinisme rigoureux. Wattenbach, Beitràge zur Gesckichte der christlichen Kirche in Môhren und Bôhmen, Vienne, 1849, p. 47 sq. ; Ginzel, Gesckichte der Slavenapostel Cyrill und Method, p. 66-67. Pour ce faire, il s’appuyait sur la lettre de Jean VIII à Swatopluk, dont nous avons cité un fragment et qui fixe précisément le contraire. Comment expliquer cette anomalie ? C’est que l’évoque allemand Wiching, l’associé de Méthode, avait, durant cet intervalle, tronqué et falsifié la lettre de Jean VIII, trompé ainsi Etienne V et servi les intérêts de sa patrie et de sa liturgie latine, sans négliger les siens propres. Voir J. Martinov, Saint Méthode, apôtre des Slaves, dans la Revue des questions historiques, t. xxviii, p. 369397 ; A. Lapùtre, Le pope Jean V11I, p. 91-170. Swatopluk abusé reconnut en 886 Wiching comme le successeur de saint Méthode, mort l’année précédente, pendant que les vrais disciples du saint, sous la conduite de Gorazd, Nahum, Clément, Sabbas et Angelar, quittaient la terre inhospitalière de Moravie pour se réfugier en Bulgarie. Le roi Boris les y reçut à bras ouverts. De 870 à 886, son royaume avait été évangélisé par des missionnaires grecs ; le souverain bulgare profila de l’occasion pour confier son peuple en majorité slave à un clergé slave. Il donna le litre d’archevêque de Bulgarie à Gorazd, le chef de la mission, Du Cange, Familial byzanlinx augustes, p. 174, et, à la morl de celui-ci, ce fut Clément qui hérita du titre. Vi/a S. démentis, c. xiii, /’. (.’., t. cxxvi, col. 1218. Feu à peu, grâce à la politique sage et prudente de Uoris et de son lils Syméon, grâce surtoul à leur esprit de prosélytisme, les nombreux disciples des saints Cyrille et Méthode avaient propagé par toute la Bulgarie I œuvre et les traditions de leurs maîtres ; ils y avaient surtout acclimaté la liturgie slavonne qui, de là, allait se répandre chez tous les peuples slaves.

Pourtant, les hésitations de la part des Bulgares entre les sièges de Borne et de Constantinople n’étaient pas encore terminées. Syméon, 893-927, continua sur ce point la politique indécise de son père Boris, et si, par deux fois, il prit Andrinople, si, par cinq fois, il ravagea la plaine de Thrace, assiégea Constantinople et força même le basileus Bomain Lécapène à se présenter en suppliant devant lui, 924, ce fut moins pour se donner la vaine complaisance d’humilier les Byzantins, que pour les lorcer à lui reconnaître, à lui le titre de tsar ou d’empereur, et à son Église bulgare le titre de patriarcat indépendant.

IV. Vicissitudes du premier patriarcat bulgare, 924-1019. —

Que Syméon eût, à ce moment, obtenu de Borne le litre d’empereur pour lui et celui de patriarche pour le chef de son Église, c’est ce qu’affirme le roi bulgare Caloïan dans une lettre adressée au pape Innocent III, en 1202, J. Assémani, Calendaria Ecclesifc universse, Borne, 1755, t. iii, p. 154-157 ; t. v, p. 171-174 ; Theiner, Monumenta historiée Slavorum meridionalium, t. I, p. 15, 20, et ce que confirment les témoignages des chroniqueurs byzantins, unanimes à donner à Syméon, durant la campagne militaire de 924, le titre de basileus ou d’autocrator. Or, suivant les idées politiques et théologiques alors en cours à Byzance et dans la Bulgarie, il ne pouvait y avoir de vrai basileus sans la bénédiction d’un patriarche. Et comme nous savons pertinemment que la cour de Constantinople refusa jusqu’en 945, A. Rambaud, L’empire’vec au xe siècle, p. 340-343, aux souverains bulgares le litre de basileus, Syméon qui le portait en 924 avait dû le recevoir auparavant du pape avec la bénédiction patriarcale. Son fils, le tsar Pierre, 927-969, hérita de cette couronne impériale, qui lui fut apportée en 928 par une légation romaine. Farlati, lllyricum sacrum, t. iii, p. 103 ; Lettres de Caloïan à Innocent III en 1202 et 1204, dans J. Assemani, loc. cit. Malgré son mariage avec la petite-fille de Bomain Lécapène et les relations de plus en plus étroites qui s’établirent entre la famille impériale de Pereiaslavets et celle de Byzance, le tsar Pierre resta attaché à la politique romaine jusqu’en l’année 945. A cette époque, pour des motifs restés encore mystérieux, la cour de Byzance reconnut le souverain bulgare pour basileus et l’archevêque de l’Eglise bulgare, Damien, pour patriarche. Cette reconnaissance, qui tenait tant au cœur des Bulgares, enlraina-t-elle la rupture des relations qu’ils avaient nouées avec Borne et l’Eglise d’Occident ? Nous ne le pensons pas, surtout si l’on veut bien tenir compte de celait que, depuis la chute définitive de Photius, en 887, jusqu’à la révolte de Michel Cérulaire, en 1054, sans être toujours bien chaudes, les marques de sympathie et les attestations de parfaite orthodoxie religieuse ne cessèrent presque pas d’exister entre l’Église de Borne et celle de Constantinople.

L’âge d’or du royaume et de l’Église bulgares, atteint sous le tsar Syméon, tut suivi d’une prompte décadence sous son lils, le tsar Pierre, 927-969, prince faible, inféodé à la politique byzantine. Muni d’un traité de paix à longue échéance avec les Grecs, Pierre négligea d’entretenir son armée, oubliant qu’une nation jeune et entreprenante comme la sienne avait besoin, pour ne pas mourir, d’être tenue sans cesse en éveil. Aussi qu’arrivat-il ? C’est que les boyars, incapables de repos, fomentèrent de constantes révoltes et que les forces vies de l’empire s’épuisèrent en querelles intestines. Bien plus, leboyar Chichman de Tirnovo réussit, en 963, à conquérir son indépendance et à détacher, à son profil, toute la Bulgarie occidentale, comprise entre le Rhodope el l’Adriatique, pour en former un second royaume bulgare. Ce que voyant, les Byzantins, qui jusque-là payaient tribut à Pierre, refusèrent dorénavant de le faire. La guerre s’ensuivit, Pierre lut battu par le basileus Nicéphore Phocas et par les Russes de Sviatoslav qui envahirent ses États. G. Schlurnberger, Un empereur byzantin au Xe siècle, Nicéphore Phocas, in-8°, Paris, 1890, p. 339-343, 5Î8-576, 735-742. Après sa mort, 969, les Russes s’emparèrent de Péreiaslavets, sa capitale, et firent son fils, Boris II, prisonnier, 970. Celui-ci appela à son secours l’empereur grec Jean Tzimiscès, qui accourut en effet, reprit Péreiaslavets, délivra Boris, et, traître à sa parole, l’amena à Constantinople, 972, pour le faire renoncer à la couronne et devenir patrice byzantin. Par le fait de ces victoires et de cette trahison de Tzimiscès, la descendance d’Asparouch était à tout jamais exclue du trône et la Bulgarie orientale incorporée purement et simplement à l’empire grec. G. Schlurnberger, L’épopée byzantine, Paris, 1896, t. i, p. 585-673, 751-755.

Restait la Bulgarie occidentale ou ochridienne, séparée de l’autre depuis 963 par la révolte de Chichman et qui avait réussi à garder son indépendance. Entre elle et l’empire byzantin s’engagea un duel à mort, qui dura près de cinquante ans et se termina par la ruine définitive de l’un de ces États. Devenus les seuls maîtres du parti national, lors de la déposition de Boris II par Tzimiscès, les fils de Chichman, David d’abord, 968-977, puis Samuel, 977-1014, luttèrent sans relâche contre les Byzantins. Pendant cinq campagnes successives, le basileus Basile II, surnommé le Bulgaroclone ou tueur des Bulgares, tourna toutes les torces de son empire contre les tsars de Bulgarie. Battu en 986, il reprit en 991 les hostilités qui durèrent jusqu’en 995, G. Schlurnberger, L’épopée byzant ine à la /indu Xe siècle, Paris, 1900, t. ii, p. 42-58 ; durant la seconde campagne, 996-999, il remporta de nombreux succès et s’empara de Durazzo, G. Schlurnberger, op. cit., t. il, p. 131-150 ; durant la troisième, 1001-1005, il emporta d’assaut les villes de Verria, Servia, Mogléna, Scopia et autres places de la haute et de la basse Macédoine, ainsi que de l’Albanie, G. Schlurnberger, op. cit., t. ii, p. 211-232 ; durant la quatrième, 1006-1015, presque toute la Bulgarie fut conquise et le terrible adversaire de Basile II, le tsar Samuel, expira de douleur, 24 octobre 1014, à la vue de 15000 prisonniers bulgares que le basileus vainqueur lui renvoyait, après leur avoir crevé les yeux, G. Schlurnberger, op. cit., t. ii, p. 333-366 ; enfin, la cinquième campagne se termina par la mort violente du tsar Gabriel Romain, fils de Samuel, 1015-1016, puis de Jean Vladistlav, son neveu, 1016-1018, et par l’annexion de toute la Bulgarie à l’empire byzantin. G. Schlurnberger, op. cit., t. ii, p. 375-397.

Au milieu de ces rivalités et de ces luttes d’extermination, que devenait le patriarcat bulgare ? Il changeait de siège, aussi souvent que les tsars changeaient de résidence, se fixait d’abord à Péreiaslavets, la première capitale bulgare retrouvée naguère près de Choumla, Découverte archéologique de M. Ouspenskij, dans les Échos d’Orient, t. ni (1900), p. 209-211, puis à Dorostolon ou Dristra, la Silistrie moderne, puis à Sraditza ou Sofia, puis à Viddin, puis à Mogléna, puis à Prespa, et enfin à Ochrida. Nous tenons ces renseignements d’une Notitia episcopatuum, publiée par Du Cange, Familiie augustge byzantines, citée par Le Quien, Oriens christianus, t. ii, col. 289-292, et rééditée par H. Gelzer, Der Patriarchat von Achrida. Geschichle und Urkunden, Leipzig, 1902, p. 6, 7, et surtout d’une Novelle de Basile II, le Bulgaroctone, celui-là même qui mit fin à ce patriarcat. Novelle de mars 1020, publiée par H. Gelzer, Vngedruckte und wenig bekannte Bistùmerverzeichnisse der orientalischen Kirche, dans Byzantinische Zeilschrift, t. n (1893), p. 44, 45. On voit donc combien est erronée l’opinion de ceux qui fixent le siège du premier patriarcal bulgare soit à Prestav ou Péreiaslavets, soit à Ochrida.

Péreiaslavets et Ochrida ne sont que le premier et le dernier séjour de ce patriarcat nomade, ambulant, qui compte jusqu’à sept sièges différents, et encore en oubliant que saint Gorazd dirigea l’Église bulgare, sans avoir de siège fixe, et saint Clément comme évêque de Vélitza.

Les noms des titulaires de ce patriarcat ne sont pas tous également connus et surtout également sûrs. Le premier est Joseph, envoyé par saint Ignace en 870. et dont le nom est certifié par un document bulgare contemporain, Goloubinski, Précis d’histoire des Eglises orthodoxes, p. 34, 256 ; après lui viennent Georges, qui figure dans une lettre du pape Jean VIII à Boris, datée du 16 avril 878, P. L., t. cxxvi, col. 276 ; Jaffé-Wattenbach, Regesta ponti/icmn, n. 2357, et Agathon, qui assiste au concile photien de 878. Goloubinski, op. cit., p. 35 sq. Cependant, Georges et Agathon ne portent que le titre d’évêque, et rien ne nous assure que Joseph fût déjà mort à ce moment. Nous trouvons ensuite Léonce, Dimitri, Serge, Grégoire, dont les noms figurent dans un Synodicon bulgare et qui sont placés à cette époque, mais d’une manière dubitative, par Goloubinski, op. cit., p. 36. N’oublions pas saint Gorazd et saint Clément, mort en 914, qui, tous les deux, exercèrent le pouvoir d’archevêque de Bulgarie, sans en porter le titre. Enfin, nous abordons un terrain plus solide avec Damien, qui fut reconnu comme patriarche par Rome d’abord, ensuite par Constantinople. Chassé de Dorostolon ou Dristra, siège de son patriarcat, et déposé par Jean Tzimiscès en 972, lors de la prise de cette ville et de la conquête de la Bulgarie orientale, Damien se réfugia auprès de David tsar de la Bulgarie ochridienne, et fut accueilli comme le chef véritable de l’Église bulgare. Ses successeurs furent Germain ou Gabriel, qui résida à Viddin et à Prespa, Philippe, qui, le premier, se fixa à Ochrida, David, qui dut assister à la ruine de sa patrie, et Jean, qui, après la suppression du royaume bulgare occidental, fut confirmé dans sa charge par Basile II le Bulgaroctone, mais avec le simple titre d’archevêque de Bulgarie. Du Cange, loc. cit. ; G. Schlurnberger, L’épopée byzantine, t. il, p. 418-432 ; Zacharias von Lingenthal, Beitrâge zur Geschichle der bulgarischen Kirche, dans les Mémoires de l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, t. vin (1864), p. 9-11, 14-16.

Quant à l’étendue de la juridiction de ces patriarches et au nombre des sièges épiscopaux qui leur étaient soumis, nous les connaissons suffisamment, depuis qu’on a retrouvé, dans un chrysobulle de Michel VIII Paléologue, daté de 1272, trois Novelles jadis envoyées à Jean d’Ochrida par Basile II, en vue de réorganiser l’Église bulgare et de lui assigner des limites bien précises. Un fragment de ce chrysobulle fut d’abord édité par Rhallis et Potlis, Sj-Tavij.a -ràiv xotvôvuv, t. v, p. 266 sq., et reproduit par Zacharioe von Lingenthal dans son Jus grseco-ronmnum, t. iii, p. 319. Porphyre Ouspenskij retrouva dans un manuscrit du Sinaï le texte complet, qui fut édité, d’après sa copie, par E. Goloubinski, Précis d’histoire des Églises orlliodoxes, p. 259263, et réédité d’une manière vraiment critique p ; r H. Gelzer, Vngedruckte und wenig bekannte Bistùmerverzeichnisse. .., dans la Byzantinische Zeilschrift, t. n (1893), p. 42-46. On y voit tout d’abord que, tout en le maintenant sur son siège d’Ochrida, Basile II concédait à Jean la même juridiction qu’il avait possédée, ainsi que ses prédécesseurs, sous le tsar Samuel, 977-1014. Par suite de ce premier règlement, l’archevêché d’Ochrida comptait seize évêchés suffragants, Castoria, Glavinitza, Mogléna, Bitolia ou Pélagonia, Stroumnitza, Morozvisd, Vélévouzda ou Kustendil, Triaditza ou Sofia, Nich, Vranitza, Belgrade, Thromos, Scopia ou Uskub, Prizdriana ou Prizrend, Lipainion ou Lipljan, enfin Servia. H. Gelzer, op. cit., p. 42, 43, 48-55. Le métropolitain de Thessalonique, qui avait Servia dans « a province, ne dut pas volontiers se dessaisir de ses droits, puisque nous verrons tout à l’heure Basile II renouveler ses ordres à ce sujet dans sa troisième Novelle. Comme Jean d’Ochrida ne trouva pas cette juridiction suffisante et réclama pour son archevêché les limites que le patriarcat bulgare avait eues sous le tsar Pierre, 927-909, Basile II crut devoir satisfaire à ses exigences et, par une seconde Novelle, mars 1020, il décréta que « le très saint archevêché de Bulgarie serait constitué dorénavant, comme aux jours du tsar Pierre, avec tous les évêchés suffragants qu’il comptait à cette époque » . En conséquence aux seize évéchés concédés, il en adjoignait douze autres, ceux de Dristra ou Silistrie, Viddin, Bhasos ou Bosa près de Novi-Bazar, (iraia, Tzernik, La Chimère, Adrianopolis ou Driynopolis, peut-être Vella, Bothrotos, Janina, Cozila et Pétra, avec la juridiction sur les Valaques de Bulgarie et les Turcs du Yardar. H. Gelzer, op. cit., p. 44-46, 55-56. Enlin, la troisième ordonnance de Basile II concédait à l’archevêché d’Ochrida Févêché de Servia, déjà donné, et ceux de Stagoi et de Verria. H. Gelzer, op. cit., p. 46. Cette série de pièces extrêmement intéressantes nous offre donc le tableau le plus complet que nous connaissions du premier patriarcat bulgare. Lors de sa reconstitution par Basile II, vers 1020, il comptait trente évêchés soumis au siège d’Ochrida ; il en comptait vingt-huit sous le tsar Pierre, 927-969, seize sous le tsar Samuel, 977-1014, et nous savons déjà par la Vita S. démentis, n. 23, P. G., t. cxxvi, col. 1229, que sous le tsar Boris, 864-888, il en avait sept seulement.

C. Jirecek, Geschiclite der Bulgaren, p. 150-200 ; Th. Ouspenskij, Un discours ecclésiastique inédit sur les rapports bulgaro-byzantins dans la première moitié du r siècle, dans X Annuaire d’Odessa, t. iv b (1894), p. 48-123 (en russe) ; J. Markovich, Gli Slavi ed i papi, in-8°, Zagreb, 1897, t. II, p. 502-533 ; V. Grigorovicli, Rapports de l’Église de Constantinople avec les peuples voisins du Nord, surtout avec les Bulgares, au commencement du x’siècle (en russe), dans les Zapinski d’Odessa, 1866 ; D. Cuchlev, La vie religieuse et littéraire du peujile bulgare à l’époque du tsar Syméon (en bulgare), dans le Sbornik bulgarsk, t. xii (ls9ô), p. 561-614 ; S. Drinov, Les Slaves du Sud et Byzance au x’siècle (en russe), Moscou, 1872.

V. L’ARCHEVÊCHÉ GRÉCO-BULGARE D’OCHRIDA, 1020-1393. —

Créé pour des motifs politiques aux dépens du patriarcat bulgare et des métropoles grecques voisines, l’archevêché gréco-bulgare d’Ochrida ne pouvait conserver longtemps son ancien personnel et sa vaste juridiction. Avant même la mort de Basile II, 1025, l’archevêque bulgare Jean (’tait remplacé par un grec, Léon, chartophylax de la Grande Eglise, Mai, Spicitegiitm romanum, t. x, p. 28, celui-là même qui devait, en 1053, lancer, de connivence avec Michel Cérulaire, la fameuse lettre contre les azymes et provoquer ainsi le schisme de 1054. Léon mourut en 1056. Ses successeurs, Théodule, 1056-1065, Jean, vers 1068, un autre Jean, vers 1075, Théophylacte, le célèbre commentateur de la Bible, de 1078 après 1092, Léon, Michel Maxime, Eustathe, vers 1 ! 31, Jean Comnène, neveu de l’empereur Alexis I er, Constantin, déposé en 1166, etc., étaient tous grecs et partisans de la même politique religieuse.

Celle-ci se réduisait en somme à deux points principaux : élimination progressive de l’élément bulgare au profit de l’élément grec, maintien des anciens privilèges de la métropole d’Ochrida contre les prétentions des patriarches de Constantinople. Sur ces deux points, qui sembleraient de prime abord s’exclure mutuellement, l’histoire n’a enregistré que de très légères défaillances. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à consulter la vasle correspondance de Théophylacte et de Demetrios Chomatianos, les deux éminenis champions de la cause de l’hellénisme en Bulgarie, Toutes 1rs lettres de Théophylacte suni remplies d’injures à l’égard de ses ouailles slaves. « Il sent le moisi, dit-il, comme les Bulgares sentent le mouton. » Ailleurs, il s’écrie : « Chaque Ochridéen est un être sans tête, qui ne sait honorer ni Dieu, ni l’homme. C’est avec des monstres pareils que je suis obligé d’être en relations. Avec des forces créatrices quelconques, il laut renoncer à l’espérance d’appliquer une tête à ces troncs ; Jupiter avec sa toute-puissance n’y réussirait pas. » Puis, il se compare à l’aigle de Zeus assailli par des grenouilles coassantes et qualifie la nature bulgare de « mère de toute méchanceté » . P. G., t. cxxvi, col. 304, 308, 309, 444 ; voir d’autres citations aussi peu aimables dans l’article d’H. Gelzer, Byzanlinische Zeitschrift, t. n (1893), p. 57, 58. Eh bien, cet archevêque grec, qui médit à ce point de ses fidèles et se considère sur la chaire bulgare comme exilé et sacrifié à la cause supérieure de l’hellénisme, défend les prérogatives de son siège avec une âpreté que ne désavouerait pas un enfant de la Bulgarie. A la moindre immixtion des patriarches byzantins dans les affaires de son diocèse, il crie à qui veut l’entendre que son Église n’a rien à démêler avec eux, parce qu’elle est autonome et indépendante. Ce n’est pas à lui, certes, qu’on pourrait reprocher d’avoir avili aux pieds du patriarche la grandeur et la dignité de son Église, sous prétexte qu’il était un ancien clerc de Sainte-Sophie.

Et Demetrios Chomatianos n’agit pas autrement que Théophylacte dans les circonstances particulièrement délicates que traversa l’archevêché d’Ochrida au commencement du xiiie siècle. Il reprend vivement Sabbas le Jeune d’avoir commis des braconnages spirituels, en lui dérobant les sièges épiscopaux de Bhasos et de Prizrend, qui sont entrés dans le patriarcat serbe, Pitra, Analecta sacra et classica, Paris, 1891, t. vii, p. 261, 325, 384, 390, 438, et se montre non moins intransigeant envers les Bulgares, qui ont soumis plusieurs de ses évêques à leur patriarche de Tirnovo. Et néanmoins, bien qu’il tienne haut et ferme le drapeau de l’hellénisme en face des agissements slaves, Chomatianos ne cède pas un pouce de sa juridiction au patriarche œcuménique. Bien au contraire, il n’hésite pas à profiter des embarras que viennent de créer à celui-ci la prise de Constantinople par les Latins, 1201, et la fuite du basileus à Nicée, pour afficher à son endroit une attitude de plus en plus arrogante. Lorsque le patriarche Germain se plaint à lui qu’il ait couronné empereur de Thessalonique, Théodore Ducas l’Ange, 1222, et songé à démembrer le patriarcat de Constantinople, au lieu de lui donner un démenti, Chomatianos revendique la responsabilité de sa conduite, affirmant que, depuis la prise de Constantinople, le centre historique du patriarcat byzantin a été déplacé et que Germain, domicilié à Nicée, pourrait se contenter des provinces asiatiques, tandis que lui, Demetrios, administrerait les provinces européennes. Ceci dit, il passe, à son tour, aux reproches et demande hautement pour quel motif le patriarche a reconnu l’Eglise serbe d’Ipek et l’Eglise bulgare de Tirnovo, qui se sont constituées aux dépens d’Ochrida. Sans doute, en agissant de la sorte, Chomatianos n’était que le porte-parole de l’empereur grec de Thessalonique, Théodore Ducas l’Ange, qui tenait à voir réduits le plus possible les droits du patriarche grec de Nicée et, partant, ceux de son rival, l’empereur grec de Nicée, mais une seconde raison, d’ordre purement ecclésiastique, semble également avoir inspiré sa conduite. Les privilèges de l’archevêché d’Ochrida étaient alors devenus aussi sacrés que ceux de Byzance, par suite d’une fausse notion historique, dont nous trouvons la première trace au xil° siècle et qui a prévalu jusqu’au xix e. fin effet, de bonne ou de mauvaise foi, on en vint alors a s’imaginer qu’Ochri la était bâtie sur l’emplacement de litstiuia>ia prima et qu’elle avait, par suite, hérité de la juridiction quasipatriarcale, concédée a cette ille par Justinien et le pape Vigile en 515, tandis qu’il est prouvé aujourd’hui qu’Ochrida répond à l’ancienne Lychnide et Uskub à Justiniana prima. Cette fausse identilication, acceptée même dans l’entourage des patriarches de Constantinople, est certainement le motif qui contribua le plus à garantir les droits parfaitement discutables d’Ochrida et à lui assurer l’existence jusqu’au xviii siècle. Sur Demelrios Chomationos voir le travail de Drinof dans le Vyzutiskij Vremennik, 1894, t. i, p. 319-340 ; 1895, t. H, p. 1-23.

Les plans grandioses de Demetrios Chomatianos se seraient peut-être réalisés, si les victoires du roi bulgare, Jean Assen, en 1230, n’avaient anéanti la puissance de son maître, Ducas l’Ange, et, du même coup, ruiné les espérances de l’archevêché d’Ochrida. Goloubinski, Précis d’histoire…, p. 124, assure que les deux successeurs de Chomatianos, Joannice et Serge, furent bulgares parce qu’Ochrida était, à ce moment, retombé au pouvoir de la Bulgarie. Si le fait ne soulfrait pas de discussion, ce serait le cas de redire que la roche tarpéienne est bien près du Capitule. En tout cas, si la ville d’Ochrida fut un instant occupée par les Bulgares, -elle fut bientôt reprise par les Grecs, qui rétablirent un haut clergé de leur nationalité, comme auparavant. Il semble même que les Byzantins se soient etl’orcés de ne nommer à ce poste que des hommes doués d’une culture intellectuelle peu commune. C’est ainsi qu’Adrien, vers 1270, Gennadios, avant 1289, Grégoire, vers 1316, Anthime, vers 1330, et Mathieu, vers 1408, se firent remarquer par leur activité intellectuelle et scientifique, en sacrifiant, bien entendu, de temps à autre, à leur antipathie de race contre les Latins. Il y aurait peut-être lieu de se demander si ces pasteurs, frottés de rhétorique et capables d’en remontrer aux pires scolastiques pour leur sophistiquerie, étaient bien à leur place dans un diocèse presque barbare, au milieu de sauvages, « qui, d’après eux, puaient l’ail et le mouton ; » on ne saurait nier toutefois qu’ils n’appartinssent eux-mêmes à l’élite intellectuelle de Constantinople et que l’hellénisme n’eût acquis, au XVIe siècle, la prépondérance sur le siège d’Ochrida. Pendant qu’Ipek représentait l’élément serbe, ïirnovo l’élément bulgare, Ochrida restait, au point de vue ecclésiastique, la meilleure forteresse de l’Église grecque dans la péninsule balkanique.

Voir la suite chronologique des archevêques d’Ochrida, depuis tes origines de l’archevêché bulgare jusqu’au xv siècle dans Goloubinski, Précis d’histoire…, p. 40-45, 106-133 ; Le Quien, Oriens cliristianus, t. ii, col. 292-298, et surtout H. Gelzer, Der Patriarchat von Achrida, p. 8, 9, 11-15. C’est en mai 1157, dans un concile de Constantinople, que le prince.lean Comméne, archevêque de Bulgarie, signe en identifiant pour la première fois Ochrida avec Justiniana prima. H. Gelzer, op. cit., p. 8, 9. A ce témoignage émanant d’un concile on peut ajouter celui d’un historien contemporain, que n’a pas connu Gelzer. En 1168, Guillaume de Tyr allait trouver l’empereur grec Manuel, in provincia Pelagonia…, juxta illam antiquam et domini felicissimi et invictissimi et prudentis Augusti patriam, domini Justiniani civitatem, videlicet Justinianam primam, quse vulgo hodie dicitur Acreda, xx, 4.

Si l’archevêque grec d’Ochrida conservait, en droit, la plénitude de la juridiction qu’avait possédée le dernier patriarche bulgare, il perdit néanmoins, en fait, bon nombre de sièges épiscopaux que lui avaient octroyés Basile II, et qui, à la mort de cet empereur, 1025, lirent retour à leurs anciennes métropoles : Thessalonique, Naupacte, Larissa et Dyrracchium. Deux listes épiscopales, publiées par H. Gelzer, Byzanlinische Zeitschrift, t. i (1892), p. 256, 257, et dont l’une remonleau xi e et l’autre au xue siècle, nous ont conservé la situation officiel le de cet archevêché à la même époque. D’après ces deux catalogues, presque identiques de fond et de forme, Ochrida comptait alors les vingt-trois évêchés suivants : Castoria, Scopia, Velevouzdos, Triadilza ou Sofia, .Valesova ou Morovizdion, Edesse ou Mogléna, Pé !  : ^onia, Prizrend, Stroumnitza ou Tibérioupolis, Nich, Glavinitza ou Céphalénie, Vranitzova ou Moravos, Belgrade, Lipljan, Striamos ou Zemlin, Viddin, Rhasos, Dévol, Sthlanitza transféré ensuite à Vodéna, Grévéna, Kanina, Dibra et l’évêché des Valaques. De ces vingt-trois évêchés, les quinze premiers figuraient dans la première Novelle de Basile II, deux autres, Viddin et Rhasos, dans la seconde ; quant aux six derniers, ils avaient été créés par le démembrement d’anciens sièges épiscopaux. En comparant ces deux listes épiscopales publiées par H. Gelzer avec les trois Novelles de Basile II, on constate que l’archevêché gréco-bulgare d’Ochrida avait perdu, peu après sa création, l’évêché de Servia, concédé dans la première Novelle de Basile II, les dix évêchés de Dristra, Oraia, Tzernic, La Chimère, Driynopolis, Vélès, Bothrotos, Janina, Cozila et Pétra concédés dans la deuxième, et les deux évêchés de Stagoi et Verria, concédés dans la troisième ; soit, en définitive, une perte de treize évêchés, qu’avaient possédés les patriarches bulgares, sous les tsars Pierre et Syméon, et qui étaient retournés au patriarcat de Constantinople. H. Gelzer dans la Byzantinische Zeitschrifl, t. n (1893), p. 42-61, et Der Patriarchat von Achrida, p. 9, 11.

