Dictionnaire de théologie catholique/CYPRIEN (SAINT)

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 3.2 : CONSTANTINOPLE - CZEPANSKIp. 596-601).

1. CYPRIEN (SAINT).
I. Vie. II. Ouvrages. III. Doctrine. IV. Influence.

I. Vie.

Cœcilius Cyprianus, surnommé, on no sait trop pourquoi, Tascius, cf..Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, Paris, 1902, t. ii, p. 202 sq., la plus belle figure peut-être de l’Église latine du nr siècle, naquit vers 210 dans l’Afrique proconsulaire, et probablement à Carthage. Païen de naissance, nul doute qu’il n’ait appartenu à la baute bourgeoisie locale et n’ait possédé une assez grande fortune personnelle. Cyprien, élevé par des maîtres habiles, se fit rhéteur et professa l’éloquence à Carthage avec beaucoup d’éclat. Idées et mœurs, rien en lui ne semblait présager la métamorphose d’où allait sortir un homme nouveau. Cependant, vers 246, le dégoût des vanités mondaines et plus encore le besoin de certitude, la lecture de la Bible, et l’influence d’un vieux et saint prêtre, Ctecilianus ou Cœcilius, décidèrent le brillant rhéteur, la grâce de Dieu aidant, à rompre avec les erreurs et les désordres du paganisme. A peine converti et peut-être même avant que d’être baptisé, Cyprien vendit ses biens, donna tout ou presque tout aux pauvres, et se dévoua sans réserve à l’étude des vérités comme à la pratique des vertus chrétiennes ; on le vit, par un raffinement d’ascétisme intellectuel, renoncer aux lettres profanes et s’interdire jusqu’à la lecture des classiques grecs et romains. Peu de temps après son baptême, au scandale des païens qui s’avisèrent, entre autres railleries fort médiocres, de changer le nom de Cyprianus en celui de Coprianus (xdTcpo ;, fange, fumier), le néophyte était élu prêtre ; et, l’évêque Donatus étant venu à mourir, à la fin de 248 ou dans les premiers mois de 249, il montait, aux acclamations du peuple, nonobstant la cabale de cinq prêtres jaloux, sur le siège de Carthage. Il devenait ainsi le métropolitain de l’Afrique proconsulaire, et, en un sens, le primat de toute l’Afrique qui parlait latin.

L’instinct du peuple ne s’était pas trompé. La clairvoyance et la modération de l’esprit, la douceur et l’indomptable fermeté du caractère, le génie du gouvernement, le sens et l’amour passionné de l’Église, tout prédisposait Cyprien à son rôle providentiel. Évêque, il inaugura son épiscopat en travaillant au relèvement de la discipline ecclésiastique et à la réforme des mœurs. Mais au début de 250, l’explosion de la persécution de Dèce l’obligea, convaincu qu’il était de remplir un devoir de sa charge, non toutefois sans soulever ici et là d’amères critiques, à chercher son salut dans la fuite. Cf. Jolyon, La fuite de la persécution durant les trois premiers siècles du christianisme, Lyon, 1903. Il est à croire que Cyprien se réfugia dans les environs de Carthage. En tout cas, du fond de sa retraite il ne laissa pas de surveiller et d’administrer son Église. Le danger, de toutes parts, était extrêmement grave. Tandis qu’au dehors la persécution faisait rage et provoquait les apostasies par milliers (sacri/icati ou thurificati, libellatici, acta facientes), au dedans quelques prêtres ambitieux et cupides se liguaient avec des confesseurs et des martyrs pour ruiner la discipline et la morale chrétiennes. Au déclin de la persécution, l’Église vit dans son propre sein deux partis s’élever contre elle. Dans l’un, ceux qui étaient restés debout, enivrés des félicitations enthousiastes que leur avait values leur héroïsme, rejetaient dédaigneusement les lapsi de leur communion et se rangeaient à Rome derrière Novatien ; dans l’autre, dont f’élicissimus était à Carthage le chef nominal, on maudissait ce qu’on appelait le rigorisme de Cyprien, et des renégats qui demandaient à rentrer au giron de l’Église, on exigeait simplement, à défaut de la pénitence canonique, le billet d’indulgence d’un confesseur peu éclairé ou séduit. Heureusement, après une absence de quinze mois (janvier 250-Pàques 251 ;, Cyprien put se hasarder

à reparaître sur son siège. En même temps que de sa

plume il soutint la cause du pape saint Corneille et combattit le schisme de Novatien à Rome, par sa fermeté sans intransigeance, par son tact, son sang-froid, ses habiles concessions, il réussit assez vite à rendre la paix à la chrétienté de Carthage. D’autres (’preuves l’attendaient. Pendant l’été de 252, une peste terrible, qui aussi bien fit reluire la bravoure et la charité de l’évêque, désola l’empire romain et décima notamment Carthage. Gallus, effrayé des progrès de l’épidémie, prescrivit partout, en 252, des sacrifices solennels et par là déchaîna de nouveau les haines populaires contre les chrétiens. Quand, au mois d’octobre 253, il fut renversé par Valérien, la persécution cessa, et les fidèles, durant plus de trois ans, retrouvèrent le calme. Cyprien, toujours sur la brèche, profita de ces années de répit pour instruire son peuple et perfectionner dans les âmes la vie chrétienne, pour rétablir et fortifier la discipline ecclésiastique. Le rôle et le prestige de l’évêque allaient grandissant ; il intervenait jusque dans les affaires d’Églises étrangères, en Gaule, en Espagne ; même à Rome, on aperçoit sa main.

