Dictionnaire de théologie catholique/CONSEILS ÉVANGÉLIQUES

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 3.1 : CLARKE - CONSTANTINOPLEp. 596-605).

3. CONSEILS ÉVANGÉLIQUES. -
I. Définition.
II. Existence et excellence.
III. Relations avec la perfection et l'état de perfection.

I. DEFINITION. 1° D’une manière générale, le conseil évangélique, en tant que distinct du précepte chrétien, est une direction morale dont l’observation est recommandée aux chrétiens par l’Évangile, comme moyen de tendre plus efficacement à la perfection et d’obtenir une plus ample récompense céleste. L’acte ainsi recommandé est habituellement un acte particulièrement agréable à Dieu à cause des sacrifices qu’il impose et de sa grande efficacité pour le bien moral de l’individu. Tels sont, par exemple, certains actes non commandes de prévenance, de bienveillance ou d’assistance à l'égard d’un ennemi, une aumône généreusement faite sans aucun précepte, ou au delà de ses étroites limites. Les conseils particuliers se diversifient suivant les préceptes avec lesquels on les compare. Mais en réalité tous se groupent autour des trois conseils évangéliques spéciaux de pauvreté parfaite, de chasteté perpétuelle et de parfaite obéissance. S. Thomas, Sum. theol., III, q. CVIII, a. 4.

2° Dans un sens plus restreint et plus usuel, le nom de conseil évangélique est principalement réservé à la pratique chrétienne de la pauvreté volontaire, de la chasteté perpétuelle et de la parfaite obéissance, considérées comme moyens expressément recommandés par Jésus-Christ pour l’acquisition d’un plus haut degré de charité ou de perfection. - 1. Le but à atteindre determine la nature de l’acte recommandé. La pauvreté conseillée n’est point la simple pauvreté affective, mais l’abandon constant et effectif des biens temporels, seul capable d’affranchir l'âme de toute attache incompatible avec la perfection. La chasteté conseillée est la chasteté parfaite et perpétuelle qui permet de diriger plus facilement vers Dieu toutes les affections. L’obéissance conseillée est la soumission parfaite à une autorité religieuse ou monastique, écartant à jamais le grand obstacle de la volonté propre. — 2. Ainsi les facilités plus grandes de perfection proviennent principalement de l’éloignement définitif des principaux obstacles à la perfection, possession et administration des biens temporels, affections et affaires de famille, préoccupations et entraînements de ]a volonté personnelle. S. Thomas, Sum. tlicol., I a II æ, q.cvm, a. 4 ; II a II æ, q. clxxxiv, a. 3 ; q. clxxxvi, a. 3-5.

— 3. Les conseils évangéliques considérés en eux-mêmes restent pleinement facultatifs, puisque la perfection qu’ils aident à acquérir n’est point elle-même strictement requise et qu’elle peut être atteinte en dehors de leur accomplissement. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxxxiv, a. 3. Cependant il peut y avoir obligation accidentelle ou indirecte de les pratiquer. Obligation accidentelle, si leur omission plaçait certainement l’individu dans un danger inévitable de damnation éternelle, S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, I. IV, n. 78 ; danger dont l’existence concrète et indiscutable est difficilement démontrable. L’obligation indirecte provient surtout de quelque vœu auquel on s’est astreint librement d’une manière temporaire ou d’une manière permanente. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. lxxxviii, a. 3. — 4. Nous avons montré précédemment, t. ii, col. 2323, que ce concept théologique des conseils évangéliques d’abord esquissé par saint Ambroise, De vidais, c. XII, P. L., t. xvi, col. 256, puis nettement défini par saint Augustin, De sancta virginitate, c. xiv, P. L., t. XL, col. 402 ; Epist., CL VII, n. 39, P. L., t. xxxiii, col. 692, fut pleinement élucidé par saint Thomas, Sum, theol., II* II*, q. clxxxiv, a. 3 ; q. clxxxvi, a. 3 sq. ; Cont. gent., 1. III, c. cxxx sq. ; Opusc., xviii, Contra pestiferam doctrinam retrahentem homines a religionis ingressu, c. vi sq. ; Opusc., xix, Contra impugnantes Dei cultum etreligionem, c. I sq., dont la doctrine fut communément suivie par les théologiens subséquents. — 5. Il n’est point vrai que le concept catholique du conseil évangélique abaisse le niveau moral en réduisant nécessairement le précepte divin à un slrictminimum auquelon habitue les consciences. La fixation de ce minimum n’est point une résultante du conseil lui-même ; elle est une conséquence de la fin du précepte toujours proportionné par la sagesse divine au buta atteindre. D’ailleurs, la détermination de l’obligation minima n’empêche nullement l’élan de la volonté vers une plus grande perfection. Il est également vrai que le précepte positif de la charité n’ayant aucun minimum nettement déterminé, les actes les plus parfaits de charité, y compris l’observance des conseils évangéliques, ne sont nullement exclus de sa sphère intégrale ou y sont même contenus implicitement. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ, q. clxxxiv, a. 3. IL Existence et excellence. — 1° Enseignement scripluraire. — L’existence et l’excellence du conseil évangélique de chasteté ont déjà été démontrées, t. ii, col. 2321 sq. L’enseignement évangélique n’est pas moins formel sur les conseils de pauvreté volontaire et de parfaite obéissance. — 1. Le conseil de pauvreté volontaire ressort de la parole de Jésus : Si vis perfectus esse, vade, vende g use habes et da pauperibus et habe~ bis thesaurum incœlo et veni sequere me. Matth., xix, 21. — a) L’opposition entre.si vis ad vitam ingredi, . 17, et si vis perfectus esse, ꝟ. 21, prouve qu’il ne s’agit point auꝟ. 21 de l’observance d’un commandement obligatoire, mais d’une œuvre non commandée qui facilite la perfection et assure une plus grande récompense. Sinon, l’affirmation solennelle duꝟ. 17 que l’accomplissement des commandements suffit pour acquérir la vie éternelle cesserait d’être vraie. — b) Rien n’autorise à affirmer que ce jeune homme était personnellement et gravement obligé de renoncer à toute possession terrestre pour ne point compromettre son salut éternel. L’accomplissement intégral qu’il avait fait de tous les commandements jusqu’à cette époque, tel qu’il est affirmé au ꝟ. 20 : Omnia hœc custodivi a juventute mea, prouve même le contraire. — c) L’interrogation : Quid adhuc mihi dcest ?, t. 20, suivie de la réponse de Jésus : Si vis perfectus esse, ꝟ. 21, montre une aspiration surpassant l’étroite préoccupation du salut personnel, une aspiration vers une union plus intime avec Dieu par l’accomplissement de tout ce que l’on sait lui être le plus agréable. — 2. Le conseil d’obéissance parfaite découle de l’invitation de Jésus : Veni, sequere me, ꝟ. 21. Pour assurer la pleine possession de la perfection, Jésus sollicite le complet abandon de la volonté propre, désormais entièrement soumise à son absolue direction ; soumission non moins entière, non moins méritoire ni moins efficace, quand elle est pratiquée à l’égard de quelqu’un qui tient cette autorité de Jésus-Christ lui-même. Ce que réalise vraiment l’obéissance religieuse.

Enseignement traditionnel.

Cet enseignement

ressort de l’étude particulière de chacun des conseils. Nous devons nous borner ici à un exposé sommaire, en omettant les indications déjà données pour le conseil de chasteté, t. ii, col. 2321 sq. — 1. Depuis les temps apostoliques jusqu’à l’institution du cénobitisme vers 340. — a) L’institution des ascètes si ilorissante dans les trois premiers siècles, particulièrement dans le clergé, et si féconde dans l’Église à cette époque, voir t. i, col. 2074 sq., prouve par sa pratique de la pauvreté volontaire, la haute estime que le christianisme professait alors pour la pauvreté, estime entièrement inconnue au inonde païen et qui de fait ne s’explique vraiment que par l’influence de la doctrine évangélique de Matth., xix, 20. La pauvreté volontaire des ascètes est particulièrement louée et recommandée par Clément d’Alexandrie, Quis dires salvabitur, c. xi sq., P. G., t. ix, col. 615 sq. ; Origène, In Matth., homil. xv, n. 15, P. G., t. xiii, col. 1293 sq. ; saint Cyprien, De habilu virginum, c. XI, P. L., t. iv, col. 461 sq. Cette pauvreté volontaire n’entraînait pas encore, généralement du moins, le renoncement effectif à tous les biens. Elle consistait surtout dans le détachement affectif joint à une grande modération dans l’usage des biens et à une grande générosité dans les aumônes.

Vers le milieu du ine siècle, commença avec l’anachorétisme la pratique de l’abandon effectif de tous les biens d’après Matth., xix, 20 ; saint Antoine en offre un parfait exemple. S. Athanase, Vita S. Anto)iii, n. 2 sq., P. G., t. xxvi, col. 842 sq. Avec l’anachorétisme aussi commença la pratique de l’obéissance à l’égard de l’ancien ou du maître, à la direction duquel l’anachorète se livrait entièrement. Voir t. i, col. 113’t sq.

2. Depuis l’institution du cénobitisme vers 340 jusqu’au xill’siècle, la pauvreté monastique consistant dans l’entier abandon des biens personnels et dans l’absolue dépendance pour l’usage des biens communs est pratiquée dans tous les monastères, conformément à une règle qui en détermine tous les détails. Toutes ces règles qui dirigent en même temps la vie d’obéissance du moine seront étudiées à part. L’éloge de la pauvreté et de l’obéissance est d’ailleurs très marqué dans les nombreux commentaires et ouvrages ascétiques à l’usage des moines, particulièrement dans les écrits de saint Basile et de saint Jean Chrysostome, dans les Institutions et les Conférences de Cassien, dans les divers recueils des Apoplitegmata Patrum, dans plusieurs lettres de saint Jérôme, de saint Augustin et surtout de saint Nil († 430) et de saint Isidore de Péluse (f.434), et dans la Scala paradisi de saint Jean Climaqtie. Ouvrages qui continuèrent à diriger encore aux siècles suivants la vie ascétique des moines en Orient et en Occident.

