Dictionnaire de théologie catholique/DIEU (CONNAISSANCE NATURELLE DE). IX. Le modernisme et l'encyclique Pascendi

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.1 : DABILLON - DIEU philosophie modernep. 413-420).

apparaissent, n’a ni la faculté ni le droit d’en franchir les Hlnites ; elle n’est donc pas capable de s'élever jusrp^a Dieu, non pas même pour en connaître par le moyen des créatures, même phénoménales, l’existence. D’où ils infèrent que Dieu nepeutpas être directement un objet de science. » Denzinger, IC C édit., n. 207'2. On sait que, dans la terminologie moderne, « notre connaissance est bornée aux phénomènes » a deux sens. Dans les sciences, telles qu’elles sont aujourd’hui constituées, un phénomène signifie a un fait à expliquer, un individu réellement connu à ramener à une loi ou à une cause inconnue. « C’est dans ce sens que les positivistes entendent le mot, lorsque — faisant non plus de la science, mais de la mauvaise philosophie — ils énoncent avec Comte, Huxley, Spencer que notre connaissance est bornée aux phénomènes. En slle kantien, c’est autre chose : « notre connaissance bornée aux phénomènes » signifie que le seul être qu’atteigne notre intelligence est l'être que nous présentent nos sens ; cet être, qui s’interpose officieusement entre l’esprit qui connaît, et ce que l’esprit connaît de la réalité, est le phénomène. L’encyclique s’est servie pour énoncer le premier principe des modernistes, de termes tels qu’ils désignent à la fois le nominalisme empiriste sous tous ses formes et le nominalisme idéaliste de Kant et des philosophies qui dérivent de lui. On se souvient qu’avant l’encyclique les modernistes donnaient pour prétextes à leurs innovations « les résultats acquis de la critique kantienne et spencérienne » et la nécessité d’accepter le nominalisme. Depuis l’encyclique ceux d’entre eux qui ont élevé la voix pour protester n’ont pas nié ou même ont, comme le Programma dei modernisa, Rome, 1908, avoué que telle est bien leur manière de voir.

Mais les modernistes, tout en acceptant les résultais acquis de la critique kantienne et spencérienne, prétendaient dépasser Kant et Spencer, et rien ne les choquait plus, à en juger par leurs protestations, que d'être confondus avec des kantistes. Le lecteur a vu qu’on peut arriver aux résultats de Kant et de Spencer, quant à l’impossibilité de connaître la nature intime des choses par des procédés qui ne sont pas spécifiquement les leurs : Nicolas d’Autrecourt par exemple au xive siècle a parcouru toute la carrière agnostique à l’aide d’une seule hypothèse et d’un seul postulat. De même, si l’on restreint la question à la connaissance religieuse, Molinos niait la valeur de toute connaissance intellectuelle sur Dieu en dehors du sentiment, de l’expérience intérieure ; Quesnel soutenait qu’il n’y a pas de Dieu pour qui n’a pas la foi-amour, la charité ; Pascal, comme Hobbes, et à l’aide du même argument concluait que, même avec la foi, nous ne savons rien de la nature divine, mais seulement le fait brut de l’existence de Dieu, Pensées, édit. Brunschvicg, 1904, t. ii, p. 143 sq. ; cf. Slapfer, dans la Revue des Deux Mondes, 15 novembre 1908, p. 383 sq. ; Boehme réduisait à rien notre connaissance de Dieu considéré en soi et par suite pouvait, comme certains modernistes, affirmer de l’absolu, les contradictoires. Denzinger, n. 2102. Il ne répugne donc pas qu’un moderniste soit arrivé à ses conclusions indépendamment de Kant et de Spencer. Dans la réalilécependant, les textes montrent que, si M. Loisy emploie la terminologie et la philosophie des idées héréditaires de Spencer, d’autres ont utilisé Comte, et d’autres Kant, soit par l’intermédiaire de Ritschl et de son école, soit directement. Cf. Léon XIII. Encyclique au clergé de France, 8 septembre 1899 ; Eucken, Thomas von Aquino, ein Kampf zweier Welten, Berlin, 1901.

