Dictionnaire de théologie catholique/DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE). II. En quel sens il est théologique

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.1 : DABILLON - DIEU philosophie modernep. 387-388).

II. En quel sens est théologique le problème de la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu ?

Un peut très bien concevoir comme possible dans l’abstrait, bien plus, étant donnée la condamnation de la proposition 55e de Baius, la masse des théologiens catholiques considère comme possible au concret, un état de l’humanité ou un ordre de providence dans lequel aucune révélation proprement dite ne serait faite à l’homme. Dans cet état, que nous pouvons désigner par le nom classique d’état de nature pure, l’homme, sans aucun secours strictement surnaturel, tant d’ordre subjectif que d’ordre objectif, connaîtrait Dieu à l’aide de ses facultés naturelles par le seul témoignage des créatures. Supposons cet état réalisé :
1° L’homme pourrait avoir la connaissance certaine de Dieu ;
2° il pourrait réfléchir sur cette connaissance, parce que la faculté de réfléchir sur les opérations de notre esprit est une propriété essentielle de notre nature ;
3° comme, d’ailleurs, créé dans un tel état, l’homme serait exposé, ainsi qu’il est aujourd’hui, au doute et à l’erreur, il devra il avoir et par conséquent — c’est l’hypothèse — aurait le moyen naturel (debitum, exigé) de résoudre les difficultés philosophiques que soulève le problème de la possibilité de connaître Dieu parles lumières naturelles. Ces difficultés peuvent se ramener à trois chefs, suivant qu’elles sont prises :
1. de l’objet de noire connaissance ;
2. de nos facultés de connaître ;
3. de la méthode à tenir pour parvenir à la vérité.
L’ensemble des difficultés constitue ce qu’on appelle depuis Kant le problème critique, où tout se réduit en dernière analyse à l’examen des facultés de la connaissance. Cf. J. F. Buddeus, Traité de l’athéisme et de la superstition, c. vi, Amsterdam. 1740. p. 218. D’où l’on conclut, par définition, que dans l’état de nature pure, l’homme aurait le moyen de résoudre le problème critique et que ce moyen sérait rigoureusement naturel, cet état, la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu sérait donc une question d’ordre exclusivement philosophique.

Mais nous ne vivons pas dans l’état de nature pur ; la révélation proprement dite nous a été donnée. On peut se demander si le fait de la révélation a changé notre situation par rapport au problème critique qui nous occupe. Spéculativement, deux hypothèses sont possibles
1° la relation positive est muette sur le pouvoir de connaître Dieu par les forces naturelles de notre esprit ;
2° la révélation renferme des affirmations sue ce sujet. Les deux hypothèses sont possibles, Dieu étant le maître de la mesure de ses dons surnaturels. Si la première était vérifiées, en d’autres termes, si le dépôt de la révélation qui nous a été transmis ne contenait En cours le 08/2022 rien sur la possibilité naturelle de connaître Dieu, nous serions actuellement en face du problème critique exactement dans la situation de l’homme créé dans l’état de nature pure ; ce problème serait philosophique et la théologie n’aurait pas à s’en occuper directement. Si, au contraire, la seconde hypothèse était vérifiée, nous aurions pour la solution du problème critique des éléments nouveaux, des arguments proprement théologiques. Le fait de la révélation de ces éléments, la mise en œuvre de ces arguments ne nous feraient évidemment rien perdre des moyens de solution de ce problème qui sont dus à notre nature : ajouter de nouvelles données ne serait pas supprimer celles que nous fournissent les lumières naturelles de notre raison ; ce serait, au contraire, faciliter l’exercice de notre activité naturelle. Si donc Dieu avait bien voulu nous manifester sa pensée, et par conséquent la vérité, sur notre pouvoir naturel de le connaître, la critique philosopbique ne serait pas éliminée ; mais, à l’examen philosopbique se juxtaposerait un examen théologique ; à la certitude que peut produire la philosophie se superposerait la certitude qui dérive de l’affirmation divine.

Quiconque a saisi la portée de la seconde hypothèse que nous venons de faire, voit avec évidence que, dans cette hypothèse, il n’y aurait aucune pétition de principe, aucun cercle vicieux, à traiter dogmatiquement ou théologiquement du problème de la possibilité de la connaissance naturelle de Dieu. Or, cette hypothèse est précisément celle que la foi catholique nous enseigne avoir été réalisée. Donc, sans nous attarder à dire ici comment les conceptions protestantes, jansénistes, etc., sont embarrassées sur cette question de méthode, nous pouvons commencer notre exposé théologique. La suite de ce travail justifiera d’ailleurs notre position. Cf. Franzelin, Le Deo uno, Rome, 1883 ; Traclatus de divina tradilione et Scriptura, Appen-dix de habit udine rationis humanse ad divinam /idem, surtout c. iii, Rome, 1875, p. 620.