A ces empiétements causés par les homogènes succédèrent, dans la première moitié du XIIIe siècle, les empiétements des allogènes : Serbes et Bulgares. Dès 1204, Velevouzdos, Scopia, Viddin, Prizrend et Nich faisaient parlie du patriarcat bulgare de Tirnovo et, sous le règne de Jean Assen 11, 1218-1241, les frontières entre Ochrida et Tirnovo étaient si mal délinies que tout l’archevêché grec d’Ochrida fut un instant englobé dans le patriarcat bulgare national. De leur côté, les Serbes taillaient à qui mieux mieux dans le territoire d’Ochrida, pour agrandir leur patriarcat d’Ipek. En 1220, Rhasos et Prisrend étaient annexés. Ce ne fut, pendant une cinquantaine d’années, qu’un chassé-croisé continuel d’évêques grecs, bulgares et serbes, qui se délogeaient du même siège, selon que la ville était au pouvoir des empereurs de l’une ou de l’autre de ces nations. On voit donc avec quelle prudence il faut recevoir les données des statistiques officielles byzantines, qui, trop souvent, établissent d’après le passé le bilan de l’heure présente.

Une notice épiscopale, que son récent éditeur, II. Gelzer, Der Patriarchat von Achrida, p. 19-21, croit postérieure à l’année 1370, fournit là-dessus un aveu fort significatif, en nous donnant la situation réelle de cet archevêché, après les conquêtes spirituelles des Serbes et des Bulgares. Cette notice attribue à Ochrida dix-sept évêchés suffragants : Castoria, Molischos, Mogléna, Vodéna ou Slanitza, Stroumnitza, Vélès Pelagonia ou Bitolia, Kitzava, Dibra, Ispateia et Mouzaneia, Belgrade, Kanina et Avion, Selasphoros et Corytza, Gkora et Mocra, Prespa, Sisanion, Grévéna. Il faut bien remarquer que dans cette notice épiscopale, il n’est resté de l’ancien archevêché d’Ochrida, tel que nous le connaissons par les Novelles de Basihs II, en 1020, que les quatre vieilles éparchies de Castoria, Mogléna, Pelagonia et Stroumnitza. Cinq autres évêchés, Dévol ou Selasphoros, Slanitza, Grévéna, Kanina et Débra, avaient été créés au cours du XIe siècle par le démembrement "des anciennes éparchies ; six autres, Kitzava, Prespa, Gkora et Mocra, Sisanion, Molischos et Velès furent obtenus plus tard par le même procédé ; enfin, l’on comptait deux nouvelles acquisitions, Belgrade ou Bérat d’Albanie et Ispateia. Somme toute, des trente évêchés qui relevaient autrefois de lui, l’archevêché gréco-bulgare d’Ochrida n’en avait conservé que quatre. Pour duper le public, on divisait ces quatre diocèses en quantités infinitésimales, de manière à présenter toujours autour de l’archevêque un cortège respectable de prélats, comme si l’Eglise de France, réduite à deux ou irois départements, transformait en sièges épiscopaux quatre-vingts à quatre-vingt-cinq chefs-lieux de canton.

En rendant compte de l’ouvrage de Gelzer, Dev Patriarchat von Achrida, le célèbre slavisant, C. Jirecek, Dyzantinische Zeitschrift, t. xiii (1904), p. 192-202, a tracé avec 1rs documents slaves un tableau des conquêtes ecclésiastiques serbes aux xiir et xive siècles, qui complète les données historiques que nous possédions. Les Serbes ont arraché Uskub aux Byzantins en 1282 et ils ont ensuite étendu progressivement leur domaine vers le Sud, et surtout vers le Sud-Est. Les évêques du territoire annexé furent soumis à la juridiction de l’archevêché autocéphale serbe. Lorsque Etienne Douchan eut conquis presque toute la Macédoine, à l’exception de Thessalonique, il se fit couronner à Uskub, « tsar des Serbes et des Grecs, » et, en 1346, il nomma l’archevêque serbe Joannice « patriarche des Serbes et des Grecs » . Alors l’Église d’Ochrida dut s’entendre avec les nouveaux maîtres du sol et prêter son concours, sinon son appui, aux nombreuses mutations épiscopales qui s’ensuivirent. En 1347, l’archevêque d’Ochrida, Nicolas, siégeait à Uskub parmi les membres du parlement serbe. De cette époque date surtout l’amoindrissement d’Ochrida, qui ne put depuis recouvrer entièrement les territoires qu’elle avait perdus ; ses pertes seraient même peut-être plus sensibles que ne l’indique la pièce analysée ci-dessus qui, d’après Jirecek, ne remonterait pas au xive siècle, mais serait postérieure à l’année 1557.

VI. Le patriarcat bulgare de Tirnovo, 1204-1393.

— Bien que bulgare par ses origines et la presque unanimité de ses habitants, l’Église d’Ochrida, soumise à l’empire byzantin, ne pouvait satisfaire les patriotes qui rêvaient toujours d’un État indépendant et d’une Église nationale. Après la suppression du premier empire bulgare par Basile II, en 1019, de vaines tentatives d’affranchissement se produisirent, en 1040 et 1073 notamment et durant tout le cours du xif siècle. Enfin, deux frères d’origine roumaine. Jean Assen et Pierre, réussirent à secouer le joug byzantin, vers 1185, et à reconstituer l’ancien royaume de Boris et de Syinéon, 1186-1197. Leur plus jeune frère, Johannitza ou Caloïan, continua leur politique d’agrandissement, et comme, malgré des traits indiscutables de cruauté, il jouissait d’un véritable génie, son règne, 1197-1207, fut marqué par une recrudescence de conquêtes et d’annexions. Le clergé n’élait pas resté étranger à cette prise d’armes contre les Grecs. Dès 1186, le titulaire grec de Tirnovo se voyait contraint de céder son siège archiépiscopal au Bulgare Basile, qui devenait ainsi le chef de l’Église nationale ; il en était ainsi des autres évêchés, qui passaient tous à des enfants du pays.

D’accord avec leur clergé, les princes qui venaient de libérer le territoire se préoccupèrent dès le premier jour d’assurer l’indépendance de l’Eglise, en cherchant au dehors des alliés contre les Byzantins. Pour atteindre ce but, il leur fallait à la fois échapper à l’influence des patriarches de Cohstantinople et à celle des archevêques grecs d’Ochrida. Dès lors, leur politique religieuse était toute tracée. Ils devaient renouer avec Borne les relations de bonne amitié, qui existaient au temps de Pierre et de Samuel, et, au prix d’une sujétion assez platonique, en obtenir un patriarche siégeant à la capitale de leur royaume et qui leur conférerait ensuite l’onction impériale. Ce fut à conquérir ces titres que s’employa toute leur diplomatie. Dès leur avènement au trône, Jean Assen et Pierre songèrent à dépêcher au pape une ambassade solennelle ; ils en furent empêchés par leurs biiirs en faveur de l’indépendance. Theiner, V éleva monumenta Slavorum meridionalium, 1. 1, p. 15 ; E. de Hurmuzaki, Documente privitore la Istoria Romdnilor, in-4 » , Bucarest, 1887, t. i. p, 2. En 1204, Basile, archevêque de Tirnovo, écrivait à Innocent III, qu’il soupirait après son union avec l’Église romaine, depuis dix-huit ans, ce qui nous reporte à l’année lltilj.

Par trois fois, en 1197, Caloïan avait tenté, mais sans succès, de négocier avec le pape, lorsque, en décembre 1 199, Innocent III, mis au courant de toutes ces démarches, envoya Dominique de Brindisi, archiprètre grec-uni, avec mission de sonder le prince et ses sujets sur leurs sentiments à l’égard de Rome et de dresser un rapport motivé. Theiner, op. cit., t. i, p. Il ; Hurmuzaki, op. cit., t. i, p. 1. Le séjour du messager pontifical semble s’être prolongé jusqu’en 1202. Celte année-là, Caloïan le renvoya à Rome avec un délégué bulgare, Biaise, archevêque élu de Branichevo, qui portait au pape une lettre du prince, pleine de déférence pour la personne du successeur de Pierre. Au milieu d’attestations fort politiques de fidélité et de soumission au saint-siège, le roi demandait à l’Église romaine, sa mère, la couronne impériale et la reconnaissance de sa dignité, comme l’avaient obtenu d’elle les anciens tsars bulgares, Pierre, Samuel et leurs prédécesseurs. Theiner, op. cit., t. I, p. 15, 16 ; Hurmuzaki, op. cit., t. i, p. 2, 3. Une lettre de l’archevêque Basile priait Innocent III de donner satisiaction aux désirs de son maître, tout en énonçant une profession de foi très catholique. Theiner, op. cit., t. I, p. 17 ; Hurmuzaki, op. cit., t. i, p. 5 ; voir aussi la lettre du boyar bulgare Bellota et la réponse du pape, Theiner, op. cit., t. I, p. 18 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 7, 8. Les réponses du pape, prudentes et avisées, sont datées du 27 novembre 1202 et furent portées en Bulgarie par un second délégué pontifical, Jean de Casemarino. Celui-ci était chargé, en outre, de revêtir Basile de Tirnovo du pallium archiépiscopal. Theiner, op. cit., t. I, p. 16, 17, 21 ; Hurmuzaki, op. cit., t. i, p. 3, 6, 11-13.

Sur ces entrefaites, les Grecs de Raguse eurent vent des négociations entamées entre Rome et la Bulgarie et firent offrira Caloïan le titre de tsar avec la couronne impériale pour lui, la dignité de patriarche pour le chef de son Église, à la condition de maintenir son royaume dans l’orthodoxie. C’est, du moins, ce que raconte le prince dans sa lettre au pape, 1203, à moins qu’il ne faille y voir une pure tentative de chantage exercée sur la cour pontificale : « J’ai repoussé cette offre, ajoute Caloïan, parce que je veux être le serviteur de saint Pierre et de Votre Sainteté. J’ai envoyé vers Elle mon archevêque Basile avec des présents…, et je vous prie d’envoyer des cardinaux qui me couronnent empereur et établissent un patriarcat sur mes terres. » Theiner, op. cit., t. i, p. 20 ; Hurmuzaki, op. cit., t. i, p. 10-11. Basile partit en effet, pour Borne, le 4 juillet 1203. Trente jours après, il était à Durazzo, où les Grecs le retinrent prisonnier, menaçant au besoin de le jeter à la mer, s’il ne renonçait à sa mission. Ces menaces et la nouvelle que le légat du pape se trouvait déjà en Bulgarie déterminèrent Basile à revenir ; il reçut le pallium de Jean de Casemarino, le 8 septembre 1203, après avoir juré fidélité et obéissance au siège apostolique. Theiner, op. cit., t. i. p. 20, 28 ; Hurmuzaki, op. cit., t. i, p. 1 1, 27, 28. Contraint ainsi d’ajourner son voyage, Basile eu informa le pape par des messagers. De son côté, au départ du légat pour l’Italie, Caloïan, qui attendait toujours le sceptre et l’onction impériale, fit porter à Innocent III une lettre privée, dans laquelle il exprimait tous ses désirs et qui était accompagnée d’une déclaration officielle, écrite de sa main et scellée de la bulle d’or. Theiner, op. cit., . i, p. 27, 29 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 26, 29. Jean de Casemarino s’était charge encore d’une lettre de Basile pour le pape et d’une déclaration d’obéissance et de soumission au saint-siège, faite par les métropolitains de Prestav et de Velevouzdos, les évêques d’Uskub, Pri/rend, Nicb et Viddin. Theiner, op. cit., t. i, p. 28, 29 ; Hurmuzaki, op. cit., t. i, p. 27-29> Innocent III accueillit favorablement toutes ces demandes et envoya en Bulgarie un troisième légal, Léon, cardinalprêtre de Sainte-Croix, qui porta au roi, à Basile et à lYpiscopat bulgare la réponse du pape à leurs diverses lettres. Caloïan était reconnu roi de Valachie et de Bulgarie, à condition de faire entre les mains du cardinal Léon serment d’obéissance et de dévouement à l’Église romaine ; quant à Basile de Tirnovo, le pape l’établissait primat de toute l’Église bulgare, lui concédait le privilège, à lui et à ses successeurs, d’oindre et de couronner les tsars de Bulgarie, de consacrer le saint chrême, de porter le pallium à certains jours de fête, de conlirmer l’élection des évêques et des métropolitains, etc. ; bref, il lui accordait, à lui et aux autres patriarches de Tirnovo, les pouvoirs les plus étendus, en les plaçant à la tête d’une Église vraiment autonome et autocéphale, quoique soumise au saint-siège. Theiner, op. cit., t. i, p. 23, 25, 30 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 17-21, 31. Dans une lettre postérieure de Basile à Innocent III, nous sommes informés de l’arrivée à Tirnovo du cardinal Léon, le 15 octobre 1204, de la consécration patriarcale à lui conférée le 7 novembre suivant, du sacre impérial de Caloïan, le 8 novembre, et de l’heureuse issue de toute la négociation. Theiner, op. cit., t. I, p. 39 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 48-49. Malgré les difficultés qui surgirent l’année suivante entre le tsar bulgare, les Hongrois et l’empire latin de Constantinople, nous ne voyons pas que les relations de Caloïan et du pape aient perdu leur caractère allectueux. Même après la défaite des Latins et regorgement de leur empereur, Baudouin I er, ordonné par le tsar, 1205, Innocent III continua de correspondre avec Caloïan, et c’est en fils dévoué à saint Pierre que périt assassiné devant Thessalonique le farouche conquérant, automne 1207. Theiner, op. cit., 1. 1, p. 39, 42, 44 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 48, 51-53, 54-56.

Des sentiments religieux de Boril, neveu de Caloïan et usurpateur du trône, 1207-1218, nous ne connaissons à peu près rien. Nous savons seulement qu’il tint à Tirnovo, le Il février 1211, un grand concile qui condamna les sectes pauliciennes et bogomiles. La chronique d’Albéric des Trois-Fontaines assure aussi qu’Innocent III lui envoya un cardinal et il est sûr par ailleurs que Boril réclama le secours du pape, à la mort de son parent, Henry, empereur latin de Constantinople. C’est sur ces deux faits certains que s’appuient des historiens modernes, pour affirmer que le concile de Tirnovo de 12Il fut tenu à la demande du pape et que Boril était, comme son oncle, en communion, avec le saintsiège. G. Markovich, Gli Slari ed ipapi, t. il, p. 561.

L’union paraît encore s’être maintenue dans les premières années de règne du tsar Jean Assen II, fils de Jean Assen I er, qui régna de 1218 à 1241 et porta la gloire et la prospérité de la Bulgarie à son apogée. Tant que ce prince évolua dans la politique franque et hongroise, ses bons rapports avec la cour romaine ne se démentirent pas un instant ; il n’en lut plus ainsi du jour où il se mit à rechercher l’alliance byzantine. A la mort de l’empereur latin Bobert de Courtenay, 1228, la noblesse franque réclama Assen II comme tuteur du jeune empereur Baudouin II et administrateur de l’empire. La proposition fut écartée, grâce surtout au clergé latin, dont l’influence amena l’élection du vieux roi de Jérusalem, Jean de Brienne. Assen II ne devait jamais pardonner cet allront. Aussi, lorsqu’il eut détait l’empereur grec d’Épire, Théodore Comnène, à Klokotinitsa, en 1230, et qu’il se fut annexé ses États, il mit l’cvêque grec de Philippes, Grégoire, sur le siège patriarcal de tirnovo et relâcha les liens qui l’unissaient â l’Église catholique. Deux ans plus tard, la rupture entre Latins et Bulgares était complète. Le 21 mars 1232, Grégoire IX se plaignait dans ses lettres, Farlati-Coleti, Illyricum sacrum, t. viii, p. 247 ; Theiner, Monumenta Instar. Hungarorum, i. I, p. 103 ; Hurmuzaki, op. cit., 1. 1, p. 103, que les évêques bulgares de Branichevo et de Belgrade eussent abandonné le parti de l’union. En 1234, Baudouin II épousait Marie, fille de Jean de Brienne, pendant que Assen II fiançait sa fille Hélène, promise autrefois à Baudouin, à Théodore Lascaris, fils de l’empereur grec deNicée, et concluait avec celui-ci une alliance oll’ensive et défensive pour l’extermination des Francs. Les hostilités s’ouvrirent l’année suivante par la prise de Gallipoli sur les Latins. En 1235, à Lampsaque, sur la côte asiatique de la Marmara, le patriarche grec de Nicée, Germain II, assisté’de Joachim, archevêque de Tirnovo, célébrait le mariage de Théodore Lascaris et d’Hélène, puis, en présence d’un grand nombre d’évêques grecs et bulgares, il proclamait l’indépendance de l’Église de Tirnovo et reconnaissait Joachim patriarche de Bulgarie. Devant cette défection et devant les préparatifs énormes que faisaient Assen II et Vatatzès pour reprendre Constantinople sur les croisés, Grégoire IX somma le roi de Hongrie, Bêla IV, de prendre les armes contre les deux princes hérétiques et schismatiques et de sauver, par une heureuse diversion, l’empire latin menacé, 16 décembre 1235. Theiner, Monumenta historiée Hungaroruni, t. I, p. 140 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 139. Le 24 mai 1236, après deux tentatives inutiles des Grecs et des Bulgares sur Constantinople, le pape priait deux évêques hongrois d’excommunier solennellement Assen II, s’il n’abandonnait pas son alliance avec Vatatzès. Theiner, op. cit., t. I, p. 144 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 142. Est-ce crainte de Bêla IV et de l’excommunication papale, ou peur de faire le jeu de Vatatzès en agrandissant sans mesure ses États ? Toujours est-il que, à partir de ce moment, le tsar bulgare se brouille avec le basileus et, sous un vain prétexte, reprend hypocritement sa fille ; après quoi il réclame au pape un légat pour s’entendre avec lui et se réconcilier avec les Latins. Trop crédule, le pape envoie l’évêque de Pérouse, Salvo de Salvis, porteur de deux lettres pour le roi, datées des 21 mai et 1 er juin 1237, Theiner, op. cit., t. i, p. 155. 156 ; Potthast, Begesta ponlificum, t. I, p. 880, 882, n. 10368, 10388, et d’une troisième destinée aux évêques et au clergé de la Bulgarie. Theiner, op. cit., t. i, p. 155 ; Potthast, op. cit., t. I, n. 10389 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 157.

L’issue de cette mission reste ignorée ; il est certain pourtant qu’Assen II changea encore d’avis et que, le 27 janvier 1238, Grégoire IX faisait prêcher en Hongrie la croisade contre « le perfide, qui n’avait pas voulu taire partie des brebis de Pierre et avait reçu des hérétiques dans son royaume » . Theiner, op. cit., t. î, p. 161. Et lorsque Bêla IV fut sur le point de marcher contre la Bulgarie, avec l’intention évidente de la conquérir et de la garder, le pape ordonna des prières publiques pour le succès de ses armes et promit de prendre, durant son absence, son royaume sous la protection du saint-siège. Theiner, op. cit., t. I, p. 159-161, 165-167, 170, 174 ; Hurmuzaki, op. cit., t. i, p. 166-169, 174-178. Assen II, voyant la mauvaise tournure que prenaient pour lui les événements, joua encore de ruse et s’entendit avec les Francs contre Vatatzès. C’en fut assez pour que Grégoire IX, l’ennemi irréconciliable des Grecs, passât l’éponge sur tous les mélaits du tsar bulgare et donnât contre-ordre à la croisade hongroise. Du -reste, cette alliance des croisés et des Bulgares n’eut qu’une durée éphémère. Au siège de Tchourlou, 1239, Assen II apprit tout à coup que sa femme, son fils et le patriarche Joachim étaient morts de la peste à Tirnovo ; croyant à une vengeance du ciel, qui le punissait ainsi d’avoir violé sa parole et ravi sa fille Hélène à son mari, il abandonna les Latins, se réconcilia avec Vatatzès, rendit Hélène à Théodore Lascaris et épousa lui-même une princesse grecque. Il mourut en juin 1241, laissant le souvenir d’un prince glorieux, valeureux sur les champs de bataille, ami des lettres et des arts, et aussi — convient-il d’ajouter — d’un homme infidèle à presque tous ses engagements. C. Jirecek, Geschichte der Bulgaren, p. 260-262.

Quatre ans plus tard, le 21 mars 1245, Innocent IV faisait apporter à Caloman I er, son (ils, une lettre très affectueuse, dans laquelle il lui exposait la primauté des successeurs de Pierre et l’invitait à rentrer dans le giron de l’Église, s’engageant à convoquer dans ce but un concile général et à recevoir ses délégués avec honneur et avec une joie cordiale. ïheiner, op. cit., t. i, p. 196-197 ; Hurmuzaki, op. cit. t. 1, p. 225-227. On ne connaît pas la nature des relations, qui existèrent entre Rome et les tsars Michel Assen, 1246-1257, Caloman II, 1257, et Constantin Assen, 1258-1277. Comme ce dernier avait pris fait et cause avec les Serbes et les Bulgares pour Charles d’Anjou, roi de Sicile, contre Michel VIII Paléologue, l’empereur grec publia en 1272 un chrysobulle qui redonnait à l’archevêché gréco-bulgare d’Ochrida toute l’extension qu’il avait eue sous le tsar Pierre, aux termes mêmes des chrysobulles de Basile II. C’était, par suite, nier l’existence du patriarcat serbe d’Ipek et du patriarcat bulgare de Tirnovo, qui s’étaient constitués aux dépens de l’archevêché d’Ochrida. Michel VIII ne se contenta pas de cette réglementation intérieure et, en somme, assez inofl’ensive : il s’elforça d’obtenir du pape, en 1274, au concile de Lyon, la reconnaissance officielle des anciens droits de Justiniana prima ou Ochrida, tels que les concevaient les Byzantins de l’époque, reconnaissance qui aurait amené l’annulation immédiate des privilèges d’Ipek et de Tirnovo. Sa démarche ne paraît pas avoir abouti. D’ailleurs, Michel VIII ne tarda pas à s’unir d’amitié avec les Bulgares et, en 1277, au concile des Blaquernes tenu par Jean Veccos, le patriarche de Tirnovo, Joachim, accepta l’union qui venait d’être conclue entre l’Église latine et l’Église grecque. Ce fait, d’ailleurs, demeura sans résultat, par suite de l’opposition irréductible de la tsarine Marine, une schismatique obstinée. Le 23 mars 1291, sur les instances de la reine catholique de Serbie, Hélène, le pape Nicolas IV écrivait au tsar Georges Terter et an patriarche de Tirnovo, Joachim. Il rappelait à celui-ci sa présence au concile de 1277 et sa signature, apposée au bas des actes du concile de Lyon, l’engageant à répandre ses anciennes idées dans tout le royaume bulgare. Theiner, Monumenla hislor. Mungarorum, t. i, p. 375-377 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 512-519. Tous ces rappels à l’antique foi restèrent vains, parce que les préoccupations politiques étaient ailleurs et — conséquence toute naturelle en Orient — ailleurs aussi les préoccupations religieuses. L’histoire signale encore une démarche, inutile du reste, en faveur de l’union, tentée en 1337 par le pape Benoit XII auprès du tsar Jean Alexandre. Theiner, op. cit., t. i, p. 617 ; Hurmu zaki, op. cit., t. I, p. 647.

L’Eglise de Tirnovo demeura presque toujours bornée à la principauté actuelle de la Bulgarie, moins la Boumélie orientale, mais avec quelques villes situées au |iied des Balkans. Sous la dernière dynastie, celle des Chichmanides de Viddin, 1323-1393, l’hégémonie politique, qui avait été, jusque-là, disputée entre Grecs et Bulgares, passa définitivement dans la péninsule à la nation serbe. Vers la fin duxive siècle, l’ancien royaume bulgare était émietté en trois parties ; Chichman III régnail à Tirnovo, Sofia et Philippopoli ; son frère, Jean Srazimir à Viddin ; le prinre Dobrotiseh enfin à Varna et dans la Dobroudja, qui lui a emprunté son nom. L’Église de Tirnovo ne dépassait pas alors les limites bien (’truites du royaume de Chichman ; quant à Dobrotisch et à Srazimir, ils s’étaient ralliés, eux et leurs États, au patriarcat grec de Constantinople. Le 17 juillet 1393, Tirnovo tombait aux mains des Turcs, après un siège mémorable, et le dernier patriarche, Euthyme, prenait le chemin de l’exil. L’année suivante, le patriarche byzantin confiai ! au métropolite de Moldavie l’administration de l’Église bulgare, En 1398, Viddin Ouvrait ses portes aux envahisseurs turcs ; c’en était fait, pour près de cinq siècles, de l’indépendance nationale et de l’autonomie ecclésiastique.

C. Jirecek, Geschichte der Bulgare » , p. 223-350 : A. Xénopol, l’empire valacho-bulgare, dans la Revue historique, t. xi.vu (1891), p. 277-308 ; M., L’empire valacho-bulgare, dans l’Histoire des Roumains de la l)<u ie trajane, in-8°, Paris, L896, t. i, p. 172-180 ; Histuire générale du ive siècle à nos jours, de Hambaud et Lavisse, t. ii, p. 829-861 ; L. Lamouche, Le second empire bulgare, dans La Bulgarie dans le passé et dans le présent, in-12, Paris, 1892, p. 08-79 ; J. Markovich, Gli Slavi ed i papi, in-8°, Zagreb, 1897, t. II. p. 530-589 ; Th. Ouspenskij. La formation du second empire bulgare (en russe), Odessa, 1879 ; C. von Hufler, Die Yalachen als Begriinder des zweiten bulgarischen Reiehes, der Assaniden, HSG-1’Jôl, dans Sitzungsberiehte Wien. Akad.. t. xcv (1879), p. 229 sq. ; E. Goloubinski, Précis d’histoire des Églises bulgare, serbe et roumaine (en fusse), Moscou, 1871, p. 78-81, 204-282 ; V. Lah, De unionc liulgarorum cum Fevlesia romana ab anno 120-i-l’J34, dans Archiv finkatholisches Kirchenrecht, t. xciv (1880), p. 193250 ; V. Vasilievskij, Le rétablissement du patriarcat bulgare sous le prince Jean Assen II, en l’année 1235, dans le Journal du ministère de l’Instruction publique (en russe), Saint-Pétersbourg, t. ccxxxviii (1885), p. 1-50, 200-238 ; Rattinger, Die Patriarchat-und Metropolitansprengel von Constantin uni die bulgarisehe Kirelie zur Zeit der Lateinerherschaft in Byzanz, dans Historisches Jalirbuch, t. I, fasc. 1 ; t. ii, fasc. 1, de la Gorres-Gesellschaft, Munster, 1880 ; A. Meliarakis, ’Imofia toj ?< « t ; -V. u’oj t » ; î Nixaia ;, in-8°, Athènes, 1878, passim. Un historien russe, E. Goloubinski, op. cit., p. 82-89, 89-106, a donné la liste des patriarches bulgares <le Tirnovo et celle des métropoles et des évêchés qui relevaient de ce patriarcat. Le dernier des patriarches bulgares de Tirnovo, Euthyme, s’est rendu célèbre dans la science ecclésiastique par ses nombreux ouvrages, qui ont en quelque sorte constitué une école littéraire. Voir sur Euthyme, C. Jirecek, op. cit., p. 444-447. E. Kaluzniacki a publié, en 1901, l’édition critique des œuvres de ce patriarche : Werke des Patriarches von Bulgarien, Kuthymius (1375-139 : 1). nach den besten Handschriften herausgegeben, in-S°, Vienne, et le panégyrique de ce prélat par son disciple, Grégoire Camblak, Aus der panegyrisclten Litteratur der Sudslaven, in-8°, Vienne. 1901. Sur ces deux ouvrages, voir la Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. vu (1902), p. 534 sq.

VII. Le patriarcat gréco-bulgare d’Ochrida, 13931767. —

La chute de la Bulgarie indépendante allait modifier complètement la situation politique et religieuse de ce malheureux pays. Tous les territoires bulgares furent englobés par les vainqueurs dans le gouvernement général du Beblegr-beg de Roum-ili, qui résidait à Sofia et étendait son autorité sur presque toute la péninsule balkanique. Cette organisation, plus militaire qu’administrative, subsista, sauf quelques remaniements partiels, jusque dans les premières années du xixe siècle. Elle enserra si bien les indigènes dans ses multiples réseaux que, malgré la lourdeur des impôts et le sans-façon coutumier de les prélever, on ne compte qu’une légère tentative de révolte en 1595, au moment où Sigismond liathory, prince de Transylvanie, (’tait en guerre avec les Ottomans. Les Bulgares privés de tous droits et considérés comme un vil troupeau — d’où le nom de raïa — furent soumis à des impositions énormes, tant au bénéfice de la Porte qu’à celui des seigneurs locaux. Quelques villes seulement obtinrent l’autorisation de s’administrer librement sous l’autorité de leurs chefs ou voiévodes, mais elles payèrent ce privilège d’exemption par la levée et l’entretien à leurs frais d’un certain contingent de troupes à mettre à la disposition des sultans.