La vie monastique de pauvreté et d’obéissance est aussi louée dans la prédication adressée aux fidèles, particulièrement par saint Grégoire de Nazianze, Oral., il 70

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. col. 319 sq. Obier i lillenra que touti - cet louangei de la pauvreté ince sont, i omme celles de la chaatelé, principalement appuyées sur la recommandation formelle de Jésus-Christ, exprimant seulement une invitation pressante ne pouvant par elle-même créer aucune obligation et supposant de prudentes conditions de ition.

Après le r Biècle, toute cette doctrineest généralement reproduite par les auteurs ecclésiastiqu

Dans toute cette période, pendanl que l’Église approuve tacitement les instituts et les règles monastiques avec leur stricte observance des conseils évangéliques, elle réprouvee pn ssément par les définitions du pontife romain et par la vois de Bes docteurs les adven du conseil de chasteté, voir t. il, col. 2323 sq., les | tiques ou encratites qui, en condamnant le mariage, im aient l’étroite obligation de la chasteté, et le exigeant impérieusement la pratique du conseil de pauvreté. s. Augustin, Epist., cvii, c. iv, n. 23 sq., P. L-,

t. XXXIII, col. (JS6 sq.

3. Depuis le xiif siècle jusqu’au xw » . — ai M une profonde transformation de la vie monastique par la création du moine prêcheur joignant l’apostolat à la vie contemplative et pénitente, les nouvelles règles monastiques de saint François d’Assise et de saint Dominique maintiennent ou même augmentent les rigueurs de la pauvreté etde l’obéissance. — b) L’avènement de l’ascétique scientifique avec Hugues de Saint-Victor et saint Thomas d’Aquin conduisit à une étude spéculative plus approfondie du rôle des trois conseils de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, envisagés comme moyens ou instruments de perfection très recommandés mais nullement obligatoires par eux-mêmes. L’on démontra en même temps leur haute convenance surnaturelle et on les vengea de toutes les attaques dont ils étaient alors l’objet, même au sein de l’Kglise. S. Thomas. Sum. theol., II » II « , q. clxxxtv, a. 3 ; q. clxxxyi, a. 3 sq. ; Cont. gent., 1. III, c. cxxx sq. ; Opusc, xviii, Contra pestiferam doctrinam retrahentiutn homines a religionis ingressu, c. vi sq. : Opusc., xix, Contra impugnantes bei cultum et religionem, c. i sq. Enseignement communément reproduit par les théologiens subséquents.

En même temps que l’Église, entourant de sa protection les ordres monastiques, louait leur généreuse observance des conseils évangéliques et approuvait tacitement l’enseignement tbéologique commun, elle réprouvait et ceux qui plaçaient toute la perfection chrétienne dans la pauvreté comme les vaudois, Professio fidei præscripta waldensibus ad Ecclesiam reducibus ab Innocentai 111, Denzinger, Enchiridion, n. 373, ou qui la défiguraient par leurs exagérations et leurs erreurs, comme les fraticelles, Denzinger, n. 169, et ceux qui la poursuivaient de leurs anathèmes comme Wikleff et Jean Hus. Denzinger, n. 520 sq.. Ô74.

4. Depuis le xvie siècle jusqu’à l’époque actuelle. — c’).lalgré une nouvelle transformation de la vie monastique par la création du religieux apôtre non astreint aux obligations monastiques, la pratique de la pauvreté et de l’obéissance toujours fondée sur la recommandation évangélique, Matth., xix, 211. reste substantiellement identique. C’est ce que témoignent les règles reli luses de cette époque, particulièrement celles tir la Compagnie de Jésus, ce que témoignent aussi les nombreux ouvrages ascétiques spécialement destinés aux

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Dit igée surtout contre li : Lu ther et de set adeptes, 1 Ile justi

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surnaturelle, leur hante convenance et leur utilité individuelle et social). Nous avons indiqui cédemment li - réponses principales des théoloj catholiques. Voir t. ii, col. 2323 sq. — c Lesdocun ecclésiastiques de cette époque réprouvent toute doctrines opposées aux con-il- évangéliques ou in lent sur la parfait.- observance de ! religieuse*.

incile de Trente, sess. XXV, De regularibt nionialibut, c. 1 sq.. |ou. par les

religieux et détermine, avec beaucoup de sollicitude, li - points sur lesquels doit particulièrement porter leur réforme. Pie VI dans une lettre au cardinal 1 Rochefoucault, du 10 mais 1791, déclare que régularium aboli lio lœdit slatum publics > liorume angelicorum. Denzinger, Enchiridion, n. 1511. La bulle Auctorcm fidei de l’ie VI du 28 août 1794, prop. 80 ^q.. condamne plusieurs assertions erre : du conciliabule de Pistoie. Denzinger, n. 1449 sq. I cyclique Quanta cura de Pie IX du 8 décembre n nouvelle la déclaration de Pie VI en 1791, Denzin n. 1541, en même temps qu’est réprouvée dans le Syllabus la mainmise de l’État sur les congrégations religieuses. Prop..72 sq., Denzinger, n. 1600 sq. Léon XIII dans la lettre Testent benevolentiae du 22 janvier 1899 condamne ceux qui affirment que les voeux émis d les ordres religieux sont contrains, , u génie de n époque, parce qu’ils sont une atteinte à la liberté humain. - : Veruni hase quam falso dicantur ex usu doctrinaque Ecclesix fa< île palet, cui religiosum vivi grenus maxime semper probatum est. Hoc sane merito, namqui aDeo vocali illudsponle sua amjilectuntur, non contenli communibus præceptorum offldis, inevangelica coeuntes cou si lia, Christo se milites slrenuos paratosque ostendunt. Lians une lettre aux supérieurs généraux des ordre- >-t instituts religieux, le 29 juin l’JUl. Léon Xlll louait publiquement les religieux de l’un et de l’autre sexe qui, par l’observation des conseils évangéliques, tendent à porter les m chrétiennes au sommet de la perfection et qui de beaucoup de manières aident puissamment l’action de l’Église.

111. Relations ayf.c la perfection et l’état de perfection. — 1 « Avec la perfection. — 1. Il n’a point de connexion nécessaire entre la perfection et la pratique des conseils évangéliques. Car la perfection int grale consiste dans la charité- rendue aussi actuelle que possible par une disposition habituelle à faire facilement, constamment et suavement ce que l’on sait le plus agréable à Dieu, voir t. 1. col. 2038 sq., et cette disposition peut régner habituellement dans l’âme la pratique des conseils évangéliques. S. Thomas, Sum. theol., II* II*, q. clxxxiv. a. 3 sq. C’est ce que prouve d’ailleurs l’histoire de l’Église où abondent les exemples de sainteté dans la vie commune, même dans l’embarras des affaires séculières et dans le gou< ment de la famille. — 2. L’observance des conseils évangéliques, tout en n’étant point requise pour la perfection, s aide puissamment, en écartant le> tacles les plus forts et les plus habituels à la parfaite charité- et en dirigeant librement vers elle toutes nos facultés, s. Thomas, loc. cit. — 3. Si la question est restreinte aux conseils île perfection, considérés d’une manière générale, en tant que distincts du précepte divin, l’on peut affirmer que la pratique de la perfection ne va point sans la pratique de quelque conseil ou de quelque ouvre non obligatoire. Voir t. 1. col 2 Car la perfection, telle qu’elle est possible en ce inonde,

suppose une grande et constante générosité nécessairement irréalisable pour qui veut toujours se limiter à la stricte obligation du précepte.

Relations avec l’état de perfection à acquérir.


Cet état ne peut exister parfaitement sans une permanente obligation à la pratique des trois conseils évangéliques ; obligation permanente dont l’origine ne peut être qu’un vœu d’observer perpétuellement ces mêmes conseils. Car tout état de vie supposant une obligation stable, S.Tbomas, Sum. theol., ll* II æ, q. clxxxiii, a. 1, l’état de perfection à acquérir comporte nécessairement une obligation constante aux principaux moyens de perfection. Moyens consistant surtout dans la perpétuelle pratique des conseils évangéliques, écartant définitivement les plus grands obstacles à la perfection. S. Thomas, op. cit., q. Clxxxiv, a. 3 sq.

3° Relations avec le salut et la perfection d’aulrui.

— Non nécessaire à l’ascète pour sa perfection personnelle, l’observance des conseils évangéliques ne l’est point non plus pour l’apôtre désireux de travailler avec fruit à la perfection d’autrui. La plénitude de la charité apostolique suffit et elle peut exister, elle a de fait existé, en dehors de l’observance des conseils évangéliques. Cependant cette observance, en aidant à l’augmentation de la charité ou à l’intensité du dévouement et en méritant une plus abondante participation des grâces divines, peut augmenter considérablement l’efficacité de l’apostolat. C’est ce que témoigne l’histoire des ascètes des premiers siècles dont l’apostolat a été si fécond, voir t. I, col. 2069 sq., ce que témoigne aussi l’histoire des ordres religieux vraiment fidèles à leur esprit et à leurs règles, même chez les ordres purement contemplatifs qui par leurs prières, leurs mérites et leurs souffrances volontaires ont toujours exercé autour d’eux un véritable apostolat. S le Thérèse, Chemin de la perfection, c. III.