Toutefois la question du baptême des hérétiques, en mettant l’évêque de Carthage aux prises avec le pape saint Etienne, et en faisant éclater chez saint Cyprien une opiniâtreté regrettable, assombrira la fin de sa vie. C’était, depuis assez longtemps, la coutume en Afrique comme en Asie-Mineure et en Syrie, de tenir pour nul le baptême conféré par n’importe quelle secte hérétique et de rebaptiser les convertis. Après Tertullien, De baplismo, 15, P. L., t. i, col. 1216, qu’il se plaisait à nommer son maître, Cyprien regardait l’usage africain comme le seul légitime ; et, encore qu’avec une modération où peut-être il entrait un peu de tactique, cf. de Smedt, Dissert. sel. in primant setatem historiée £> siasticse, Gand, 1876, p. 247, il se défendit de song l’imposer aux Églises qui ne le suivaient pas. il était résolu pour son compte à ne s’en pas départir. De l’unité de l’Église, par une conséquence nécessaire de prémisses incomplètes, il déduisait l’invalidité du baptême des hérétiques. L’unité de l’Église, l’unité du baptême et l’unité de la grâce s’impliquent à ses yeux et ne font qu’un. Epist., lxx, P. L., t. iii, col. 1036 sq. ; LXXI, ibid., t. IV, col. 408 sq. ; lxxii, ibid., t. iii, col. 1046 sq. ; LXXIII, ibid., col. 1109 sq. ; LXXIV, ibid., col. 1127 sq. Trois conciles, célébrés à Carthage sous la présidence du métropolitain de l’Afrique proconsulaire, à l’automne de 255, P. L., t. iii, col. 1035 sq., au printemps de 256, ibid., col. 1044 sq., et le 1 er septembre de la même année, ibid., col. 1051-1078. adoptèrent entièrement l’opinion de saint Cyprien. Mais le pape saint Etienne, au nom de la tradition des apôtres, condamna la coutume africaine et proclama la validité du baptême des hérétiques, sur ce fondement que les hérétiques, pour n’avoir pas la vraie foi au mystère de la Trinité, ne laissent pas, en baptisant, de vouloir conférer le baptême de Jésus-Christ, que leur baptême est donc valide et partant ne doit pas être réitéré. Epist., lxxiv, 1, P. L., t. m. col. 1127-1128. Le pape, en cas de désobéissance, menaçait les évêques d’Afrique, sinon peut-être de l’excommunication majeure, de l’anathème, du moins de la rupture des relations ordinaires. Jungmann. Dissert. sel. in historiam ecclesiasticam, Ralisbonne, 1880, t. i, p. 336-338.Il est probable, quoi qu’en dise M. Nelke, Die Chronologie der Korrespondenz Cyprians, Thorn, 1902. p. 116, que la décision pontificale n’était pas parvenue à Carthage le 1 er septembre 256. II. Grisar, dans Zeitschrift finkatholisclte Théologie, 1881, t. v, p. 193 sq. ; Emst, ibid., 1894, t.xviii.p. 473sq. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, sans méconnaître le caractère dogmatique de la question baptismale, Cyprien, aveuglé par ses préjugés et persuadé qu’il luttait « pour l’honneur et l’unité de l’Église » , Epist., i.xxiii. 11,

P. L., t. iii, col. Il 16, resta inébranlable dans sa conviction. Il ne contesta pas la nécessité de l’union avec le siège apostolique ; mais il contesta, dans l’espèce, le droit supérieur dont le pape se prévalait et réclama, au fond, pour chaque ôvêque une indépendance absolue. S’est-il rétracté jamais, nous n’en savons rien. De fait, il y eut entre Rome, mais entre Rome seulement, et les Églises d’Afrique une sorte de blocus spirituel ; point de schisme formel néanmoins, ni d’excommunication fulminée. Cette triste situation se dénoua par la mort du pape saint Etienne, arrivée le 2 août 257, peu après le premier édit de Valérien. Les relations furent aussitôt reprises entre le successeur d’Etienne, Sixte II, et Cyprien. Voir t. il, col. 219-251. Au mois de septembre 257, Cyprien était exilé à Curubis, au sud-est de Cartilage, de l’autre côté du golfe, et, le 14 septembre 258, il était décapité aux portes de sa ville épiscopale, dans VAger Sexli. Voir Monceaux, op. cit., t. il, p. 232-237, 371 sq. Il fut le premier évéque d’Afrique à recevoir la palme du martyre.

II. Ouvrages.— Des écrits très nombreux qui portent le nom de saint Cyprien, les uns sont authentiques ou tenus communément pour tels, les autres apocryphes.

I. ÉCRITS AUTHENTIQUES.

Saint Cyprien nous a laissé des traités ou opuscules, sermones, libelli, tractalus, et des lettres. Voir le diacre Pontius, Vila Cypriani, vu, P. L., t. iii, col. 1487-1488, et un catalogue latin anonyme de 359, publié par Mommsen, Hernies, 1886, t. xxi, p. 142 sq. ; 1890, t. xxv, p. 636 sq. Cf.Gœtz. Geschichte der cyprianisclie Lilteratur, Bàle, 1891, p. 32 sq. ; Harnack, Geschichte der altchrist. Lilteratur, part. I, Leipzig, 1893. p. 693 sq. ; Monceaux, op. cit., t. il, p. 243 sq. ; Bardenhewer. Geschichte der altkirchl. Lilteratur, Fribourg-en-Brisgau, 1903, t. il, p. 403 sq. Par une bonne fortune assez rare, l’œuvre de Pévéque de Carlhage semble nous être parvenue presque entière, sauf quelques lettres, bien des serinons sans doute, et peut-être aussi un dictionnaire Bténographique, remaniement des Notée Tironianæ, qui a disparu depuis la Renaissance. Cf. Harnack, <II. cit., part. I, p. 721 ; Monceaux, op. cit., t. ii, p.2’t5 ; Bardenhewer, "/>. cit., t. il, p. 453.

Traités.

Les traités de saint Cyprien se peuvent

partageren deux groupes, qui comprennent, le premier les opuscules apologétiques, le second les opuscules ayant trait à la discipline.

Dans le premier groupe on range les cinq livres suivants : I. ("n écrit de propagande, VEpislota ad Donatum, /’. /.., t. iv, col. 193-223, qui date environ de 216 et où l’auteur, sous la forme d’un entretien dans le genre des Tusculanes, justifie sa conversion au christianisme et prélude en quelque sorte aux Confessions de saint Augustin. Si Donalus <’t ; i il un personnage réel ou fictif, on ne Bait, Le style de l’opuscule, travaillé avec complaisance, trahit le rhéteur de la veille ; et saint Augustin, De dot trina christiana, iv, I i. /’. I… t. xxxiv, col. 102, relève ce défaut, dont Cyprien ira toujours se corrigeant. Selon M. Goetz, Texte und Untersuch., 1899, t. six, fasc. I. le court fragment intitulé : Cy

Donalo, el relégué par MUartel dans les Spuria di’ion édition, t. m. p. 272, sérail le début de l’Epi-Hola ">/ Donatum. Cf. Harnai k, /’< Chronologie der allchritt. Lilteratur, Leipzig, 1904, t, n. p