L’histoire de l’Eglise oebridéenne durant les xv et xvie siècles est loin d’avoir encore dissipé toute obscurité. Au début du xv siècle, celle Église étendit de nouveau sa juridiction jusqu’au Danube. Un codex grec, décrit dans le Sbornih bulgare, 1901, t. xvinn, p. 132-170, contient de nombreux renseignements sur ce point, avec trois lettres du patriarche de Constantinople, de l’archevêque d’Ochrida et du basileus Manuel Paléologue. Nous y apprenons que le vieil archevêque d’Ochrida, Matthieu, connu déjà par une inscription de 1408, op. cit., p. 155, était venu à Byzance en juin 1110 et avait obtenu do l’empereur la confirmation des droits qui étaient mentionnés dans les chrysobulles de Justinien. Matthieu consacra ensuite les métropolites de Sofia et de Viddin et, malgré les protestations du patriarche byzantin, le successeur anonyme de Matthieu maintint les privilèges de son Église. C. Jirecek dans la Byzant. Zeitschrift, t. xiii (19(H), p. 198. Nous savons qu’en 1456 son archevêque Dorothée fut prié par le prince de Moldavie de pourvoir à la vacance du siège métropolitain de sa principauté. Glasnik, t. vii, p. 177. Cette demande et la réponse favorable de Dorothée sont des preuves irrécusables que la juridiction d’Ochrida s’étendait alors sur cette contrée, ainsi que, du reste, sur la province de Houngro-Valachie. Il est difficile de préciser en quoi consislait cette suprématie religieuse, qui paraît s’être maintenue sur le futur royaume de Roumanie, au moins jusqu’aux premières années du XVIIIe siècle, en dehors de la nomination du métropolite, dont l’histoire nous présente plusieurs autres cas, et de l’influence liturgique qui s’est fait sentir presque jusqu’à nos jours. Sous le patriarcat de Prochore, 1523-1549, se passe un fait étrange, qui nous a été révélé par une pièce récemment publiée et une autre encore inédite, et qui projette un jour nouveau sur l’histoire agitée de cette Église. En dehors de la Moldo-Valachie, le titulaire d’Ochrida étendait autrefois sa juridiction sur les diocèses de langue et de nationalité serbes. Or, ces Slaves, frères aînés des Bulgares, parvinrent au xiii c siècle, avec l’aide intéressée des Byzantins, à détacher plusieurs éparchies d’Ochrida pour en constituer le patriarcat national d’Ipek. Cette Église serbe survécut à la dynastie qui l’avait créée, mais lorsque, en 1459, Sémendria, le dernier boulevard de l’indépendance nationale, tomba au pouvoir des Turcs, Mahomet II résolut d’enlever aux vaincus la dernière parcelle d’autonomie en incorporant leur Église à l’archevêché gréco-bulgare d’Ochrida. Durant cette période de 98 ans, 1459-1557, les titulaires d’Ochrida s’intitulent : « archevêques de Justiniana prima, de tous les Bulgares, des Serbes et des autres. » Il en tut ainsi jusqu’en 1557, où Macaire Sokolovich, frère du grand-vizir renégat Mehmed, obtint qu’on relevât en sa faveur le patriarcat serbe d’Ipek, qui subsista jusqu’en 1766. Ce rétablissement d’Ipek rétrécit considérablement le territoire d’Ochrida ; par là elle perdit non seulement tous les anciens évêchés qui avaient dépendu d’Ipek, mais encore Viddin, Sofia, Samokof, Kustendil, Schtip, Kratovo et Uskub. Voir Archiv fur slavisdie Philologie, t. ix, x, xxv (1903), p. 468-473. Tout cela était connu depuis longtemps, mais ce qui l’est beaucoup moins, c’est que, même avant l’heureuse entreprise de Macaire Sokolovich, les Serbes avaient essayé de reconstituer le patriarcat national et qu’ils y avaient un moment réussi. Voici le fait. L’archevêque Prochore d’Ochrida, élu en 1523, se rendit en Palestine pour accomplir le pèlerinage des Lieux saints, laissant la garde de son éparchie au diacre Paul. Ce voyage s’accomplit entre les années 1523 et 1530. Le diacre Paul parait avoir eu des difficultés avec le gouvernement turc au sujet de la perception des impôts ; il se rendit donc à Constantinople pour s’entendre avec le grand-vizir Ibrahim pacha, renégat grec, qui était son proche parent. Ou ne sait pas au juste ce qui se passa dans cet entretien, toujours est-il que Paul revint de Stamboul avec l’autorisation du grand-vizir de restaurer le patriarcat d’Ipek et d’en être le premier titulaire. Cette nouvelle création de l’Eglise serbe s’était faite, bien entendu, aux dépens de l’Église bulgare d’Ochrida. L’archevêque Prochore en fut informé en Palestine ; il se hâta, comme bien on pense, de terminer ses dévotions et d’accourir à la capitale réclamer son bien. Sur son avis, le patriarche œcuménique, Jérémie I er, réunit son synode, qui déposa Paul, l’excommunia lui et tous ses successeurs, et replaça l’archevêché d’Ipek sous la juridiction d’Ochrida, septembre 1530. Papadopoulos Kerarneus a publié l’acte de Jérémie I er dans les Vyzantiskij Vremennik, 1896, t. iii, p. 119 sq. L’intrus s’est-ii soumis à cette décision ? C’est peu probable. Il a dû rester en possession du siège d’Ipek jusqu’à la mort violente de son parent, le grand-vizir Ibrahim pacha, 1534, et alors Ipek aura été supprimé pour être de nouveau rétabli en 1557.

J’ai puisé ces renseignements à la pièce publiée par M. Papadopoulos Kerarneus et déjà éditée en 1876 par Pavlov dans le Tchtéma vo imperators Rom, etc., Moscou, 1876, fasc. 4, et surtout à une lettre encore inédite, que Denys, métropolite de Castoria en Macédoine, adressait sur cette affaire, le 12 novembre 1716, au patriarche de Jérusalem, lettre qui m’a été obligeamment communiquée par le R. P. Petit. Le métropolite Denys avait parcouru tout le dossier de cette affaire, qui malheureusement ne nous est parvenu qu’en partie.

Ces bons archevêques d’Ochrida étaient tiraillés sans cesse entre les Turcs, qui grevaient leurs finances d’impôts lourds et tracassiers, et leurs ouailles qui refusaient de se laisser tondre sans mordre la main de leurs pasteurs. A présenter trop haut ou trop fort leurs récriminations contre des abus aussi monstrueux, ils risquaient beaucoup de perdre leur place ou leur tête, comme Dorothée en 1466, Balamos, décapité vers 1600, et Mélèce en 1644, sur l’ordre du grand-vizir. La situation pourtant était encore tolérable aux xv « et xvi c siècles et durant la première moitié du xvii e. Choisis presque toujours parmi les membres des familles indigènes, les pasteurs d’Ochrida ne se heurtaient pas à une opposition irréductible de la part de leurs subordonnés. Quand le malaise se faisait par trop sentir dans leurs finances, ils prenaient le chemin de la Russie, comme Gabriel en 1586, Nectaire en 1601, Denys vers 1660, etc., et ces bonnes âmes slaves, touchées des souffrances de leurs frères dans l’orthodoxie, s’empressaient de vider leurs économies dans l’escarcelle des augustes voyageurs. Parfois même ceux-ci, pour ne pas tirer continuellement sur leurs propres troupes, prenaient le chemin de l’Occident. Ils se disaient alors catholiques, comme Porphyre vers 1600, Athanase en 1606, Abraham en 1629, Mélèce vers 1640, L. Allatius, De consensu utriusque Ecclesisc, p. 1092, bien que leur catholicisme de commande se bornât d’ordinaire à mendier des aumônes auprès de la cour romaine et à lui adresser de chauds remerciements, après les avoir reçues.

Du jour où l’élément slave et indigène se vit opprimé par l’élément grec et phanariote, commença pour cette Église la plus sombre existence. Une lecture même rapide des actes synodaux que vient de publier M. Gelzer suffit à nous donner une idée adéquate, et bien triste, hélas ! des embarras multiples que rencontraient les patriarches d’Ochrida. A partir de la seconde moitié du xviie siècle, le changement continuel des titulaires apparaît comme la suite naturelle d’intrigues fort peu édifiantes, qui se déroulaient entre les divers solliciteurs. De 1650 à 1700, on ne compte pas moins de 19 démissions forcées ou dépositions de patriarches — chiffre relativement peu élevé en comparaison de l’Église du Phanar qui en vit à la même époque jusqu’à 34. Jetons un regard sur les pièces officielles récemment éditées, elles nous diront, avec leur sèche éloquence, de combien de tristesses et d’ignominies furent tissés les derniers jours de ce malheureux patriarcat. Germain monte sur le siège d’Ochrida le 8 mai 1688 et déjà, le 8 août 1691, le synode reconnaît en le déposant qu’il a été négligent à payer le tribut au gouvernement impérial, qu’il a fait des dépenses inutiles et mis l’Église dans la situation la plus délicate vis-à-vis du pouvoir civil. Grégoire, métropolite de Néai Patrai, lui succède et, au mois d’août 1693, il confesse son indignité, offre sa démission et « délivre ainsi le trône patriarcal de ses brigandages et de ses forfaitures » . Le métropolite de Belgrade, Ignace, est élu ensuite « comme le meilleur et le plus digne » et, moins de deux ans après, le 9 juillet 1695, neuf évêques le déclarent déchu « comme indigne, incapable, ignorant des règlements canoniques. .., » etc. Zosimas, métropolite de Sisanion, vient après lui et inspire tant de sympathie que l’ex-patriarche Germain lui-même, qui n’avait jamais voulu consentir à sa déposition de 1691, renonce en faveur de celui-ci à tous ses droits ; et pourtant, le 8 juin 1699, le synode dépose Zosimas « comme violateur du 10e canon de Chalcédoine, insolent envers ses frères, orgueilleux, despote… » , etc. Raphaël de Crète le remplace et, malgré la lacune considérable qui existe à cet endroit dans la série des documents, nous savons que le calme fut loin de fleurir dans cette Église. En effet, de 1703 à 1708, nous rencontrons Ignace de Belgrade et Denys de Chio, qui se disputent le titre patriarcal. Méthode réussit à les éliminer tous les deux, mais pour quelques jours feulement, 28 mai-Il juin 1708, et le vieux Zosimas remonte sur le siège, 1708-1709. Il en est encore chassé par Denys de Chio, qui s’empare du pouvoir illégalement, en distribuant force pots de vin aux autorités turques et à ses confrères, et commet tant de forfaits que le synode « rougit de les énumérer » et l’expulse en 1714 pour lui substituer Philothée de Xaoussa « digne, pieux, capable…, » etc. Tant de qualités et tant de vertus n’empêchent pas ce dernier d’être déposé le 6 juillet 1718 par les évêques, qui avouent naïvement s’être trompés sur son compte. Et, à part le long pontiiicat de Joasaph. 1719-1745, la série des nominations et des dépositions se poursuit avec une monotonie peu édifiante, produisant à la longue, même sur les esprits les moins prévenus, une très fâcheuse impression.

A quelles causes attribuer ces revirements subits d’opinions de la part des synodiques et ces révolutions perpétuelles ? A deux principales. Tout d’abord, c’est la mauvaise situation financière du patriarcat qui est responsable de cet état de choses. Il ne faut pas oublier, en effet, la manière dont les Turcs se conduisirent après leur victoire, convertissant les principales églises en mosquées, confisquant les biens ecclésiastiques ou les constituant terrain vaqonf. Or, malgré ces spoliations répétées qui réduisaient les chefs de l’Église ochridéenne à la pénurie la plus extrême, les Osrnanlis ne diminuèrent pas d’un centime les charges fiscales qu’ils faisaient peser sur eux. Ceux-ci devaient acquitter chaque année le kharadj ou taxe royale, qui se confondait avec les autres impôts : foncier, mobilier et personnel, et passait avant toutes les dettes. Cet impôt, qu’il fallait verser non seulement pour le siège patriarcal mais encore pour chaque diocèse, était d’autant plus onéreux qu’il n’avait rien de lixe. Chaque candidat à un siège vacant le faisait monter à son gré, pour être agréé des Turcs, et le tarif restait désormais celui-là, jusqu’à ce qu’il plût à un compétiteur de débouter son heureux rival en élevant les surenchères. Comme la déposition suivait toujours le non-acquittement intégral de la dette, les patriarches consacraient tous les ressorts de leur esprit à se procurer ce fabuleux capital. Dans ce but, ils taxaient, à leur tour, chaque évêque, qui é’tait tenu de fournir sa quotité. De là, des droits d’ordination que tout nouvel évéque devait verser à son entrée en charge, Pour augmenter leurs revenus, les patriarches livraient les éparchies ecclésiastiques aux plus oIIimiiN et s’ingéniaient même à multiplier les vacances de sièges. De leur côté, les évêques ne parvenaient à rentrer dans leurs débours qu’à force de vendre les charpes, d’aliéner les biens ecclésiastiques qui restaient encore, d’accorder à des taux élevés toutes sortes de ilispenses contraires aux prescriptions canoniques. Ce n’était plus que simonie et concussion à tous les degrés de l’échelle sociale. En dépit de ces difficultés toujours croissantes, à force de pressurer leurs ouailles et de quêter celles des pays russes, les pasteurs d’Ochrida seraient arrivés sans doute à équilibrer leur budget et à se maintenir en charge, s’ils n’avaient dû paver un second impôt, le miri, dont tout chef d’Église était redevable à la Sublime Porte pour en obtenir le firman d’investiture. Ce second impôt n’avait, lui non plus, rien de fixe, sinon qu’il pouvait augmenter indéfiniment. Et l’on devine tout de suite le merveilleux parti que les sultans surent tirer d’une arme aussi bien affilée. Dès qu’un patriarche avait cessé de plaire, on lui opposait un compétiteur, qui s’engageait à fournir double miri et qui, par cela seul, avait droit à occuper son siège. A peine celui-ci se voyait-il installé, qu’un autre intrigant de bas étage, un chevalier d’industrie quelconque, comme dit si bien M. Gelzer, s’employait à le renverser. Comme les Grecs, surtout les Phanariotes. étaient passés maîtres dans l’art de manier l’argent et les intrigues, ils réussirent, là comme ailleurs, à évincer les indigènes. Et ici nous touchons du doigt la seconde cause de la décadence de cette Église. On sait, en effet, ou l’on doit savoir que, au xvie et surtout aux xviie et xviiie siècles, les Grecs du Phanar chassèrent les candidats indigènes à peu près de tous les sièges patriarcaux ou épiscopaux que comprenaient les diverses Églises orthodoxes de l’empire turc. Alexandrie, Antioche et Jérusalem perdirent à ce moment leurs titulaires locaux pour leur voir substituer des Moréotes, des Cretois, des insulaires quelconques, des Grecs venus chercher fortune de Constantinople ou de Smyrne. L’Église d’Ochrida ne pouvait, elle seule, échapper à l’invasion, bien que celle-ci n’eût absolument aucun motif de se produire, la situation du patriarcat gréco-bulgare dill’érant totalement de celle des autres Eglises. En effet, si cette immixtion des Phanariotes peut se comprendre à la rigueur dans les pays de langue arabe, d’où l’inlluence de la race et de la langue grecque était bannie depuis longtemps et que ces aventuriers parvinrent à y faire revivre, elle est inconcevable dans le patriarcat ochridéen, qui était entre les mains des Grecs, depuis la suppression de celui de Tirnovo, 1393. et dont tout le haut clergé était grec et parlait grec dans le courant du xviie siècle. Sans doute, ces patriarches et ces évêques de l’Église d’Ochrida étaient moins hellènes qu’hellénisés, puisqu’ils appartenaient en majorité à des familles albanaises, roumaines ou bulgares du pays, et incarnaient en quelque sorte le sentiment national, mais il n’a jamais été défini, je pense, que l’orthodoxie est la propriété exclusive de la race grecque et que, seuls, les rejetons authentiques de cette nation sont appelés de par le sang et le mérite à obtenir toutes les hautes dignités. Sur ce point, les indigènes d’Ochrida ne pensaient pas différemment de nous et ils trouvaient étrange que des créatures du Phanar, chargées de dettes et parfois de crimes, vinssent leur soutirer le plus clair de leurs revenus. Mais ils eurent le malheur de se prêter eux-mêmes à cette immixtion, en recou rant, lors de ladéposition deThéophane, septembre 1676. a l’arbitrage du patriarche œcuménique. Celui-ci ne déclina pas, comme bien on pçnse, cette imitation et, dès lors, ce fut une lutte sans trêve et sans merci entre les candidats du parti national et ceux du parti phanariote. Le duel se poursuivit pendant pies de cent ans et ne se termina que par la défaite des Bulgares et la suppression du patriarcat ochridéen, janvier 1767. En vain, des hommes connue Grégoire, Germain de Vodéna, Ignace de Belgrade, Zosimas de Sisanion, soutinrent avec entrain l’honneur du drapeau et menèrent une Campagne énergique contre les candidats phanariotes ; ceux-ci. avec l’appui des Turcs et du patriarcat œcuménique, prenaient de plus en plus pied chez eux ; maîtres d’une partie des synodiqiu s, ils 1 étaient de la majorité, quand ils voulaient y mettre le prix. Gagnant sans cesse du terrain, ils savaient opposer aux champions du parti bulgare les héros de leur propre parti. Grégoire de Tirnovo, Raphaël le Cretois, Denys de Chio, Philothée de Naoussa ne le cédaient en rien comme intelligence et comme vigueur aux candidats ochridéens que nous venons de citer, et ils avaient sur eux, en fait de ressources pécuniaires et de machiavélisme, une supériorité incontestée. Certes ! ce n’était pas, comme on l’affirme souvent, afin de payer ses dettes que le Phanar poursuivait avec tant d’esprit de suite l’accaparement du patriarcat d’Ochrida. Les partisans des Bulgares, Jirecek, Geschichte der Bulgaren, p. 470, le soutiennent encore sans preuves à l’appui, tandis qu’il est démontré par les nombreuses quittances et feuilles de compte qu’a publiées M. Gelzer, que la métropole d’Ochrida et ses évéchés suffragants rapportaient à cette époque plus de dettes que de revenus. Mais l’existence des patriarcats nationaux et indigènes était pour le Phanar « une épine dans l’œil » et c’était à l’arracher qu’il employait toutes ses énergies. La sujétion des orthodoxes de l’empire ottoman en Europe ne lui paraissait pas complète, tant qu’il restait ailleurs qu’à Constantinople la moindre parcelle d’autonomie ecclésiastique. Depuis la destruction de l’empire byzantin, 1453, toute sa politique religieuse consistait à faire rentrer l’Église orientale dans les cadres qu’avait arrêtés le concile de Chalcédoine, 451. Quatre patriarcats à la disposition des Grecs : Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem, et une Église autocéphale, Chypre. En dehors de cela, rien de plus. La destruction des Églises nationales, serbe ou bulgare, comme Ipek et Ochrida, s’imposait en conséquence et le contentement des Grecs, on peut bien le dire, ne fut entier que lorsque ces deux Églises furent incorporées au patriarcat œcuménique. De là, ces démissions et ces dépositions continuelles, qui jalonnent l’histoire du patriarcat ochridéen aux XVIIe et xviiie siècles et dans lesquelles on retrouve toujours la main des Grecs ; de là, ces jugements contradictoires et qui nous étonnent si fort, portés à quelques années d’intervalle sur le même patriarche. Selon que triomphe le parti bulgare ou le parti phanariote, la même personne est élevée aux nues ou vouée aux gémonies. Les Turcs eurent tort de se faire complices des entreprises criminelles des Grecs. Sous prétexte d’anéantir ce qui pouvait survivre encore de désir de revanche dans le cœur des patriotes bulgares, ils les livrèrent, pieds et poings liés, aux Byzantins, leurs plus mortels ennemis. Dans leur politique à courte vue, ils s’imaginaient ainsi extirper de chez les vaincus toute velléité d’indépendance, tandis qu’ils ne firent qu’attirer sur leurs propres têtes la haine séculaire que les Bulgares nourrissaient contre les Grecs, et acculer les opprimés au désespoir, en leur refusant tout motif d’espérance.

Le parti national venait de triompher en déposant le phanariote Philothée de Naoussa, 6 juillet 1718, qui fut même privé de la dignité sacerdotale. Cette revanche éclatante prise sur le Phanar, qui s’était permis le même procédé à l’égard de l’indigène Théophane, en 1676, fut bientôt suivie d’une autre victoire avec l’élection de l’autochtone Joasaph de Corytza, le 6 février 1710. Sûr de la confiance de ses fidèles, celui-ci put, durant son long pontificat, 6 février 1719-22 octobre 1745, remettre de l’ordre dans les finances, autant du moins que le lui permit l’acquittement des sommes énormes qu’il fallait très ponctuellement payer aux Turcs. Il trouva même assez de ressources pour rebâtir ou restaurer soit la résidence des patriarches, soit l’église cathédrale. Ce pontificat de 27 ans fut la dernière éclaircie dans le ciel extraordinairement noir de l’Église d’Ochrida. Joseph, métropolite de Pélagonia, qui succéda à Joasaph le 13 janvier 1746, paraît s’être maintenu en place jusqu’en 1752. Du moins, nous possédons de lui deux pièces datées de 1750 et 1751, et c’est en 1752 qu’un de ses contemporains, Joasaph, ex-métropolite de Bérat d’Albanie, l’ait commencer le patriarcat de Dens, son successeur. II. Gelzer, Der wiederaiifgefunih’ue Kodex des hl. Klemens and ândere auf den Patriarcliat Achrida bez’ùgliche Urkundensammlungen, dans les Berichte der philol.-histor. Klasse der Kônigl. sâchs. Gesellschaft der Wisscnscliaflen zw Leipzig, 1903, p. 46, et codex 91 des archives patriarcales de Constantinople, p. 181. Ce même Joasaph nous apprend que Denys fut patriarche de 1752 à 1757, et, en effet, nous avons de lui des pièces qui se placent entre 1752 et 1756. II. Gelzer, op. cit., p. 46, 47. A Denys, d’après le même Joasaph, succéda Méthode, 1757-1759, et à Méthode Cyrille, 17591762. Une pièce encore inédite, codex 61 des mêmes archives, p. 43, qui mentionne le patriarche Cyrille, est datée de décembre 1762, et il se pourrait bien que son pontificat se fût prolongé jusqu’au début de 1763. Cyrille, dit le procès-verbal officiel de la nomination d’Ananias, mai 1763, codex 6, p. 45, « encourut la colère impériale et fut exilé. » Jérémie, qui lui succéda d’après le même procès-verbal, ne fit que passer sur le Irùne ; « il mourut de mort naturelle, » ce qui laisse supposer d’habitude un empoisonnement. En tout cas, il n’était déjà plus de ce monde en mai 1763, lorsque fut élu le protosyncelle de Constantinople, Ananias J’avais d’abord pensé que cet Ananias, originaire de Constantinople, ne différait pas d’Arsène, le dernier titulaire du patriarcat d’Ochrida, parce que Joasaph, ex-métropolite de Bérat d’Albanie et son contemporain, fait durer le pontificat d’Arsène de 1762 à 1767, H. Gelzer, Der wiederaufgej’undene Kodex des hl. Klemens, p. 46, parce que nous avons de ce dernier des pièces datées de 1761, 1765, 1766, 1767, H. Gelzer, op. cit., p. 47, parce que, enfin, nous ne trouvons nulle part trace de son élection, en dehors de l’acte officiel qui concerne Ananias. Mais je crois que cette identification est difficile à soutenir et que nous sommes réellement en présence de deux personnages distincts. En effet, Ananias était moine et diacre au moment de sa proinotion à l’archevêché d’Ochrida. Pourquoi aurait-il changé de nom et se serait-il appelé Arsène, lorsqu’on n’a l’habitude de le faire dans l’Église orthodoxe qu’au moment de la profession monastique ou de l’élévation au diaconat ? De plus, le codex 50, conservé à la bibliothèque du méthokhion du Saint-Sépulcre à Constantinople, porte au folio 20 v qu’il a jadisappartenu à l’archevêque d’Ochrida, Ananias, y.a’i tôSî <tjv -oi ; aXÀoiç’Avaviou àpy_iê7rt<7’/.67ro’j tïjç â’lo’jCTT’.vtavrjç’AyoïSoiv to0 BuÇavtfou. Papadopoulos Kerameus, l hpo<jo-j>.iTiy.-ï i BtëXtoO^xv], t. iv, p. 74. Or, ce manuscrit a été copié en 1691 ; il est devenu la propriété d’Ananias sûrement après cette date, et nous ne trouvons de 1691 à 1763 aucun autre Ananias sur le Siège d’Ochrida, en dehors de celui dont nous nous occupons. C’est donc que cet Ananias est parfaitement distinct d’Arsène et qu’il n’a fait q, ue passer sur le trône gréco-bulgare, comme son prédécesseur Jérémie. Si cette distinction entre Ananias et Arsène est admise, nous ne savons d’où venait ce dernier ni à quelle date remonte son élection. Ce que nous pouvons affirmer, c’est qu’il était déjà patriarche en 1764 et qu’il le resta jusqu’au 16janvier 1767, jour où le siège d’Ochrida disparut définitivement pour être incorporé au patriarcat œcuménique. Les uns attribuent à Arsène une origine bulgare, d’autres, avec plus de raison, une origine grecque, puisqu’il agit de concert avec les Grecs de la capitale pour amener la suppression de son Église. Quant aux dessous de cette affaire, ils sont encore assez mal connus, et nous en ignorons toujours les vrais motifs, en dehors des causes générales que nous lui avons déjà reconnues. Un parti puissant, composé de phanariotes et de gens dévoués à leurs intérêts, considéra vraisemblablement la cause dos Églises autocéphales comme irrémédiablement perdue, et dès lors il s’entremit pour en hâter le dénouement. Le patriarcat serbe d’Ipeli avait été supprimé le Il septembre 4766 ; au patriarcat gréco-bulgare d’Ochrida ne pouvait échoir un sort meilleur. A la tête de ce parti, se trouvaient le protothrône de Castoria, Euthyme, et les principaux métropolites de cette Église. D’accord avec leur patriarche, qui joua le rôle de complice ou de dupe, ces prélats se rendirent à Constantinople et nouèrent des relations avec le patriarche œcuménique Samuel pour opérer la fusion de leur Église avec la chaire phanariote. Voir la pièce dans H. Gelzer, Der Patriarchat von Achrida, p. 125. Ils présentèrent ensuite au saintsynode une requête, qui le priait : « au nom du Christ né à Bethléhem, de daigner les recevoir dans le bercail de la sainte Église du Christ et d’avoir pour eux la même sollicitude que pour les autres. » Les raisons données ne témoignent pas d’une grande précision. Cette grave démarche est par eux attribuée « aux mutations fréquentes des archevêques, qui leur ont fait subir des préjudices intolérables, des désordres nombreux, des outrages de toute sorte, au point que la vie même leur deviendrait à charge s’ils continuaient à être en butte à des persécutions et à des dangers incessants » . L’abdication, écrite et signée de la main d’Arsène, accompagnait cette requête ; elle était, d’après l’aveu explicite de l’auteur, « volontaire, consentie librement et sans violence. » Enlin, une troisième et dernière pièce, provenant, elle, du saint-synode de Constantinople, déclare : « réuni et attaché au très saint-siège apostolique et œcuménique le très saint-siège épiscopal d’Ochrida, ainsi que les métropoles et les évêchés qui en relevaient, à savoir : Castoria, Pélagonia, Vodéna, Corytza, Belgrade, Stroumnitza, Grévéna, Sisanion, Mogléna, Prespa, Dibra, Gkora et Vélès » . Les considérants, quoique plus développés, ne diffèrent pas de ceux qui sont énurnérés dans la requête des évêques. En vertu de cette décision, « approuvée par Sa llautesse, notre très puissant empereur…, le nom du ci-devant archevêché d’Ochrida se trouve etfacé des tables royales et considéré comme non avenu ; la ci-devant circonscription d’Ochrida demeurant désormais sans protection, les contrées et les bourgs qui en relevaient autrefois, ceux de Dyrrachiuin, Cavaïa, Demir-hissar, Elbassan, Ochrida proprement dit, ont été réunis à l’effet de former une seule éparchie et métropole, celle de Dyrrachium. » Quelle ironie du sort ! Non seulement le patriarcat d’Ochrida est supprimé, mais la circonscription même ecclésiastique de ce nom cesse d’exister ; elle est incorporée au diocèse de Dyrrachium, alin que les oreilles des Byzantins n’entendent plus ce nom à jamais exécré. Quant au patriarche Arsène, après sa démission, il aurait été, d’après des traditions qu’a recueillies C..lireeek, Gese/iichte der Bulgaren, p. 470, interné au mont Athos, dans une dépendance du couvent bulgare de Zograph, où ses compatriotes l’auraient entouré d’une haute vénération. Le codex 91, p. 181, des archives du patriarcat œcuménique, qui contient les données biographiques d’Anthime de Bérat, un contemporain, le fait mourir, au contraire, à Constantinople, sous le patriarcat de Samuel, en 1767, l’année même de la suppression d’Ochrida.