C’est aussi ce qui explique pourquoi l’Église exige de ses ministres la pratique du conseil de chasteté parfaite et leur impose certaines obligations ofirant quelque analogie avec les conseils de pauvreté et d’obéissance. Voir t. I, col. 2040. Le fait historique de la particulière efficacité surnaturelle de l’apostolat accompagné de la pratique personnelle des conseils évangéliques justifie pleinement l’ascète religieux du reproche d’excessive ou exclusive préoccupation de son salut personnel. Quel que soit pour lui le motil principal d’embrasser cet état privilégié, la pensée de l’apostolat ou du bien commun de la société chrétienne existe au moins d’une manière concomitante ou comme résultante nécessaire d’un ardent amour pour Dieu.

D’ailleurs, en vertu du dogme de la communion catholique, les biens spirituels des membres les plus saints se communiquent à toute l’Église et attirent sur elle d’abondantes bénédictions spirituelles, d’où résultent aussi beaucoup de bienfaits même temporels. Enfin l’exemple public de ces ascètes est toujours une leçon bien profitable à la société.

Ajoutons que l’histoire du monachisme et des ordres religieux démontrera l’heureuse inlluence sociale, exercée dans tous les siècles par lesfervenls adeptes des conseils évangéliques.

Sur les conseils évangéliques considérés d’une manière générale on peut particulièrement consulter, outre les ouvrages classiques de théologie morale et d’ascétique : S. Thomas, aux endroits cités au cours de cet article ; S. Antonin de Florence, Summa theologica, part. III, Ut. xvi, c. i, Vérone, 1740, t. iii, col. 845 sq. ; Cajetan, In II’" II’, q. i.xxxiv, a. 3 ; q. CLXXXVI, a. 3 sq. ; Canisius, De corruptelis verbi Dei, c. XI, Ingolstadl, 1583, p. 131 sq. ; Bellarmin, De monachis, 1. II, c. vu sq. ; Sylvius, In II" II’, p. CLXXXIV, a. 3 ; q. CLXXXVI, a. 3sq. ; Suarez, De statu perfectiotiis variisque illiuB modis, c. vi sq. ; S. François de Sales, Traité <le l’umour de Dieu, 1. VIII, c. vi sq. ; Salmanticenses, Cursus théologiens, tr. XX, disp. III, n. Il sq. ; Libère de Jésus, Conlroversiarum scolastico-polemico-hi storico-criticarum, tr. IX, Milan, 1754, t. vii, col. 1 sq. ; Bouix, Tractatus de jure regularium, part. 1, secl. i, c. vu sq., Paris, 1857, p. 25 sq. ; Millier, Theologia moralis, 7e édit. Vienne, 1894, t. I, p. 183 sq. ; Bouquillon, Theologia moralis fundamentalis, 3’édit., Bruges, 1903, p. 263 sq. ; Weiss, Apologie des Christenthums. Fribourg-en-Brisgau, 1889, t. v, p. 174 sq., 384 sq. ; Schwane, De operibus supererogatoriis et consitiis evangelicis in génère, Munster, 1868 ; Kirchenlexikun, 2e édit., t. x, col. 135 sq. ; Rcalencyclopàdie fur protestantische Théologie und Kirche, 3e édit., Leipzig, 1898, t. iv, p. 274 sq.

E. Dl’blanchy.

    1. CONSENTEMENT##


CONSENTEMENT. - I. Notion. II. Psychologie. III. Morale. IV. Historique.

I. Notion.

Dans le langage théologique courant, le consentement est regardé comme un acte de volonté : Consensus est acceptatio complacentiaque voluntatis in eo quod ab intellectu proponitur. Marc, Instilulioncs morales alphonsianze, n. 320. L’étjmologie latine, cum sensus, confirme cette acception. Comme le sens dans la sensation, ainsi la volonté dans le consentement adhère aux choses elles-mêmes, en prend une expérience immédiate, les sent avec je ne sais quelle complaisance. L’esprit, frappé de cette analogie de procédé, a donc distribué dans les deux domaines, cognoscitif et volontaire, cette notion commune de l’inhérence aux choses, et, comme c’est dans la sensation sans doute qu’il l’avait d’abord remarquée, c’est du sens qu’est venu, avec une petite modification, le préfixe cum qui marque sous quel rapport court l’analogie, la dénomination du phénomène volontaire. S.Tbomas, Sum. theol., I a II æ, q. xv, a. 1. Le mot assentiment qui se distingue par le préfixe ad, lequel suppose une certaine distance de l’objet vers lequel on tend, au rebours du mot consentement, exprimera, à strictement parler, une attitude intellectuelle, lbid., ad 3um ; cf. Quæst. disp., De veritate, q. xiv, a. I, ad3um. Mais, pour ressembler à l’acte du sens sous un certain rapport, ce qui justifie l’analogie et la dénomination conséquente, le consentement n’en dilfère pas moins sous d’autres. L’application de la volonté aux choses dans le consentement n’est pas un acte naturel comme l’appétition animale, mais un acte voulu et qui pourrait ne pas être. D’où, le consentement n’existe pas chez les animaux qui sont déterminés à un seul parti et exécutent passivement. Il relève de la psychologie de l’acte humain, lbid., a. 2. Il est libre.

II. Psychologie.

Nous avons décrit au mot Acte l’organisme intégral d’un acte humain complet. Le consentement y occupe la sixième place, entre le conseil et le jugement pratique, la seconde parmi les actes qui regardent les moyens. Voir t. i, col. 343. D’abord le consentement regarde directement les moyens et non la fin. S’il s’agit, en effet, de la fin ultime, le vouloir en est naturel et nécessaire. Il n’y a pas lieu de consentir : l’application de la volonté à son objet se fait d’elle-même, elicitive, par un simple passage de la puissance à l’acte. S’il s’agit des moyens, comme tels bien enlendu, et tout peut être moyen vis-à-vis de la fin ultime, c’est au conseil d’en prendre connaissance et c’est au consentement d’y appliquer activement la volonté. Cette activité applicatrice est possible, puisque la nature qui ordonne la volonté aux fins nécessaires ne l’ordonne pas aux moyens que suggère la délibération du conseil. Elle est nécessaire, parce que, sans elle, la connaissance des moyens demeurerait sans efficacité sur la volonté, déjà rectifiée activement du côté de la fin, mais qui n’y arriverait jamais. Le consentement existe donc en tant qu’activitéappétitive faisant adhérer la volonté aux rnovens trouvés par le conseil.

Nous avons dit aux moyens, au pluriel. Le consentement, en effet, n’a pas pour objet un moyen de préférence aux autres, le meilleur moyen par exemple. C’est à l’élection de faire ce choix après un dernier jugement practico-pratique, qui décrétera l’excellence relative d’un moyen parmi tous les autres. Le consentement se porte sur tous les moyens en harmonie avec la fin voulue,

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consentement, .1..n l emploi fréquent du mot <miment pour exprimer l’élection conséquente qui l’i loppe comme dans ces mots consensut m actum, .<< cogitationem, m delectationem, qu’utilisent les Ihi pies morales. Le consentement est ici le synonyme de la dernière démarche de la rolonté pour se détermim r iatérieurement avant de passer à la détermination des puissances subordonnées par r « sus ; d’où le nom grecdu consentement, yvcou/ » ), sententia.

III. MORALE.

C’est un principe de morale que le consentement fait I.’péché. Dans le consentement, en effet, la volonté acquiert sa dernière détermination intérieure. Auparavant, dans le conseil, on délibérait, on n’était pas îix.’- ; une fois le consentement donné, on est Qxé, la volonté adhère fermement a l’objet, inhssret, dit saint Thomas, loc. cit. Il ne reste plus qu’à déterminer dans L’élection lequel employer des moyens consentis, s’il y en a plusieurs, ce qui ne fait pas davantage vouloir l’œuvre à accomplir, car le moyen qui sera choisi a d. j i : i ; consenti ;.- jlobo. 1. ivnpevzum et 1 utilisation active qui suivent l’élection sont déjà orientés vers l’extérieur, vers l’exécution. La détermination intérieure, mauvaise ou bonne, de la volonté est donc consommée par le consentement, et par elle l’acte moral définitivement rendu lion ou mauvais.

Non seulement le consentement est le point précis qui trace, du côté subjectif, la ligne de démarcation entre les actes peccamineux et les actes non coupables, mais ses degrés correspondent aux degrés de la culpabilité. Ainsi le consentement parfait et le consentement imparfait introduisent dans la culpabilité, vis-à-vis d’un objet intrinsèquement mauvais, la différence du péché mortel au péché véniel. Voir pour le développement de ces idées, ainsi que de tout ce qui regarde le consentement direct et indirect, etc., les mots Volontaire et Péché.

Du côté objectif, le consentement se distingue en consentement à l’acte lui-même et en consentement à la délectation produite par la pensée de l’acte. Ce dernier se subdivise selon que la pensée est en elle-même l’objet de la délectation ou que l’acte lui-même en est l’objet. On peut traiter cette distinction au point de vue moral et au point de vue historique. Pour le point de vue moral nous renvoyons aux mots Péché, DÉLECTATION morose. Le point de vue historique sera traité ici-même.