— 2. L’opuscule De’" vanité det ", <, , , / idola

< ! ’" tint, P /… i i. ol 564-662, n’est qu’un

I d (traits, formé sans douta par Cyprien peu apri - -a conversion, poui i n instruction i" rsonnelle apparemment, et publia pai d< - amis mais droits i 1 1 1 mune a aale. Monceaux, op

t. ii. p. 269 iq Saint Jén me, i i tt., . 5 P /. t. un, col. 668, > i<- premier tuthenticité de

ce) opusi ule d< d nn d

plus d’un 1 1 Itiqui modi i ai a-t-il refusé d’y n

la main de l’évêque de Carthage. Harnack, Die Chronologie, t. ii, p. 336-338. — 3. La vigoureuse philippiquo contre Démétrien, Ad Demetrianum, P. L., t. IV, col. 544-564, fut lancée probablement à la fin de 251 ou dans les premiers mois de 252. Les soupçons de M. Aube, quant à l’inauthenticité de l’opuscule, L’Église et l’Etat dans la seconde moitié du iiie siècle, Paris, 1885, p. 305-308, manquent de base. De Démétrien on ne sait rien, sinon qu’il était un personnage réel, point fictif, comme l’avait cru M. Schanz, Geschichte der rômische Lilteratur, t. iii, p. 314, et un simple particulier, cf. Harnack, op. cit., t. ii, p. 365 ; peut-être était-ce un chrétien fort tiède et d’assez peu de foi. Cf. Ehrhard, Die altchristliche Lilteratur, Fribourgen-Brisgau, 1900, p. 462 ; Bardenhewer, op. cit., t. II, p. 416. Saint Cyprien réfute en détail l’accusation, qui imputait aux chrétiens tous les malheurs des temps, et, en assignant aux fléaux qui désolent l’empire des causes naturelles, il censure avec éloquence les désordres des païens ; sa brochure est une première esquisse de la Cité de Dieu. — 4. Les trois livres des Témoignages contre les Juifs, Testimonia adversus Judseos, P. L., t. iv, col. 679-780, un recueil de textes scripturaires, remontent au début de l’épiscopat de Cyprien, et témoignent de son ardeur dans l’étude de l’Écriture sainte. Les deux premiers livres, dédiés à un certain Quirinus, vont à prouver, d’une part, la déchéance des Juifs et la vocation des gentils, d’autre part, la vérité du christianisme. Le 1. III, qui s’occupe des devoirs du chrétien, n’entrait pas.dans le cadre primitif de l’ouvrage, il se relie surtout aux deux premiers livres par le nom de Quirinus à qui il est pareillement dédié. L’authenticité de ce 1. IIP, pendant quelque temps suspecte, n’est plus aujourd’hui contestée. Cf. Harnack, Die Chronologie, t. ii, p. 335. Avant que le catalogue de 359 n’eût mentionné l’ouvrage, l’auteur de VAdversus alealores, Commodien, Lactance, Firmicus Maternus l’avaient connu et plus ou moins utilisé. Cf. Bardenhewer, op. cit., t. ii, p. 423 sq. — 5. Un autre recueil de citations bibliques, dédié à Fortunatus (sans doute cet évéque de ïuchabor dont on retrouve le nom au concile de Carthage du 1° septembre 256, P. L., t. iii, col. 1061), et que M. Gœtz s’est avisé, Geschichte der cyprianisclie Lilteratur, p. 51, de regarder comme apocryphe, date, selon toute apparence, de l’automne de 257. Le sous-titre du recueil, De exhortatione marlyrii. P. L., t. iv, col. 651-676. en indique l’objet principal ; les huit dernières thèses, qui sont aussi les plus développées, vont à exhorter les Chrétiens au martyre. Mais avec les cinq thèses du début, touchant le crime d’idolâtrie, le livre prend une allure d’apologie et achève, après les Témoignages contre les Juifs, de nous initier à la méthode apologétique de saint Cyprien. Cf. Monceaux, op. cit., t. n. p. 284 sq. ; Bardenhewer, <>p. <it., t. n. p. 430 sq. ; Harnack, Die

ologie, t. ii, p. 365.

Au groupe des traités de discipline appartiennent les huit opuscules ci-après, discours ou lettres pastorales

opuscules, nés à peu près des mêmes circonstances, I Dt’<I. I’. L., t. iv. col. 163-494, et le De unitate, ibid., col. 195-520, datent l’un et l’autre du printemps de 251. Dans le De a peine remonté sur s. m célèbre en termes enthousiastes la constance et la gloire d’une portion de son troupeau, Détail la multitudi apostasies et notifie fermement aux tombés la I d’une pénitence en règle. Cyprii n s’j attaque ï la moi, i. relâchée d< l i licissîmus et de pfovat. Dans I catholica’nitate, plus célèbre encore, quoique

p. 1 1 1 êtn inférii ur, comi mvre littéraire, au De lap

tit, il combat les schismatiquea du temps et surtout les adi pt<’i' Novatien. Sur les traces de saint Ignace

d’Antioi he, d établit et met en reliel le’! " il. i i r ii point de salul i -i -i bâti on I '2463

r.YITUEN (SAINT)

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sur un seul, sur Pierre ; l’unité tic la base fait l’unité de l’édifice. Les schismes et les hérésies viennent du diable, o l>n ne peut avoir Dieu pour père, quand on n’a pas l’Église pour mère. » P. L., t. iv, col. 503. L’unité de l’Église est la conséquence et le rellet de l’unité de Dieu. l>om Chapman, Revue bénédictine, 1902, t. xix, p. 246 sq., 357 sq. ; 1903, t. xx, p. 26 sq., tient que le texte du c. IV n’est pas interpolé ; l’interpolation prétendue, qui remonte, selon l’opinion commune, au milieu du vr siècle, selon Benson, Cyprian, Londres, 1897, p. 200-221, 547-552, et Mercati, D’alcuni nnovi sussidi per la critica del testo di S. Cypriano, Rome, 1899, au IIIe siècle, serait de la main même de l’auteur, lorsqu’il envoya la seconde édition de son opuscule à Rome. Voir aussi Harnack, Zeitschrift fur die neutestamentliche Wissenscliaft, ; 1905, t. vi, p. 71. Voir à l’encontre J. Turmel, Bévue du clergé français, 1904, t. xxxix, p. 286-288. — L’instruction pastorale ou l’allocution aux vierges consacrées à Dieu, pour les prémunir en particulier contre les dangers de la coquetterie, De habitu virginum, ou, mieux peut-être, Ad virgines, P. L., t. iv, col. 439-461, remonte, selon toute apparence, à 249 et n’est guère qu’un écho des livres de Tertullien, Decidtu feminarum et De’virginibus velandis. — Le célèbre traité De l’oraison dominicale, P. L., t. iv, col. 519-513, écrit peut-être vers 252, a presque fait oublier l’ouvrage analogue de Tertullien, qui lui a servi de modèle. — L’instruction pastorale De mortalilale, P. L., t. iv, col. 583-602, provoquée par la peste qui, de 252 à 254, désola Carthage et ses environs, date pro. bablement de 252 ou 253. C’est une des œuvres maitresses de saint Cyprien ; l’évêque y a déployé, pour affermir son peuple contre l’abattement et le désespoir, tout son esprit de foi et tout son génie. — Une autre lettre pastorale, dont le texte n’indique pas la date précise, et que M. "Watson, The Journal of theological studies, 1901, t. ii, p. 433-438, a reculée jusqu’à 250, mais qui fut inspirée sans doute par les courses des barbares en Numidie, vers 253, Bardenhewer, op. cit., t. il, p. 419, le De opère et eleemosynis, P. L., t. iv, col. 601622, prêche aux chrétiens de Carthage le devoir de l’aumône. — La lettre pastorale De bono patientiæ, P. L., t. iv, col. 622-638, date du printemps ou de l’été de 256, cf. Harnack, Die Chronologie, t. il, p. 365 ; Monceaux, op. cit., t. ii, p. 311 ; Bardenhewer, op. cit., t. il, p. 419 ; écrite au plus fort de la querelle baptismale sur le modèle du De patientia de Tertullien, et destinée spécialement au clergé de Carthage, elle réfléchit la sérénité d’âme de’l'évêque et son amour de la paix. — A cette lettre s’ajoute, comme une sorte de supplément, l’opuscule De zelo et livore, P. L., t. iv, col. 638-652, qui parut, selon Benson, op. cit., c. xxiii, aussitôt après le De botio patientiæ, selon M. Monceaux, op. cit., t. il, p. 258, peut-être seulement en 257, et qui fait, lui aussi, ressortir la noble physionomie de saint Cyprien.