Les pièces concernant la suppression pu patriarcal d’Ochrida ont été publiées d’après les originaux par Grégoire, npayn<mî «  it tp : tîJç xavovtx% âiycr.o&oTÎa ; t13 oÎMUtuvixoti t’/y.i’/s /*<>% 6pôvou txt tSv iv Bo :." - I <"’i'///r, T""v, in-8 Conslantiniiple, 1860, p. iii, -i’j’i. et’" traduction française par iv. Lenormant, Turcs ci l<, , it’-ite ! ii-i>ix, in-12, Paris, 1866, p. 846-350. Voir aussi des lami a de traduction dans La Bulgarie chrétienne [A.. d’Avril], in-t_, Paris, 1861, p. 60-64,

D’après les pièces réunies par Gelzer, Der Patriarchat yon Achrida, p. 28-34, la juridiction que possédèrent les titulaires d’Ochrida sous la domination turque ne différait guère de celle qui leur avait appartenu auparavant. Dans les premières années du XVIIe siècle, le patriarche Nectaire faisait cet aveu significatif à Aubert le Mire dans la ville d’Anvers : Hune sese titulum more majorant usurpare solituni : Nectarius, arclriepiscopm primse Justinianæ, Ac/uidæ et totitis Vulgarise, Servies, Albaniæ. et aliorum locorum. Addebat se. r esse métropolitas et decem episcopos nulli nisi achridano archU episcopo seu primati subjectos. Le Quien, Orient chnstianus, t. ii, col. 299. Les six métropoles étaient : Castoria, Pélagonia-Bitolia, Stroumnitza, Belgrade, Corytza-Sélasphoros, Vodéna ; les dix évêchés : Grévéna, Sisanion, Mogléna, Molischos, Dibra, Kitzava, "Vélès, Prespa, Avion et Kanina, Gkora et Mocra. Somme toute, cette liste des suliragants d’Ochrida au début du xviie siècle est identique à celle du XIVe, que nous avons donnée plus haut, sauf qu’il y manque le diocèse d’Ispateia-Mouzaneia. Vers le milieu du xviie siècle, Denys d’Ochrida s’en allait à Moscou recueillir des aumônes et se plaignait vivement au retour de la modicité des gratifications qu’il avait reçues, lui qui avait dix-sept évêques sous sa dépendance. En effet, depuis Nectaire, Ochrida s’était enrichie d’une septième métropole, Dyrrachium, dont le titulaire signe régulièrement aux synodes, bien que les Byzantins continuent à le ranger sous le patriarcat œcuménique. Un peu plus tard, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, Ochrida ne comptait plus que quatorze diocèses suliragants, dont neuf métropoles et cinq évêchés. Aux sept métropoles déjà mentionnées, il convient de joindre celles de Grévéna et de Sisanion, qui étaient jusque-là de simples évêchés ; quant aux cinq évêchés, c’étaient Mogléna-Molischos, Dibra-Kitzava, Vélès, Prespa, Gkora-Mocra. Enfin, vers l’année 1715, lorsque le patriarche de Jérusalem, Dosithée, dressait le schematismus des Églises orthodoxes, la situation du patriarcat ochridéen avait encore subi des modifications. Il y avait sept métropoles : Castoria, Pélagonia ou Bitolia, Vodéna, Corytza, Belgrade, Stroumnitza et Grévéna ; deltas évêchés soumis à Castoria et trois évêchés qui relevaient directement de l’archevêché. Et cette situation paraît s’être maintenue jusqu’à la suppression même de cette Église, 16 janvier 1767.

VIII. Liste des patriarches d’Ochrida. —

Comme le patriarcat gréco-bulgare d’Ochrida a joué un grand rôle politique et religieux dans la péninsule balkanique, du Xe au xviiie siècle, et qu’il est appelé un jour ou l’autre à se reconstituer ; comme, d’autre part, il n’est guère bien connu que depuis la publication de ses actes officiels, faite récemment par M. Gelzer et fort peu répandue, même dans le monde savant, je vais dresser la liste des titulaires de ce siège, qu’on ne trouvera nulle part ailleurs aussi complète et aussi précise. Pour ce faire, je me suis aidé de Le Quien, Oriens christianus, t. ii, p. 287-300 ; de Goloubinski, Précis d’histoire des cglises orthodoxes, p. 34-45, 106-140 ; de Mouravief, ltapportsde la Russie avecV’Occident, Saint-Pétersbourg, 1858, et autres ouvrages russes, bulgares et grecs utilisés déjà par M. Gelzer, et surtout des deux ouvrages fondamentaux de ce savant, Der Patriarchat von. Achrida. Gesckich.te und Urkunden, in-8°, Leipzig, 1902, passim ; Der wiederaufgefundene Kodex des ht. Klemens und andereaufden Patriarchat Achrida bezûgliche Urkundensammlungen, extrait des Berichten der philol.-hislor. Niasse der kônigl. sàchs. Gesellschaft der Wissenschaften vu Leipzig, 1903, p. 41-110. J’ai encore mis à profit, en dehors des comptes rendus faits par divers savants de ces deux ou rages, les corrections et additions apportées à l’ouvrage de M. Gelzer par le. P. Louis l’elil dans les Échos d’Orient. 1902, t. v, p. 409-412, et les notes manuscrites qu’il a eu dernièrement l’occasion de recueillir’, en copiant, pour le même savant, aux archives du patriarcat œcuménique, toute une série d synodaux, qu’ils doivent bientôt éditer de concert dans le Codex diplomaticus achridenus définitif. Les patriarches dont le nom est souligné sont montés deux fois sur le siège d’Ochrida :

11. Damien, 945-972.
12. Germain.
13. Philippe.
14. David, 1016.
15. Jean, 1019-1025.
16. Léon, 1025-1056.
17. Théodule, 1056-1065.
18. Jean Lambénos, 1005-1008.
19. Jean, 1075.
10. Théophylacte, 1078-1092.
11. Léon.
12. Michel Maxime.
13. Eustathe, 1134.
14. Jean Comnène, 1143-1157.
15. Constantin, ?-1166.
16. X., entre 1180 et 1183.
17. Jean Camateros, 1213.
18. Démétrios Chomatiamos, 1220, 1234.
19. Joannice.
20. Serge, entre 1218 et 1241.
21. Constantin Cabasilas, 1250-1261.
22. Héphaistos, xii- siècle-xiiie siècle.
23. Jacques.
24. Adrien.
25. Gennadios, avant 1289.
26. Macaire, 1294-1299.
27. Grégoire, 1316.
28. Anthime Métochite, entre 1328 et 1355.
29. Nicolas, 1347.
30. Grégoire, 1348-1378.
31. Matthieu, 1408, 1410.
32. Nicodème, 1452,
33. Dorothée, 1450-1406.
34. Marc Xylocaravis, 1406
35. Nicolas.
36. Zacharie.
37. Prochore, 1523-1549.
38. Syméon, 1549.
39. Nicanor, ?-1557.
40. Païsios, 1565-1506.
41. Sophrone, 1567-1572.
42. X., élu septembre 1574.
43. Gabriel, 1586.
44. Théodule, 1588,
45. Joachim, avant 1593.

46. Gabriel, vers 1593.
47. Baarlamos, ✝ 28 mai 1598.
48. Nectaire, 1604.
49. Porphyre.
50. Athanase, 1606.
51. Nectaire, 1616-1622.
52. Métrophane, 1623.
53. David, 1624.
54. Joasaph, 1628.
55. Abraham, 1629-1634.
56. Mélèce, 1637-1644.
57. Chariton, 1644-1646.
58. Daniel, 1650.
59. Athanase, février-décembre 1653.
60. Gabriel.
61. Denys, avant 1665.
62. Arsène, avant 1668.
63. Ignace, mars 1660.
64. Zosimas, 1663-1670.
65. Panarétos, 1671.
66. Nectaire, 1673.
67. Grégoire.
68. Théophane, ?-septembre 1676.
69. Mélèce, 1676-1679.
70. Parthénios, 1679-1683.
71. Grégoire, 1683-8 mai 1688.
72. Germain, 8 mai 1688-8 août 1691.
73. Grégoire, août 1691-aoùt 1693.
74. Ignace, août 1693-juillet 1695.
75. Zosimas, juillet 1695-juin 1699.
76. Raphaël, juin 1699-1703.
77. Ignace, août 1703.
78. Denys, 1706-1707.
79. Méthode, 28 mai-Il juin 1708.
80. Zosimas, 1708-1709.
81. Denys, 1709-1714.
82. Philothée, 1714-juillet 1718.
83. Joasaph, février 1718-octobre 1745.
84. Joseph, janvier 1746-1752.
85. Denys, 1752-1757.
86. Méthode, 1757-1759.
87. Cyrille, 1759-1762.
88. Jérémie, 1763.
89. Ananias, mai 1763.
90. Arsène, 1764 ?-16 janvier 1767.

Les titulaires d’Ochrida portaient tantôt le titre d’archevêque, et tantôt celui de patriarche ; du moins, on rencontre les deux indifféremment dans les signatures, bien que le second soit d’un usage plus fréquent que le premier. H. Gelzer, op. cit., p. 176, 183. Le titre complet parait être celui-ci : « X., patriarche ou archevêque par la miséricorde de Dieu deJustiniana prima d’Ochrida et de toute la Bulgarie, de la Dacie méditerranéenne et ripuaire, de la Prévalitane, de la Dardanie, de la Mysie supérieure. » Ou bien : « X., patriarche ou archevêque de Justiniana prima d’Ochrida et de toute la Bulgarie, de la Serbie, de l’Albanie, de la deuxième Macédoine, du Pont occidental, etc. » Ces titulaires d’Ochrida attribuaient faussement l’érection de leur prélendue chaire apostolique à saint Clément, qui n’a jamais été apôtre, pas plus qu’il n’a fondé ce siège, afin de s’égaler aux quatre patriarches d’Orientetde marcher de pairaveceux. Il est vrai que jadis Byzance avait agi de même, lorsqu’elle avait reconnu pour son premier pasteur Stachys, disciple de saint André le Protoclyteou le premier apôtre appelé par Notre-Seigneur, prérogative qui lui donnait évidemment le droit de passer avant le siège de la Vieille Rome, Jbndé seulement par saint Pierre. L’élection du patriarche était faite par le saint-synode, qui se composait des métropolites et des évêques, tandis que l’élément laïque ne prenait part qu’aux acclamations. Trois candidats étaient toujours proposés, ainsi que semble le comporter la coutume de l’Eglise orthodoxe, mais des engagements étaient pris d’avance et c’était d’ordinaire le premier de la liste qui se voyait élu. A une ou deux exceptions près, l’élection a toujours eu lieu dans l’église patriarcale d’Ochrida, de même que celle des métropolites et des évêques, ce qui laisserait supposer que c’était là le lieu de réunion ordinaire pour le saint-synode. Le patriarche exerçait habituellement la présidence du saint-synode, à moins qu’il ne s’agit de pourvoir à son remplacement ; dans ce cas, c’était quelque ancien patriarche ou le protothrône qui avait droit à la préséance.

En dehors des sources déjà citées pour établir la liste des titulaires d"Ochrida, il convient dajouter, pour Héphaistos, xiixui’siècle, le Philologus, Zeitschrift fur das klassiche Alterthum, 5— vol. du supplément, Gœttingue, 1885, p. 209, 221-224 ; pour deux ou trois autres patriarches, H. Gelzer, Byzantinische Inschriften ans Westmakedonien, dans les Mitteilungen des kais. deutschen archseologischen Instituts in Alhen, 1902, t. XXVII, p. 431-444 ; pour Jean Camateros, une pièce publiée par Pavlov dans les VyzantiskijVremennik de Saint-Pétersbourg, 1897, t. IV, p. 160-166 ; pour Dorothée, 1455-1466, et Marc Xylocaravis, 1466, le Starine d’Agram, 1880, t. xii, p. 253 sq., la Byzantinische Zeitschrift, 1904, p. 199 sq., et la Revue de l’Orient chrétien, 1903, t. viii, p. 144-149 ; pour Prochore, —j— 1549, Syméon 1549, et Baarlamos, 1598, le Bulletin de l’Institut archéologique russe à Constantinople, 1899, t. iv, fasc. 3, p. 139-140 ; pour d’autres prélats du moyen âge, le précieux travail de P. Milioukof, Antiquités chrétiennes de la Macédoine occidentale (en russe), dans la même revue, 1899, t. IV, fasc. 1, p. 24-149 ; pour Prochore, Drinof, dans la Périoditchesko Spisanié (bulgare), Sofia, 1882, fasc. 3, On pourra consulter aussi Palmof, Nouvelles dates pour l’histoire de l’archevêché d’Ochrida aux xvi’, .xvw et xviir siècles (en russe), dans les Slavjanskoije Obozrênije, 1894, et l’étude bulgare de Balaschef, Les éditions, les transcriptions et l’importance du codex de l’archevêché d’Ochrida pour son histoire, dans la Périoditcheskio Spisanié, Sofia, 1898, t. xi, fasc. 55, 56, p. 183-222.

IX. L’Église bulgare sous la domination phanariote, 1767-1860. —

Dès qu’ils eurent obtenu la victoire définitive, les évêques phanariotes s’empressèrent de substituer dans la liturgie et dans l’enseignement la langue grecque à la langue slave. Dans les écoles ecclésiastiques, où l’on imposait l’étude du grec ancien, dans les écoles laïques des grands centres, où l’on expliquait Homère et Platon, dans l’entourage des métropolites comme dans celui des higoumènes et des prêtres instruits, tous les Bulgares de la classe commerçante et bourgeoise s’hellénisaient à l’envi. Il était passé de mode de rédiger la correspondance en grec ou tout au moins de se servir de l’alphabet grec pour transcrire le bulgare. Les premiers maîtres de la philologie slave, comme Dobrowsky, 1814, et Kopitar, 1815, confessaient n’avoir aucune idée de la langue bulgare et n’en avoir entendu que vaguement parler. Quand Schafarik publiait à Bude, en 1826, son Histoire des littératures slaves, il n’avait pu se procurer un seul livre bulgare et, en 1845, le voyageur russe Grigorovitch ne trouvait encore dans la ville (i’Ochrida aucun habitant qui sut lire l’alphabet slave. Il semblait que la nationalité bulgare n’existât plus ; les savants européens ne voyaient dans les pays situés entre le Danube et la mer Egée que des Hellènes ou des Ottomans. Seul, le clergé bulgare proprement dit, bien qu’il fût plongé dans la plus grossière ignorance et qu’il sût parfois à peine lire et écrire, restait fidèle à l’alphabet slavon. Les évêques avaient beau mettre une sorte de rage pieuse à détruire les monuments anciens de l’ancienne littérature bulgare, ils avaient beau brûler les manuscrits ou les jeter à la mer, il se conservait toujours, de ci ou de là, quelque vieux codex slavon, quelque vieux livre liturgique imprimé à Venise, en Serbie ou en Valachie. Peu à peu, l’Histoire slave-bulgare du peuple, des tsars et des saints bulgares, recueillie et mise en ordre par Païsii, hiéromoine du mont Athos, circulait parmi les religieux et les personnes instruites, et en dépit, peut-être même en raison des enfantillages et du chauvinisme naïf qui l’animent, elle contribuai ! puissamment à la régénération intellectuelle et morale des Bulgares. Un même ardent patriotisme, une même haine profonde pour les Grecs phanariotes circulaient à travers les pages de ses continuateurs ; puis, l’évêque Sophroni, le premier qui, à la fin du XVIIIe siècle, eût osé prêcher en bulgare, écrivait ses Mémoires, 1806, et complétait ainsi l’œuvre de Paisii. L’un avait essayé de faire revivre les gloires du passé, l’autre avait dépeint les -anglantes misères du présent ; tous deux, en définitive, avaient aidé par des moyens différents à réveiller la conscience nationale. Voir dans L. Léger, La Bulgarie, in-12, Paris, 1885, p. 81-141, la traduction française des Mémoires de Sophroni.

Cette conscienee nationale fut enfin tirée de sa torpeur dans les cinquante premières années du xixe siècle, grâce aux efforts généreux et incessants de fougueux patriotes comme Berovitch, qui inventa l’alphabet bulgare, comme Veneline, Aprilof, Palauzof et tant d’autres, qui « rappelèrent au monde, suivant la touchante épitaphe de l’un d’eux, une nation oubliée, autrefois glorieuse et puissante, et dont ils avaient ardemment souhaité la résurrection » . La renaissance littéraire germa de leurs nombreux travaux, ne tardant pas à produire la renaissance religieuse et politique. En janvier 1835, la ville de Gabrovo voyait se fonder, malgré l’opposition du métropolite Hilarion, la première école bulgare d’enseignement secondaire, et l’un de ses premiers maîtres, le moine Néophyte, écrivait dans la préface de sa grammaire ce que répètent de nos jours les instituteurs bulgares, qu’il fallait ouvrir des écoles avant de bâtir des couvents, et composer des manuels de littérature avant d’enseigner le catéchisme. Dans l’espace de six années, on vit s’ouvrir treize collèges ou lycées. Dix ans après l’ouverture de l’école de Gabrovo, on n’en comptait pas moins de cinquante-trois. En même temps, des imprimeries bulgares étaient établies à Thessalonique, 1839, à Smyrne, 1840, à Constantinople, 1843, pendant que continuaient à fonctionner toutes celles qui se trouvaient à l’étranger. Le nombre des lecteurs croissait en raison même de l’abondance des instituts pédagogiques ; certaines publications, vers 1840, ne comptaient pas moins de deux mille souscripteurs. « Ainsi, dit .lirecek, Geschichte der Bulgaren, p. 543, la régénération du peuple bulgare s’était accomplie dans l’espace d’une vie humaine. La rapidité de cette métamorphose est vraiment admirable. Au commencement du xix u siècle, on pouvait encore se demander si les Bulgares se relèveraient ; quarante ans après, il y avait partout des patriotes : négociants, instituteurs, ecclésiastiques. Des écoles nationales se fondaient dans toutes les villes, les livres bulgares se répandaient à des milliers d’exemplaires, même parmi la population rurale. Ce n’était point par la force des armes, ni par l’effusion du sang, mais par l’action pacifique du livre et de l’instituteur que s’était accomplie cette révolution capitale. » Le mouvement national avait déjà pris une telle force qu’on ne pouvait plus l’arrêter. C’est ce qu’on peut constater dès cette époque, c’est surtout ce que l’on verra au paragraphe suivant dans la lutte suprême que les Bulgares engagèrent, à partir de 1800, contre les phanariotes.

La suppression du patriarcat gréco-bulgare d’Ochrida en 1767 n’entraîna pas celle des diocèses qui lui étaient, subordonnés. Dans le bérat d’investiture que reçoit de la Sublime Porte le patriarche de Constantinople, ces éparchies étaient toujours signalées à part comme relevant d’Ochrida et elles le sont encore de nos jours. Une seule différence s’était introduite : le patriarche œcuménique avait substitué sa juridiction à celle du patriarche d’Ochrida et il était reconnu, à sa place, comme le vrai métropolitain. Dans le scliemalismus que publia en 1855 la Grande-Église, on compte encore dix métropoles qui relevaient de l’ancien patriarcat d’Ochrida, à savoir : Castoria, Stroumnitza, Belgrade ou Bérat, Grévéna, Mogléna, Dibra, Vélès, Vodéna, Corytza et Phanariopharsale. Voir Rhallis et Potlis. £jvta-)’na t « v 6e ; wv xai Eepwv y.avôvtov, t. v, p. 520. L’attribution de Pharsale est étonnante, car ce diocèse n’avait jamais appartenu à Ochrida ; quant aux autres sièges suflragants d’Ochrida qui manquent dans cette liste, comme : Pélagonia, Prespa, Sisanion, Gkora et Dyrrachium, ils lui avaient été arrachés pour obtenir un rang plus élevé.

X. Le confi.it gréco-bulgare. Création de l’exarchat, 1860-1872. — La lutte, entreprise par les Bulgares sur le terrain de l’enseignement, devait se continuer sur le terrain religieux pour aboutir enfin à l’émancipation politique, A ce point de vue, le conflit qu’on est convenu d’appeler gréco-bulgare se présente comme l’un des plus grands événements historiques du XIXe siècle, puisque, avec la résurrection d’un peuple, il amena l’effondrement d’une vieille société comme le patriarcat œcuménique. Certes ! comme l’a fort bien dit un fin connaisseur : « les documents ne manqueront pas à l’historien futur de cette émancipation religieuse : documents en turc et en français, pièces en grec et en bulgare, papiers officiels et feuilles privées, imprimés et manuscrits, lirmans, iradés, bouyouroullis, takrirs, masbatas, notes, mémoires, protestations, sommations, manifestes, encycliques, sentences patriarcales et synodales, actes conciliaires, pamphlets, » etc., Échos d’Orient, 1899, t. ii, p. 276, mais, Dieu merci, la connaissance de tous ces documents n’est pas indispensable pour se faire une idée fort juste de cette querelle, qui dura douze ans a l’état aigu et n’est pas encore terminée. Le prétexte invoqué par les Bulgares pour commencer ce conflit fut l’application du fameux hatti-humayoum, 18 février 1856, qui, tout en accordant la liberté religieuse aux raïas, supprimait en principe les revenus ecclésiastiques. Aussitôt, les plaintes des communautés bulgares affluèrent a la Sublime Porte contre leurs chefs religieux. Elles furent si vives et si nombreuses que le gouvernement turc réclama la réunion d’une assemblée nationale, composée de Grecs et de Bulgares, 1858, de façon à comprendre parmi ses membres le patriarche, 7 évêques et 38 délégués, dont 28 des provinces. Les Grecs manœuvrèrent si bien dans les élections préparatoires, qu’ils obtinrent tous les mandats, à l’exception de quatre échus aux Bulgares, et sur ces quatre délégués un seul put assister à la réunion et présenter devant tous les doléances fort légitimes de sa nation. Le coup de maître que les phanariotes s’imaginaient avoir frappé dans la séance de clôture, 16 février 1860, en repoussant, sans même les discuter, les revendications des Bulgares, allait leur retomber sur la nuque et les frapper d’autant plus fort que les rancunes de leurs adversaires étaient plus invétérées. Aussitôt des cris de malédiction s’élevèrent de tout le territoire bulgare, pendant que les protestations et les plaintes contre la cupidité et l’immoralité du clergé grec se faisaient jour dans les journaux et les brochures distribués gratuitement. Sur plusieurs points de l’empire turc, les évêques grecs furent expulsés et remplacés par des administrateurs provisoires, pendant que les But-ares de la capitale obtenaient, dans le quartier de Galata, l’église de Saint-Etienne pour accomplir les cérémonies sacrées en langue slavonne. Ce n’était pas assez. Le 3 avril 1860, le jour de Pâques, Hilarion, évoque titulaire de Macariopolis, célébrait la messe pontificalement dans cette même église et cessait, aux applaudissements de la foule, la commémoraison canonique du patriarche. Cet exemple, tombé de si haut, trouva de nombreux imitateurs ; on remplaçait parfois le nom du patriarche grec par celui du sultan, tandis qu’ailleurs on mentionnait Hilarion, le vrai chef du mouvement national. Lorsque Joachim II fut élevé au trône œcuménique, le 4 octobre 1860, en remplacement de Cyrille VII démissionnaire, les révoltés refusèrent de le reconnaître.

Le Phanar commença à s’émouvoir d’un conflit qui prenait des proportions inquiétantes. Il publia, vers la lin de 1860, une sorte d’encyclique qui, par son ton violent et le refus d’accepter le moindre compromis, devait froisser pour toujours les consciences bulgares. En termes des plus sévères et des plus injustes, Joachim II reprochait aux Bulgares : « la dissolution du lien qui les unissait aux autres peuples orthodoxes, leur séparation d’avec leurs frères spirituels, les églises usurpées, la haine contre la langue grecque, haine poussée jusqu’à la destruction des Livres saints, des excès commis par l’esprit de parti et de fratricide, des violences inouïes, la proclamation d’une autorité spirituelle autocéphale et indépendante, qu’ils voulaient inaugurer de leur propre volonté, illégitimement et contrairement à l’esprit des canons. » Hilarion, évêque titulaire de Macariopolis, et Auxence, évêque de Durazzo, étaient rendus responsables et regardés comme les fauteurs de tous ces désordres. A cette diatribe, provoquée par le mouvement d’union qui poussait alors les Bulgares vers l’Église catholique, les Bulgares répondirent par un manifeste fort détaillé. Après avoir blâmé le patriarche d’avoir réuni dans sa lettre « tout ce que le moyen âge avait pu produire de plus insensé, de plus injurieux et de plus indécent » , ils se vantaient d’avoir secoué le joug des prélats grecs, rompu toute communion avec eux et élu pour chef spirituel le très saint évêque Hilarion, qu’ils avaient installé dans leur église nationale de Constantinople. Depuis neuf mois, ils s’étaient séparés du trône œcuménique, du gré même de Dieu ; ils ne reprendraient ce joug que lorsque satisfaction complète aurait été accordée à leurs demandes par la constitution d’une hiérarchie nationale, à la fois indépendante du patriarche grec et du pape. L’excommunication et la dégradation prononcées contre Hilarion et Auxence, contre tous ceux qu’ils avaient ordonnés sans la permission canonique, fut la seule réponse du Phanar à ce manifeste. Cette grave décision, prise dans un synode auquel assistaient, en dehors de Joachim II, quatre anciens patriarches de Constantinople, les titulaires d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, et vingt et un métropolites ou évêques grecs, 4 février 1861, loin d’exercer une influence salutaire sur les dispositions des mécontents, ne fit au contraire que les aigrir davantage et les pousser à ne rien céder de leurs prétentions. On parut le comprendre au Phanar et l’on s’aperçut que l’on avait été un peu trop loin et surtout un peu trop vite. Déjà la nation s’ébranlait vers Rome ; la Bussie, inquiète de voir se constituer une nation slave catholique, qui tôt ou tard lui barrerait la route de Constantinople, pressait les Grecs de recourir à quelques concessions ; la Porte elle-même ne voyait pas de bon œil continuer une agitation religieuse qui pouvait un jour dégénérer en révolution. Toutes ces influences réunies décidèrent Joachim II à se relâcher quelque peu de sa raideur habituelle, pour offrir aux révoltés un arrangement en 15 articles, 9 mars 1861. Il leur proposait de régler à l’amiable les rapports de leur nation avec le patriarcat. Des membres du clergé bulgare seraient élus et ordonnés métropolites et évêques dans les métropoles et les évêchés purement bulgares ; une école de théologie serait établie pour leur nation ; dans toutes les écoles de la Bulgarie l’enseignement de la langue bulgare précéderait toutes les autres études ; deux métropolites bulgares seraient membres du saintsynode ; tous les offices seraient célébrés en slavon dans les métropoles et les évêchés purement bulgares, etc.