L’encyclique Pascendi ne fait aucune recherche sur le détail de ces filiations philosophiques. Elle constate simplement : a) que les modernistes admettent la posiion des philosophes pour lesquels l’idée de Dieu, notre

connaissance intellectuelle (abstraite, spéculative, rationnelle, notionnelle) de Dieu est sans valeur objective, n’atteint ou ne représente pas le réel et n’a pas de portée ontologique. Denzinger, n. 2091 — « Qu’ils expliquent l’origine de cette idée par l’immanence vitale, par un sentiment qui jaillit en nous sans ju( ment intellectuel qui le précède (fidéisrne). lbid., n. 2074. — e) Que cette idée ne devient une connaissance ayant une portée ontologique, atteignant la réalité, que par la croyance, lbid., n. 2081. — d Que, même avec la croyance ou la foi, la connai-sance que nous avons de Dieu reste toujours purement symbolique, ibid., n. 2108, soit à cause de son origine purement subjective, ibid., n. 2079, soit à cause de l'élaboration que nous lui faisons nécessairement subir suivant nos besoins et nos états, ibid., n. 2080. soit à cause de l’universalité de la loi d'évolution, lbid., n. 2080, 2058. De la sorte aucune affirmation sur Dieu en soi n’est possible, d’où le manque de valeur métaphysique formules, lbid., n. 2080, 2020. Ce qui revient a dire que les modernistes admettent donc la distinction du connaître et du croire au sens de Hobbes, Locke, Pascal, Kant, Mansel, Spencer, Ritschl, etc. —e Enfin, les modernistes font dépendre la croyance de « l’expérience individuelle, » qu’ils expliquent par une certaine intuition du cœur. » Le texte ajoute : « Ils se séparent ainsi des rationalistes, mais pour verser dans la doctrine des protestants et des pseudo-mystiques. » lbid., n. 2081. En d’autres termes, les modernistes, après avoir admis la thèse du relativisme de Kant et de Spencer, les dépassent, tout en continuant avec eux à tenir pour symbolique notre connaissance de l’absolu, par un appel à Schleiermacher, c’est-à-dire à la thèse protestante qui fait consister la foi en une expérience intérieure, ou par un appel à la doctrine des pseudomystiques qui, avec Molinos par exemple, nient toute valeur à la connaissance intellectuelle indépendamment de l’expérience mystique.

L’encyclique fait remarquer : a) Que la conclusion moderniste : « Dieu ne peut pas être directement objet de science » a déjà été condamnée par le concile du Vatican. » Voir col. 857. — b) Que la théorie protestante de la croyance ou de la foi, qu’ils confondent à tort, à laquelle ils ont recours, a été rejetée comme hérétique par le même concile : sola interna cujusijue e.rperientia. Cf. de Broglie, Les relations entre la foi et la raison, Paris, p. 54 ; Denzinger, n. 2072. — c) Que dans leur recours à l’expérience, ils débutent par le fidéisrne. lbid., n. 2074. — d Que de parti pris ils ne s'élèvent pas au-dessus du symbolisme, c’est-à-dire des théories d’après lesquelles nous ne pouvons désigner Dieu que par de pures dénominations extrinsèques. lbid., n. 2079. — e) D’où il suit qu’ils s’enlèvent tout moyen de distinguer les religions fausses de la vraie. ibid., n. 2082, et de ne pas tomber dans le panthéisme, puis dans l’athéisme. Ibid., n. 2108 sq. On sait assez que l’agnosticisme dogmatique de Locke, de Kant. de Mansel, etc., n’a pas abouti à autre chose. — f) Enfin l’encyclique consacre un paragraphe au sentiment protestant, ou pseudo-mystique, dont les modernistes ont tant abusé. Elle fait remarquer que, considérée philosophiquement, leur psychologie est en défaut : car qu’est-ce après tout que le sentiment sinon une réaction de l'âme à l’action de l’objet proposé par l’intelligence ou par les sens ? » De plus, au point de vue moral, cette importance donnée au sentiment est dangereuse ; de même, elle est caduque au point de vue apologétique, car le bon sens n’admettra jamais que l'émotion soit un moyen sûr de découvrir la vérité ; elle est en outre ruineuse au point de vue religieux, car n’aboutissant à aucune affirmation ferme et précise sur la nature intrinsèque de Dieu, elle ne peut pas décider s’il existe un Dieu rémunérateur, lleb.. XI, 6 :