Lettres.

Le recueil de la correspondance de

Cyprien comprend 81 lettres, dont 65 de la main du grand évêque, et 16 à lui adressées et de provenance diverses. P. L., t. iii, col. 699-838, 851-862, 972-976, 990998, 1013-1019, 1021-1034, 1036-1044, 1046-1051 ; t. iv, col. 224-438. Ces lettres se rattachent toutes, les unes comme les autres, à l’épiscopat de Cyprien, et par conséquent ne remontent pas au delà de 248-249. Presque toutes, à cinq près, elles portent leur date dans leur texte, sinon toujours leur date précise, du moins leur date approximative. Il s’en faut pourtant que, sur la question de leur ordre chronologique, l’accord soit encore complet. Toutefois, avec les travaux récents de M. Nelke, Die Chronologie der Korrespondenz Cgprians, Thorn, 1902, et de M. von Soden, Die cyprian is<)he Briefsammlung, 1904, dans Texte und Untersucltungen, nouv. série, t. xiii, fasc. 3, la question a fait un

^rand pas. Cf. O. Ritschl, De epistulis cy/irianicis, Halle, 1885 ; Bardenhewer, op. cit., t. ii, p. 131 sq. ; Harnack, Die Chronologie, t. ii, p. 339-361. Des li Ltret qui nous sont restées, il appert que nous avons perdu Il lettres de l’évêque de Carthage. Cf. Bardenhewer, loc. cit., p. 439 ; Harnack. Ceschichte der altchristliche Lilleratur, part. I, p. 692. Mais, telle que nous la possédons, la correspondance de saint Cyprien nous offre un document du plus haut intérêt pour l’histoire ecclésiastique. C’est, en effet, aux affaires de l’Église que toute cette correspondance a trait, sans toucher à des faits d’ordre privé, encore moins d’ordre littéraire, et saint Cyprien n’y intervient que pour justifier son rôle d’évéque. En même temps qu’on y entend un écho des querelles doctrinales et de la discipline de l’Église au IIIe siècle, on y voit se dessiner la personnalité de l’auteur, avec son mélange de douceur et de fermeté, d’enthousiasme et de modération, de prévoyance et d’habileté pratique dans les conjonctures délicates.

II. ÉCRITS apocryphes.

Bien plus que les œuvres authentiques de l’évêque de Carthage, ses œuvres apocryphes ont éveillé l’attention et provoqué les études de la critique moderne. On les partage en deux groupes, l’un antérieur, l’autre postérieur au concile de Nicée.

Le premier comprend les dix opuscules ci-après, dont plusieurs tirent de leur date une particulière importance : Un assez piètre discours à la gloire du martyre, Liber de laude martyrii, P. L., t. iv, col. 788804, qui figure déjà dans le catalogue de 359, mais où rien, ni le fond ni la forme, ne témoigne du faire de saint Cyprien, et dont, malgré les recherches de M. Harnack, Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1895. t. xiii, fasc. bb, on n’a pas encore découvert l’auteur. Cf. Monceaux, op. cit., t. il, p. 102-106. — Un autre discours, qui figure aussi dans le catalogue de 359, sans doute à cause de l’analogie de son but avec celui des Testimonia de Cyprien, le Tractatus adversa* Judseos, P. L., t. iv, col. 919-926, dans lequel on avait cru d’abord retrouver la traduction d’une homélie grecque de saint Hippolyte, 'Aw>8eiXTiîiï| wpôç toj ; ’Iou5<x£ouç, mais dont on a reconnu plus tard l’origine latine, sans pouvoir toutefois en préciser l’auteur. Cf. Bardenhewer. op. cit., t. ii, p. 442. — L’opuscule en latin populaire. De montibus Sina et Sion, P. L., t. iv, col. 909-918. un intéressant parallèle de l’Ancien et du Nouveau Testament, que l’on date en général de la première moitié du me siècle, cf. Harnack, Die Chronologie, t. ii, p. 383 sq., et qui est sans doute de provenance africaine. — L’opuscule contre les spectacles, De spectaculis, dans S. Cypriani opéra, édit. Hartel, t. iii, p. 3-13, écrit probablement, selon M. Monceaux, op. cit., t. il, p. 112. par un clerc de l’école de Cyprien, mais que la plupart des critiques attribuent, non sans de graves raisons, à Novatien de Rome. Cf. Bardenhewer, op. cit., t. ii, p. i 13444. — L’opuscule sur.les avantages de la chasteté, Liber de disciplina et bono pudicitiæ, P. L., t. iv, col. 819828, qui semble trahir, comme l’opuscule précédent, la plume de Novatien. Cf. Bardenhewer, loc. cit., p. 444 ; Monceaux, op. cit., t. ii, p. 107 sq. — Un opuscule assez virulent contre le rigorisme de Novatien. Ail N valianum, dans S. Cypriani opéra, édit. Hartel. t. iii, p. 52-69, adressé par un évêque à son troupeau ver- -IX :. au lendemain de la persécution de Gallus et de Volusien, et composé, selon les uns, en Afrique, selon les autres, à Rome. Cf. Monceaux, lue. cit.. p. 87-91. M. Harnack, Die Chronologie, t. il, p. 387-390, 552 sq.. et M..1. Graliisch, dans les Kirchengeschichtliche Abhandlungen de Sdralek, Brestau, 1904, t. ri, p. 257-282, l’ont attribué, celui-là sans raisons décisives, au pape Sixte II. celui-ci par suite d’une méprise au pape saint Corneille. Cf. Bardenhewer, Litterarische Rundschau, i" novembre 1904, col. 332. — Un sermon vigoureux contre la fureur du jeu, Liber de aleatoribus, ou plus exactement, Ad