A ce règlement en 15 articles, qui ne les satisfaisait presque sur aucun point, les Bulgares en opposèrent un autre en 8 articles, que vingt-huit de leurs délégués, mars 1861, furent chargés de remettre au ministre turc compétent. Ils proposaient que, dans les circonscriptions exclusivement bulgares, on ne nommât que des évêques bulgares ; que, dans les circonscriptions mixtes, les prélats fussent élus par les fidèles à la majorité des suffrages ; que les rapports avec le patriarche n’eussent trait qu’aux affaires purement religieuses ; que le synode fût composé en nombre égal de Grecs et de Bulgares ; qu’un archevêque bulgare résidant à Constantinople servît d’intermédiaire permanent entre le clergé bulgare et le patriarcat ; qu’il fût créé dans la capitale un conseil bulgare, formé par moitié de prêtres et de laïques et auquel serait confiée la gestion des intérêts bulgares, sous la présidence d’un fonctionnaire ottoman ; enfin, qu’un membre laïque de ce conseil fût reconnu comme chef civil de la nation dans ses relations avec le gouvernement. Pour toute réponse, le Phanar, qui conservait encore la juridiction civile sur tous les orthodoxes, fit interner dans différentes villes d’Asie Mineure les trois principaux meneurs, à savoir : Hilarion, Auxence et Païsios de Philippopoli, Il mai 1861. La Porte, qui s’était montrée sévère à l’endroit de ces réclamations, finit elle-même par demander une entente : une commission de six Grecs et de six Bulgares fut nommée le 30 juillet 1862 pour examiner les huit articles. Elle n’aboutit à aucun résultat. Cet échec fut en grande partie attribué à l’opiniâtreté de Joachim II, qui avait dès le début poussé les choses à l’extrême ; il fut déposé le 21 juillet 1868 et remplacé, le 2 octobre suivant, par Sophrone III. Avec ce nouveau patriarche les négociations reprirent. Un congrès, composé de Grecs et d’évêques bulgares, se réunit le 5 mars 1864 pour examiner la charte présentée par les dissidents ; après quatre mois de délibérations, l’accord ne put encore s’établir. Devant le mauvais vouloir des phanariotes, les Bulgares résolurent de recourir à tous les moyens. Non contents de ne pas reconnaître les évêques et les prêtres choisis par le patriarcat grec, et de ne plus acquitter les taxes ecclésiastiques, ils se mirent à expulser les prélats phanariotes, comme à Viddin en 1864, à Bouslchouk en 1865, à Tirnovo en 1867, à Monastir en 1868 ; de là, des conllits incessants soit avec les autorités religieuses, soit avec les autorités civiles, qui prenaient trop souvent fait et cause pour les Grecs. L’installation de plusieurs milliers de Tcherkesses musulmans, transplantés par les Turcs du Caucase dans les contrées balkaniques, et les mille déprédations qui s’ensuivirent, jointes à des remaniements administratifs et territoriaux, aggravèrent encore cette situation, qui parut désormais intenable. Le mouvement séparatiste s’accentuait de jour en jour et s’étendait à presque tous les villages, les ecclésiastiques des deux partis en venaient aux mains pour, s’arracher le service des paroisses, et les Turcs, ellrayés de l’attitude provocante que prenait la Bussie en faveur de ses frères slaves, retusaient aux évêques grecs le concours de la force armée pour les remettre en possession des églises et des presbytères enlevés. 1 Pour remédier à tous ces troubles, les Grecs déposèrent le patriarche Sophrone III, le 16 décembre 1866, et le remplacèrent, le 22 février 1867, par Grégoire VI, qui montait pour la seconde fois sur le trône œcuménique. Ce patriarche soumit, au mois d’août 1867, un nouveau projet au grand-vizir. Il consentait à instituer un métropolitain portant le titre d’exarque de toute la Bulgarie. Mais, comme l’autorité de ce dignitaire devait être restreinte au vilayet du Danube, c’est-à-dire au territoire compris entre le Danube et les Balkans, d’un côté, la mer Noire et la Serbie, de l’autre côté, les Bulgares refusèrent à leur tour de souscrire à cet arrangement dans lequel ils voyaient un piège, tendu dans le but de leur faire reconnaître publiquement qu’il n’existait pas de Bulgarie en dehors des limites précitées. Du reste, les Turcs ne se seraient jamais prèles à la création d’un exarchat exclusivement situé en Bulgarie, qui aurait eu, selon toute vraisemblance, son siège à Tirnovo et aurait trop rappelé aux Bulgares qu’il avait existé au moyen âge un empire de ce nom. En octobre 18(58, la Porte soumit au patriarcat œcuménique deux nouveaux projets, désirant que l’on adoptât l’un ou l’autre, à moins de trouver une troisième combinaison qui pût réunir l’assentiment des deux parties. D’après ces projets, les Bulgares auraient eu le droit d’établir un métropolite dans chaque vilayet et un évêque dans chaque sandjack, mais à condition que ces évêques ne résidassent pas dans les villes où se trouvaient déjà des prélats grecs et qu’ils portassent le titre de leur résidence effective. Les Grecs resteraient soumis aux chefs spirituels de leur nationalité et les Bulgares à ceux de la leur, à moins de demande contraire. Ces derniers auraient, de plus, à Constantinople un chef ecclésiastique et un synode ; leur Eglise formerait un corps à part pour tout ce qui concerne le choix des chefs et l’administration spirituelle, etc. Au fond, les deux projets de la Porte ressemblaient, à s’y méprendre, à celui qu’avait présenté Grégoire VI, à l’exception toutefois d’une clause, qui souleva du côté du Phanar une résistance invincible : la résidence à Constantinople du chef de l’Eglise bulgare, c’est-à-dire dans la ville même du patriarche. Ce n’étaient pas cependant les Bulgares qui l’avaient réclamée ; ils tenaient trop à ce que leur chef résidât dans une de leurs anciennes capitales, soit Ochrida, soit Tirnovo, mais les Turcs, qui, sous couleur d’accorder l’autonomie d’une Église, craignaient toujours de favoriser la constitution d’une Bulgarie indépendante, ne voulaient à aucun prix d’un exarque au cœur même de la Bulgarie. En conséquence, le 28 novembre 1868, le patriarche et son synode répondirent qu’ils rejetaient les deux alternatives posées, comme contraires au dogme, à l’Évangile et au droit canonique, qu’un concile général était seul apte à résoudre la question bulgare et à décider la création d’une Eglise locale et que, quant à eux, ils avaient été jusqu’à la limite de leurs droits.

En même temps qu’il informait la Porte de cette décision, Grégoire VI adressait une lettre encyclique à tous les chefs des Églises orthodoxes pour les consulter sur l’opportunité d’un synode œcuménique. L’idée de celle réunion fut agréée par les Eglises de Jérusalem, d’Antioche, de Chypre, de Grèce et de Roumanie ; le métropolite de Belgrade se prononça en faveur des Bulgares ; quant à l’Église russe, moins indépendante du pouvoir civil, elle rejeta la proposition d’un concile, sans doute pour échappera l’alternative ou de condamner l’attitude de son gouvernement ou de rester isolée dans l’assemblée œcuménique. L’offre de Grégoire VI devenait donc irréalisable, bien que les Bulgares l’eussent acceptée avec joie et consenti à ce que leurs sept évoques se réunissent à Constantinople avec des notables pour discuter les propositions du Phanar. Alors la Porte essaya d’un arrangement direct entre les deux parties, en formant une commission de trois Grecs et de trois Bulgares, 1869j trois projets successifs du grand-vizir, Ali pacha, échouèrent contre l’opposition de l’un ou de l’autre camp. L’accord ne put en particulier s’établir au sujet de quatre points, que Grégoire VI exigeait et que les Bulgares repoussaient absolument : représentation de leur nation auprès de la Porte par le patriarche grec, nomination par ce patriarche des métropolites et des évêques bulgares, mention du nom du patriarche dans les prières « le toutes les églises, enfin cession aux Grecs de plusieurs éparchies contestées, notamment de l’iulippopoli. Du reste, Grégoire VI s’était engagé lui-même sans le consentement explicite de sa nation et lorsque, le 30 juin 1869, il annonça au synode et au conseil réunis les concessions par lui consenties, il s’ensuivit un tel orage que plusieurs membres donnèrent leur démission. En attendant, le conllit continuait et l’exaltation des esprits en Bulgarie était au plus haut point. Pour mettre fin à une agitation inquiétante par elle-même et qui, à ses yeux, faisait le compte de la diplomatie russe, le gouvernement turc décida de trancher le débat. Le 28 février 12 mars 1870, un samedi soir, Ali pacha convoquait chez lui les représentants grecs et bulgares et leur remettait un firman impérial délivré la veille, Il mars. Par ce firman, la Porte instituait un exarchat bulgare, en dehors du patriarcat œcuménique, faisant ainsi revivre les traditions anciennes et toujours si chères au cœur des Églises orientales. Elle pensait ainsi favoriser plutôt le slavisme ottoman que le panslavisme russe, l’autonomie religieuse concédée aux Bulgares devant, à son avis, déjouer les spéculations panslavistes de.Saint-Pétersbourg. Les événements survenus depuis lui ont donné en quelque sorte raison. Voici les principales clauses du iirman du Il mars : « Une juridiction spéciale formée sous le titre d’exarchat et comprenant les diocèses métropolitains et les évèchés, dont la liste suit, sera chargée de l’administration de toutes les affaires spirituelles de la communauté bulgare. L’exarque aura la présidence canonique du synode bulgare, réuni à titre permanent auprès de lui. L’exarchat sera géré d’après un règlement conforme aux canons fondamentaux de l’Eglise orthodoxe et qui sera conçu de façon à empêcher l’intervention du patriarcat œcuménique dans les affaires des moines, dans les élections des évêques et de l’exarque. Le patriarche de Constantinople délivrera à l’exarque bulgare les lettres de confirmation exigées par le rite orthodoxe. La liturgie bulgare respectera les canons et mentionnera le nom du patriarche. »

Saisi officiellement de l’acte souverain qui lui enlevait trois ou quatre millions de fidèles, Grégoire VI le déclara anti-canonique et attentatoire aux privilèges et aux immunités du siège œcuménique. Il insista de nouveau sur la nécessité de réunir un « concile œcuménique, seule autorité compétente à émettre une décision valable et obligatoire pour les deux parties » . Ali pacha répliqua par une lettre du 28 mars, dans laquelle, tout en justifiant la conduite de son gouvernement, il jugeait inutile de soumettre le cas à de nouvelles délibérations. Déjà, l’autorité turque se voyait obligée de recourir à la force pour faire accepter aux Bulgares les métropolites et les prêtres grecs, dont ils ne voulaient à aucun prix ; cet état de choses avait trop duré, la Porte ne pouvait se mettre plus longtemps en opposition avec les principes de haute protection qu’elle accordait à tous ses sujets. A cette lettre, Grégoire VI répondit par une nouvelle protestation contre les mots A’Église bulgare, l’Église n’ayant.jamais reconnu de nationalités dans son sein ; contre l’intervention du pouvoir civil, incompétent en matière religieuse ; contre la reconnaissance d’une seconde Eglise orthodoxe dans la Turquie d’Europe, tous les orthodoxes devant, sans distinction de race, dépendre du patriarcat œcuménique ; puis, après avoir refusé d’accepter une solution contraire aux droits et aux privilèges de l’Église, il insista « mit la convocation d’un concile œcuménique, priant le gouvernement impérial de vouloir bien revêtir cette demande de sa sanction souveraine » . La Porte n’ayant tenu aucun compte de cette réclamation, le patriarche, par une résolution énergique qui l’honore, donna dignement sa démission, 22 juin 1870. Sous Anthime VI, successeur de Grégoire VI, 17 septembre 1870, des tentatives pour un rapprochement direct furent reprises, mais toujours sans succès. Le slulti quo aurait pu se prolonger de longues années sans un incident qui mit le feu aux poudres. Le jour de l’Epiphanie, G 18 janvier 187-2, trois évêques bulgares, poussés par leurs nationaux, se décidèrent à célébrer pontificalement dans leur église de Galata, malgré la défense du patriarche grec ; quelques jours après, sur la demande du Phanar, ils étaient exilés à Ismidt et la Porte interdisait la célébration des offices dans l’église bulgare de Constantinople, pendant que le patriarche excommuniait nommément les coupables. Le triomphe des Grecs ne dura guère qu’une semaine. Les émeutes soulevées par les Bulgares forcèrent les Turcs à ramener les exilés à Constantinople sur un vaisseau de guerre, presque en triomphe, et la Porte sommait ensuite le patriarcat d’exécuter le lirman impérial du Il mars 1870 dans les vingt-quatre heures. L’assemblée grecque avant répondu par des propositions inacceptables, le grandvizir riposta : « Attendu que le patriarcat fait tout ce qu’il peut pour amener une séparation entre le peuple grec et le peuple bulgare, le firman impérial est mis à exécution et l’exarchat bulgare est établi. Toute la responsabilité retombe sur le patriarcat, qui a poussé les choses à ce point. »

Munie de l’autorisation requise pour élire l’exarque, l’Assemblée nationale bulgare porta, dès le premier tour de scrutin, ses voix sur Hilarion, le premier champion de l’indépendance religieuse, 23 février 1872 ; mais, comme celui-ci était personnellement excommunié, pour ne pas pousser les choses à bout, il donna sa démission le 28 février et on élut à sa place Anthime, évêque de Viddin. A la suite de ce choix, le patriarche Anthime VI informait le grand-vizir qu’il ne pouvait pas reconnaître l’élection de l’exarque, que tout acte de sa part serait considéré par lui comme anti-canonique et illégal, et qu’il se réservait l’usage des mesures ecclésiastiques employées en semblable occurrence. La Porte se contenta de promulguer un iradé qui sanctionnait l’élection de l’exarque Anthime. Celui-ci ne tarda pas, d’ailleurs, à se rendre à Constantinople, où il fut reçu comme un triomphateur. Admis en audience par le sultan, il essaya à trois reprises d’avoir une entrevue avec Anthime VI, mais en vain ; il lui demanda alors l’autorisation de célébrer le jour de Pâques et n’en obtint aucune réponse, 16 avril 1872. Il s’abstint néanmoins de toute cérémonie ecclésiastique jusqu’au 23 mai 1872, fête des saints Cyrille et Méthode, les apôtres des Slaves, où il officia pontificalementet donna, à la fin de la cérémonie, lecture d’un acte qui proclamait l’autonomie religieuse des Bulgares.

Cette fois-ci, la séparation hiérarchique était bien consommée. A ce défi, le Phanar répondit par l’injonction d’avoir à se soumettre dans le délai de trente jours et la convocation d’un concile. Celui-ci fut tenu à Constantinople, « dans l’église patriarcale du glorieux martyr saint Georges le Victorieux… pendant les mois d’août et de septembre (v. s.) de l’an de grâce 1872. » En somme, ce prétendu concile des Églises orthodoxes ne peut à aucun titre jouir de l’œcuménicité. En effet, il ne comptait que le patriarche de Constantinople, Anthime VI, trois de ses prédécesseurs, Sophrone, patriarche d’Alexandrie, Hiérothée, patriarche d’Anlioche, Sophrone, archevêque de Chypre, enfin 25 métropolites ou évêques du patriarcat œcuménique. Le patriarche de Jérusalem, Cyrille, qui se trouvait à Constantinople, refusa de comparaître et s’embarqua précipitamment pour la Palestine, afin de ne pas tremper dans ce forfait. De plus, on n’avait adressé aucune invitation régulièreaux Églises serbe, roumaine et monténégrine, qui faisaient encore partie de l’empire ottoman, pas plus qu’aux Églises autocéphales de Saint-Pétersbourg, d’Athènes, de Carlovitz, de Sibiou et de Tchernovitz. Le concile eut beau, durant les trois séances plénières officielles des 10, 24 et 28 septembre 1872, prononcer l’excommunication contre les Bulgares et déclarer foncièrement schismatiques les adeptes du pltylélisme, c’est-à-dire du nationalisme, ses décisions ne furent aucunement reconnues et approuvées par les autres Églises autocéphales. A part l’Église du royaume hellénique, trop intéressée à suivre ses compatriotes, les autres se retranchèrent derrière le silence ou opposèrent un refus formel. Les évêques et les métropolites du patriarcat d’Antioche, réunis à Beyrouth, désavouèrent publiquement leur patriarche et manifestèrent que leur Église se séparait sur ce point de son pasteur. Le patriarche de Jérusalem fit la sourde oreille à toutes les ouvertures du Phanar, l’Église roumaine n’adhéra pas à la sentence, l’Église russe exprima un blâme public au concile, et le métropolite serbe, Michel, déclara qu’il ne pouvait rompre les liens communs de la foi, de la race et de la langue, qui unissaient sa nation à celle des Bulgares. Le patriarcat œcuménique, une fois encore, se trouvait donc isolé ; sa précipitation avait causé sa perte, son entêtement causera sa ruine. Depuis plus de trente ans les Bulgares sont déclarés schismatiques, sans que cette condamnation leur ait apporté le moindre préjudice. Tout au contraire, ce fossé creusé entre eux et les Grecs leur a permis de reconnaître plus facilement leurs compatriotes et de se livrer à cette propagande active, qui, en trente ans, a décuplé leurs forces. Du reste, la raison alléguée pour cette condamnation, sous le nom spécieux de phylétisme, ne cache qu’un motif d’intérêt national. Sur quelles preuves théologiques les Grecs peuvent-ils baser leur sentence d’excommunication contre les Bulgares ? Sur aucune. Le patriarcat bulgare d’Ochrida, celui de Tirnovo, s’étaient constitués d’une manière canonique par l’approbation du pape et du patriarche grec de Constantinople ; leur suppression n’était due qu’à l’intrigue et à la rapacité des Grecs, toujours portés à confondre l’orthodoxie avec l’hellénisme. Ce que les Grecs avaient détruit en 1393 et en 1767, à Tirnovo et à Ochrida, avec l’appui avéré des Turcs, les Bulgares, en 1870, avec l’aide de ces mêmes Turcs, étaient parfaitement en droit de le reconstruire.

XI. La période contemporaine, 1872-1903. —

Le 10e article du firman du Il mars 1870 soumettait à l’exarchat bulgare les quatorze métropoles suivantes : Boustchouk, Silistrie, Choumla, Tirnovo, Sofia, Vratza, Loftcha, Viddin, Nisch, Nyssava ou Pirot, Kustendil, Samakof, Vélès et Varna, sauf les localités dont la population n’était point bulgare. Pour les détails, voir les Échos d’Orient, 1899, t. ii, p. 278. En plus de ces régions données en bloc et sans retard, l’acte du sultan Abd-ul-Aziz promettait à l’exarchat tous les districts et toutes les localités, dont les deux tiers au moins de la population orthodoxe demanderaient à se détacher du patriarcat. Il y avait là pour l’avenir une superbe occasion d’agrandissement. Fécondée par le travail de la propagande, la promesse d’Abd-ul-Aziz devait permettre un jour de mettre la main sur la majeure partie de la Boumélie turque. C’est vraiment à partir du 23 mai 1872 qu’Anlhime de Viddin inaugura ses fonctions d’exarque. Peu après, il sacrait Dosithée métropolite de Samokof, nommait Hilarion de Macariopolis métropolite de Tirnovo ; ce fut ensuite le tour de Victor pour Nyssava, Syméon pour Prestav, Grégoire pour Silistrie. Les bérats furent accordés par la Porte à ces prélats, bien qu’il y eut encore des évêques grecs dans leurs diocèses. La proclamation solennelle du schisme prononcée par le Phanar obligeait ensuite Anthime à adresser une encyclique à tous les fidèles bulgares, pour les engager à ne pas s’effrayer de cette peine canonique, absolument sans portée sur eux, du moment qu’ils restaient dans l’Église orthodoxe. A la même occasion, l’exarque adressait une note conçue dans le même sens à toutes les Églises autocéphales, pour leur faire connaître la décision du peuple bulgare de rester orthodoxe, envers et contre tous.

Cependant, le patriarcat œcuménique aurait voulu que le sultan introduisit le mot de schismatique dans le firman d’investiture accordé à l’exarque et dans les bérats concédés aux métropolites bulgares ; de môme, il mit tout en œuvre pour qu’on obligeât les popes bulgares à modifier leur costume, de façon qu’on pût facilement les distinguer des papas grecs et arrêter ainsi leur propagande. Peut-être la Porte aurait-elle cédé sans les résistances invincibles de l’exarque, de la presse et du peuple bulgares ; du moins, elle ne donna les bérats qu’avec difficulté et rien que pour un petit nombre de diocèses. La lutte s’engagea surtout dans les éparcliies qui possédaient encore des évêques grecs et dont la majorité de la population était cependant bulgare. Comme le Phanar et la Porte se refusaient à retirer les despotes grecs, l’exarque passa par-dessus cette opposition et, en novembre 1873, de sa propre initiative, il envoyait des évêques bulgares dans ces diocèses, entre autres à Andrinople et à Salonique. Le patriarcat œcuménique adressa une protestation énergique à la Porte, qui exigea le rappel immédiat de ces prélats. L’évéque d’Andrinople se soumit et revint se fixer à Orta-Keuï ; celui de Salonique, qui avait établi sa résidence à Koukouch, résista et se fit catholique avec une bonne partie de ses diocésains.

Les nombreux changements de ministère qui caractérisent cette période de l’histoire turque amenaient des revirements subits de l’opinion soit en faveur des Grecs, soit en faveur des Bulgares. Sous le gouvernement de Réchid pacha, ces derniers obtinrent un synode et un conseil mixte pour régler les all’aires ecclésiastiques, avec résidence à Orta-Keuï ; peu après, ils recevaient des bérats pour les diocèses d’Uskub et d’Ochrida en Macédoine, 1872. Il est vrai que, pendant les troubles de 1876 et 1877, les évêques de ces deux diocèses, ainsi que celui de Vélès, durent se réfugier en Bulgarie et furent ensuite remplacés par des Grecs ; mais le droit des Bulgares n’en avait pas moins été formellement reconnu, et c’est ce droit que la Porte a très justement remis en vigueur au mois d’août 1890. Le nouveau patriarche grec, Joachim II, 1873-1878, désirait une entente, mais une entente qui ne froisserait en rien les décisions du grand concile de 1872 ; de son coté, l’exarque Anthime cherchait un terrain de conciliation, mais de manière à ne pas léser les intérêts de ses fidèles. Il y eut ainsi des pourparlers et des négociations jusqu’en 1876, où les événements politiques portèrent l’attention d’un autre côté. De tous les États subjugués en Europe par les musulmans, la Bulgarie avait été la plus complètement asservie. Plus rapprochée du siège du gouvernement, elle avait dû se plier à la fois sous le joug féodal, politique et religieux, des spahis, des pachas et du clergé phanariote. Certes ! en 1876, le Bulgare professait plus ouvertement son cujte, il n’était plus dépouillé de son bien et privé de sa liberté aussi arbitrairement qu’autrefois, mais sa sécurité, comme sa fortune, dépendaient toujours de l’honnêteté personnelle des pachas ; c’est assez dire que l’une et l’autre étaient fort compromises. Au mois de mai 1876, un mouvement insurrectionnel se produisit aux environs de Philippopoli ; aussitôt le gouvernement turc organisa une répression sanglante. Des villages entiers turent détruits avec leur population, sans distinction d’âge ni de sexe, par les Tcherkesses et les bachibouzouks. Livrés à la férocité de ces brigands, quinze à vingt mille chrétiens au moins périrent dans ce terrible drame. Il s’ensuivit une telle commotion dans les provinces balkaniques, qui étaient toutes travaillées par une lièvre d’indépendance, que la guerre éclata entre la liussie, leur protectrice naturelle, et la Turquie, 1877. La Turquie fui vaincue et contrainte d’accepter, le 3 mars 1878, à San-Stéfano, à 15 kilomètres de Constantinople, un traité onéreux, qui constituait à ses dépens la Grande-Bulgarie. Cette principauté bulgare, soumise encore a la suzeraineté du sultan, s’étendait de la mer Noire aux montagnes de l’Albanie, ei du Danube à la mer Egée, en englobant presque toute la Macédoine. Ce ne fui qu’un rêve. La conférence de Berlin, réunie quelques mois après, 13 juin-13 juillet 1878, révisait et détruisait en partie les décisions de San-Stéfano. Au lieu d’une Grande-Bulgarie, qui comprenait 163965 kilomètres carrés, on eut : une principauté bulgare, qui n’avait que 64390 kilomètres carrés ; une province autonome, la Boumélie orientale, comprise entre les Balkans, le Bhodope et la mer Noire, et placée sous l’autorité d’un gouverneur général chrétien, nommé pour cinq ans par la Porte avec l’assentiment des puissances ; enfin, deux provinces, la Macédoine et une partie de la Thrace, qui firent retour à la Turquie et n’obtinrent d’autres avantages que la stipulation de réformes administratives. L’exarchat bulgare sortit quelque peu diminué du traité de Berlin. En elfet, par suite du concours donné aux armées russes, la Serbie étendait sa juridiction sur la presque totalité des vieilles éparchies phanariotes, dont Nisch et Pirot formaient auparavant le centre sous les noms grécisés de Nyssa et de Nyssava, pendant que la Roumanie, en recevant la Dobroudja, s’incorporait des cantons qui appartenaient en 1870 aux métropoles grecques de Silistrie et de Varna. Durant la guerre russo-turque et les « atrocités bulgares » qui la précédèrent, la position de l’exarque Anthime devint des plus difficiles. Malgré l’animosité et l’hostilité plus ou moins ouverte que lui témoignait le gouvernement turc, il ne cessa un instant d’intercéder pour les victimes. Il se compromit même à ce point que le patriarche arménien-catholique, Mo 1 Hassoun, lui recommanda plus de prudence, afin de ne pas encourir le même sort que le patriarche grec, Grégoire V. « Qu’il en soit plutôt ainsi ! reprit Mo r Anthime. C’est le martyre de Grégoire V qui a fondé l’indépendance de la Grèce. Puisse mon sang obtenir la délivrance de ma patrie ! » Son souhait allait en partie se réaliser. A force d’exciter la Porte contre l’exarque, de lui mettre sous les yeux et de lui rappeler la conduite ambiguë de ce dernier, les Grecs et même quelques Bulgares vendus au patriarcat œcuménique finirent par obtenir la déposition et l’exil de Ma r Anthime dans un coin de l’Asie Mineure. Cet exil se prolongea jusqu’après la guerre russo-turque, où le prince russe Nicolas lui obtint la (acuité de regagner son éparchie de Viddin. Il y resta jusqu’à sa mort, 1888, après avoir pris une grande part dans l’administration des affaires ecclésiastiques de son pays. Le premier exarque une lois déposé, on lui donna comme successeur, le 4 mai 1877, Mb » Joseph, évêque de Loftcha, qui se trouve encore aujourd’hui à la tête de l’Eglise bulgare. Né en 1810 et élève des lazaristes au collège de Bébek, près de Constantinople, le futur exarque alla étudier le droit à Paris. Il devint ensuite fonctionnaire turc, premier secrétaire du synode et du conseil mixte exarchal, moine en 1872, protosyncelle de l’exarchat et administrateur de Pévêché de Viddin. Au mois de février 1876, il était sacré métropolite de Loftcha, puis désigné comme successeur de Ma* Anthime, tout en gardant son premier titre épiscopal. ha suspicion que portail la Porte à tout ce qui était bulgare ne permit pas au nouvel exarque de rejoindre son posle a Orta-Keuï. Fixé à Philippopoli, la capitale de la Boumélie orientale, il dut attendre qu’il plût à Abd-ulllainid II de le rappeler à Constantinople et profila de ce repos lorcé pour établir sa juridiction sur la Bulgarie et sur la Roumélie autonome. La situation de l’Église bulgare dans les provinces qui relevaient encore de la. Poi’te fut des plus critiques pendant cette période. Pas un évêque ne pouvait habiter la Thrace et la Macédoine, les métropolites d’Uskub, de Vélès et d’Ochrida s’étant réfugiés en Bulgarie des le début des troubles et ne se souciant guère de revenir dans leurs diocèses. Leur pouvoir passa naturellement aux évêques grées de l’endroit, pendant que leur absence facilitait la propagande des uniates et des missionnaires protestants. A ces motifs d’Ordre religieux s’en joignait un autre d’ordre politique. Les musulmans qui habitaient la principauté indépendante quittaient en foule cette terre tombée entre les mains des chrétiens pour se réfugier sur le territoire du padischah, et là, ils rendaient au centuple aux malheureux Bulgares les avanies et les spolations qu’ils croyaient avoir souffertes de la part de leurs compatriotes.

Voyant son activité presque liée en Turquie, ne pouvant rien pour ses prêtres et impuissant à adoucir l’infortune de son peuple, l’exarque Joseph s’occupa de réparer dans la Roumélie orientale les ruines qu’avait accumulées la guerre et à parer à tous les besoins qu’avait créés une situation nouvelle. Il organisa l’Église en cette province sur les bases d’un règlement organique, améliora la position du clergé et s’eiïorça de la rendre compatible avec les conditions politiques de cette contrée, qui voulait à tout prix opérer son union avec la Bulgarie. Le 10, 22 février 1879 se réunit à Tirnovo la première assemblée des notables bulgares. Ce fut M3 r Anthime, le premier exarque, qui présida la commission chargée d’élaborer la constitution, de même que ce fut lui qui présida la séance dans laquelle Alexandre de Battemberg fut élu prince de Bulgarie sous le nom d’Alexandre I er, 29 avril 1879. Le clergé bulgare, dont les hauts représentants siégeaient de droit à la Chambre, pouvait s’attendre à ce que ses patriotiques services lui méritassent quelque faveur signalée ; il n’en fut rien. Loin de rencontrer auprès de l’autorité civile l’appui qu’il escomptait, il se heurta à toutes sortes de difficultés de la part du gouvernement. Celui-ci ne manquait pas une occasion de s’immiscer dans les allaires de l’Église, s’efforçait de lui donner une direction contraire à ses lois, ne voulait insérer dans la constitution aucune clause de faveur pour la religion orthodoxe, et surtout veillait à ce que l’exarque ne s’établit ni à Solia, ni à Philippopoli, de peur que la liberté des ministres fût entravée par sa présence. Un premier conflit éclata dès 1879. Le gouvernement aurait désiré que l’exarque s’entendit avec la Porte au sujet des droits que possédaient les métropolites de Samokof et de lvustendil sur les portions de leurs diocèses rendues à la Turquie par le traité de Berlin. Mo r Joseph, trouvant la question inopportune, refusa de s’en occuper. De là, une inimitié chaque jour croissante et qui linit par se traduire, du côté du gouvernement, par toute une série de mesures contre le haut clergé. Le traitement des évêques fut réduit par la Chambre des députés ; au lieu de 200000’francs, l’exarque n’en reçut plus que 5C000, qui, en fait, se bornèrent à 30000. En même temps, étaient introduites dans le règlement organique de telles modifications que le haut clergé protesta. Alors le ministre Zankof, sans demander la moindre approbation à personne, élabora des règles provisoires et pria tous les évêques de les mettre à exécution, jusqu’à ce qu’un accord fût établi entre eux et le gouvernement. Cette prétention ridicule se heurta contre un relus énergique et la crise religieuse, ouverte par cet abus de pouvoir, ne se lerma qu’en 1883, où Stoïlof, sous le ministère conservateur Sobolet, permit de promulguer un nouveau règlement organique.