car le sentiment est incapable de résoudre objectivement cette question. Il est vrai qu’on cberche dans le système à suppléer à cette insuffisance par l’expérience. Mais l’expérience n’est elle-même dans l’espèce qu’un sentiment à l'état fort, dont l’intensité peut bien entraîner une persuasion plus grande de la réalité de l’objet religieux, si déjà l’on a des éléments intellectuels objectifs de cette persuasion, mais ne peut pas suppléer ces éléments. Denzinger, n. 2106 sq.

La connaissance rationnelle de Dieu et la vie intérieure.

Avant l’encyclique, les modernistes ont souvent fait appel aux mystiques et aussi à la vie religieuse ordinaire des chrétiens pieux pour conclure au manque de portée ontologique des notions religieuses, en debors de la « vie de foi » ou en dehors de la « vie de foi, qui opère par la charité ». Depuis l’encyclique, M. Tyrrell a prétendu que le pape avait décrété la mort de la piété dans l'Église. Il n’est pas douteux que les modernistes n’aient réussi à s’attirer les sympathies de plusieurs catholiques plus fervents qu’instruits par cette argumentation, qui ne tend à rien moins qu'à rendre ou impossible ou sans valeur toute connaissance naturelle de Dieu. Il faut donc exposer les faits, l’objection qu’on en tire, et donner une solution.

1. Les faits discutés.

Tout homme de quarante ans et qui pense, s’il est vraiment religieux et aussi capable d’un retour nettement réfléchi sur sa vie morale, fait un jour ou l’antre cette découverte, que Dieu est maintenant pour lui, habituellement ou à certaines heures, un Être bien différent de celui qu’il priait et adorait dans son enfance ou même à vingt ans. Prier, adorer, ces mots semblent n’avoir plus le même sens qu’ils avaient dans la famille, au collège ou au lycée, à la faculté. La définition abstraite qu’on en donnerait, est bien la même que celle du catéchisme de première communion ou du manuel de séminaire ; mais combien plus profondes en sont dans l'âme les répercussions ; combien modifié le sens perçu, vécu ; combien transformée, l’attitude intérieure que ce sens commande. Et du côtéde Pobjel : Dieu représenté sous des attributs moins distincts, plus uns, parce que plus dégagés des triées d’anthropomorphisme, que ceux qui avaient soutenu les premiers pas vers le devoir ; Dieu connu par

oncepts moins abstraits, moins métaphysiques ou, plus exactement, moins théoriques, moins académiques et scolaires, que ceux qu’avaient élaborés les efforts juvéniles de la spéculation personnelle. Dieu, essentiellement, au concret, distinctement, se présente sans ellort et comme spontanément à l'âme, meilleur que notre bonté', plus vrai que notre vérité, plus grand que nos hommages ; non seulement autre et différent de ses œuvres — cela il l'était dés le commencement — mais dessus d’elles, el cependant intimement

m', dissemblable à tout, et pourtant et surtout infiniment digm d'être aimé.

tte impression (l’une connaissance vraiment nouvelle, autre, grandit encore, si le Seigneur invite l'âme

iter combien il est doux, gustate et vide te, plutôt

entiment que par lumières : pise devotionis cru diamur affectu, 'lit la liturgie. Supposons le cas,

tiques pour se faire entendre, où nous

n.ninonjamais goûté de miel. On pourrait par le

raisons démonstratives nous

donni i. mi que is j touchions, quelque Idi

ir et de son parfum omettrions, soil

pai la loi au | : pa r raison scientifi

que li miel est doui La connaissanci que nous s de Dieu pai la raison naturelle, el au