versus aleatores, P. L., t. IV, col. 827-836, œuvre peut-être d’un évêque d’Afrique, cf. Monceaux, op. cit., t. ii, p. 112-118, mais, plus probablement, œuvre d’un pape et de l’un des papes qui ont régné de 250 à 350. Cf. Bardenhewer, Geschichte der altkirchliché Literatur, t. ir, p. 446-448. L’opinion de M. Harnack, op. cit.. t. ii, p. 370 sq., qui attribue ce sermon au pape saint Victor I er et, partant, le tient pour le plus ancien opuscule chrétien de la langue htine, n’a pas prévalu. — Un âpre pamphlet contre la théorie de l’invalidité du baptême des hérétiques, le Liber de rebaptismale, édit. Hartel, t. iii, p. 69-92, lancé au fort de la querelle baptismale, en 256, soit entre le IIe et le IIIe concile de Carthage et du fond de la Mauritanie, cf. J. Ernst, Zeilschrift fur kalholische Théologie, 1896, t. xx, p. 193-255, 360-362 ; 1898. t. xxii, p. 179-180, soit peu après le 1 er septembre 256 et par un évêque novatien de l’Italie. Cf. W. Schiller, Zeilschrifl fur wissenschaftliche Théologie, 1897, t. XL, p. 555-608 ; Xelke, Die Chronologie der Korrespondenz Cy prions, Thorn, 1902, p. 171-203. Peut-être le pamphlet a-t-il eu pour auteur cet Ursinus, liomo romarins ou monachus, dont parle Gennade, De viris illustr., c. XXVII, en le faisant vivre un siècle et demi trop tard. Cf. Bardenhewer, op. cit.. t. il, p. 448 sq. ; Monceaux, op. cit., t. il, p. 91-97 ; Harnack, Die Chronologie, t. ii, p. 393-396. Voir, à rencontre, Ehrhard, Die altchristliche Litteratur, 1900, p. 464466. — Le De Pascha compulns, P. L., t. iv, col. 939968, uneétude du compiit pascal écrite avant Pâques de 243, et dont l’auteur anonyme, un africain peut-être, s’est proposé de corriger sur quelques points le système de saint llippolyte. Cf. Ducbesne, Origines du culte chrétien, p. 247, 266, etc. ; Harnack, op.. il., p. 381 sq. — La dédicace d’une traduction latine, aujourd’hui disparue, du dialogue d’Ariston de Pella contre les Juifs, Ad Vigiliuui episcopum de judaica incredulitate, édit. Hartel, t. iii, p. 1111-132. M. Harnack, qui dans ce Vigile avait vu d’abord Vigile de Thapse, et, partant, avait placé notre opuscule au Ve siècle, Geschichte der altchristliche Litteratur, part. I, p. 93, 719, s’est ensuite décidé, provisoirement du moins. aie dater du ni siècle ou des premières années du IV. Die Chronologie, t. n. p. 39(1 sq.

Dans le second groupe, parmi les écrits apocryphes post-nicéens, on distingue les opuscules suivants : Une lettre pastorale, De singularilate elericorum, /’. /.., t. iv. col. 835-870, laquelle prêche aux clercs la continence et Qétrit le désordre des mulieres subintroductæ. Dom Morin, /.’lictine, 1891, t. viii, p. 231 236,

etl. Harnack, Texte und Untersuchungen, 1903, t. xxiv, fasc !. s’accordent a l’attribuer au prêtre Macrobius, qui, vers 363-375, lui l’cvêque des donatisles à Home. f.a thèse de |. i r. von Blacha, Kirchengeschichtliche Abhandlungen de Sdralek, Brestau, 1904, t. ii, p. 191256, que cette lettre est l’œuvre de Novatien, ne s’appuie que sur une base ruineuse. Cf. Bardenbewer, Litlerarisclic Rundschau, I" novembre 1004, col. 331332. L’opuscule ! » duodecim abusivit mi abv

eeculi, /’. /… t. i. coi. 869-882, très postérieur au temps de -nui Cyprien, cf. Harnack, Die Chronologie, t. ii, p. 369, ei de provenance tout à fait inconnue, n a pas encore été ctudii d’à exprès - L’opuscule De du plici marlyrio ad Fortunatum, /’. L., t. IV, col. 881

906, e-i ie’en 1530 d’une fantaisie d’Éras Cf. Lezius,

Jahrbûchci jm deulsche Théologie, 1895, t. iv, p. 95 sq, VExhortalio ad psenitentiam ou/*, tentia, /’L., I. iv, col. 1 15$1-$2 158, publiée aussi n par C Wunderer, Ërlangen, 1889, et par A. Miodonski,

1893, r nte probablement, .i en comparer

ici iptur ii ceux de saint Hilaii di

Poitiers et de Lucifei di Cagliari, au début du i siècle, sinon i la fin du iv. Le méchant opuscule intitulé Coina ou i putalio, /’. L., t. iv. col.’MU Dl TIIKOI.. C.VTHOL.

les deux prières, ibid., col. 905-910, sont, d’après M. Harnack, Texle und Untersuchungen, 1899, t. xix, fasc. 3 ; Die Chronologie, t. ii, p. 369, l’œuvre de Cyprien, le poète gaulois du Ve siècle. Cf. Ehrhard, Die altchristliche Litteratur, 1900, p. 469 sq. ; Bardenhewer, op. cit., t. il, p. 452-453. — Les six poèmes sur la Genèse, sur Sodome, sur Jonas, sur la Conversion d’un sénateur au christianisme, sur la Pàque, sur la Résurrection des morts, sont prêtés par les manuscrits, tantôt à Tertullien, tantôt à saint Cyprien, et très certainement ne sont ni de l’un ni de l’autre. Migne, /’. L., t. iv, col. 1027-1032, n’a recueilli que VAd Flaviiiiii FéUcem de resurreolione mortuorum ; avec ce même poème, R. Peiper a publié les deux poèmes sur Sud, duc et sur Jonas, Cyprianî Galli poetae heptateuchus, Vienne, 1891, p. xxvii-xxviii, 212-226. Cf. Harnack, op. cit., t. II, p. 369, 554-555. Voir l’article suivant.

111. Doctrine. — Étranger aux spéculations métaphysiques, saint Cyprien n’a pas laisse’- dans l’histoire de la théologie la trace d’un penseur profond, encore moins d’un penseur original ; il s’est montré avant tout homme d’action et de gouvernement. Il n’a point a Haché son nom à l’une do ces luttes dogmatiques où brillera le génie des Basile et des Augustin. C’est plutôt dans le domaine de la morale et do la discipline ecclésiastique qu’il a déployé, avec son noble caractère, son rare bon sens et sa fermeté avisée. Là où par occasion il parle des plus hauts mystères du christianisme, de la Trinité et de l’Incarnation, son langage et sa pensée sont également irréprochables. Mais l’Eglise, les sacrements, la vie chrétienne sont bien plus le sujet de ses méditations et le thème de son éloquence.