Le 18 septembre 1885, la Roumélie orientale annonçait son union avec la principauté de Bulgarie et le 20, dans une proclamation datée de Tirnovo, Alexandre I er prenait le titre de prince de la Bulgarie du Nord et du Sud. Cette révolution, prévue depuis longtemps et accomplie d’une manière toute pacifique, semblait, en apportant 35000 kilomètres carrés de plus à la Bulgarie, rompre en sa faveur l’équilibre des principautés balkaniques. La Serbie déclara la guerre à la Bulgarie le 14 novembre 1885 ; elle fut battue et le traité de paix, signé à Bucarest, 3 mars 1886, laissa la Boumélie orientale aux Bulgares, mais sans leur accorder aucune indemnité de guerre. Cet acte d’émancipation des Bulgares leur valut l’hostilité du tsar Alexandre III. La Russie, qui aurait voulu tenir en tutelle sa jeune sœur slave le plus longtemps possible, avait rappelé immédiatement ses officiers et c’est avec sa complicité tacite, sinon avouée, que, dans la nuit du 20 au 21 août 1886, une conspiration militaire éclatait à Sofia et forçait le prince Alexandre I er à abdiquer. Rappelé quelques jours après par les vœux unanimes de la nation, Alexandre I er dut renoncer définitivement au trône le 7 septembre de la même année, pour ne pas envenimer inutilement les rapports déjà fort tendus entre la Bulgarie et la Russie. Une régence, composée de ses amis et dans laquelle le rude Stamboulof jouait le premier rôle, prit en main les affaires de l’État ; elle parvint à réprimer le mouvement russophile, suscité par le clergé et qui emportait la Bulgarie loin de ses destinées, et, après des péripéties inouïes, elle fit élire par le Sobranié, le 7 juillet 1887, Ferdinand de Saxe-Cobourg comme prince de la Bulgarie. Celui-ci eut le courage, malgré les difficultés de la situation intérieure et l’opposition de l’Europe, d’accepter le titre qui lui était offert et il prit possession du trône princier le 14 août 1887. Stamboulof eut la présidence du ministère et il la garda jusqu’au mois de mai 1894. Ce fut une terrible dictature, dirigée surtout contre le haut clergé qui, par l’intermédiaire de Ma 1’Clément, métropolite de Tirnovo, avait travaillé au renversement d’Alexandre I er et qui aujourd’hui prêchait l’insubordination contre le nouveau prince et contre ses ministres. Plusieurs évêques, Clément à leur tête, refusaient de nommer Ferdinand I er dans les prières publiques, sous prétexte qu’il était catholique ; ils furent l’objet de mesures de rigueur et le chef des rebelles, Ma 1’Clément, fut destitué, 1887, et interné dans un couvent. En janvier 1889, les métropolites de Vratsa, Tirnovo et Varna réunirent le synode à Sofia, après s’être abstenus à leur arrivée de saluer le prince et ses ministres ; ils furent expulsés de vive force durant la nuit et le saint-synode resta suppriméjusqu’en 1894. L’exarque ayant encouragé sous main cette résistance du clergé, Stamboulof songea un moment à destituer tous les prélats récalcitrants et à séparer les évêques restés fidèles au prince de l’exarchat de Constantinople. Mais où cette opposition se fit jour, ce fut surtout à l’occasion du mariage du prince. Bien que, d’après l’article 38 de la constitution, le prince dût appartenir à la religion orthodoxe, Ferdinand était resté catholique. Fiancé à Marie-Louise de Bourbon, duchesse de Parme, il désirait que ses enfants fussent élevés dans la religion catholique. Stamboulof se chargea, malgré les intrigues de la Russie, d’obtenir des Bulgares ce sacrifice, qui leur paraissait impossible ; la revision de la constitution fut votée à la presque unanimité par le Sobranié, décembre 1892, puis par la grande Assemblée nationale, 27 mai 1893. Le 20 avril 1893, le mariage du prince était bénit à Villa Pianore, en Italie, par l’archevêque de Lucques, et Ferdinand I er exprimait dans un télégramme au pape Léon XIII toute sa joie de fonder en Bulgarie une dynastie catholique. Le 30 janvier 1894 naissait le prince Boris, qui recevait le baptême, le 4 février suivant, des mains de Ms r Menini, archevêque catholique de Philippo"poli. Des protestations s’élevèrent contre la conduite du prince et des ministres, soit de la part de l’exarque, soit de la part des métropolites. Stamboulof n’en eut cure ; il fit même, en février et mars 189 i, traduire devant le tribunal et condamner à trois ans de prison Ma r Clément pour ses intempérances de langage contre le prince.

La démission du terrible ministre, 30 mai 1891, permit à l’Église bulgare orthodoxe de respirer plus librement. Aux premiers jours de juillet 1895, nous trouvons Ma r Clément en Russie, à la tête d’une députation bulgare, et conjurant le tsar Nicolas II de « pardonner à la principauté l’ingrate conduite qu’elle avait tenue vis-à-vis de ses libérateurs » . Ce pardon fut accordé bénévolement, au prix d’une apostasie. Le 2/14 février 1896, Ferdinand, 1217 BULGARIE 1918

pour donner salisfaction aux orthodoxes, consentait à ce que son fils, le prince héritier Boris, recût solennellement la confirmation des mains de l’exarque Joseph, en présence de tous les mrétropolites bulsares et d’un envoyé spécial de la Russie. Le 14 mars suivant, un firman d’Abd-ul-Hamid II contirmait le prince l’erdinand et le nominait gouverneur général de la Roumélie orientale. Les puissances européennes le reconnurent aussitôt. Tout fut dés lors, duins le monde ofliciel, à la russification de l’Église bulsare. Pour complaire à la Russie, le prince avait méme accepté en 1896 un arrangement, conforme peut-étrc à ses intérèts dynastiques, mais contraire à coup sûr aux intérèts de la nation. Le schisme bulgare disparaissait et les Bulgares avec leur exarque rentraient sous l’obedience du patriarcat œcuménique. Dans ce but, l’exarque quittait Constantinople et venait s’installer à Sofia, où il était reconnu par le Phanar comme chef de l’Église orthodoxe bulgare dans les limites de la principauté et de la Roumélie orientale, au même titre que sont reconnus Îles autres chefs des Eglises orthodoxes. On n’oubliait qu’un point : les diocèses slaves si péniblement arrachés à l’hellénisme en Macédoine. L’exarque refusa cet arrangement et, comme le prince se permit d’insister plus que de raison, Mor Joseph lui répondit : « Voire Altesse semble ignorer que nous connaissons le chemin de Rome. » Le compromis proposé par la Russie ἃ été repris derniérement sur d’autres bases avec des clauses spéciales pour les diocèses bulgares de Mactdoine, mais ce projet, qui froisse les Grecs autant que les Bulsares, n’a aucune chance d’aboutir ni au Phanar ni à Orta-Keuï. Du reste, les stamboulovistes, qui viennent de remonter au pouvoir, nourrissent une haine trop vive contre les Russes pour favoriser l1 moindre de leurs prétentions.

La politique de Stunboulof, si dure pour l’Église orthodoxe dans la principauté bulgare, lui permit de se développer librement en Macédoine et en Thrace. A la suite de la guerre russo-turque, le sultan n’avait pas caché ses mauvaises dispositions à l’égard des Bulgares, qu’il abandonnaïit aux rancunes de leurs rivaux, Grecs, Serbes et Valaques ; puis, grâce à la diplomatie de l’exarque, les rapports affectueux s’étaient renoués. En 1880, deux évêques se rendaient en Macédoine et les bérats allaient être délivrés pour les diocèses d’Uskub et d’Ochrida, quand la révolution roumnéliote, 1885, revint meltre les affaires en suspens. Les deux métropolites retournèrent à Constantinople, d’où ils gouvernérent leurs diocèses par des administrateurs. Au mois d’août 1890, la Porte cédait aux demandes de Stamboulof, partisan d’une entente cordiale avec la Turquie, et remettait à l’exarque les bérats d’Ochrida et d’Uskub. Voir le texte du bérat d’Ochrida dans V. Bérard, La Turquie et l’hellènisme contemporain, 3 édit., Paris, 4897, p. 296-300. En 1894, peu aprés la chute de Stamboulof, les métropolites de Vélés et de Névrocop obtenaient la même faveur. À la suite de la guerre grécoturque, fin 1897, trois nouveaux bérats élaient accordés aux métropolites de Bitolia ou Monastir, de Stroumnitza et de Dibra. Cette augmentalion des sièges épiscopaux coincidait avec un accroissement remarquable des écoles. Depuis, l’agitaÿon mactdonienne, les massacres, l’occupation militaire par les Turcs de presque tous les villages de Thrace et de Macédoine, en arrétant la propagande bulgare, ont favorisé le développement des Grecs, des Serbes, des Albanais et des Roumains. Quelle que soit l’issue de cette funeste agitation, la cause bulgare n’est pas complétement compromise et l’exarchat régnera sans doute un jour en maitre sur presque toute cetle contrée.

L’histoire politique de la jeune principauté de Bulgarie est tellement mélée à son histoire religieuse qu’il est utile de connaitre les principaux ouvrages parus sur la question. On peut consulter À. Dumont, Le Balkan et l’Adriatique, 2 édit., in-12, Paris, 1874. P. 61-159 ; Cyrille (A. d’Avril, Voyage sentimental dans les pays slaves, in-12, Paris, 1876, p. 63-200 : Ed. Engelhardt, La Turquie et le Tanzimat, ou histoire des réformes de l’empire ottoman depuis 1826 jusqu’à nos jours, 2 in-8°, Paris, 1884, passim ; Pypine, Histoire des littératures slaves, trad. par Denis, in-8°, Paris, 1581 : A. Drandar, Le prince Alexandre de Battemberg en Bulgarie, in-8°, Paris, 1884 : 1d., Les événements politiques en Bulgarie depuis 1876 jusqu’au nos jours, in-8, Paris, 1896 ; Anonyme, Les causes occultes de la question bulgare, in-8°, Paris, 1887 : G. Fillion, Entre Slaves (traite surtout de l’union de la Roumélie avec la Bulgarie et de la guerre serbobulgare), in-12, Paris, 1841 ; H. Beaman, Stambuloff, in-8°, Londres, 1K95 : De Pimodan, De Goritz à Sojia, in-&, Paris, 4593 ; A. d’Avril, Négociations relatives au trailé de Berlin, in-8°, Paris, 1886 ; Un diplomate (A. d’Avril), Les Bulgares, Paris, 4894 ; J. Krdic, En Bulgarie et en Roumélie en 1884, in-42, Paris, 1845 ; L. Léger, La Bulgarie, in-12, Paris, 1885, Lamouche, La Bulgarie dans le passé et dans le présent, in-12, Paris, 1892 ; La péninsule balkanique, Paris, 1899 ; Kanitz, Donau-Bulgarien und der PRatkan, 3 vol., Leipzig, 1876 ; C. Jirecek, Das Fürstenthiuin Biulgarien, in-8°, Prague, 1891, p. 301256, B. von Sydacoff, Bulgurien und der bulgarische Fürstenhoꝟ. 2° édit., in-B*, Berlin et Leipzig, 1890 : À. Durastel, Annuaire international de la Bulgarie (français-Lulgare), in-8°, Sofia, 1898 ; on trouvera dans cet ouvrage le texte du traité préliminaire de San-Stéfano, du traité de Berlin, et de la constitution qui régit actuellement la principauté, p. 9-68, avec le firman du Il mars 1870 relatif à la création de l’exarchat, p. 714-317 ; L. Dupuy-Péyou, La Bulgarie aux Bulgares, in-8&, Paris, 1895 : A. Rambaud, Histoire de la Russie depuis les origines jusqu’à nos jours, 4 : édit., in-12, Paris, 1893, p. 712-739, 782-802 ; Lavisse et Rambaud, Histoire générale du rv° siècle à nus jours, Paris, 1901, t. XI, p. 426-439, 459-478. On peut voir une bibliographie politique et ethnographique plus complète dans Lamouche, La Bulgarie, 4892, p. xVII-XIX, et surtout dans A. Durastel, op. cit., p. 755-759.

Sur le conflit gréco-bulgare qui précéda ct suivit la création de l’exarchat, il existe une infnité de brochures, parues en grec, cn bulgare et en français. Les citer toutes serait renouveler inutilement les travaux d’Hercule ; il importe néanmoins d’en constituer un dossier, afin de faciliter les recherches à celui que tenterait jamais l’histoire de ce différend qui reste toujours à écrire en notre langue : Ἡ Βουλγαροσλαβική συμμορία καὶ ἡ τριανδία αὐτῆς, πραγματεία συγγραφεῖσα μετὰ πλείστης ἐπιμελείας παρὰ Γεωργίου Τσουκαλᾶ τοῦ Ζακυνθίου, in-8o, Constantinople, 1859 ; Μετάφρασις ἐκ τοῦ Βουλγαρικοῦ, ἀπὰντησις εἰς τὸν λόγον τοῦ κ. Σ. Καραθεοδωρῆ, in-4°, 1860 ; Les Bulgares et le haut clergé grec, trad. du bulgare (maniteste des Bulgares de Constantinople contre le patriarche œcuménique et le clergé phanariote) en date du 15/27 avril 1860 : Les Bulgares et le patriarche œcuménique, in-&, Constantinople, 1861, manifeste dirigé contre le Plhanar, la Russie et surtout les lazaristes ; Circulaire patriarcale de Joachim 11, en grec et en bulgare, datée du 25 fevrier, 9 mars 1561, in-8°, 15-16 pages ; Ἢ cuvi, τῆς ἀλυ θείας, par un chrétien orthodoxe (en grec et en bulgare), Constantinople, 1801 ; La question bulgare et la propagande romaine, une voix de l’Orient, par P. S.(en grec et en français), in-&, Athènes, 1861 ; Soubiranne, Les Bulgares, les Grecs, les Arméniens, Paris, 1862 ; Actes relatifs à l’Église bulgare, extrait de la Revue de l’Orient, de l’Algérie et des colonies, in-8°, Paris, 1863 ; G. Lazopoulos, Ὁ χριστινισμὸς τῶν Βουλγάρων κατᾶ τὸν θ’αἰῶνα, ἡ ἕνωσις αὐτῶν μετὰ τῆς ἀνατολικὴν ὀρθόδοξον Ἐκκλησίανη, καὶ τὶς ἡ σχισματικῆ Ἐκκλαησία, Constantinople, 1863 ; Ὁ βουλγαρισμὸς πρὸ τοῦ ἱστορικοῦ, τοῦ ἐθνοπολιτικοῦ καὶ τοῦ ἐκκλησιαστικοῦ βήματος, par E., in-8°, Constantinople, 1864 ; Grégoire, Πραγματεία περὶ τῆς κανονικῆς δικαιοδοσίας τοῦ οἱκουμενικοῦ πατριαρχικοῦ θρόνου ἐπὶ τῶν ἐν Βουλγαρίᾳ ὀρθοδόξων Ἐκκλησίων, in-8°, Constantinople, 1860 ; Τα ἐν τῇ ἁρμονίᾳ περὶ τοῦ Βουλγαρικου ζητήματος, in-8°, Constantinople, 1866 ; Ἀπάντησις τῆς τοῦ Χριστοῦ μεγὰλης Ἐκκλησίας πρὸς τὰ παρὰ τῆς Ὑψηλῆς Πύλης ἀρτίως ἀποσταλέντα ἔγγραφα περὶ τοῦ βουλγαρικοῦ ζητήματος, in-4°, Constantinople, novembre 1868 (réponse de Grégoire VI et de son synode, 45, 27 novembre 1868, à la Porte au sujet de deux projets d’exarchat bulgare présentés par le premier ministre) ; Ἐπιστολιμαῖον ὑπομνημα τῆς τοῦ Χριστοῦ μεγὰλης Ἐκκλησίας πρὸς τὰς λοιπὰς ὁρθοδόξους αὐτοκεφάκους ἁγίας Ἐκκλησίας περὶ τῆς κατὰ τὰ ἐτη, 1868-1870, πορείας τοῦ κατὰ Βουλγὰρους ἐκκλησιαστιχοῦ ζητήματος, in-8°, Constantinople, 1870 (recueil des pièces officielles grecques et turques se rapportant à ce différend) ; une autre édition de cette brochure a paru à Constantinople en 1894, au Phanar, in-8° : Κανονισμὸς περὶ τῆς διοικήσεως τῆς βουλγαρικῆς ἑξαρχίας, in-4, Constantinople, 1870 (règlement organique de l’Église bulgare, octobre 1870) ; Ἀντιρρησις εἰς τὸ ἐπιστολιμαῖον ὑπόμνημα τοῦ πατριαρχείου ἢ ἀπολογία τῶν ὀρθοδόξων Βουλγάρων πρὸς τοὺς ὁμοδόξους αὐτῶν χριστιανούς, in-8°, Constantinople, 1871 ; Ἐγκύκλιος ἐπιστολὴ τῆς ἱερᾶς βουλγαρικῆς Συνόδου πρὸς τᾶς αὐτοκέφαλους Ἐκκλησίας, Constantinople, 1871 ; Διευκρένησις τοῦ βουλγαρικοιῦ ζητήματος (par Grégoire, métropolite de Chio), Constantinople, 1871 ; Ἐγκύκλιος τοῦ οἰκουμενικοῦ πατριαρχείου καὶ τῆς ἱερᾶς Συνόδου πρὸς τὸν ὀρθόδοξον βουλγαρικὸν κλῆρον τε καὶ λαόν, Constantinople, 1872 (encyclique du patriarche Anthime VI, en date du 18 janvier 1872) ; Ἐπιστολὴ Νικ. Μιχαλοβιτς Βοσκρεσενσκῆ πρὸς τοὺς παρανομήσαντας Βουλγάρους ἀρχιερεις, Constantinople, 1872 ; Ἄνθιμος ὁ στ’καὶ τὸ βουλγαρικὸν ζήτημα ἥτοι ἀντικανονικὴ καὶ πανσλυυιστικὴ λύσις τῆς αὐτοῦ Παναγιότητος, in-8°, Odessa, 1872 ; Actes du saint et grand synode tenu à Constantinople dans l’Église patriarcale du glorieux martyr saint Georges le Victorieux au Sujet de la question religieuse bulgare pendant les mois d’août et de septembre de l’an de grâce 1872, trad. littérale, in-8°, Constantinople, 1873 ; l’original grec a paru à Constantinople, sans date, in-8° ; Βουλγαρικὸν ζήτημα (discours d’Aristarchi bey prononcé le 15/27 février 1872), Constantinople, 1872 ; X. Samarsilos, Ἡ βουλγαρικὴ ἐξαρχία καὶ ὁ Φάρος τοῦ Βοσπόρου, in-8°, Constantinople, 1873 ; Ὁ ὀρθόδοξος Ἐκκλησία, τὸ σχίσμα καὶ χή πατριάρχης τῶν Ἱεροσολύμων Κύριλλος ὁ Βʹ, in-8°, Constantinople, 1873 ; Τὸ σχίσμα τοῦ οἰκουμενιαοῦ πατριάρχου Ἀνθίμου τοῦ στ' καὶ ἡ βουλγαρικὴ ἐξαρχία, in-4°, Constantinople, 1873 ; Jean Kassianos, Ἡ Ἐκκλησία καὶ οἱ Βούλγαροι, in-8°, p. 37-84 ; Μία σελίς ἐκ τῆς ἱστορίας τῆς συγχρόνου Ἐκκλησίας, par un orthodoxe, in-8°, Athènes, 1874 ; Ἀπάντησις εἰς τὸ. Κύριλλος ὁ Βʹ πατριάρχης τῶν Ἱεροσολύμων σχισματικὸς ἐστιν, ἢ οὔ, in-8°, Constantinople, 1876 ; Aristarchi hey, Τὸ βουγαρικὸν ζήτημα καὶ αἵ νέαι πλεκτάναι τοῦ πανσλυϊσμοῦ ἐν Ἀνατολῇ, 5 volumes de pièces, Athènes, 1875, 1816 ; Τὰ κατὰ τὸν μητροπολίτην Ἀδριανουπόλεως Διονύσιον, in-8°, Constantinople, 1880 ; Πρὸς τὰς ἁγιωτάτας αὐτοκεφάλους Ἐκκλησίας τῆς Ἀνατολῆς, 1888 ; A. Chopof (bulgare), La Bulgarie sous Le rapport religieux, in-8, Philippopoli, 1889 ; Id., La question du soulèvement du schisme (bulgare), in-8°, Sofia, 4896 ; Teplof, La question gréco-bulgare, d’après des documents inédits (en russe), in-8°, Saint-Pétersbourg, 1889, un des meilleurs travaux parus sur la question ; T. Bourmof, Le conflit ecclésiastique gréco-bulgare (en bulgare). in-8°, imprimé à Sofia, en 1902, aux frais du saint-synode ; c’est de beaucoup le travail le plus complet qui ait paru sur ce différend, apprécié, bien entendu, au point de vue bulgare. Voir aussi C. Jirecek, Geschichte der Bulgaren, 1876, p. 544-561 ; L. Dupuy-Péyou, La Bulgarie aux Bulgares, in-8, Paris, 1896, p. 48-120, 228-245 ; A. d’Avril, Bulgarie chrétienne, dans la Revue de l’Orient chrétien, 1897, t. 11, p. 271-301, 406-438 ; E. Goloubinski, Précis d’histoire des Églises bulgare, serbe et roumaine, Moscou, 1871, p. 176-193 : G. Markovich, Gli Slavi edi papi, Zagreb, 1897, t. 11, p. 595-608 ; A. Lopoukhine, Histoire de l’Église chrétienne au xix° siècle (en russe), Saint-Pétersbourg, 1901, t. 11, p. 339-388.

Pour la Macédoine, en dehors des livres déjà cités et de ceux que nous mentionnerons plus bas en donnant la statistique de cette province, voir principalement : Ἐγγραφα διαμειφθέντα μεταξὺ τῆς Υ. Πύλης καὶ τοῦ οἰκουμενικοῦ πατριαρχείου ἐπὶ τοῦ ζητήματος τῶν ἐκκλησιαστικῶν προνομιῶν καὶ τῶν βερατίων τῶν σχισματικῶν ἀρχιερέων, in-8°, Trieste, 1890 ; Ἐγγραφα μεταξὺ τῆς Υ. Πύλης καὶ τοῦ οἰκουμενικοῦ πατριαρχείου ἀφορώντα εἰς τὴν λύσιν τῶν ἀπὸ ἐκκλησιαστικῶν ζητήματων τοῦ τε προνομιακοῦ καὶ τοῦ βουλγαρικοῦ, in-8°, Trieste, 1891 ; ces deux brochures contiennent les pièces officielles échangées entre la Porte et le Phanar au sujei des premiers bérats, accrrdés à deux évêques bulsares de Macédoine en 1500 ; 5. Simiteh, Les écoles serbes dans le vilayet de Kossovo, in-8’, Belgrade, 1897 ; Gaptchevitch, Macedonien und Alt Serbien, Vienne, 1889 ; V. Βύrard, La Turquie et l’hellénisme contemporain, 3° édit., in-12, Paris, 1897, p. 148-335 ; 1d., La Macédoine, in-12, Paris, 4897 ; 16.. Pro Macedonia, in-12, Paris, 1904 : Ofeïkov, La Macédoine au point de vue ethnographique, historique et philologique, in-12, Philippopoli, 1887 : H. Gelzer, Vom heiligen Berge unduus Makedonien, in-8, Leipzig, 1904, p. 137-252. Voir aussi Le mémorandum du patriarche grec orthodoxe de Constantinople au sultan sur les affaires de Macédoine, dans la Revue de l’Orient chrétien, 1903, p. 485-502.

XII. ORGANISATION INTÉRIEURE DE L’EXARCHAT. — Dès les premiers jours de novembre 1870, les évêques et les principaux adhérents du mouvement bulgare publiaient le règlement organique prévu par le firman du mois de mars. Ce réglement, élaboré dans les réunions d’Ortakeuï, se trouvait de tout point conforme au firman précité. Sauf quelques changements de médiocre importance, le réglement organique de 1870 est encore en vigueur dans la parlie ottomane de l’exarchat. Dans la Bulgarie, au contraire, il ἃ subi des retouches, dès que la principauté s’est constituée : retouche compléte le 46 février 1883, retouches partielles en 1890 et 1891, seconde retouche complète le 25 janvier 1895. Ce sont les 184 articles publiés à cette derniére date, qui régissent actuellement la marche de l’Église bulgare dans la principauté, de même que les 134 articles du Réglement organique régissent l’exarchat dans l’empire ottoman. Κανονισμὸς περὶ τῆς διοικήσεως τῆς βουλγαρικῆς ἐξαρχίας, in-8°, Constantinople, 1870 ; Règlement de l’exarchat special à la principauté (en bulgare), in-8°, Sofia.

L’exarchat se compose présentement des éparchies bulgares, situées dans l’empire ottoman et déterminées par un firman spécial, et des éparchies de la principauté bulgare. Les éparchies de la principauté sont au nombre de 11, dont 2, Samokof et Lovetch, sont destinées à disparaitre à la mort de leurs titulaires, d’après l’art. 6 du Règlement de l’exarchat spécial à la principauté. Ces 11 éparchies comprenaient, en 1897, des sous-diocèses ou archiprétrés, au nombre de 42, et des paroisses, au nombre de 2123. Chaque paroisse rurale a de 150 à 950 familles, chaque paroisse urbaine de 900 à 300. Les monastères ne peuvent se fonder qu’avec le consentement et la bénédiction de l’évêque du diocèse ; ils relèvent tous du métropolite sur l’éparchie duquel ils sont situés, à l’exception de deux : Saint-Jean de Rylo et la Sainte-Trinité de Troyan, qui sont stavropégiaques, c’est-à-dire soumis à la juridiction immédiate du saint-synode. En 1897, il n’y avait dans toute la principauté de Bulgarie que 78 monastéres d’hommes et 15 de femmes ; les premiers comptaient 185 sujets et les seconds 412.

À la tête de l’exarchat siège l’exarque, qui réside à Orta-keuï, sur le Bosphore. 1l ne peut étre choisi que parmi les métropolites de race et de religion bulgares, âgés d’au moins quarante ans et dirigeant leur éparchie depuis cinq ans. L’exarque est nommé à vie ; son élection se fait à deux degrés. Α la mort du chef de l’Église bulgare, dans le délai de vingt et un jours qui suit l’envoi d’une circulaire spéciale du saint-synode, chaque métropolite adresse à ce dernier une liste de 3 à 5 candidats, pris parmi les plus méritants de ses collégues. En outre, sur envoi d’une autre circulaire, les fidèles de chaque diocése et la communauté bulgare de Constantinople désignent deux représentants pour chaque éparchie, lesquels devront se rendre, dans les soixante et un jours de la circulaire, au siège de l’exarchat pour concourir à l’élection. Là, en présence du saint-synode, du conseil de l’exarchat et des mandataires des paroisses, on procède au dépouillement des listes recues par le conseil de l’exarchat, et une seconde liste est dressée, portant les noms des trois candidats qui ont obtenu la majorité des sufirages ; cette liste est présentée à l’approbation du gouvernement turc et du gouvernement bulgare. Un simple veto venu de Stamboul ou de Sofia suflit à écarter les candidats qui seraient désagréables soit à l’un, soit à l’autre gouvernement. La réponse favorable une fois obtenue, le saint-synode, le conseil de l’exarchat et les délégués civils, se réunissent de nouveau pourélire au scrutin secret et à la majorité des sutlrages l’un des trois candidats comme exarque, et celui-ci est définitivement proclamé et reconnu chef de l’Éslise bulgare. L’exarque actuel, depuis le 4 mai 1877, est Mar Joseph, métropolite de Lovetch. Esprit su-périeur, il jouit d’une influence considérable et mérite d’être regardé comme le premier homme de là Bulgarie moderne. Les fêtes royales qui furent données en 1909, tant dans l’empire ottoman que dans la principauté bulgare, à l’occasion de ses noces d’argent pour sa promotion à l’exarchat, lui ont montré quelle estime et quel dévouement tous les Bulgares professent pour lui. L’élection des métropolites et des évêques se fait d’une manière analogue à celle de l’exarque. Le clergé local et le peuple présentent deux candidats aux membres du saint-svnode, qui en élisent un définitivement. Si c’esten Pulgarie, l’élu reçoit l’approbation du prince ; si c’est en Turquie, un bérat du sultan, avec une lettre du saint-synode qui le recommande à ses diocésains.

Los autres agents de l’exarchat : arehiprètres, curés, membres dis commissions et des fabriques, sont élus d’après certaines règles très détaillées ; de même sont indiqués avec une minutie extrême par le règlement de l’exarchat les devoirs et les attributions, avec les appointements et le casuel, de tous les ministres du culte, de tous les employés, grands et petits, de l’administration ecclésiastique.