: an quelq mblableé celle

que nonaurions de la douceur du m

donn di, i. votion ressi mble

plol oe que nous am Ion di

du miel, si nous venions à en goûter pour la première fois. A ces moments bénis, cette connaissance parait suivre l’expérience que nous faisons de l’amour divin. Cet amour nous pénètre et, sans raisonnement, un regard amoureux de notre àme perçoit confusément la douceur des perfections divines. Ce n’est pas Dieu tel qu’il est en lui-même et face à face, puisque nous sommes dans l’exil ; mais ce n’est pas non plus autre chose que Dieu, qui fait l’objet de cette sorte d’intuition, que les mystiques nomment regard intérieur. Dès lors, pour l'âme, le cruciiix de son prie-Dieu, le Dieu de ses méditations, ce Dieu toujours présent et qu’elle sent tout près d’elle, comme dans l’obscurité on sent un ami près de soi sans le voir ni l’entendre, paraît autre qu’on ne le décrit dans les livres, autre qu’on ne le prouve par les philosophies : il est bien l'Être nécessaire, l’Etre suprême, l'Être des êtres, le Père des idées, le ijuo majus cogitari naquit ; mais il paraît différer en bien, beaucoup plus que ressembler à ce qu’autrefois l’esprit saisissait, non sans peine, dans ces formules abstraites. De même, le rédempteur, auquel s’adresse le culte, et sur lequel s’appuie toute l’espérance de l'âme exilée, à qui va lout son amour, paraît au regard intérieur, vraiment plus rédempteur que dans le symbole : cruci/ixus sub Pontio Pilalo, plus divin, dans sa divine et miséricordieuse condescendance, que dans la formule conciliaire : consubslantialis. Cf. Acta sanctorum, Anvers, 1643, t. i. p. 197, n. 70. Enfin, le mystère île Jésus paraît plus réel que tous les syllogismes, tous les textes et toutes les conclusions de l'École sur ce même mystère. Il est réel comme une relation de personne à personne : ce qu’il n’est pas dans les livres.

Oui, à mesure qu’on progresse dans la vie intérieure, l’objet religieux paraît à l'âme plus réel : elle le « réalise », disait Nevvman. En même temps, cet objet devient pour elle plus certain. Sans raisonner sur la vérité des paroles divines, sur la fidélité des promesses, l'âme prend conscience d’une certitude des réalités divines et surnaturelles, qui paraît indépendante du motif d’autorité divine, el uniquement fondée sur l’expérience qu’elle a de ces réalités. Quand toute l'Écriture et tous les écrits des Pères seraient brûlés, ma foi resterait la même, disait un grand saint, tant il était sur de celui à qui il s'était donné et dont il avait goûté les incompréhensibles perfections.

Tels sont les faits, qu’indubitablement perçoit lies souvent la conscience religieuse des pieux fidèles. Schématiquement, la situation est la suivante ; la description de Dieu traditionnelle, la définition des actes du culte, également traditionnelle, ne paraissent plus, a la pensée réfléchie, adéquates à leur objet ; bientôt même la pensée directe de Dieu à l’aide des concepts s’accompagne de cet épi phénomène : « Cela n’est pas tout, H n’est pas tout à fait cela, mais plus ; i et pour parler le langage de saint Augustin, l'âme « distingue Dieu. qui n’est pas lui „ beaucoup plus par l’abandon

l’aveu de son néant, par la confiance en lui que par un discours métaphysique. I. I tre suprême n épi

plus le contenu île l’idée île Dieu. Ile contenu, qui trefois paraissait à l'âme venir du dehors par le moyen Compliqué des Concepts abstraits (le la formule |

chismale ou métaphysique, paraît maintenant.ire réalisé sans ell.nl par un mouvement qui vient du dedans.

Quand, p.ula mémoire, le sujet compare ta i. pi talion mentale, qui accompa iffectil ai luel, ii nnes, d.s juvéniles représentations religieuses, l’aperci ption actuelle déborde tellement le contenu primitif, le modifie et le transforme . ce point que la formule catéchismale, associée dan l’esprit a vi i parall ni plui.'ire qu’uni -..rie de schème vide, Im el, une de projection maladroite et.t, , , 1, tel qu’il eal maintenant p. r a. El il (li