Ainsi, sans méconnaître le libre arbitre de l’homme, Epis t., i.v, 7, P. L., t. iii, col. 806, l’évoque do Carthage, De dominica oralione. P. L., t. iv, col. 527. 528, 530, 534, 537, se plaît à faire ressortir le besoin indispensable que nous avons de la grâce pour nous sauver. La théorie de la sola fuies ne lui en impose pas, et il prêche avec une particulière insistance la nécessité des œuvres. De uni taie Ecclesiæ, ii, P. L., t. i, col. 196 ; De opère ci eleentosyna, passim, P. L., t. iv, col. 601 sq. ; Epist., i.xxvi. 14, I. III, col. 1150.

La liste des sacrements s’ouvre naturellement parle baptême, lavacrum regenerationis ri sanctificationis ; saint Cyprien on décrit les rites, qui s’accomplissent encore -ounoveux. Epist., i.xx, 2. /’. L., t. iii, col. 1040 ; i.xxiv, 5, col. 1131 ; i.xxvi, 7. col. 1143 ; De idolorum vanitate, vu. /’. /.., t. iv. col. 575, etc. et reconnail le droit de cite du baptême par allusion, Epist., i.xxvi, 12, /’. L., . iii, col. 1146 sq. ; cf. C Bigg, J ournal of theological studies, juillet 1904, comme celui du baptême des enfantnouveaux nés. Epist., lix, 3. /’. /.., t. iii, col. 10I5IO19. Le baptême de l’eau peut être suppléé par le martyre ou baptême de sang. De rtatione marlyrii, prsef., n. i. P. L., t. iv, col. 651. Epi*/., i.wiii, 22. t. iii, col. 1121. Du baptême Cyprien distingue avec soin la confirmation. Epist., i xxii. I. /’. /.., i. iii, col. Ion ;, lxxui, 9. col. 1 1 15. on le voil au -si distinguer nettement les trois partie lu ni de pénitence, la contrition, la

confession, la satisfaction, De lapsis, 29, /’. I. t- IV, col. SS9 ; attester, avec i obligation de in confession au riculaire, l’usage d’j révéler jusqu’aux péchés de pensée, du moins en matière d’apostasie, De a sis, 16, 28, col. 179, I litre aux prêtres, ’défaut de

l’évoque, le pouvoir d’absoudre les pénitents. Epist., xii, I. /’. /… i. r.. col. 969 ; lulapsis, 16, ibid., col. 179. Dans cette même épltre, mi. I, on s’étonne sans doute que saini Cyprien permette aux diacres, en c.ide né ité, d’imposer les mains aux moribonds in / lenliam, ut veniani ad Dominum cum pace quant dari martyres litterit ad,, .. uni.

t. Morin, » pénitent., l. VIII, c. kxiii, el dom Mar III.

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CYPRIEN (SAINT)’2468

tenc, Deantiquis Ecclesiæ ritibus, 1. I, c. vi, a. C, en onl conclu que, dans les premiers siècles, les diacres avaient le droil comme les prêtres, in casu nécessitons, de remettre les péchés. Toutefois, ne peut-on pas dire qu’il ne » ; iL ; iL ici que d’une réconciliation extérieure, officielle avec l’Église, et que, îles là, l’imposition des mains par le diacre n’est point un acte sacramentel, mais seulement un de ces rites appelés depuis des sacramentaux ? Cf. Schwane, Dogmengeschichte, 2e édit., Fribourg-en-Drisgau, 1892, 1. 1, p. 513 ; C. Goetz, Die Busslehre Cyprians. Eine Studie zur Geschic/ite des Busssacraments, Kœnigsberg, 1895. Voir Confession, col. 846..Quant à l’eucharistie, l’évéque de Cartilage témoigne jusqu’à la dernière évidence du dogme de la présence réelle. De lapsis, 16, P. L., t. iv, col. 479 ; De oralione dominica, xviii, col. 531 ; Epis t., x, 1, col. 251 ; lvi, 9, col. 357 ; lxiii, 4, col. 377 ; lxxvi, 6, t. iii, col. 1142. Le pain et le vin sont tous les deux au même titre les éléments essentiels de l’eucliaristie, et Cyprien s’élève fortement contre les encratites qui, au mépris de l’Écriture et de la tradition, ne se servaient que d’eau pour la célébration du mystère eucharistique. Epis t., lxiii, 2 sq., P. L., t. iv, col. 374 sq. Le mélange de l’eau et du vin figure d’ailleurs l’union des fidèles, symbolisés par l’eau, avec Jésus-Christ, dont le vin nous donne le sang. Epist., lxiii, 3, col. 383 sq. Dans la messe, Cyprien se plaît surtout à relever le caractère de sacrifice : la messe, préfigurée par le sacrifice de Melchisédech, Epist., lxiii, 4, col. 375 sq., est en réalité le renouvellement du sacrifice de la croix ; le prêtre à l’autel tient la place de Jésus-Christ et y reproduit exactement ce qu’a fait pour nous le Sauveur. On offre le sacrifice de la messe pour les vivants, Epist., lx, 4, P. L., t. iv, col. 362 ; on l’offre aussi pour les morts. Epist., lxvi, 2, col. 399.

L’idée de l’Église et de l’unité dans l’Église est le pivot de la théologie de saint Cyprien et la raison dernière de son attitude durant son épiscopat. L’Église, aux yeux de Cyprien, est l’héritière de l’antique théocratie juive, le nouveau royaume de Dieu, l’institution surnaturelle à qui est confiée la tâche et la puissance de ramener à Dieu l’humanité déchue. Elle est seule dépositaire des pouvoirs de Jésus-Christ et seule dispensatrice de ses grâces. Epist., lxxiii, 7, 10, 11, P. L., t. iii, col. 1114-1117 ; lxxi, 1, t. iv, col. 409. Qui ne lui appartient pas, ne saurait prétendre aux promesses d’en haut. L’Eglise ne se compose pas seulement du clergé, mais encore des fidèles. Epist., lxix, 8, P. L., t. iv, col. 606. Société universelle et visible, elle comprend à la fois sur la terre des saints et des pécheurs, Epist., lu, 25, t. iii, col. 791 ; la théorie luthérienne d’une Église invisible n’a pas où se recommander de Cyprien. Mais le caractère essentiel de l’Église, celui que l’évéque de Carthage fait ressortir avec une particulière insistance, c’est l’unité. L’Eglise est une, de par la volonté expresse de Jésus-Christ, et, hors de son sein, il n’y a pas de salut. De unitate Ecclesiæ, c. iv-vi, t. IV, col. 500504, et passim ; Epist., lxxiii, 21, t. iii, col. 1123 ; lxxiv, 7, col. 1132. Aussi saint Cyprien n’hésite-t-il pas à mettre sur la même ligne le schisme et l’hérésie, qu’il llétrit comme étant l’un et l’autre d’essence antichrétienne, Epist., xlix, 2, P. L., t. iii, col. 727 sq. ; LXIX, 5, t. iv, col. 403, et d’origine satanique. De unitate Ecclesiæ, c. ni, col. 497 sq. Point de schisme qui ne porte en soi des germes d’hérésie ; pas d’hérésie qui ne soit condamnée fatalement par son principe même, par l’intronisation du sens individuel et privé, à rompre avec l’Église. Epist., xlix, 2, t. iii, col. 761 ; lii, 24, col. 790.