L’exarchat est gouverné par le saint-synode, la suprême autorité spirituelle de l’Église bulgare. Le saintsynode se compose de l’exarque, son président, de quatre métropolites élus par leurs pairs pour quatre ans, qui constituent le conseil et sont les assesseurs de l’exarque. Le saint-synode tient ses réunions habituelles, non pas à Orta-Keuï, mais à Sofia. Cette circonstance s’oppose à ce que l’exarque, son président perpétuel, le préside ellectivement. Ne pouvant, par suite de la politique soupçonneuse du sultan, se déplacer de Constantinople, il délègue cette présidence à l’un des prélats ecclésiastiques, à son choix. Toutefois, l’éloignement que lui imposent les circonstances ne l’empêche pas d’exercer une influence directe et prépondérante sur la vie religieuse et l’action administrative de l’Église dont il est le chef officiel. Les décisions prises par le saint-synode restent subordonnées à sa ratification, et les autres alïaires ecclésiastiques, celles qui concernent la principauté comme celles qui intéressent la Thrace et la Macédoine, lui sont soumises en dernier ressort. Mo r Syméon, métropolite de Varna et Prestav, est actuellement le président effectif du saint-synode. Sur les travaux ordinaires du saint-synode bulgare, voir les Eelws d’Orient, 1903, t. Vf, p. 328-332. Ni l’exarque, ni les synodiques ne cessent d’être les pasteurs des diocèses où l’élection est venue les prendre. Obligés par leurs fonctions nouvelles de séjourner hors de leur ville épiscopale, ils s’y font représenter par un vicaire général, qui gouverne en leur nom. Un conseil diocésain ecclésiastique est institué au siège de chaque éparchie, sous la présidence du métropolite ou plutôt du protosyncelle, son vicaire général. II se compose du président et de quatre prêtres ayant charge d’àmes et élus par le clergé pour quatre ans. Le renouvellement des membres tic ce conseil se fait par moitié tous les deux ans. L’autorité ecclésiastique, tant administrative que judiciaire, appartient au métropolite et elle est exercée avec la coopération du conseil diocésain. Les recours en appel contre les sentences prononcées par ce conseil ont lieu par-devant le saint-synode, dans deux mois au plus lard à dater du jour de la signification aux parties intéressées de la sentence, qu’a portée le conseil ecclésiastique diocésain. En Turquie, les Bulgares sont soumis directement à la juridiction de l’exarque et à celle du saint-synode, pour ce qui concerne les alïaires ecclésiastiques. Un conseil, présidé par l’exarque, s’occupe des écoles ; il se compose du président, du proto-syncelle et de quatre membres laïques. Près de chaque métropolite se trouve un conseil mixte, composé de trois membres du clergé et de cinq à sept membres laïques délégués. C’est à ce conseil qu’il appartient de prononcer des jugements et de régler les affaires ecclésiastiques et civiles du diocèse, de s’occuper des écoles, de leurs professeurs, etc. ; s’il u’a que des affaires ecclésiastiques à décider, les membres laïques n’y prennent aucune part. Dans les diocèses bulgares de Turquie qui n’onl pas encore d’évêques, les alïaires sont réglées par un conseil mixte, présidé par un représentant ecclésiastique ; celui-ci est choisi sur place et confirmé par l’exarchat, ou bien nommé directement par l’exarque.

Pour l’entretien de l’exarchat et du saint-synode, le gouvernement princier verse lous les ans à la caisse de l’exarchat une somme proportionnée au nombre des familles de la principauté. On perçoil fr. 40 pour chaque famille. D’après le budget de 11)00, la somme se serait (’levée cette année-là à 245964 levs ou francs. Sur cette somme, les évêques situés en Turquie reçoivent chacun 10000 francs et l’exarque 20000 ; le reste est versé dans la caisse générale pour les besoins de l’exarchat. En Bulgarie, les métropolites reçoivent du gouvernement une somme annuelle de 7 176 à 9300 francs ; le bas clergé, lui, doit se subvenir au moyen de rémunérations éventuelles, qui lui sont données pour diverses cérémonies, d’après un tarif déterminé : 1 franc pour le baptême, 12 pour la bénédiction nuptiale, G pour les funérailles d’une personne adulte, 3 pour les funérailles d’une personne de 15 ans et au-dessous, etc. De plus, depuis l’année 1891, l’État alloue, pour l’entretien des prêtres, une rémunération supplémentaire, que le règlement de 1893 a fixée dans les proportions suivantes : 480 francs par an aux prêtres des villages, 600 à ceux des villes et des chefs-lieux de sous-préfectures, 720 à ceux des chefs-lieux de départements. Ce faible traitement n’est donné qu’à ceux qui n’ont pas terminé leurs études ecclésiastiques dans des séminaires ; pour les autres, l’allocation est plus forte : 720 francs par an aux prêtres de villages, 960 à ceux des villes et des chefslieux de sous-préfectures, 1080 à ceux des villes diocésaines. Sur ce traitement, une certaine somme est retenue pour les pensions ecclésiastiques, les caisses sacerdotales, etc., et, depuis 1899, afin d’obvier à la crise économique que traverse le pays, une retenue de 1 p. 100 est faite à tous les membres du clergé, comme aux autres fonctionnaires. En Turquie, le bas clergé reçoit son traitement de la population, qui doit, en outre, entretenir les écoles et alimenter les caisses des conseils diocésains ; seules, les communautés très pauvres sont soutenues par l’exarchat. Les paroisses de la principauté ne s’occupent pas des écoles, laissées aux soins du gouvernement, mais elles sont tenues également de fournir les recettes nécessaires aux conseils diocésains. Cela se fait au moyen d’un tarif déterminé, qui est perçu sur les permis de mariage, les certificats de baptême, etc., et sur les autres copies, imprimées ou manuscrites, des diverses pièces ecclésiastiques.

L’exarchat bulgare possède aujourd’hui deux séminaires : celui de Samokof-Solia pour la principauté de Bulgarie, celui de Chichli, quartier de Constantinople, pour la Macédoine et la Thrace. Dès 1867, les chefs du mouvement national réclamaient à grands cris pour les diocèses de leur race la constitution d’une grande école théologique et des séminaires. Leur campagne aboutit au projet que présenta le patriarche œcuménique, Grégoire VI, au sultan Abd-ul-Aziz en vue de terminer le conflit religieux. Tout en accordant à quelques diocèses bulgares une certaine autonomie, qui devait dans sa pensée lui permettre de leur refuser l’indépendance, le patriarche demandait la fondation d’écoles cléricales pour l’éducation du bas clergé et une haute école théologique. Ce projet, qu’on ne trouva pas assez libéral sur certains points, fut écarté. En 1870, l’exarchat bulgare était reconnu par la Sublime Porte et son règlement constitutif, élaboré cette année-là même, décrétait l’ouverture d’une école théologique supérieure. Celle-ci ne fut fondée à la vérité qu’en 1874, près de Tirnovo, sous le patronage des saints Pierre et Paul, et ne valait même pas un petit séminaire de France. Fermé durant les trouliles qui précédèrent la guerre russo-turque et rouvert eu IsTs, ce séminaire exista jusqu’en 1886, où le gouvernement bulgare le supprima pour des raisons d’ordre économique. Ses cours (huaient cinq ans. lin même temps que s’ouvrait en 1871 le séminaire de Tirnovo, était fondée au couvent de Saint-Jean du Rylo une école ecclésiastique comportant le programme d’un séminaire. Elle aussi fut supprimée durant la guerre russo-turque, pour se rouvrir en 1881 et disparaître définitivement quelque temps après. En 1876, on établissait à SamokÔf un troisième séminaire, qui fut également fermé pendant la guerre. Rouvert en 1878 et refermé de 1880 à 1883, il vit bientôt le cycle des études monter de trois à quatre et à cinq ans pour redescendre ensuite à quatre. Depuis 1894, le séminaire de Samokof, qui est le seul établissement d’instruction cléricale en Bulgarie, est passé sous l’autorité du saint-synode, alors qu’il dépendait jusque-là du gouvernement. Il rereçoit des élevés payants et des boursiers ; tous vivent dans la pension et portent l’uniforme. Le cycle des études comprend quatre classes et dure normalement quatre ans ; on n’est pas reçu après l’âge de 18 ans. A la rentrée de septembre 1901, le séminaire comptait 188 séminaristes, dont 113 boursiers contre 75 payants ; les premiers seuls sont tenus d’embrasser l’état ecclésiastique, mais, comme les ordres sont conférés au plus tôt à 27 ans, tous sont loin de garder fidèlement leurs promesses. Du reste, le séminaire de Samokof est appelé d’ici peu de temps à disparaître.- Le 13 avril 1902, en présence de S. A. le prince Ferdinand Ier et des principaux dignitaires de l’Église bulgare, a été posée à Sofia la première pierre du futur séminaire bulgare, qui doit remplacer prochainement celui de Samokof. Voir l’article très documenté L’école théologique de Bulgarie, dans les Échos d’Orient, 1903, t. vi, p. 74-82, qui donne l’historique de ce séminaire avec le programme détaillé de son enseignement. Le séminaire de Chichli, à Constantinople, qui est destiné à favoriser le recrutement du clergé bulgare pour les églises comprises dans la Turquie d’Europe, date de 1884. Il se trouvait alors à Prilep en Macédoine ; de là, il émigra en 1889 à Andrinople et l’année suivante à Constantinople, dans le quartier du Pbanar, où se trouve la cathédrale de l’exarque. En 1892, les études étaient perfectionnées et les cours distribués en six années. Vers 1894, le séminaire quittait les rives de la Corne d’Or pour s’installer sur les collines de Chichli, dans une demeure véritablement princière. C’est là qu’il se trouve encore à l’heure actuelle, comprenant une centaine de séminaristes, soumis à l’autorité directe de l’exarque et suivant les programmes de théologie en usage dans les séminaires russes.

Deux séminaires, n’ayant pas même 280 étudiants, dont la moitié à peine embrasse l’état ecclésiastique, on trouvera sans doute que ce n’est guère suffisant pour une Église qui comprend plus de quatre millions de fidèles. Encore si les études étaient proportionnées aux besoins de l’époque ! Mais que peut-on apprendre en trois ou quatre ans de séminaire, sans avoir reçu une formation préalable ? Aussi, ne faut-il pas s’étonner que le clergé bulgare soit resté au-dessous de sa mission et qu’il perde chaque jour un peu de la considération que le peuple avait pour lui. Les offices religieux ne sont plus suivis, les jeûnes ecclésiastiques ne sont pas observés, le monde officiel affiche envers la religion une indifférence méprisante, quand ce n’est pas une hostilité déclarée. Grâce aux innombrables gymnases de l’État, impies et révolutionnaires, l’athéisme pénètre les masses et l’on a vu les instituteurs de tout un département se réunir on congrès, en 1902, et voter la destruction de toute religion. L’athéisme des instituteurs bulgares, dans les Échos d’Orient, 1903, t. vi, p. 332-335. En dehors des livres liturgiques et de quelques ouvrages d’apologétique, le clergé n’a rien produit et se tient à l’écart du mouvement intellectuel qui révolutionne les masses. Il y a pourtant quelques bonnes revues, dont l’existence est aussi éphémère que celle des feuilles, et quelques bons journaux. Mentionnons, parmi les revues, les Vesti (Nouvelles), organe de l’exarchat, depuis 1890 ; le Tcerkoven Vestnik, organe du saint-synode, depuis 1900 ; le Svetnik, depuis 1888 ; le Pravoslaven Propovednik, depuis 1893 ; le Zadroujen Troud, depuis 1902. Enfin, n’oublions pas une entreprise de longue haleine, due aux soins du saint-synode : la traduction de toute la Bible, faite sur la version russe des Écritures de 1876, et destinée à remplacer la version bulgare, faite sur la Bible protestante qui remonte à une vingtaine d’années. Voir Traduction bulgare de l’Écriture sainte, dans les Échos d’Orient, 1901, t. iv, p. 245-247.

XIII. Statistiques religieuses. —

L’exarchat bulgare, se trouvant compris à la fois dans la principauté de Bulgarie et dans l’empire ottoman, nous allons successivement indiquer la situation qu’il occupe présentement dans ces deux Etats, d’après les statistiques les plus récentes qu’il nous a été possible de réunir. Ce faisant, nous donnerons par la même occasion les chiffres de la population qui reviennent aux divers cultes pratiqués aujourd’hui en Bulgarie.

1° La superficie totale de la principauté de Bulgarie s’élève à 95 704 kilomètres carrés, dont 62 789 pour la Bulgarie du Nord et 32 915 pour la Roumélie orientale. D’après le dernier recensement, paru à l’Officiel du 10 mai 1903, la Bulgarie compterait 3 744 283 habitants, ce qui représente une moyenne de 38 habitants par kilomètre carré. Cette population se subdiviserait ainsi d’après la nationalité : Bulgares : 2 887 860 ; Turcs : 539 656 ; Tziganes : 89 549 ; Roumains : 75 235 ; Grecs : 70 887 ; Juifs : 32 573 ; Tatares : 18 856 ; Arméniens : 13 926 ; divers : 15 741.

D’après la religion, la population bulgare comprendrait : 3 019 296 orthodoxes, qui se subdivisent en plusieurs groupes ; 48 024 chrétiens, distincts des orthodoxes, comme catholiques, arméniens, protestants, etc. ; 643300 musulmans et 33 663 israélites. Le tableau qui suit donnera une idée d’ensemble :

Bulgares orthodoxes 
2 842 650
Roumains orthodoxes 
75 155
Grecs orthodoxes 
70 759
Orthodoxes de diverses nationalités 
30 732
Catholiques latins et uniates 
28 569
Protestants 
4 524
Arméniens grégoriens 
13 809
Musulmans turcs, tatares, etc. 
613 300
Israélites 
33 663
Divers 
1 112

D’après une statistique de 1897, voici quel serait l’état respectif de ces différents cultes, par rapport au nombre d’églises, de chapelles, de prêtres, etc. ; j’y ajoute le chiffre de la population, pour que le lecteur ait une vue d’ensemble :

fidèles. églises. chapelles. monastères. prêtres. moines. religieuses.
Bulgares 
Grecs 
Roumains 
Catholiques 
Arméniens 
Protestants 
Musulmans 
Israélites 

2 842 650
70 759
69 959
28 569
13 809
4 524
643 300
33 663

1 788
113 » 
27
5
29
1 374
42

107 »  »  »  »  »  »  »

93
12 »  »  »  »
8 »

1 906
145 » 
45
6
32
1 662
67

185
14 »  »  »  »  »  »

312 »  »  »  »  »  »

J’ai pris la statistique du gouvernement, bien que les termes d’églises, de prêtres et de monastères soient absolument impropres pour certains cultes, notamment pour les cultes protestant, musulman et isra élite. On remarquera sans doute, aussi, que l’Église catholique ne figure pas dans ce tableau sous les rubriques : monastères, moines et religieuses, bien qu’elle possède en Bulgarie nombre de maisons monastiques, ainsi qu’on pourra s’en convaincre en lisant le paragraphe qui lui est consacré.

L’Église bulgare comprend Il diocèses métropolitains dans la principauté de Bulgarie : Lovetch, Philippopoli, Dorostol-Tcherven ou Roustchouk, Samokof, Sliven, Sofia, Stara-zagora, Timovo, Varna-Prestav, Viddin et Vratza. lieux de ces métropoles sont appelées à disparaître à la mort de leurs titulaires, à savoir : Lovetch et Samokof. Trois de ces diocèses, Philippopoli, Sliven et Stara-zagora, sont situés dans la Roumélie orientale ; les huit autres se trouvent dans la Bulgarie proprement dite. Le métropolite de Roustchouk porte les titres de Tcherven, nom bulgare de sa ville épiscopale, et de Dorostol, ancien nom de Silistrie, ville autrefois très florissante sur le Danube ; le métropolite de Varna joint à son titre celui de Prestav, la première capitale des Bulgares au IXe siècle et le premier siège de leur Église nationale à la même époque. Voici, d’après une statistique officielle de 1897, quel serait l’état respectif du culte orthodoxe dans ces Il diocèses :

diocèses. églises. chapelles. monastères
d’hommes.
monastères
de femmes.
prêtres. moines. religieuses.
Lovetch 
172 » 6 5 117 29 44
Philippopoli 
256 » 7 2 299 22 54
Roustchouk 
122 26 » » 108 » »
Samokof 
109 » 3 » 103 1 100
Sliven 
157 40 4 1 191 13 37
Sofia 
248 » 35 1 185 20 14
Stara-Zagora 
155 » 1 1 183 4 18
Tirnovo 
290 » 9 5 299 64 45
Varna 
113 27 1 » 102 » »
Viddin 
164 » 7 » 166 8 »
Vratza 
102 14 5 » 153 24 »

L’instruction est assez répandue en Bulgarie. En 1890, il existait une université à Sofia, comptant trois facultés : historico-philologique, physico-mathématique et celle de droit. Cette université, dont la fondation remonte à 1888, comprenait alors 312 étudiants. Dans toute la principauté il y avait 9 gymnases ou lycées pour les garçons avec 6911 élèves, et 76 gymnases incomplets ou progymnases, dans lesquels renseignement est donné d’après le même programme. Ces 76 écoles avaient 15 117 élèves, soit un total de 22028 élèves pour l’enseignement secondaire. Les écoles secondaires de filles se partageaient ainsi : 7 gymnases de première classe avec 1 596 élèves et 37 lycées de seconde classe avec 3359 élèves, soit un total de 44 établissements avec 5155élèves. Joignons-y 14 écoles secondaires mixtes avec I ni] (’levés, dont 938 garçons et 103 filles. Le gouvernement bulgare entretient à Kustendil, Lom, Kazanlik et Silistrie, quatre écoles normales destinées à fournir il <s instituteurs primaires. En outre, le conseil départemental de Tirnovo en a fondé une pour la ville de Timovo, et la commune de Choumla une autre pour cette ville. La durée des études est de quatre ans ;, i l’exception de Tirnovo, les écoles normales sont accompagnées d’un coins de Irois ans et d’une école annexe, où les futurs instituteurs font un stage. Les institutrices sont formées par les gymnnases ordinaires déjeunes filles, qui font, en même temps, l’office d’écoles normales. Malheureusement, toutes ces écoles sonl des foyers avérés de rationalisme et d’athéisme, el les jeunes maîtres el maltresses qui en sortent, n’onl qu’un désir : inculquer leur-, idées à leurs élèves pour déchaîner ainsi o pires (lassions antireligieuses et révolutionnaires.

L’Église grecque, qui compte 70759 fidèles en Buli le encoi i cinq dioci ë dan i la princi pauté : Philippopoli, Sozopolis. Anclnalo, Mésembria et Varna. Nul doute que, le jour où la Bulgarie proclamera son indépendance absolue vis-à-vis de la Porte, ces évèchés grecs ne soient appelés à disparaître.

2° Sur les terres de l’empire ottoman, l’exarchat n’a eu que deux soucis : découvrir les orthodoxes de race ou de langue bulgares et leur rappeler leur véritable origine, c’est-à-dire les arracher à la sujétion spirituelle du Phanar. Pour obtenir des résultats rapides et combiner tous les ell’orts en perdant le moins de temps possible, il a partagé la Macédoine et la Thrace en 21 éparchies, destinéps à recevoir chacune un métropolite bulgare dans un avenir plus ou moins prochain. De ces 21 diocèses, 7 seulement, et tous situés en Macédoine, à savoir : Uskub, Ochrida, Vélès, Névrokop, Monastir, Stroumitza, Dibra, ont obtenu jusqu’ici leur pasteur définitif ; mais les autres éparchies n’en fonctionnent pas moins avec une régularité remarquable, jouissant de limites bien tracées et n’empiétant jamais les unes sur le terrain des autres. A l’heure actuelle, la Macédoine compte 15 éparchies, la Thrace, 6 seulement, en dehors du diocèse formé autour de l’exarque à Constantinople et dans lequel se trouvent compris environ liOOO Bulgares. On les trouvera plus bas, d’après un rapport officiel manuscrit, communiqué par une haute personnalité ecclésiastique bulgare à la rédaction des Échos d’Orient, 1899, t. ii, p. 282-286, et qui était destiné à établir la situation vraie des exarchistes à la’fin de l’année 1896. En tête, figurent les sept éparchies de Macédoine, qui sont déjà pourvues de leur métropolite, suivies des huit autres éparchies macédoniennes et des six de la Thrace. On a inscrit les chiffres, tels qu’ils se trouvaient consignés dans ce rapport officiel bulgare, distinguant avec soin la religion de la nationalité, car il est bien certain que de nombreux Bulgares de race et de langue sont encore soumis à la juridiction du Phanar. C’est une distinclion qui s’impose, bien que les statisticiens grecs n’aient jamais voulu l’admettre. Ce n’est pas à dire toutefois que ce rapport officiel donne des résultats absolument incontestables, il suffira de reproduire à ce sujet la remarque fort juste que faisait la revue des Echos d’Orient, en la publiant : « Il a pour auteurs des Bulgares ; s’il était d’origine grecque, il ne donnerait peut-être pas toujours les mêmes chiffres, mais je n’ose affirmer qu’il fût d’une plus grande exactitude. »

Pour avoir une statistique d’ensemble de toutes les éparchies comprises dans la Turquie d’Europe, reportons-nous à un document bulgare fourni par l’exarchat en 1902. La Bulgarie aurait eu alors 1348573 sujets. ainsi répartis : 48 i 303 pour le vilayet de Salonique ; 346 348 pour le vilayet de Monastir ; 205 12 2 pour le vilayet d’Uskub ; 298500 pour le vilayet d Andrinople et 14000 pour Constantinople et ses faubourgs. Cette population de presque —1350000 âmes n’obéissait pas tout entière à son Eglise nationale ; les trois quarts environ sont placés sous la juridiction de l’exarque, tandis que le dernier quart subit encore le.joug du patriarche grec. D’après le même document, la population exarchiste disposerait de 9118 écoles, distribuées sur le territoire ottoman comme il suil : 316 pour le vilayet de Salonique, 281 pour celui de Monastir ; 165 pour celui d’Uskub ; 171 pour celui d’Andrinople et 5 pour Constantinople et les faubourgs. Ces écoles compteraient 1 341 maîtres et 257 maîtresses, avec 18399 élèves.

Il est possible qui’Ions ces chillres aient été majorés par patriotisme, bien qu’ils ne soient pas grossis outre mesure. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple au sujet des écoles, d’après le ministre roumain de l’instruction publique, la situation des écoles orthodoxes du vilayet de Monastir sérail la suivante ; 366 écoles grecques avec 491 maîtres et 18100 élèves j 210 écoles bulgares avec 370 maîtres el 12500 élèves ; 40 écoles serbes avec

TABLEAU DES ÉPARCHIES BULGARES EN TURQUIE
éparchies.
LOCALITÉS
chrétiennes.
LOCALITÉS
bulgares.
LOCALITÉS
non bulgares.
PRÊTRES
exarchistes.
PRÊTRES
patriarchistes.
FAMILLES
bulgares.
FAMILLES
non bulgares.
FAMILLES
exarchistes.
FAMILLES
patriarchistes.
ÉGLISES
exarchistes.
ÉGLISES
patriarchistes.
MONASTÈRES
exarchistes.
MONASTÈRES
patriarchistes.
Uskub 
497 445 52 245 61 29 346 50 24 630 4 766 »   »  » »
Ochrida 
240 »   » 108 46 14 597 2 659 13 055 4 201 168 35 12 6
Vélès 
15 »   » 42  5 5 002 70 4 627 445 47  8  » »
Névrokop 
»  »   » 106  6 11 950 100 11 414 516 73  2  4 »
Monastir 
221 216  5 102 55 14 756 2 325 10 531 6 550 94 62  8 6
Stroumitza 
185 156 28 83 21 10 130 »   8 935 1 155 79 10  4 1
Dibra 
178 157 21 85 50 6 820 986 5 696 1 296 83 40  2 1
Castoria 
186 156 30 32  » 7 540 3 488 2 224 8 804 22  »  » »
Drama 
80 54 26 9  » 3 794 3 794 1 448 6 140 »   »  » »
Melnik 
»  »   » 70  » 12 569 1 218 9 507 4 280 55  »  » »
Mogléna 
82 73  9 36  » 5 765 1 376 2 909 4 232 32  »  » »
Polian 
»  103  » 47 15 7 071 »   5 325 1 243 53 13  » »
Salonique 
94 67 27 13  » 4 458 1 934 927 5 465 »   »  » »
Sérès 
94 66 28 18  » 6 836 6 028 2 460 10 404 16  »  » »
Vodéna 
»  88  » 28  » 6 407 »   1 853 4 532 25  »  » »
Andrinople 
178 133 45 93  » 18 194 7 863 14 693 11 144 102  »  » »
Dimotika 
56 23 33 5  » 2 305 5 210 1 207 6 308 7  »  » »
Énos 
25 13 12 8  » 2 092 2 050 1 892 2 250 7  »  » »
Maronia 
29 22  7 14  » 2 435 1 470 2 129 1 776 13  »  » »
Orta-⁠Keuf (Lilitza) 
29 14 15 4  » 1 397 1 928 535 2 790 9  »  » »
Xanthi 
»  74  » 24  » 3 880 »   3 720 160 22  »  » »

70 maîtres et 1 637 élèves ; 23 écoles roumaines avec 69 maîtres et 1 177 élèves. On le voit, la statistique roumaine ne donne que 210 écoles aux Bulgares dans ce vilayet, tandis qu’ils s’en attribuent eux-mêmes 281. Si nous passons aux chiffres de la population, nous devons également faire des réserves. Dans le même vilayet de Monastir, d’après le document de l’exarchat, les Bulgares seraient au nombre de 346 348. Or, le consul russe de Monastir, plus désintéressé dans la question, ne compte dans ce vilayet, Lamansku Jivaya Starine, 1899, livraison 1re, p. 111, que 280 350 Slaves, dont 186 656 exarchistes et 93 694 patriarchistes. Et l’on aura sans doute remarqué qu’il n’est jamais question, dans le premier document bulgare, de Serbes, qui ne sont pas précisément une quantité négligeable. D’après des documents officiels serbes que nous avons lieu de croire tout aussi exacts que les communiqués officiels bulgares, les Serbes avaient en 1900 environ 19 681 familles dans le diocèse de Prizrend et 8 197 dans celui d’Uskub. Voir M. Théarvic, L’Église serbe en Turquie, dans les Échos d’Orient, 1900, t. iii, p. 343-351. On sait, du reste, qu’à force de diplomatie et de patience la nation serbe est parvenue à faire reconnaître par le sultan et le Phanar deux évêques serbes, sujets ottomans, il est vrai, à la place des deux métropolites grecs qui gouvernaient jusqu’alors les diocèses de Prizrend et d’Uskub. Ces deux victoires, dont l’une remonte à 1895 et l’autre à 1902, n’ont pas été obtenues sans difficulté, et les Bulgares ne se sont pas encore décidés à reconnaître le fait accompli, au moins pour le diocèse d’Uskub, mais leurs protestations ne changeront rien à l’ordre des choses. Leur situation pourrait même subir quelque atteinte du mouvement révolutionnaire qu’ils ont suscité en Macédoine. En effet, pour se ménager les bons offices de la Serbie, qui serait peut-être tentée de chercher dans une guerre contre la Turquie une diversion à ses troubles intérieurs, le sultan vient de décider en principe, bien que la loi n’ait pas encore paru à l'Officiel, la reconnaissance de la nationalité serbe en Turquie. Voir les Échos d’Orient, 1904, t. vii, p. 46 sq. Ce fait, gros de conséquences, amènera très probablement la fondation d’une Église serbe en Turquie, indépendante du patriarcat œcuménique, alors que les deux métropolites serbes de Prizrend et d’Uskub sont toujours soumis à la juridiction de ce dernier. Par suite, beaucoup de Slaves, qui reconnaissaient l’exarque bulgare pour échapper à l’autorité abhorrée des Grecs, se retrouveront ce qu’ils étaient en réalité, c’est-à-dire des Serbes. De plus, à moins de changement politique dans le sort des provinces de Macédoine et de Thrace, les révolutionnaires bulgares auront contribué à détacher de l’exarque un grand nombre de leurs compatriotes. Ceux-ci, en effet, pour détourner les soupçons des Turcs, se hâtent d’envoyer en masse leur soumission aux évêques grecs de Macédoine, afin que, reconnus comme Grecs et n’ayant rien de commun avec les Bulgares, ils échappent à la confiscation et à la mort qui les guettent à toute heure. Il est vrai que ce que la peur a causé ne sera pas une œuvre de longue durée. Dès que la tranquillité sera tant soit peu rétablie en ces contrées, les Bulgares patriarchistes se détourneront avec horreur des Grecs, et ils leur porteront une haine d’autant plus violente que la crainte de leurs dénonciations les aura contraints à s’humilier davantage devant eux.

Cl. Nicolaïdès, La Macédoine (au point de vue grec), ouvrage paru à Berlin en 1899 en plusieurs langues, dont le grec, le français et l’allemand ; La Macédoine et les Grecs (au point de vue serbe), dans les Échos d’Orient, 1900, t. iii, p. 148-151 ; P. Balkanski (serbe), Le peuple serbe dans l’éparchie d’Uskub et ses écoles, dans le Délo, revue mensuelle de Belgrade ; L’Église serbe en Turquie, dans les Échos d’Orient, 1900, t. iii, p. 343-351 : sur Uskub, voir la même revue, t. i, p. 67 sq. ; 1902, t. v, p. 310-312, 390-392.