IV. HISTORIQUE, — 1° De la notion p&ychologique. — Dans le VIe livre des Ethiques <i Nicomaque qui contient la psychologie aristotélicienne de l’acte humain, le philosophe s’est attaché à déterminer le conseil et l’élection, sans soupçonner l’existence d’un acte intermédiaire. Il est vrai qu’au c. xi, il prononce le nom de fvo>u.r, qui sera plus tard pour la tradition chrétienne le nom grec du consentement, mais ce nom désigne pour lui une qualité intellectuelle de prudence, comportant une certaine supériorité de jugement pratique. s.iint Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ", q. Li, a. 4, a respect.’cette acception et a donné à la gnome une place parmi les vertus adjacentes à la prudence. C’était au

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veau. Défait, c’est à saint J. in Damascéne que les kolastiqui - sont i

ment. Ce Péri a compl. té la psveh. qu’il innove, en intercalant api.- le jiii.i-iii.-ril un acte qu il appelle vo-ir.. Mais au lieu d.- di mol une valeur intellectuelle cou, m.- Aristote. il lui d la signification d’un acte de voloni ment, dit-il, on s aflectionne par hconseil, on l’aime, et c’est I

nner pour ie qui a

l’airner, il n’j a pas yvwu.r, . Api.-.- tte allei I l’élection. De fide orthodosa, I. II. c. xxii. I t. xciv, toi.’.liô. Le mot tententia, i Yviu.T se prête a ces deux acceptions. l’ne senteni p.r un côté quelque cho dicieux et donc d’in tellectuel ; c’est, par un autre côté, un arrêt, qui implique la détermination définitive de la volonté. D’où -Thomas a dit : Consensus potest attribui et volun ri rationi. S, nu. theol., Ia-IIæ, q. lxxiv, a. 7. ad 1 « ". C’est à saint Jean Damascéne que saint Thomas prunte la notion du consentement qu’il intercale entre le conseil et l’élection. Tous les théologiens moralii qui font la psychologie de l’acte humain, ont r son exposition. (T. l’rins. De actibns Itumanis oui >-t psychologice spectatts, Fribourg-en-Dri-. 1897, p.’Soi sq.

De la raie.

C’est à saint Augustin que

la théologie est redevable d’une doctrine à la fois théologique et morale du consentement. Cette doc tri n. morale en ce que, sans entrer dans les précisions psychologiques mentionnées ci-dessus, acceptant la do : commune, elle s’attache à déterminer l’influence du consentement sur la bonté et la malice de l’acte hum. iin. Elle est théologique, parce qu’elle rattacfa consentement à la définition théologique du péché : dirti’iii, f actum, concupilum rouira legetn œlernam, Cont. Fauslum, 1. XXII, c. xxvii, P.L., t. xlii. col et a l’intervention de la raison supérieure, dont l’objet, selon saint Augustin, est de contempler et de consulter les raisons éternelles des choses. De Trinitate, 1. XII, e. vii, /’. L.. t. xi.ii. col. 1003.

Hans le De Genesi contra manichxos, 1. II. c. xiv. ]’. /.., t. xxxiv. col.’AiT. I.- saint docteur esquisst une comparaison entre les personnages de la tentation du paradis terrestre, le serpent, Eve et Adam et les facultés psychologiques, qui selon lui concourent au consentement au péché, à savoir le sens, la concupiscence et la raison. Il reprend et complet, dans le De Trinitate, 1. XII. c. xii. P. L.. t. xi.n. col. 1007 sq. Voici en quoi consiste cette adaptation i t les règles morales qui en découlent. Lorsque le suggère à la raison inférieure, ratio srietitisc. ratio aclionis, la représentation d’une jouissance des terrestres en opposition avec le bien souverain, c’est le serpent qui entre en conversation avec la femmi Si la raison inférieure, qui n’a à sa disposition pour i des choses que des motifs d’ordre inférieur (turpitudo artus, honiinum o/Jenta, cf. S. Thomas. <Jimst. û lir veritate, q. xv. a. 3), donne son consentement. 1 n a mangédufruil défendu. Si le consentement, grâce à L’inhibition de la raison supérieur »

que peut donner la pensée de l’acte, la femme seule a mangé de ce fruit. Mais, si le consentement donné au mauvais usage des choses sensibles va jusqu’au vouloir de l’acte externe qui procure la délectation, la femme a donné le fruit défendu à son mari, qui, à son tour, en a mangé. Il est impossible, en elfet, selon saint Augustin, que l’on dépasse la délectation de la pensée, que l’on consente à consommer le péché, sans que l’intention suprême (la raison supérieure), de laquelle dépendent les mouvements des membres, ne soit engagée et ne concoure elle-même à l’action mauvaise.

Saint Augustin revient, pour en préciser le caractère peccamineux, sur le consentement de la raison inférieure. Ce n’est pas, dit-il, qu’il n’y ait pas péché, lorsque l’esprit se délecte dans les choses illicites, retenant et déroulant mentalement ce qui aurait dû être rejeté dés sa première apparition, mais ce péché est bien moindre que le péché consommé. C’est un de ces péchés dont on obtient le pardon en disant : Dimitte nobis débita nostra, et en accomplissant ce qui est ajouté’: Sicul et nos dimittimus débitorïbus nostris. Car, il n’y a plus ici deux personnes, comme dans la tentation du paradis où, si la femme seule eût mangé, seule elle eût été condamnée. L’homme est un : tout entier il sera condamné pour avoir consenti à la seule délectation, à moins que son péché ne lui soit remis par la gr.’ice du médiateur.

De cette exposilion résulte pour la théologie morale une conséquence assurée : le consentement intérieur à un acte gravement illicite est un péché mortel. La raison en est que les membres dépendent dans leur mouvement de la raison supérieure, en relation directe avec les raisons éternelles : il y a donc concupilum contra legem œternam. Saint Augustin n’approfondit pas davantage la cause de cette dépmdance, ce que fera saint Thomas.

Un point n’est pas mis en lumière : le mouvement de sensualité représenté par le colloque du serpent et de la femme est-il un péché ?

Un point, enlin. n’est pas suflisamment éclairci, le consentement à la délectation dite depuis morose, delcctatio cogitalionis. Saint Augustin ne semble parler que de la délectation qui a pour objet non la pensée, mais l’acte pensé. Ce péché est bien moindre, dit-il, que le péché de consentement à l’acte : on le rachète en disant : Dimitte nobis, etc. Ce qui semble désigner un péché véniel. Il est vrai que dans l’Enchiridion, c. lxxi, P. L., t. xi., col. 265, il professe que le Notre Père obtient aussi le pardon des péchés graves. Et il semble bien que ce soit ici le sentiment du saint docteur, puisqu’il ajoute que pour ce péché lotus homo damnabitur. Quoi qu’il en soit, il reste une certaine incertitude sur sa pensée, et c’est à la préciser que s’attachera la théologie postérieure.

Pierre Lombard se réfère pour appuyer sa doctrine aux deux passages cités du DeGenesi et du De Trinitate de saint Augustin, fait sienne la comparaison de la tentation du paradis terrestre et en précise les données. Il Senl., dist. XXIV, P. L., t. cxcii, col. 703-705, § Qualiler per illa tria in nobis consummetur lentatio. D’abord, en ce qui concerne le pur mouvement sensuel, il y reconnaît un péché véniel, et ce péché, dit-il, est très léger. Pour la délectation morose, il distingue : si la raison inférieure consent à la seule délectation (dere cogitata évidemment), sans prétendre aller plus loin, il y a tantôt péché véniel, tantôt péché mortel, selon que celle pensée et la délectation connexe auront peu ou longtemps duré, car c’était le devoir du uir de reprendre la femme ; s’il ne l’a pas fait, potest dici contensisse (consentement interprétatif). Enfin dans le cas du consentement à l’acte, tel que, si on en aie pouvoir, on le consommera, péché grave.

Après Pierre Lombard, le débat s’engage sur le consentement à la délectation. Comme le rapporte saint

DICT. DK TIILOL. CATI10L.

Thomas, In II Sent., dist. XXIV, q. iii, a. i ; Quxst.disp., De veritate, q. xv, a. 4, certains théologiens se refusent à admettre l’opinion de Pierre Lombard et interprètent le cas autrement. A les entendre, le consentement à la délectation, sans plus, n’est jamais que péché véniel. Il ne semble pas que l’on doive ranger Alexandre de Halès parmi ces théologiens. S’il assure, Sum. theol., part. II, q. lxviii, m. iv, qu’il n’y a qu’un péché véniel dans la sensualité, il faut entendre cette solution de la sensualité proprement dite, représentée par le serpent, et non de l’appétit sensitif qui sert d’instrument à la raison inférieure pour régler les choses temporelles, sensualitas improprie.lbid., m. m. D’ailleurs, saint Thomas affirme que l’opinion contraire au Lombard était rejetée par l’opinion commune de son temps, Queest. disp., De veritate, q. xv, a. 4, ce que l’on vérifiera facilement pour Albert le Grand, In Il Sent., dist. XXIV, a. 13, et pour saint Bonaventure, ibid., part. II, a. 2, q. il, qui glose Alexandre de Halès. Ibid., a. 3.

Albert le Grand reproduit en termes imagés la doctrine de Pierre Lombard. lu Il Sent., dist. XXIV, a. 13. Il la corrige sur le point particulier de la durée nécessaire pour qu’il y ait délectation morose, et dit que ce n’est pas affaire de temps, mais de consentement. § Ad i<l quod ulterius qumritur.

Saint Bonaventure distingue d’une manière nette trois cas : consentement plein, portant sur la délectation et sur l’acte pensé ; demi-consentement, semiplenus, placet delectalio, displicet consummatio, péché véniel ou mortel suivant qu’il n’y a pas ou qu’il y a consentement parfait à la délectation ; consentement interprétatif, la délectation déplaît, l’acte aussi, et néanmoins on laisse la pensée errer sur ces objets illicites : on discute en ce cas si le péché est mortel, sed securior via tenenda est, quidquid sit rei veritas. In Il Sent., dist. XXIV, p. il, a. 2, q. n.