C’est la pensée maîtresse de saint Cyprien dans son opuscule De unitate Ecclesiæ, que l’unité de l’Eglise repose au fond sur la charité ; mais elle est scellée par l’obéissance à l’évéque légitime et par l’union des érêques entre eux. L’unité des Églises particulières

tient avant tout à leur constitution monarchique. A la tête de chaque Église préside l’évéque, qui en est le père et le principe générateur ; on s’exclut de l’Église a ne pas vivre dans la communion de l’évéque. Epist., LXIX, 8. P. L., t. iv, col. 106. Les évêques sont les successeurs des Apôtres, et ils tirent leur autorité, non pas des libres suffrages de leurs ouailles, mais de leur vocation divine, appelés qu’ils ont lié par Jésus-Christ, avec et après les apôtres, à le représi uter ici-bas. Epist., lv, 5, t. iii, col. 802 sq. ; i.xv. 3, t. iv, col. 396 sq. ; lxix, 4, 8, col. 403, 106. Comme les apôtres, les évêques, tous égaux en pouvoir et en dignité, De unitate Ecclesiæ, c. ; v, t. iv, col. 499 sq., indépendants chacun dans son ressort, Epist., lxxii, 3, t. iii, col. 1050 ; lxxiii, 25, 1, col. 1126, ne forment ensemble qu’un seul corps. « L’épiscopat est un et chacun de ses membres est solidaire des autres. » De unilule Ecclesiæ, c. v, t. iv, col. 501. L’unité catholique s’affirme et se maintient par l’entente des évêques. Epist., LXIX, 8, t. m. col. 406 ; lv, 24, col. 790. Autour et au-dessous de l’évéque, s’échelonnent les prêtres, les diacres, les sous-diacre-, les acolytes, les lecteurs, les exorcistes ; la hiérarchie ecclésiastique comprenait, en Afrique, sept degrés. Monceaux, op. cit., t. ii, p. 13 sq., 335.

Dans ce sénat d’évêques, la prééminence de l’évéque de Rome ne laisse pas d’être hors de conteste. La liste des passages où saint Cyprien relève la primauté romaine, sans toutefois en déterminer la nature, est longue et décisive, notamment Epist., xlv, 3, P. L., t. iii, col. 710 ; lv, 14, col. 818 sq. Cf. P. von Honsbrôch, Zeitscltvift fur kalholische Théologie, 1890, t. xiv, p. 193-230. Ainsi, Pierre ayant figuré dans sa personne l’unité de l’Église, De unitate Ecclesiæ, c. lv. t. iv, col. 500, l’évéque de Rome, qui tient la place de Pierre, Epist., lii, 8. t. ni. col. 772 sq., est par làmême le centre visible de la chrétienté. La communion de l’évéque de Rome est donc la communion de l’Eglise catholique. Epist.. XL VIII, 3, col. 711 ; il ne saurait avoir jamais déraison pour s’en séparer. Epist., lxxiii. 11, col. 1116. Mais la primauté du saint-siège n’est-elle qu’un symbole de l’unité de l’Église ? Le langage de Cyprien manque ici de précision ; chez lui, d’ailleurs, la pratique ne s’accorde pas toujours avec la théorie, et sa théorie ne répond pas toujours pleinement à la foi traditionnelle de son siècle. Dans la pratique. Cyprien reconnaît au saint-siège, du inoins en certains cas d’une exceptionnelle gravité, outre la primauté d’honneur, la primauté de juridiction ; loin de dénier d’une façon absolue aux Églises particulières le droit d’en appeler à Rome, et à l’évéque de Rome le droil d’intervenir dans les affaires des Eglises particulier-. tantôt il le suppose, Epist., lv, 14, col. 818 sq. ; i.xviii. 5, col. 1028, tantôt il y recourt lui-même. Epist., i.xvii, 1-4, col. 990-996. Néanmoins, l’évéque de Carthage ne parait pas avoir eu l’idée nette des conditions nécessaires du maintien de l’unité catholique, ni de l’autorité souveraine du pontife romain dans les questions de foi ou de discipline. Et les protestations véhémentes, qu’il a élevées contre les pouvoirs et les menaces du pape Etienne, semblent n’être après tout que les conséquences extrêmes, mais logiques, de sa théorie personnelle sur l’égalité parfaite des évêques et leur indépendance réciproque. Sententix episcoporum, proœm., P. L., t. iii, col. 1051 : Epist., lxxii. 3. col. 1050 ; LXXIII, 26, col. 1126 sq. A prendre dans sa rigueur la théorie de saint Cyprien. l’Église universelle serait la simple collection des Eglises particulières, groupées indispensablement autour de l’évéque de Rome ; elle serait en réalité un corps acéphale. Car l’évéque de Home, qui est le centre de l’unité, n’en est pas le gardien ; il est le représentant officiel de l’Église catholique, sans en être le chef, puisqu’on droit il n’est pas armé de l’autorité que réclame sa situation. L’incohé_

rence des idées est visible. Mais le génie de saint Cyprion est moins en cause que le temps où il a écrit et l’éducation théologique qu’il a reçue : il s’est préoccupé beaucoup plus de l’unité des Églises particulières, menacée par des schismes locaux, que de l’unité de l’Église universelle, et en contestant au pape la qualité d’évêque des évêques, il n’a que trop suivi l’exemple de Tertullien. Voir J. Delarochelle, L’idée de l’Église dans saint Cyprien, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1896, t. I, p. 519533 ; J. Tixeront, La théologie anténicéenne, Paris, 1905, p. 382-388 ; J. Turmel, Saint Cyprien et la papauté avant la controverse baptismale, dans la Revue catholique des Églises, 1905, t. ii, p. 454-471 ; Saint Cyprien et la papauté pendant la controverse baptismale, ibid., p. 577-598.