XIV. L’Église bulgare uniate, 1860-1903. — J’ai déjà dit que, vers le milieu du xixe siècle, les Bulgares, opprimés par les Grecs, voulaient se soustraire à la juridiction du patriarche œcuménique ; mais les uns entendaient se servir de leur indépendance pour rétablir l’ancien patriarcat de Tirnovo ou d’Ochrida, les autres pour opérer leur union avec l’Église romaine. Les efforts des premiers aboutirent, après plusieurs années de luttes, à la création de l’exarchat et à la reconstitution de la nationalité bulgare ; les tentatives des autres ne furent couronnées que d’un médiocre succès. Ce furent d’abord les partisans de l’entente avec l’Occident qui obtinrent les meilleurs résultats. Le 12/24 décembre 1860, un groupe de Bulgares de Constantinople s’adressait à Mgr Hassoun, alors primat des Arméniens catholiques de l’archidiocèse de Constantinople et depuis patriarche de tous les Arméniens-Unis de l’empire ottoman. Ils demandaient à s’unir avec l’Église romaine, conformément aux décisions du concile de Florence, en gardant leur liturgie, leurs rites, leurs cérémonies et coutumes religieuses, et en obtenant une hiérarchie nationale et un clergé national qui les administreraient, mais après avoir reconnu la suprématie du pape. A la suite de cette démarche publique et de la réponse favorable de Mgr Hassoun, 120 députés bulgares, deux archimandrites, un prêtre et un diacre, agissant au nom de 2000 de leurs compatriotes, déposèrent entre les mains de Mgr Brunoni, délégué apostolique, leur acte d’union aux conditions énumérées ci-dessus. La Porte accueillit avec bienveillance le procès-verbal de cette réunion, elle présida même à l’installation du chef de la nouvelle communauté bulgare, en lui reconnaissant l’usage des droits civils et religieux qu’avait exercés jusqu’alors le patriarche œcuménique. Un bref de Pie IX, daté du 21 janvier 1861, suivit, qui confirma l’acte approuvé par la Porte et, peu après, Sokolski, vieil archimandrite ignorant, qu’on a ait désigné pour devenir archevêque uni de la Bulgarie, se rendit à Rome, accompagné de M. Bore, supérieur des lazaristes, d’un diacre bulgare et de deux députés laïques de la nation. Le pape Pie IX le consacra lui-même, le 8 avril 1861, et le combla de présents. A son retour à Constantinople, Joseph Sokolski obtint de la Porte le bérat d’investiture, 1er juin 1861, et reçut un accueil favorable, qui détermina parmi ses compatriotes un mouvement sensible vers l’union. Cent quarante-huit familles bulgares d’Andrinople passaient au catholicisme ; tout le diocèse de Salonique menaçait de les imiter, pendant que des districts entiers et fort populeux de Monastir et de Kazanleuk se déclaraient pour Mgr Sokolski. En peu de jours, on compta plus de 60000 abjurations ; Zankof, un des pèlerins de Rome, mit au service de cette cause sa plume de journaliste en fondant la Boulgaria ; l’ébranlement tendait à devenir de plus en plus général.

C’est alors que la Russie intervint. Jusque-là, elle s’était opposée aux manifestations des Bulgares contre le Phanar pour ne pas contribuer à créer dans les Balkans un État slave indépendant ; mais comprenant que son abstention favorisait la propagande catholique, elle entreprit de pousser la Porte à prononcer la séparation de l’Église bulgare de l’Église grecque et suscita de nombreuses pétitions dans ce sens. Quant au mouvement vers Rome, elle décida de l’enrayer, grâce à un de ces moyens, dont sa politique abonde et qui sont aussi contraires à la morale publique qu’au droit des gens. Moins de deux mois après son retour à Constantinople, le 18 juin 1861, Sokolski disparut subitement sur un bateau russe en partance pour Odessa, après avoir emporté son bérat et les présents qu’il avait reçus de Rome. Était-il victime ou complice de cet enlèvement ? Son grand âge et son intelligence passablement bornée autorisent les plus fâcheuses suppositions. Quoi qu’il en soit, le coup si inopinément porté à la communauté nouvelle ralentit son développement ; les chefs laïques ne favorisèrent plus la tendance vers le catholicisme, craignant qu’elle ne fût pas assez, forte pour entraîner toute la nation et qu’elle eût pour résultat direct de la diviser en deux camps et, par suite, de l’affaiblir pour la réussite des revendications politiques. Au mois de février 1862, le prêtre bulgare latin Arabajeski fut désigné pour remplacer Sokolski et reconnu par la Porte en qualité d’administrateur civil des uniates. Mais cet ecclésiastique ayant refusé de quitter le rite latin, on dut pourvoir à son remplacement et, quelque temps après, le pope Raphaël Popof fut placé à la tête des Bulgares par la S. C. de la Propagande avec le titre d’évêque des Bulgares-Unis et reconnu par la Porte le 10 février 1865. Il le resta jusqu’en 1883, s’occupant, avec l’aide des lazaristes en Macédoine, des assomptionnistes et des résurrectionnistes en Thrace, à relever les ruines accumulées par les premières apostasies. Le coup mortel avait été porté à l’œuvre, le lendemain emportait les fruits des travaux de la veille, sans que rien fit encore prévoir comment on pourrait assurer à cet apostolat une solidité durable. Pendant plusieurs années, ce fut chez les nouveaux convertis un va-et-vient continuel du catholicisme à l’orthodoxie et réciproquement.

En 1883, une nouvelle organisation pour les Bulgares-Unis était créée par la Propagande. Il y eut à Constantinople un administrateur apostolique avec le titre d’archevêque, Mgr Nil Isvorof, et deux vicariats apostoliques, celui de Macédoine et celui de Thrace. Sauf la charge d’administrateur apostolique, supprimée par suite de la chute de son titulaire, cet ordre de choses n’a pas varié depuis.

Le vicariat apostolique bulgare de Macédoine fut érigé le 12 juin 1883 et confié aux lazaristes, dont un des membres, Mgr Lazare Mladenof, recevait ce jour même la consécration épiscopale. En 1885, on fondait à Zeitenlik un séminaire, dont le but était de former des prêtres indigènes du rite oriental et des instituteurs pour les villages de la Macédoine. En 1889, les prêtres de la Mission jetaient les premières bases d’une congrégation de religieuses bulgares, avec l’appui des sœurs de charité ; en 1892, plusieurs missionnaires quittaient le rite latin pour embrasser le rite gréco-slave et tenter la résurrection de cette nouvelle mission orientale. De 1884 à 1894, les conversions se multiplièrent ; près de soixante villages reconnurent l’autorité de Rome. Hélas ! de si beaux débuts aboutirent à une fin lamentable. Dès 1894, les partisans de l’exarque, le chef officiel de l’Église bulgare orthodoxe, se mirent en campagne pour enrôler ces populations ignorantes sous leur drapeau politique et religieux. Grâce à leur argent, à leurs menaces, à l’appui non déguisé des Bulgares de la principauté, ils provoquèrent chez les catholiques un exode des plus douloureux. De 30 000, le nombre des fidèles descendit à 8 000 et peut-être au-dessous ; prêtres et instituteurs repassèrent en masse à l’orthodoxie, le vicaire apostolique lui-même fut entraîné dans le mouvement général et fit une chute scandaleuse, qu’il ne tarda pas d’ailleurs à réparer. En quelques mois, les efforts de plusieurs années étaient anéantis. Dès son retour, Mgr Mladenof fut envoyé à Rome, où il est encore avec le titre d’évêque titulaire de Satala ; on lui donna pour successeur, le 23 juillet 1895, un séculier, Mgr Epiphane Scianof, qui porte le titre de Livias et réside habituellement à Salonique. Aujourd’hui les ruines sont à demi réparées et la mission semble reprendre un nouvel essor. Le vicariat apostolique de Macédoine compte présentement 10 000 catholiques répartis en 20 villages, 16 églises, 30 prêtres de rite slave, 13 écoles de garçons et 9 de filles et 4 maisons de religieuses bulgares, les sœurs eucharistines. Le séminaire bulgare de Zeitenlik, reconstitué, a donné 5 prêtres ; il comprenait, en 1902, 49 élèves, dont 1 étudiant en théologie, 39 élèves au petit séminaire et 9 apprentis pour divers métiers. Les instituteurs sont pris parmi les séminaristes, qui montrent peu de goût pour la carrière ecclésiastique ; les institutrices sont formées dans une école normale élémentaire, tenue par les sœurs de charité à Koukouch. La mission possède, de plus, deux orphelinats de filles, avec 25 orphelines dans chaque maison.

Le vicariat apostolique bulgare de Thrace a été érigé le 7 avril 1883 et a eu pour premier pasteur Mgr Michel Petkof, ancien élève de la Propagande, qui l’administre encore avec le titre d’évêque d’Hébron. Il a vu se produire moins de retours au catholicisme que dans celui de Macédoine, mais aussi il n’a pas eu la tristesse d’assister à tant de défections. Depuis les apostasies du premier moment, qui suivirent la disparition de Sokolski en 1861 et qui furent surtout occasionnées par le manque de prêtres indigènes, le diocèse compte sensiblement le même nombre de fidèles. Aujourd’hui, d’après un rapport officiel, le vicariat possède 4 600 catholiques, 12 églises et 8 chapelles. Il y a 19 prêtres indigènes séculiers, 6 prêtres assomptionnistes de rite slave et5 prêtres résurrectionnistes de même rite. De plus, 5 résurrectionnistes et une dizaine d’assomptionnistes du rite latin travaillent directement aux œuvres de ce vicariat. Les sœurs oblates de l’Assomption sont au nombre de 45, dont plusieurs Bulgares ; elles tiennent un externat avec 80 élèves, et un postulat, qui compte une trentaine d’élèves. Les sœurs résurrectionnistes, au nombre de 5, ont une école à Malko-Tirnovo avec 86 élèves. Il y a encore 11 écoles, pour les garçons ou pour les filles, qui relèvent directement du vicariat et comprennent 670 élèves ; deux collèges tenus, l’un par les assomptionnistes à Philippopoli avec 120 élèves, l’autre par les résurrectionnistes à Andrinople avec 98 élèves, bien que ces deux établissements admettent des enfants de toutes les nationalités et même de toutes les religions. Pourtant, le collège Saint-Augustin des assomptionnistes contient nombre de Bulgares orthodoxes, qui suivent les offices religieux dans la chapelle slave catholique et celui des résurrectionnistes a donné quelques vocations ecclésiastiques. Il n’existe qu’un séminaire bulgare proprement dit, celui de Kara-Agatch près d’Andrinople, qu’ont fondé et que dirigent encore les Pères assomptionnistes. Ouvert en 1874 à Andrinople sous forme de petit orphelinat pour des enfants de huit à dix ans, il a élé peu à peu transformé en petit séminaire, pour tous les rites d’abord, puis pour le rite bulgare exclusivement, et, après de multiples pérégrinations qu’il serait trop long de raconter ici, a été définitivement fixé à Kara-Agatch. Depuis 1896, ce petit séminaire jouit de l’exemption de l’ordinaire et relève directement du saint-siège. Les séminaristes, une fois leurs études classiques terminées, se rendent au grand séminaire gréco-slave Saint-Léon, que les assomptionnistes ont établi à Kadi-Keuï, Chalcédoine, en 1895. et qui jouit pareillement de l’exemption de l’ordinaire. On comptait, en juillet 1903, 25 élèves sortis d’Andrinople ou de Kara-Agatch et ayant persévéré. Sur ce nombre, 10 étaient prêtres et 2 diacres ; les autres terminaient ou commençaient leurs études de grand séminaire. Les deux tiers environ appartiennent à la nationalité bulgare.

Les paroisses ou stations pour les Bulgares-Unis, dans le vicariat apostolique de Thrace, sont : 1° en Turquie : Andrinople, deux ou trois résidences, Kara-Agatch, Ak-Bounar, Malko-Tirnovo, Elagune, Lisgar, Dougandji, Kaïadjik, Pokrovan et Mostratli ; 2° en Bulgarie : Soudjak, Gadjilovo, Topouzlar, Philippopoli, Yainboli. Sliven.

Sur le vicariat apostolique de Macédoine voir les Échos d’Orient, I&u2, t. v, p. 307 sq. ; le Bessarione, 2’série, 1902, t. iii, p. 341345 ; 1903, t. v, p. 38-40 : sur le vicariat de Thrace voir l’article des Échos d’Orient, 1904, t. vii, p. 35^10. Les principales pièces relatives à l’union des Bulgares avec Rome se trouvent traduites dans la Bévue de l’Orient chrétien, 1897, t. ii, p. 166-172.

XV. L’Église latine en Bulgarie. —

1° L’Église latine est constituée aujourd’hui par l’évèché de Nicopolis, qui relève directement du saint-siège, et le vicariat apostolique de Sofia et Philippopoli. Presque tous les catholiques sont d’anciens convertis de l’hérésie paulicienne ou bogomile, qui ravagea ces contrées au moyen âge et, de là, s’infiltra dans l’Europe occidentale pour donner naissance aux sectes des cathares, des patarins, des albigeois, etc. Il est admis aujourd’hui que l’hérésie paulicienne se constitua avec les débris de diverses sectes gnostiques sous le règne de Constantin Pogonat, G68685, et qu’elle eut pour fondateur un certain Constantin, originaire de la région de Samosate, et dont le dualisme manichéen représentait à peu près toute la doctrine. Ses disciples, sous des noms divers, répandirent partout ses enseignements et les empereurs byzantins, en déportant sur toutes les frontières de leur État ces turbulents hérétiques, ne contribuèrent pas peu à la diffusion de leurs idées. Au Xe siècle, Jean Tzimiscès, 969-976, en transplanta un grand nombre du fond de l’Arménie aux environs de Philippopoli en Thrace. Est-ce à cette déportation en masse qu’il faut attribuer la recrudescence du manichéisme en Bulgarie à cette époque ? Toujours est-il que les traditions conservées par les Grecs, les Latins et les Slaves, sont unanimes à faire vivre sous le tsar bulgare Pierre I er, 927-968, le prêtre Jérémie dit Bogomile, c’est-à-dire Théophile, qui donna un nom nouveau à une hérésie déjà ancienne et, en réveillant l’ardeur religieuse de ses partisans, leur assura un triomphe momentané. En effet, c’est à parlir de ce moment que les diverses sectes manichéennes s’emparent de l’Europe centrale, pour descendre dans le nord de l’Italie et, par la vallée du Bhône, envahir toute la Gaule méridionale, et c’est toujours en Bulgarie que les chefs de la secte s’en vont chercher les instructions nécessaires. Deux communautés surtout se distinguent entre toutes par leur zèle et leur importance, celle de Philippopoli en Thrace et celle de Dragovitza en Macédoine. Il n’entre pas dans mon sujet de détailler ni de poursuivre l’histoire de cette secte en Bulgarie, comment elle fut condamnée officiellement au concile de Tirnovo en 1210, dans d’autres conciles, en 1316, 1325 et 1366, comment elle sembla disparaître, lorsque la Bulgarie tomba aux mains des Turcs à la fin du xive siècle, soit en se prononçant pour l’islamisme, soit en s’effaçant et en se propageant dans l’obscurité ; il suffit de rappeler que les Bulgares latins de nos jours, les pavlicans, comme on continue de les appeler dans le pays, sont les descendants bulgarisés dos pauliciens et des bogomiles du moyen âge. Voir col. 926-930.

La mission latine de Bulgarie, unie à celle de Valachie, fut soumise pendant le xvie siècle à la visite de l’archevêque d’Antivari ; elle reçut au xvir 3 siècle des missionnaires franciscains de la Bosnie et, en 162 i, forma une province indépendante sous le nom de custodia Bulgarie. Confiée, en 1763, à la congrégation des baptistins de Gênes, elle vit, eh 1781, toute une partie de son territoire détachée, sous le nom de mission bulgare, par le pape Pie VI en faveur de la congrégation de Saint-Paul de la Croix. Les passionnistes devenaient, en même temps, dans la personne d’un de leurs religieux, évêques de Nicopolis ou Boustchouk et administrateurs apostoliques de la Valachie laissée aux franciscains ; mais, à la différence de ceux-ci, ils n’ont pas eu et ils n’ont pas encore de maisons canoniques en Bulgarie, ayant pris seulement sur eux la charge des paroisses. Les premiers évêques franciscains de Nicopolis résidaient habituellement à Tchiprovetz, que les Turcs détruisirent en 1688. Par suite de la guerre survenue cette année-là entre les Autrichiens et la Porte, la plupart des catholiques émigrèrent en Transylvanie, où l’empereur Léopold I er leur permit de s’établir. En 1724, nouvelle émigration en Valachie et dans le Banat de plusieurs milliers de familles, qui reçurent divers privilèges des Impériaux. Ils fondèrent quinze villages dont le plus important est devenu la ville llorissante de Binga. Quant à ceux qui étaient restés dans le nord de la Bulgarie, dans cinq ou six villages aux environs de Nicopolis, ils furent longtemps sans prêtre et sans église. A deux reprises différentes, Rome tenta de secourir ces pauvres chrétiens abandonnés, en leur envoyant des évêques et des prêtres, vers la fin du xviiie siècle. C’est à la suite de la guerre russoturque et de la terrible peste de 1812, qu’avec l’autorisation de l’armée russe occupant le territoire, un certain nombre de familles bulgares passèrent le Danube et fondèrent le village de Cioplea, près de Bucarest, où leur évêque passionniste les suivit et succomba au fléau. Ses successeurs y demeurèrent jusqu’en 1847. A ce moment, l’évêque latin réussit à se procurer à Bucarest, dont l’entrée lui avait été formellement interdite par le métropolite orthodoxe, une demeure spacieuse, qui lui servit de résidence ainsi qu’à ses successeurs. Le nouvel état de la mission ne fut pas modifié jusqu’en 1864, où un décret de la Propagande chargeait les passionnistes de prendre en Valachie la place des missionnaires franciscains, qui se retirèrent progressivement. En 1873, Mif Paoli érigeait dans sa demeure épiscopale de Bucarest un petit séminaire diocésain et, deux ans après, il établissait un grand sémina ; re à Cioplea. Malheureusement, les passionnistes, auxquels en incombait la direction, en firent moins un grand séminaire qu’un noviciat de passionnistes, destiné à fournir des religieux à leurs maisons de Valachie et de Bulgarie. La situation demeura plus ou moins tendue jusqu’en 1888, où Ma r Palma, lui-même un ancien passionniste, dégagea tous les prêtres sortis de Cioplea de leurs obligations envers les passionnistes et créa un séminaire exclusivement diocésain. La conséquence toute naturelle de cette grave résolution l’ut d’enlever en principe la mission aux passionnistes pour la confier au clergé séculier ; mais ceci n’intéresse déjà plus le diocèse de Nicopolis. En 1883, en effet, la Valachie avait été séparée de la Bulgarie par le saintsiège et soumise à l’archevêché de Bucarest, créé par la même occasion. Dès lors, l’évêque de Nicopolis, cessant d’être administrateur apostolique de la Valachie, choisit Boustchouk pour sa résidence, où il demeure encore.

2° Le diocèse de Nicopolis relève directement du saintsiège ; il a pour évêque Ma r Henri Doulcet, passionniste français, nommé’e 7 février 1895 et qui s’est adjoint comme auxiliaire Ma r Jacques Boissant, séculier français, nommé le 15 septembre 1901 avec le titre d’Usala. Les catholiques sont près de 12 000 sur 1 500 000 habitants. Il y a quinze stations résidentielles, qui seront indiquées tout à l’heure, et une non résidentielle à Brégare près de Plevna. Le diocèse possède deux prêtres séculiers et vingt-trois réguliers, dont vingt passionnistes et trois assomptionnistes. Les passionnistes, qui ont vingt prêtres et neuf frères convers, dirigent toutes les paroisses, à l’exception de deux. Les assomptionnistes, établis à Varna depuis 1897, sont au nombre de sept, dont trois prêtres et quatre frères de chœur ; ils ont une école qui compte soixante-dix élèves, et se transformera bientôt en établissement d’enseignement secondaire, avec autorisation de donner des grades pour la Bulgarie. Les frères des écoles chrétiennes, d’origine allemande, tenaient jusqu’ici l’école primaire de Boustchouk, qui avait quatre-vingts élèves ; ils viennent de la cédera des professeurs laïques et de quitter le diocèse, septembre 1903. Les sœurs de Sion, quinze religieuses, s’occupent du pensionnat et de l’externat de Boustchouk, qui ont ensemble cent soixante élèves ; elles ont succédé dans cette charge aux oblates de l’Assomption. Celles-ci, établies à Varna depuis 1897, sont au nombre de quinze et viennent d’ouvrir un grand pensionnat, qui compte déjà cent quarante internes ou externes. Quatre sœurs dominicaines de Cette se sont établies, en août 1903, à Sistof et ont l’intention de se consacrer au soulagement des malades dans les environs. En dehors des écoles de Boustchouk et de Varna, les autres centres catholiques ont l’école officielle du gouvernement, où le curé se renil pour faire le catéchisme ; les instituteurs sont d’habitude catholiques. Ce diocèse ne possède pas encore de séminaire, mais Ma r Doulcet compte ouvrir un grand séminaire dans le courant de l’année 1904.

3° Le vicariat apostolique de Sofia et Philippopoli comprend l’ancienne province connue sous le nom de Mésie supérieure, ainsi qu’une partie de la Thrace, qui s’étend jusqu’au territoire d’Andrinople exclusivement. Comme le diocèse de Nicopolis, ce vicariat fut d’abord confié aux franciscains de la province bosniaque, qui avaient converti les villages pauliciens des environs de Philippopoli au xviie siècle. En 1610, le saint-siège rétablit la hiérarchie catholique, interrompue depuis des siècles, en érigeant l’évèché de Sofia. Il en fut ainsi jusqu’en 1643, où ce siège fut transformé en archevêché. Au xviiie siècle, le siège redevint vacant par suite des persécutions des Turcs ; les catholiques survivants furent contraints avec leur clergé de prendre en grand nombre le chemin de l’exil. En 1835, on recouvra une paix relative et Rome en profita pour confier la direction régulière de ces pauliciens convertis aux rédemptoristes, qui avaient à leur tête un préfet ou vicaire apostolique, mais sans la consécration épiscopale. Les rédemptoristes furent remplacés en 1841 par les irères mineurs capucins. Le premier vicaire apostolique fut le P. André Canova, qui devint en 1848 évêque titulaire de Buspe ; il mourut en 1866. Son successeur, M’J r Beynaudi, sacré en 1868, avec le titre d’Égées, devint vicaire apostolique de Sofia et Philippopoli et obtint, en 1880, un coadjuteur avec future succession dans la personne de Ma 1 " Menini, religieux du même ordre. Celui-ci succédait, en 1885, à Ma’Reynaudi avec le titre d’archevêque de Gangres ; il dirige toujours ce vicariat.

Depuis 1890, un changement est survenu dans l’organisation du séminaire de ce vicariat, qui enlèvera, à brève échéance, cette mission aux Pères capucins italiens et autrichiens. A la suite des troubles politiques d’Italie, on résolut de créer un institut oriental pour le recrutement des missionnaires capucins en Orient. Dans ce but, Ma>' Menini ouvrait en 1882 une petite école séraphique à Philippopoli, tandis qu’une autre était créée à San-Stéfano près de Constantinople. Le noviciat se faisait à Boudja près de Smyrne ; après quoi, les jeunes religieux allaient étudier pendant deux ans la philosophie à San-Stéfano et retournaient à Philippopoli, puis à Sofia, pour se livrer pendant quatre ans aux études théologiques. Comme la Bulgarie semblait par trop favorisée dans ce partage des cours, on résolut, en 1890, de transférer le noviciat à San-Stéfano, et de centraliser à Boudja les études de philosophie et de théologie. La Bulgarie ne gardait plus que l’école séraphique préparatoire. Ma>' Menini ne put se résoudre à cette combinaison ; il se sépara de l’institut, garda ses Bulgares et, sur les conseils de Léon XIII, son école devint un séminaire pour la formation d’un clergé indigène bulgare, qui prendra peu à peu la place des Pères capucins, à mesure que les paroisses deviendront vacantes. Voir le P. Ililaire de Barenton, La France catholique en Orient, in-8°, Paris, 1902, p. 260-263. Le petit séminaire de Philippopoli compte aujourd’hui vingt élèves, le grand séminaire de Sofia pour les études philosophiques et théologiques six seulement. Le vicariat apostolique de Solia-Philippopoli compte treize prêtres séculiers, quatorze capucins, vingt-six assomptionnistes, prêtres ou frères de chœur, un résurrectionniste et onze frères des écoles chrétiennes. Les capucins sont à peu près tous employés au ministère paroissial, le résurrectionnistedirige la paroisse de Stara-Zagora et les frères des écoles chrétiennes, le pensionnat et l’externat de Sofia qui ont deuxeentsix (lèves. Quant aux Pères assomptionnistes, ils ont quatre résidences, dont deux à Philippopoli, une à Yamboli et une autre à Sliven. A Philippopoli, dix-sept Pères et frères de chœur dirigent depuis 1884 le collège Saint-Augustin, le seul collège catholique de toute la Bulgarie, lequel compte de quatre-vingt-quinze à cent élèves ; quatre autres sont à l’école paroissiale de Saint-André, qui a (U’ux cent cinq élèves. A Yamboli, il y a trois religieux de la même congrégation, qui s’occupent des catholiques latins et slaves ; enfin, une mission vient d’être établie à Sliven, à la fin de 1903, avec deux Pères pour les Bulgares-Un iates, qui comptent déjà soixante-dix familles. Les sœurs françaises de Saint-Joseph de l’Apparition sont au nombre de cinquante-deux et possèdent six maisons, dont trois à Sofia, deux à Philippopoli et une à Bourgas. A Sofia, quinze sœurs s’occupent d’un vaste pensionnat, fondé en 1880, et qui comprend en même temps des internes, des externes et des orphelines, en tout trois cent vingt enfants ; deux autres ont une école de trente élèves et gardent l’église paroissiale ; dix autres tiennent l’hôpital Clémentine, qui comprend cinquante lits, et vont en outre visiter les malades à domicile. A Philippopoli, le pensionnat, depuis 1899, occupe onze sœurs et compte cent élèves ; l’école Saint-Joseph, qui remonte à 1860, a cinq sœurs et deux cent vingt élèves. A Bourgas, pensionnat et externat depuis 1891 avec neuf sœurs et une centaine d’élèves. Sept sœurs autrichiennes de Saint-Vincent-de-Paul (d’Agram) dirigent l’hôpital de Philippopoli et vingt-cinq sœurs bulgares, tertiaires de Saint-François, s’occupent d’un orphelinat et de travaux dç-s champs. Les oblates de l’Assomption, au nombre de sept, ont une école primaire de cinquante élèves et un dispensaire à Yamboli. Il y a également, en dehors de ces établissements, des écoles primaires pour les garçons et pour les filles dans les diverses paroisses du vicariat. POPULATION CATHOLIQUE LATINE DE BULGARIE

DIOCÈSE

DE NICOPOI.IS

VICARIAT APOSTOLIQUE

DE SOFIA-PHIL1PPOPOLI.

Paroisses et résidences.

Catholiques.

Paroisses et résidences.

Catholiques.

Roustchouk….

Assenovo

Bardarski-Ghéran.

Dragomirovo.

Sistoi

Viddin

1300

800

700

2 000

1000

1350

225

1000

1400

100

100

1000

250

300

50

Philippopoli….

Baltadji

Daoudjova….

Hambarlié….

Kalachié

Komatiévo….

Sofia

Stara-Zagora…

3000 20

2 700 100 535 534 430

1030

2 500 100 150 716

2 500 84 39

Total : 15

11 775

Total : 15

14 438

Sur les bogomiles, voir Raczki, Starine (Mémoires de l’académie slave d’Agram), t. VI, viii, ix ; L. Léger, L’hérésie des bogomiles en Bosnie et en Bulgarie au moyen âge, dans la Revue des questions historiques, 1870, t. viii, p. 479-517 ; C. Jirecek, Geschichte der Bulgaren, Prague, 187(1, p. 155, 174, 208, 212, 241, 464 sq., 578 ; Karapet Ter-Mkrttschian, Die Paulikianer im byzaninischen Kaiserreiche und verwandte ketzerische Erscheinungen in Arménien, Leipzig, 1893, passim ; Eus. Fermendzin, Acta Bulgarix ecclesiastica ab anno 1565 usque ad annutn 1199, Zagreb, 1887 ; E. Tachella, Les anciens pauliciens et les modernes bulgares catholiques de la Philippopolitaine (en bulgare), dans le Sbornik ou Recueil du ministère bulgare de l’instruction publique, Sofia, 1894, t. xi, p. 103-134, et, en traduction française, dans Le Muséon, 1897, t. XVI, p. 68-90 ; M Mennini, Relazione… sullo statu del suo apostolico vicariato nel 1890-91, in-8° Milan, 1891, extrait des Annali francescani ; ce rapport, qui nous renseigne fort bien sur le vicariat apostolique de Sofia-Philippopoli, a été traduit en français par L. Dupuy-Péyou dans La Bulgarie aux Bulgares, in-8°, 1895, p. 278-324 ; De l’ancienne liturgie dans la Bulgarie du Nord, dans les Études préparatoires au pèlerinage eucharistique… en avril et mai 1893, in-12, Paris, 1893, p. 180-184. Voir aussi Missiones catholicx, Rome, 1898, p. 117-119, 134-136, et pour le clergé du diocèse de Nicopolis, Kirchlicher Anzeiger fur die

rômisch-katholisehe Pfarrei in Rustchuck, in-8°, Bucarest, 1899, sorte de semaine religieuse qui n’a paru qu’une fois. Les dernières statistiques m’ont été fournies obligeamment par les autorités diocésaines. S. VaILHÉ.