Saint Thomas fait faire un premier progrès à la théorie du consentement en expliquant métaphysiquement pourquoi le consentement in actum est dévolu à la raison supérieure : Quandocumque autem sunt plura principia ordinata, semper ordinatio in ultimum attribuitur primo et summo… et secundum hoc dico quod ratinni superiori reservatur judicium respectu ultinti quod est executio operis. In Il Sent., dist. X.YIV, q. iii, a. 1, ad 5°" 1 ; cf. Sum. theol., Ia-IIæ, q. xv, a. 4 ; q.L.xxiv, a. 7. Dans le commentaire sur les Sentences, 1. II, dist. XXIV, et le De veritate, q. xv, il s’efforce de faire cadrer les données augusliniennes avec sa psychologie aristotélicienne. Le résultat de ce travail préliminaire est arrêté dans laq.LXXvde la Somme théologique, Ia-IIæ . Avec lui, l’expression augustinienne delectatio cogilationis reçoit un sens définitif. Si la délectation a pour objet la pensée comme pensée, elle peut être innocente ; le consentement qu’on lui donne constitue tout au plus un péché véniel. Si la délectation a pour objet la chose pensée et si cette chose est mauvaise en elle-même, le consentement à la délectation est en soi péché mortel. Il n’est péché véniel que per accidens, à cm se (lu manque de délibération. Ibid., a. 9. Quanta la raison supérieure, en regard de son objet propre, elle ne pèche mortellement i(ue si son consentement est délibéré ; en regard de l’objet de la raison inférieure, elle ne saurait avoir qu’un consentement délibéré, d’où ce consentement est péché mortel toutes les fois que le dérèglement de la raison inférieure est capable de constituer un péché mortel ; dans le cas contraire, il n’est que véniel. Ibid., a. 10. Tels sont les éléments neufs que saint Thomas apporte à la solution. Pour le reste, il suit Pierre Lombard et Albert le Grand.

La doctrine de saint Thomas a définitivement lixé les principes sur la question soulevée par saint Augustin. Ils ont servi de thème à d’innombrables commentateurs. Ils sont aujourd’hui classiques. A. Gahueil.

III. - 38

CONSERVATION, Les scolastiques rattachent à l'étude de la providence la question de la conservation. Ils désignent ainsi l’action divine qui maintient dans l’existence tous les êtres créés. -
I. Fait.
II. Nature.
III. Agent.
IV. Objections.

I. FAIT. 1° Le problème.

Certaines manières de concevoir la conservation font difficulté seulement dans quelques systèmes philosophiques que nous n’avons pas à discuter ici. Ainsi, à moins de nier la toute-puisi, il. imaine du créateur, on admettra que nulle créature ne peut persévérer dans l’être sans sa permission. De ce chef, il la conserve en tant qu’il lient de l’anéantir negativa per missiva. De même, & moins de nier toute providence, on concédera que Dieu, en réglant le cours des cl prévient l’absolue disparition des êtres dont il veut la survivance. Action p es) une providence ; mais

indirecte : Bans influer sur lu créature, elle seulement ce qui pourrait la détruire : conte) vatio positiva indirecta. s. Thomas, Sum. theol., P. q. civ, a. I. 2. A moins d’admettre l’occasionalisme et de rejeter le concours de Dieu, voir CONCOURS, on reconnaîtra que I)ieu conserve les cuuses secondes les unes pur les autres, en coopérant à leur action, par exemple la nutrition des vivants : conservalio direcla mediata. S. Thomas, ibid.

.Mais, avant d’agir, il faut exister ; qui conserve aux éléments leur existence.’Suffit-il que le créateur leur ait donné l’être une fois pour toutes, de telle sorte qu’ils se soutiennent ensuite par leur propre vertu, ou bien faut-il que la cause première, en quelque manière, les soutienne par une action continue ? conservalio positiva direcla et immediata. Tel est le point précis du problème.

Preuves scripturaires.


Les premiers âges auraient eu des préoccupations bien scolastiques, si les premiers livres de la Bible apportaient à ce problème une réponse directe et précise. Dieu acheva son œuvre le septième jour, dit la Genèse, u. i, et se reposa,

hasM mot à mot, il cessa de travailler. C’est en apparence la contradictoire de la thèse, et cela donnera précisément plus tard aux exégètes occasion de préciser et de distinguer.

Si les Psaumes insistent sur notre dépendance vis-àvis de Dieu, c’est sa toute-puissance qu’ils affirment, plutôt qu’une action incessante constitutive de notre être. Auferes spiritum eorwnx et déficient ; emittes spiritum tuum et creabuntur. Ps. ciii, 29, 30.

A une époque bien tardive, dans la Sagesse : L’esprit du Seigneur a rempli l’univers, et lui qui contient toutes choses, t’o otjve^ov ~k navra, sait tout ce qui se dit. Sap., i, 7. Et encore : puisque toutes les créatures ne doivent l’être qu’au bon plaisir du Seigneur, « quel être subsisterait, si vous ne le vouliez’.' ou comment serait-il conservé, si vous ne l’appeliez [à l’existence] ?

y, TÔ |Aï] x).J)8sv)1tb CO’J ô : £T/, pr, 0r, ; » Sap., Il, 2(5. Cꝟ. 1s.,

xi.i, 4 : Vocans generationes ab exordio. C’est bien, semble-t-il, une dépendance dans l’existence même.

Pour résumer ce discours, dit l’Ecclésiastique, Dieu est le tout, t’o rcâv èotiv kùt<5{, xi.iii, 29, c’est-à-dire, connue il n’y a pas trace de panthéisme dans ce livre, il est toute la raison d’être de tout ce qui est.

L’idée est plus précise dans saint Paul. Dieu n’est pas loin de nous, àv x-t-tô yàp Ç<o|iev xsù xivoJusOa xi ! liai-I. Act., xvii, 28. Nous sommes en lui, non seulement parce qu’il est partout, mais parce qu’il opère incessamment en nous, aC-rô ; 8180ùc tïai ï^t.v xaï itvot)v xaï -ra 7t « vta, Act., XVII, 20 ; si bien que nous sommes sa progéniture et sa race, roC - ; ’àp xai -Édptév. Act., xvii, -JS. Plus explicite encore : Quoniam ea ipso et per ipsuni et in ipso (gr. ; ’. ; aùvejv) sunt omnia, Rom., XI, 30, où les trois prépositions désignent

plus probablement, ! ’.. la

la cause de leur con* rvation n ultime,

i je nii.ini et nombi de Lalin :

tin voient dan m la triple dépend

d’une même cause, mais la relation des créatun

Plusignificatif, étant donné le but de 1 Lpltn tière, le teste, Col. i. Ii. 17. où le I ilest distii de tout éon ou démiurge créé lui-nu me ou imin - i monde omnia per i/.*<m, i et m i/.i reata tant… sal -.-i r.,

Même doctrine dans l’Epi tre aux ll>'-breux, ave< image souvent reprise par les Pères ei les scolastiq hrist, a qui est attribuée, i, lu rvation aucune, ce qui est dit au Ps. ci, 26, du créateur lui-même, soutient par >., parole l’uni qu’une parole a créi. : a t.j <-.%

3vv2t|iepe kûtoû, i, 3.

Enfin, danle quatrième Évangile. Notre-Seigneui pose la même pensée d’une manière toute conci’Pater usque modo operalui et rgo operor. Joa.. v. 17. Ce ne sont pas les miracles qui -< ; iit I ouvre incess du l’ère. Il s’agit d’une autre action, ordinaire et continuelle.

Le fait d’une action conservatrice incessante, quelle que soit sa nature intime, semble donc a--, z net dans l’Écriture.

A noter de plus ce qui est dit de l’Être propre « le Dieu : A.’; /" «  « ni gui sum. Fxod., ni, 1 i. Cf. Sap., xiii, 1 Is.. xl, 17 ; xi.l, i. Pieu seul est véritablement. I conduit à rechercher dans quelle mesure et [comment l’existence appartient aux créatures. La doctrine d conservation est encore impliquée dans celle de ludion divine dans et par les causes secondes. A moins d’èt : effet conçu comme une contrainte extérieure, le concours de Dieu présuppose la conservation : c’est parce qu. principe in essendo, que Dieu forme avec l’agent lini un seul principe adéquat in opérande Voir i

Doctrine des Pères.


1. /’— Il suffirait de relever chez b.s Pères, et notamment dai : chaînes bibliques les plus répandui précédents, pour suivre la tradition de cette doct : Les théories de Platon sur l’être fini, mêlé d i non-être, sur la matière qui n’est par elle-même qu’un pur déterminable. et celles du néoplatonisme alexandrin devaient favoriser plutôt qu’entraver son développement.

llermus écrit avec allusion assez probable à Hel 3 : « Le nom du Fils de Pieu est grand et immens il supporte, fJaT : a ; îi. l’univers entier.’Ei oùv -asa r, xti’di ; ctà ?&C uloû [toO] 0£oC ^aTT^sra :. r : coxe :  ; xexXpu, £vou ; dit’ocjtoO, xaï -o ovou.a çopoCvTa ; to., toC 0eoO. Sim., IX, xiv. 5. Funk, Patres a/ioit 2e édit., Tubingue, 1901, t. i. p. COI.