IV. Influence.

Dans l’Église l’intluence de saint Cyprien, faite de modération intellectuelle, de génie pratique et de vertu, a été vaste et durable. L’Orient grec, avec son humeur particulariste, n’y a pas échappé, voir Harnack, Geschichte der altchristliche Litteratur, Leipzig, 1893, t. il, p. 715-717 ; Monceaux, op. cit., t. il, p. 360 sq. ; nombre de textes, les uns insérés dans les Analecta sacra du cardinal Pitra, les autres apportés par Watson dans The classical review, 1893, t. vii, p. 248, etpar Lauchert, dans Internat, theol. Zeitschrift, 1893, t. I, p. 699, témoignent aussi de la vive et persévérante admiration de l’Orient pour les œuvres de saint Cyprien. Mais c’est en Occident surtout que le prestige de l’évêque de Carthage lui a survécu. La grande figure de Cyprien domine la fin du iiie siècle et le iv c siècle tout entier ; Cyprien est alors le docteur de l’Église latine par excellence, mt’êÇox^v. Aucun autre Père, avant l’âge des Jérôme et des Augustin, n’a joui, dans le champ de la morale chrétienne comme dans celui de la discipline ecclésiastique, d’une autorité plus haute ni plus étendue. A côté des Livres saints, on dirait presque sur le même rang, le célèbre catalogue de 359, que Mommsen nous a rendu, Hermès, 1886, t. xxi, p. 142-156 ; 1890, t. xxv, p. 636-638, nomme les écrits de saint Cyprien et compte jusqu’aux lignes de chacun d’eux. Lucifer de Cagliari, Prudence, Optât de Milève, Pacien de Barcelone, saint Jérôme, saint Augustin, etc., tous attestent l’autorité hors de pair de Cyprien en Occident. Voir Harnack, loc. cit., p. 701 sq. Dans la qnerelle de la grâce saint Augustin, entre 3, nr se lasse pas d’opposer Cyprien a Pelage ; en face des donatistes qui se réclament de Cvprien, il s’évertue à leur ôter ce patronage, et jamais il ne réfute le grand évéque qu’il ne lui prodigue en même temps les marques de son estime et de son respect. Si Rome est [a chaire de Pierre, Carthage est la chaire de Cyprien. s. Optât, I. I, c. x, P. /.., t. xi, col. 904. Du v au vu* sied, ’. |, s lettrés et les clercs des pays latins continuent d’étudier et d’apprécier le métropolitain de Carthage ; en Gaule et en Italie comme en Afrique, on le lit, on le goûte, on ; s’inspire de lui. on chante sa gloire.’" moyen âge se l’est aussi rendu familier, témoins les nombreux manuscrits

l’influence di si s id< es Bur la disciplii eclésiastique.

Partout, jusqu’en Angleterre, les recueils de droil canonique onl emprunté plus ou moins leurs décisions otamment a la correspondance de’.nui n Ions’le cette correspon dance portent visible m les traces de ion i mploi i

travers les provinci - de il

l’I gli » e, ’in rrani. Paris, 1905, i. r, l’. 355. L’histoire de l’influence de sa inl Cyprien dans 1’formation du droil canon de l Occidenl encore écrite. La p

1 "" retrouve un texte du pareil

’resi oniu i la fin du mi lècle. lu u sii c le’" "< rel de Gratlen fourmille d 90 ii

d’opuscules (De lapsis, De mortalitale, De exhortatione martyrii, De oratione, De unilale Ecclesise), soit de lettres de saint Cyprien (lettres xxx, lv, lvi,

LVII, LXI, LXII, LXIII, LXIV, LXV, LXIX, LXX, LXXII, LXXIII,

i.xxiv, i.xxvr. édit. Migne). Harnack, op. cit., t. il, p. 714 sq. L’évêque de Carthage enlin, par la gravité un peu solennelle du ton, par les proportions et le moule de la phrase qui relève surtout de la tradition cicéronienne, par le maniement de l’Écriture, a été l’un des maîtres et des modèles du style ecclésiastique en Occident. LeProvost, Étude philologique et litléraire sur saint Cyprien, Saint-Brieuc et Paris, 1889 ; Watson, Studia biblica et ecclesiastica, 1896, t. iv, p. 189-324.

1. Editions.

Parmi les éditions complètes de saint Cyprien, on remarque celles d’Érasme, in-fol., Baie, 1520, de Morel, infol. , Paris, 1564, de Pamelius, in-fol., Anvers, 1568, de Rigault, in-fol., Paris, 1648, de Fell et Pearson, in-fol., Oxford, 1682, de Baluze et dom Maran, in-fol., Paris, 1726. L’édition de Migne. P. L., t. iv (voir aussi t. iii, v) n’est qu’une copie très défectueuse de l’édition de Baluze. C’est à G. Martel qu’on doit, nonobstant les critiques parfois excessives de Lagarde, Symmicta, Gœttingue, 1877, p. 65-78, la meilleure des éditions complètes de saint Cyprien, Corpus scriptorum latinorum, Vienne, 1868. 1871, t. ii, part. I-III. Dans ses SS. Patrum opùscula, Hurler donne, t. i, ii, iv, v, divers opuscules de saint Cyprien, et t. xxi, un choix de ses lettres. L’abbé P. Martin a publié dans les Anolecla sacra du cardinal Pitra, t. iv, p. 79-80, 338-344, le texte syriaque des deux lettres à Quintus, P. L., t. iv, col. 408-411, et à Fidus, P. L., t. iii, col. 1013-1019.

II. TRAVAUX.

Freppel, Saint Cyprien et l’Église d’Afrique au nr siècle, 3’édit., Paris, 1890 ; E. W. Benson, Cyprian, his life, his limes, his work, Londres, 1897 ; Fechtrup, Der h. Cyprian, Munster, 1878 ; O. Ritschl, Cyprian unddie Verfassung der Kirche, Gœttingue, 1885 ; M. Schanz, Geschichte der ramische Litteratur, HP partie, 1896, p. 302 sq. ; Goelz, Das Christer. tum Cyprians, Giessen, 1896 ; Bardenhewer, Geschichte drr nltkirchliche Litteratur, 1903, t. il, p. 394 sq. ; Id, Les | de l’Église, 2e édit. franc., Paris, 1905, t. i, p. 345 sq. ; Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne. Paris, 1902, t. il ; Id., Chronologie des œuvres de saint Cyprien et des coït cites africains du temps, dans la Revue de philologie, de littérature et d’histoire ancienne, 1900, p. 333 ; Harnack, Geschichte der altchristliche Litteratur, Leipeig, 1893, t. il, p. 088723 ; Id., Die Chronologie der allchrist. Litteratur, Leipzig, 1904, t. ii, p. 334 sq. ; Wirth, Der Verdienstbegriff in der christlichen Kirche, ii, Der Verdienstbegriff bel Cyprian, Leipziu, 1901 ; II. Leclercq, L’Afrique chrétienne, Paris, 1904, t. i ; A. Khrhard, Die altchristliche Litteratur, Fribourg-en-Briegau, 1900, p. 405 sq. ; L. Atzberger, Geschichte der christl Eschatologie, Kribourg-en-Brisgau. 1896. p. 521-546. Voir ri. Chevalier, Répertoire. Bio-bibliogruphie, 2 édit., Paris, 1904, t. i, col. 1087-1090.

P. Godet.