Le vieillard qui convertit saint Justin lui parle ain-i : « Autre chose est ce qu’on possède en participation, autre chose la réalite même à laquelle on participe. Or l’âme participe à la vie, puisque [Dieu veut qu’elle vive ; de même elle cessera d’v participer, quand Pieu ne voudra pas qu’elle vive. Car. à la différence de I l’âme n’a pas la vie en propre. » Dial. cum Tryph., 6, /’. (.’.. t. vi. col. 189. « Toutes choses, dit Athénaprore, ont élé ci données, conservées par le Verbe rïv xa’i Siax£XOO|rr ; Tai xa : T-- ; x->aT ;  ;.Tï :. Légat., 10, / t. vi, col. 908. Cf. S. Théophile..4c/ Autol., I. I. n 4. ibid., col. I

Saint Irénée écrit : i Tentes choses qui ont éU | duites ont eu un commencement de leur produclion.it elles demeurent, tant que Dieu veut qu’elles soient et qu’elles demeurent, » Cont. hier., I. 11. c. xxxiv. n. 3, P. G., t. vu. col. 836.

La providence, Clément d’Alexandrie 1 comme un dogme essentiel du christianisme ; il veut, à la différence de Philon, qu’elle s’étende aux moindres choses. Strom., I, 11, P. G., t. viii, col. 749. Le repos du créateur au septième jour doit donc s’entendre non pas en ce sens que Dieu ne fait plus rien, car cesser de faire du bien serait pour lui cesser d’être, Strom., VI, 16, P. G., t. ix, col. 369 ; mais en ce sens qu’ordonner la matière et lui donner des lois est un travail achevé : ""Eort S’ouv xaxaTCETtauxE’vat xb xr, v xâSjiv twv yevo|j.Évcov ei ; Ttâvxa -/pdvov àTtapaoixto ; cfjXâffffEGÔai xsray_£va !. Ibid. Dieu ne hait rien de ce qui existe, puisque rien ne peut exister de ce qu’il hait : O-jSè j3&û).exai (aév xi (j.y) Eivai, ai’xto ; ûà fevexai xoO stvae aùxb ô (30ûXExai (j-ï) elvai… ouôÈv Sk èiTT’.v, ou fj.r) xrjv acxi’av xoû Eivai 6 ©eôç TtapÉyExai. Pœd., I. I, 8, P. G., t. viii, col. 325. Cf. Strom., VII, 12, P. G., t. ix, col. 496 ; Pœd., 1. III, 12, P. G., t. viii, col. 680. Cette volonté du Verbe est-elle une pure permission, une condition que rien d’ailleurs ne peut suppléer, ou Clément la conçoit-il de plus comme la raison d’être de la créature à chaque moment de sa durée, C’est ce qu’on aflirmerait avec plus de certitude, s’il avait marqué plus nettement les conséquences de cette action divine en nous. On trouvera incomplètes, en ce sens, ses réflexions. Strom., 1, 18, P. G., t. vin.col. 801 ; Strom., IV, 12, col. 1293 ; Pœd., 1. II, 10, col. 517.

Avec plus de raison encore, se demandera-t-on si Origène a affirmé bien explicitement le fait de la conservation. Il n’interprète pas en ce sens les textes connus, In Gen., homil. ni, n. 2, P. G., t. xii, col. 175 ; le Ps. ciii, 29, est appliqué à la vie de la grâce, In Joa., tom. xiii, n. 24, P. G., t. xiv, col. 437 ; Rom., ii, 36, à la Trinité. Cf. P. G., t. xi, col. 154-155. Il nous manque, il est vrai, des commentaires d’Origène qui pourraient être décisifs, mais il est à noter que saint Ambroise, si souvent dépendant de son exégèse et qui pouvait se référer aux ouvrages complets, demeure aussi imprécis ou inexact que le docteur alexandrin. Cf. Ilcxæm., 1. VI, c. x, P. L., t. xiv, col. 272 ; édit. de Vienne, t. xxxii b, fasc. 1, p. 260, 261. Le texte parfois invoqué, In Luc, vii, 13, n. 173, P. L., t. xv, col. 1745 ; édit. de Vienne, t. xxxii d, p. 359 : Denique et Deus ab operibus mundi quievit, Gen., il, 2, sed non ab operibus cujus sempiterna et jugis operatio est, sicut Filins ail : Pater meus usque modo operatur et ego operor, , loa., v, 17, ut ad similitudinem Dei sœcularia noslra opéra non religiosa cessarent, ferait bien plutôt difficulté. On a peine à croire qu’il regarde la création comme une œuvre temporelle, et la conservation comme d’une nature toute différente. Rien de plus, ce semble, dans l’Ainbrosiaster. Cf. In Rom., ii, 36, P. L., t. xvii, col. 155 ; In Col., i, 16, col. 423, 424 ; Origène, P. G., t. xi, col. 155.

On trouve très catégorique, il est vrai, chez Origène aussi, l’affirmation de la providence. Cf. In Num., homil. xxin, n. 4, P. G., t. xv, col. 750, où sont expliqués Gen., ii, 2, et.Joa., v, 17. On lit, Cont. Cels., 1. VI, n. 71, P. G-, t. XI, col. 1105 : Sirj/.ei (J.ÈV yàp - ïrac%0Tir xoù t, -povoia xoù Œo’j S t à Tidé/Tiov…, xoà Ttâvxa (jiév 71spiÉy_Ei… tï npovo6u|*.eva u>t Bûvaju ; Ûsia za’i 7uEpiecXr) : p, jïa xà zïpiî/oiJîvot. Dieu régit toutes choses ; il n’est pas dit qu’il ait besoin de les soutenir. Quant au texte que cite Lessius : Quomodo ergo in Deo vivimus, movemur et tumus, nisi quod virtute sua universum constringit et continet mundum ? De princ, 1. II, c. i, n. 3, P. G., t. xi, col. 181, Origène prend soin lui-même de renvoyer à l’explication qu’il vient de donner : Vna namque virltes est, quæ omnem mundi diversitatem constringit et continet algue in unum opus varias agit moins, ne Sciticet tant immensum mundi opus dissidiis solreretur auimorum. Ibid., col. 183. Peut-être verra-t-on la conservation dans ces paroles sur Sap., vii, 25, 26 : Vapor est quidam virtutis Dei. C’est le Verbe : Intel* ligenda est ergo virlus Dei, qua vigel, quaomnia visi bilia et invisibilia vel instilint, vel continet, velgubernat, quæ ad ornnia sufjiciens est… quibus velut uni ita omnibus adest. De princ, 1. I, c. II, n. 9, P. G., t. xi, col. 138. Mais n’est-ce pas plutôt une nouvelle affirmation du gouvernement universel et absolu de Dieu, Ttpôvota, o ! xovop.ta ? Cf. Cont. Cels., 1. IV, 14, P. G., t. xi, col. 1045. On sera tenté de le croire en rapprochant sa pensée de celle de Philon, toute stoïcienne aussi en nombre de cas. « C’est lui [le Logos], qui tendu du centre aux extrémités et des extrémités au centre dirige la course infaillible de la nature, maintenant et reliant entre elles toutes les parties, fiE<7(ibv yàp auxbv appr, xxov xoO Ttavxbç ô YevvT|<7aç ÈTtoiEi naxr, p. » Philon, De plantât. Noe, 2, édit. Cohn-Wendland, t. il, p. 135. Moïse, dit-il encore, a cru que « tout cet univers était soutenu par des puissances invisibles que le démiurge a tendues depuis les extrémités de la terre » , xoû (iT) àvs6r|Vae xà Seôévxa xaXtô ; upo|ju60-j|XEvoç. De migratione Abrahami/àl, t. il, p. 303. Voir J. Lebreton, Les théories du Logos au début de l’ère chrétienne, dans les Etudes religieuses, 1906, t. evi, p. 777 sq. On voit quelles différences et quelles analogies séparent et rapprochent ces conceptions. Cette loi du monde est, selon Chrysippe, immanente ; elle est distincte du monde pour Philon ; elle est même sûrement pour Origène personne distincte : c’est le Verbe de la Trinité chrétienne. Mais pour le stoïcien son panthéisme, pour Philon sa matière éternelle, ayant donc une existence propre, les ont empêchés de concevoir la nécessité d’une conservation au sens de Chrysostome et d’Augustin. Clément et Origène, préoccupés avant tout d’opposer au Dieu immanent du stoïcisme le Dieu transcendant du christianisme, ont dépeint la providence comme une loi éternelle, toute-puissante, extérieure aux choses ; il se pourrait par contre qu’ils ne soient pas allés jusqu’aux dernières conséquences de la création ex nihilo, qu’ils n’aient pas vii, ou pas noté cette exigence d’une action constante de Dieu dans ses créatures, qui le rend, mais de toute autre manière que le logos stoïcien, comme immanent en nous par sa vertu.

On retrouve chez saint Athanase la même influence des spéculations philosophiques, dans les attributions qu’il donne au Logos, (jltjSïv k’prijxov xr, ; èa-jxoû o - jviu.E(oç à710), EÀotuâ)ç, Orat. conlra gentes, n. 42, P. G., t. xxv, col. 84 ; mais l’action conservatrice qui atteint l’intime de l’être est bien plus nettement marquée. Le Logos est venu aux créatures, parce que leur nature, « xe 8r, â| oux ô’vttov ÙTto<7x5c7a, est pe’JTx-n, xoù auôevi, ;. Dieu qui seul est véritablement, cf. Exod., iii, 14, 15 ; Platon, Limée, 27. 37, 38, édit. Didot, 1846, p. 204, 209, loin d’être jaloux de ses prérogatives, ’A-raOtô yàp irep’i oùSsvbç xv yévoixo çOdvo ;, Timée, 30, ibid., p. 205, a voulu en effet que toutes choses soient, mais il ne les abandonne pas à elles-mêmes, "va |iï] xtvSvvevvi) rcdtXiv Et ; zb |at] Etvat ; il leur envoie donc son Verbe, pour qu’elles subsistent, axe 8ï) xoù ovxioç ex llaxpb ; Abvo’J inxx/x|j.81vo-jira xa’t porjOo’jp.évi, St’aùxo-j eiç xb EÎvai. Ibid., n. 41, col. 81 ; cf. ii, 28, col. 56.

Eusèbe de Césarée, suivant la méthode des premiers apologistes, veut prouver l’accord parfait des plus grands penseurs païens avec la philosophie de la Bible. Tîydtp eux ! ID.ixtov y) MbxTïj ; àxTixiÇtov ; Præp. ev., 1. II, c. x, P. G., t. xxi, col. 873. Numénius le Pythagoricien, tout comme Plutarque et Platon, s’accorde à dire que Dieu seul est véritablement : c’est le mot de l’Exod., III, 14 : Ego sum qui sum. Les différences son) grandes pourtant ; Eusèbe ne les indique pas. Ibid., c. ix-xii, col. 868 sq.

Citons des Pères Cappadociens ce passage de Grégoire de Nazianze. C’est avec raison, dit-il, que le Verbe est nommé Sûvapte coc a)VTT|pir)Ttxbç rûv -evvjevmv xal xr, v 700 (rwl/eaBott xaOxx yopr--f.iv Svva(jLtv. <hal.. xxx, n. 20, PG., t. xxxvi, col. 129. C’est encore le Verbe seul qui possède : Tv v nemoirxev olxovouíav re xa ! GUVTýprav, ibid., n. 11, col. 117, et il insiste, a mainte reprise, sur cette idée bien platonicienne, que Dieu est, puisque seul il est sans changement. Etre, c’est donc le nom qui lui convient le mieux. Cf. col. 125, 317, 477, 629. Saint Grégoire de Nysse écrit, établissant que tous les attributs sont en Dieu une seule et cominune essence : a mpóvoz xai xčepovia xai rob mavrog iniaragia… te din Tv Tv… pía lal xai ouyi rpeic. Quod non sint tres dii, P. G., t. XLV, col. 128. Saint Chrysostome, à leur suite, insiste avec grande éloquence, sur l’absolue dépendance de la créature : 09 yap mapyaye povov Tiv xrigiv, ax xai auyxporci… xiv prua yévrta : s vepyetaç ixeivne tappei xxi anóndurat. Cont. anom., homil. XII, n. 4, P. G., t. XLVIII, col. 810-811. Sur le texte, Heb., 1, 3 : OUTEST : xubepvv xai rà dianinrovia vyzparov, et c’est auvre plus merveilleuse encore, dit-il, de conserver tous les êtres que de les tirer du néant. In Epist. ad Heb., homil. II, n. 3. P. G., t. LXIII, col. 23. Cf. In Gen., homil. XI, n. 8, P. G., t. LIII, col. 89.

Ce sont les écrits de Chrysostome que Théophylacte utilisera de préférence. Tandis que Procope ne nous transmet presque rien sur la conservation, il reproduira et amplifiera les assertions de saint Jean. In Joa., P. G., t. CXXIII, col. 1266 ; In Act., t. cxxv, col. 748. Commentant Heb., 1, 3, il note qu’en un sens conserver est plus que créer : Mazov de peitov To napaya yeiva návta, To Eixotassátovra xai eic tò un sivat μéhova apoyphozt guyxpareiv. P. G., t. cxxv, col. 193. On reconnaitra son inodèle : Chrysostome, In Epist. ad Heb., homil. II, P. G., t. LXIII, col. 23. Et Théophylacte, en passant, prend occasion de cette grande pensée, si analogue à Rom., II, 36, et à Col., 1, 16, pour revendiquer l’attribution paulinienne de la lettre aux Hébreux. P. G., t. cxxv, col. 193. Expliquant un peu plus loin, lleb., 1, 7 z eine, remarque-t-il, motý, a TOLOV, TOUTÉOTI GUYApoy to hoyw zab' ûvéyévovTo. P. G., 1. cxxv, col. 197. La conservation est un acte toujours présent. Cf. In Epist. ad Rom., P. G., t. CXXIV, col. 495 ; ad Col., col. 1222.

2. Pères latins.

Si nous revenons aux Pères latins, nous nous étonnerons peu de ne rien voir chez Tertullien qui réponde à un problème aussi abstrait. Saint Jérôme observe sans doute que Dieu seul est dans toute la force du terme : Cætera quæ creata sunt, etiamsi videntur esse, non sunt ; mais voici la raison qu’il en donne : quia aliquando non fuerunt et potest rursum non esse quod non fuit. Epist. ad Damas., 4. P. L., t. XXII, col. 357. L’insuffisance de la créature à subsister par ses propres forces semble hors de sa pensée ; l’eut-il comprise, qu’il n’eut pas refusé à Dieu la connaissance des plus minimes détails, par exemple, du nombre de tous ces pucerons qu’il doit soutenir par lui-même dans l’existence, tout autant que les êtres raisonnables. Cf. In Habac., 1, 1, P. L., t. xxv, col. 1286. On notera, pour la rapprocher de celle d’Augustin, son exégèse de Gen., 11, 2 : Complevitque Deus…, Dieu, ce jour-là, parachève son œuvre. P. L., t. xxIII, col. 910. Saint Augustin, au contraire, a traité de la contingence de l'ètre avec une netteté et une profondeur singulières. Il écrit, commentant Gen.. 11, 2 : Potest etiam intelligi Deum quievisse a condendis generibus creaturæ, quia ultra jam non condidit aliqua genera nova ; mais Dieu travaille toujours à conserver ce qu’il a créé : Creatoris namque potentia causa est subsistendi omni creaturæ. Quæ ab eis quæ creata sunt regendis, si aliquando cessaret, simul et eorum cessarent species, omnisque natura concideret, car il n’en va pas de Dieu comme d’un architecte qui peut se retirer, sa maison construite. De Genesi ad litteram, 1. IV, c. XII, P. L., t. XXXIV, col. 304 ; 1. V, c. xx, n. 40, col. 333 ; 1. VIII. c. XXVI, col. 391. Les démons mème ne subsistent que parce qu’il leur donne la vie, que subministratio si auferatur continuo interibunt. Enchiridion, c. XXVII, P. L., t. 1, col. 245. On sait l’admiration du grand évéque pour Plotin ; on comparera donc volontiers ces deux passages : « Toutes choses, dit Plotin, ont besoin d’etre édifiées sur Dieu, » xivnbeians yapixelvre : Upac] zweto av atá anchouévre autov Tic Bages : X2 : 05 armpitovros aura, Enneades, VI, 5, 9, édit. Didot, p. 453 ; et saint Augustin : Quid peto ut venias in me, qui non essem nisi esses in me ? An polius non essem, nisi essem in te ex quo omnia, per quem omnia, in quo omnia. Confes., 1. I, c. 1, P. L., t. xxxII, col. GGI. Cf. Grandgeorge, Saint Augustin et le néo-platonisme, c. 11, p. 70 sq. On remarquera de plus que les Confessions et les premiers livres du De Genesi ad litteram ayant été écrits avant l'étude attentive de saint Jean Chrysostome, qu’Augustin dut entreprendre pour repondre à Julien d’Eclane, ses vues sur la conservation doivent être attribuées à la lecture de l’Ecriture sainte et des philosophes, plutôt qu'à celle de Chrysostome. L’influence de saint Augustin en Occident semble considérable. Son explication du texte, Gen., 11. 2, ultra non condidit aliqua genera nova, etc., est souvent reprise. Cf. S. Prosper, Sent., 278, P. L., t. LI, col. 467 ; S. Grégoire le Grand. eorum essentia rursum ad nihilum tenderet, nisi eam auctor omnium regiminis manu retineret, Moral., 1. II, c. xII, n. 20, P. L., t. LXXV, col. 565 ; cf. ibid., 1. VI, c. xxxvII, n. 45, col. 1143 ; Raban Maur, In Gen., 1. I, c. Ix, P. L., t. CVII, col. 465, 466 ; Alcuin, In Joa., I. III. c. ix, P. L., t. c, col. 808 ; V. Bede, In Hexæm., 1. I, P. L., t. XCI, col. 34. Elle est notaminent vulgarisée par la Glose ordinaire et, par elle, elle influe sur tous les Sententiaires. Cf. Walafrid Strabon, In Gen., P. L., 1. CXIII, col. 82. Le fait de la conservation est d’ailleurs ordinairement noté par Strabon, quand l’Ecriture en offre l’occasion. In Gen., P. L., t. CXIII, col. 82 ; In Sap., col. 1168 ; In Act., t. CXIV, col. 460 ; In Joa., col. 377 ; In Epist. ad Heb., col. 641. Cf. De civ. Dei, I. X, t. xv, P. L., t. XLI. col. 293.

4° Les scolastiques.

On reconnaîtra la même dépendance de saint Augustin dans l’exégèse d’Abélard, In Hexæm., P. L., t. CLXXVII, col. 769, 770 : Dieu conserve les espèces anciennes sans créer de types nouveaux ; et ailleurs, In Epist. ad Rom., ibid., col. 937, il explique comment sont conservées même les âmes des bêtes après la mort : non tamen desinunt esse substantiæ.

Plus profond est l’enseignement de saint Anselme : Dubiuni nonnisi irrationali menti esse potest, quod cuncta quæ facta sunt, eodem ipso sustinente vigent et perseverant in esse quamdiu sunt, quo faciente de nihilo habent esse quod sunt, Monol., c. xIII. P. L., t. CLVIII, col. 161 ; et saint Bernard aime à revenir sur cette pensée : Quid item Deus ? sine quo nihil est. Tant nihil esse sine ipso, quani nec ipse sine se potest. Ipse sibi, ipse omnibus est, ac per hoc quodammodo solus est, qui suum ipsius est et omnium esse. De consideratione, 1. V. c. vi, n. 13, 14, P. L., t. CLXXXII, col. 796 ; Serm., IV, in dedicatione, n. 2, P. L., t. CLXXXIII, col. 536 ; In Ps. Qui habitat, n. 1, ibid., col. 185.

On notera cette disposition bien naturelle des grands mystiques, après Augustin, Gregoire le Grand et le pseudo-Denys. De dir. nom., 10, P. G., t. 111, col. 936, à méditer avec amour le néant de la créature, sans en venir pourtant aux exagérations de maitre Ekkard : Omnes creaturæ sunt purum nihil. Denzinger, Enchiridion, n. 453.

C’est encore Augustin et Abélard à la fois que l’on retrouve dans tout ce groupe de Sententiaires apparentés, Roland Bandinelli et Ognibene. Cf. Gietl, Die Sentenzen Rolands, p. 107-108 ; disciple de Hugues de SaintVictor, Sumnia Sent., tr. III, c. I, P. L., t. clxxvi, col. 90 ; Hugues lui-même, Erudit. aidasc, 1. VII, c. i, ibid., col. 811 ; Pierre Lombard, Sent., 1. II, dist. XV, c. vii, P. L., t. cxcii, col. 683 ; Muitre Bandini, In IV Sent., 1. II, dist. XV, P. L., ibid., col. 1043. Mais à vrai dire ils se perdent à expliquer comment, loin de se reposer depuis le sixième jour de la Genèse, Dieu crée toujours non nova, sed nota. Les vues profondes d’Augustin sur la contingence de l’être sont plus ou moins négligées. Cf. Pierre Lombard, Sent., 1. II, dist. XII, XV, P. L., t. cxcii, col. 677, 683 ; Bandini, In IV Sent., 1. ii, dist. XII, ibid., col. 1040 (où il faut lire de modis, pour de malis, et inforniiter pour uniformité )-) ; Alexandre de Ilalès, Summa, part. I, q. lvi, m. I. Il est vrai du moins que ce dernier parle ailleurs de la conservation, part. I, q. xxvi, m. ii, avec citation de Slrabon, P. L., t. cxiv, col. 644, et plus spécialement Summa, part. II, q. xxiii, m. iii, De mutabilitate creaturarum.

Les commentateurs du Maître des Sentences traitent ordinairement de la conservation In I Sent., dist. I ou II, ou omettent la question. Cf. S. Bonaventure, Opéra, édit. Quaraccbi, t. il, p. 866, schol. il. Le texte de saint Augustin, In Gen., 1. IV, c. xii, P. L., t. xxxiv, col. 304 ; sa comparaison de la lumière qui ne subsiste pas sans source lumineuse, la plupart des passages de l’Écriture que nous avons cités, notamment Sap., il, 26 ; Joa., v, 17 ; Heb., i, 3 ; quelques textes de saint Grégoire le Grand, Moral., 1. II, c. xii, n. 20, P. L., t. lxxv. col. 565 ; de saint Jean Damascène, et un texte attribué à tort à saint Jérôme, cf. S. Bonaventure, Opéra, édit. Quaracchi, t. I, p. 146, note 4, forment en général les preuves positives principales.

Le catéchisme du concile de Trente résume la théorie de la conservation. De symbvlo, in-8°, 1890, t. i, n. 22, p. 22.

Au XVIe siècle, la question est traitée avec ampleur par Suarez, Disput. met., xxi, et par Lessius, De perfectionnais nuiribusque divinis, 1. X. Llle demeure encombrée d’exemples et d’objections empruntés à la physique aristotélicienne : inlluence des corps célestes incorruptibles, théories de la chaleur et de la lumière, etc. Au reste, tous les scolastiques pour le fond sont d’accord : Idem docent omnes scholastici, écrit Lessius, nemine excepto, etiam Durandus. De perfectionibus, 1. X, c. iii, n. 23.

Preuves de raison.

Voici les principaux arguments

de l’École. La conservalion est en somme une pure conséquence de la création.

On argue de la nature même de l’être créé. Puisqu’il n’a pas l’existence en propre, comme la cause première, mais qu’il l’a reçue ab alio, il ne peut durer que par la continuation de l’acte même qui, au premier instant de son existence, a suppléé à son insuffisance essentielle. S. Ilonaventure, In IV Sent., 1. II, dist. XXXVII, a. 1, q. n ; S. Thomas, Sum. theol., I a, q. civ, a. 1 : oportet quod idem sit causa rei et conservationis ipsius, na>ti conservatio rei non est nisi continuatio esse ipsius. Cont. genl., 1. III, c. i.xv, n. 2, 7. En effet, la même indigence qui caractérise l’être de la créature au premier instant de sa production, d’où il résulte qu’elle ne peut exister que par la vertu d’un autre, subsiste en elle tant qu’elle est ce qu’elle est. Suarez, disp. XXI, sect. i, n. 16 : quia semper est idem et quod per se primo ei convenit, semper ci convenit. Cf. n. 12. Ce qui suppose que l’aptitude à se soutenir par soi-même dans l’être, fût-ce pour un instant, la sufficienta essendi, est une perfection incommunicable. S. Thomas, Sum. theol., I q. xiv, a. 2, ad 2um. Au fait, si on la conçoit comme une perfection simple, puisqu’elle est en Dieu le principe de perfections simples, ou comme infinie, puisqu’elle est l’essence même de l’être infini, comment concevoir qu’elle puisse être

participée à un degré fini, et donc de manière non univoque mais analogue, en demeurant en rigueur de définition vera suf/îcienlia essendi ?

On argue encore, et c’est au fond une autre forme du raisonnement précédent, de l’essentielle dépendance qui existe entre l’effet et la cause. Aucune modification, aucun devenir ne se poursuit que durant l’application de la cause : impossibile est quod fieri alicujus rei maneat cessante motione moventis. On en conclut a pari qu’aucune existence ne peut se soutenir sans l’action continue de la cause première. S. Thomas, Cont. gent., 1. III, c. lxv, a. 4 ; Suarez, disp. XXI, sect. I, n. II. Cette preuve est soumise par Cajetan, / » Sum. theol., I a, q. civ, a. 1, et par Suarez, disp. XXI, sect. I, n. 7, à une critique minutieuse. Cf. Th. de Bégnon, Métaphysique des causes, 1. VIII, c. iv, Paris, 1886, p. 584-594. Les scolastiques voient d’ailleurs cette répugnance à ce que l’être fini puisse durer par sa propre vertu, qu’il serait ainsi, à la fois et sous le même rapport de l’existence, cause et effet de lui-même. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. civ, a. 2, ad 2um.

Suarez, loc. cit., n. 14, tire encore un argument de la toute-puissance divine. Tous affirment le souverain domaine de Dieu ; or Dieu ne le possède pas, si son action n’est pas essentielle à la durée des choses ; car il n’est pas maître absolu de ce qu’il ne peut annihiler, et il ne peut annihiler, s’il ne, conserve pas au sens même de la thèse. Qu’on laisse, en effet, les métaphores : annihiler d’un mot, réduire au néant, etc. On ne peut annihiler par une action positive, détruire de l’être comme on disperse au vent des fragments d’argile ; le résultat d’une action positive doit se chiffrer par un ellet positif, non par zéro. Si donc Dieu ne peut annihiler en agissant, il ne lui reste qu’un moyen d’y parvenir, c’est en cessant d’agir, c’est-à-dire par soustraclion d’une action indispensable à la durée des êtres : cette action c’est la conservation.

Note de la thèse.

Le concile du Vatican, const.

De fide, sess. III, c. i, Denzinger, n. 1633, dit : Universel vero qu.se condidit, Deus providentia sua tuetur atque gubernat, attingens a fine usque ad finem former, et disponens omniasuaviler. Ce texte ne concerne pas la conservation, mais le dogme, plus général de la providence. Cf. Collect. Lacens., Acla concil. Vat., Fribourg-en-Brisgau, 1890, t. vii, p. 105, 1018. Hérétique sans doute toute doctrine qui nierait la providence ; théologiquement erronée, celle qui lui refuserait un influx positif au moins indirect sur la conservalion des êtres. S’il s’agit, comme dans ces pages, d’une action intime directe et immédiate, il semble que cette doctrine, doivent être qualifiée de très commune et de certaine.

! I. Nature. —Un léger désaccord partage les scolastiques sur ce point. Pour le plus grand nombre la conservation n’est pas en Dieu un acte nouveau, c’est la continuation de l’acte créateur, non est per novam aclionem, sed per continuationem actionis quai dut esse. S. Thomas, Sum. theol., I a, q. civ. a. I, ad i">" ; Lessius, loc. cit., n. 30. Voici la seule différence : le concept de création implique que l’être n’existait pas l’instant précédent, esse post non esse ; celui de conservation qu’il existait déjà, esse pos t jam esse. L’action divine ne diffère donc dans les deux cas que ralione, connotar tione : unique en soi, elle comporte drus noms suivant les rapports divers de son effet avec le temps et avec notre manière de concevoir. Suarez. disp. XXI, sect. ii, n. 2 sq. Et c’est encore l’infirmité de notre intelligence qui nous obligea parler de création continuée, comme si l’action de Dieu se prolongeai ! dans le temps : il n’y a pas de durée en Dieu, puisqu’il n’j a pas de changement, Scot, /// IV Sent., 1. II, dist. 11, q. i, ii, i, 17-25.

Quelques-uns font « les restrictions, et semblent requérir, entre la création et la conservation, une diffé