cliii sur ses expériences successives, sur la transformation de plus en plus complète pour elle de l’objet réel île son adoration et de son amour, elle constate un écart de plus en plus marqué entre cet objet, tel que le saisit sa pensée actuelle, et le même objet, tel qu’elle le saisissait autrefois à l’aide de la seule formule traditionnelle. Bref, l’objet des formules catéchismales el métaphysiques lui paraît comme inanimé, indillérent au cœur, sans valeur d’action sur sa vie morale et religieuse ; au contraire, l’objet de l’expérience intérieure affirmé, semble-t-il, par un autre organe que le cerveau, est bien vivant ; bien que très imparfaite nt

connu — et l'âme a conscience de cette imperfection et de cette insuffisance — c’est Lui, moins inadéquateinent, le vrai Dieu, à qui l'âme s’abandonne et se lie, prête à tous les sacrifices : Dominus meus et Deus meus. Et la certitude de la foi en paraît toute rajeunie ; une certitude nouvelle, qui est d’essence diûerenteque la certitude appuyée sur la pure autorité du témoignage divin extérieur, paraît dans la conscience.

2. L’objection.

Certains modernistes se sont emparés de ces faits de conscience, pour vider de toute valeur ontologique la connaissance que nous pouvons avoir de Dieu par les concepts, par les formules religieuses, par l’abstraction. « Notre foi va plus loin que nos idées. » disait l’un ; « vous le savez bien, si vraiment vous avez la foi. » « C’est par la croyance que nous atteignons la réalité intérieure des choses que n’atteignent pas les sens, » disait l’autre, qui se flattait d’inaugurer l’objectivisme postkantien. « Dieu n’est pas une vérité abstraite, c’est une réalité qu’on perçoit, et dont on vil, par le sentiment, faculté immédiate du réel, » disait un troisième. « On ne démontre pas une réalité concrète, on la perçoit. Elle n’est pas objet d’analyse conceptuelle, mais d’intuition vécue… Déduire Dieu équivaut à le nier. Prétendre vouloir le trouver ainsi revient à vouloir l’atteindre par une méthode athée, » écrivait sans sourciller M. Le Roy, dans la Revue de mélaj>hysiqne et de morale, 1907, p. 472, 474. Quelques-uns de ces écrivains, pour satisfaire aux nécessités du dogme, sauver la possibilité de la révélation extérieure et garder la notion ebrétienne de la foi, assentiment de l’esprit à l’autorité du témoignage divin, gardaient quelque nexus objectivus entre nos idées religieuses et leur objet, cf. Webrlé, dans la Revue biblique, juillet 1905, sans d’ailleurs toujours éviter, à cause de la distinction du connaître et du croire, de tomber dans « la foi du cœur hermésienne ». Acta concilii Vaticani, col. 527, 529 sq. Cf. Annales île philosophie chrétienne, octobre 1908, p. 1-79. Mais d’après la majorité, l’absolu, le fonds substantiel de l'être, la réalité sous-jacente aux formules, pour parler net. Dieu, perçu, senti, vécu, ne pouvait être exprimé qu’en formules de vie : sous les espèces et symboles de l’action, d’après M. Le Roy ; par des images décolorées, résidu de notre expérience, d’après M. Loisy ; par de pures métaphores, d’après M. Tyrrell. Cf. Programma dei modernisti, p. 95. Mais tous s’entendaient sur le point suivant : avant et sans la croyance ou la foi, impossibilité pour la raison de connaître Dieu, la réalité divine, objectivement ; car, indépendamment de l’expérience, la « notion » n’a pas de valeur et de sens relativement à la réalité. Outre les arguments communs à l'école nominaliste et qui se résument à nier que nous ayons aucune connaissance « par les causes », Programma, loc. cit., on prouvait cette conclusion par l’appel aux mystiques, au grand chrétien Pascal, par des attaques contre les théologiens qui ont la superstition de formules mortes et vides, et par le développement vibrant des faits de la vie intérieure que nous ayons rapportés, suivi du raisonnement suivant : La vie intérieure atteint la réalité spirituelle ; donc, en dehors de l’expérience intérieure, les formules n’uni

pas de portée ontologique, et par suite en dehors de l’expérience actuelle du divin opérant en nous et en tout, » Programma, loc. cil., pas de connaissance de Dieu, et donc pas de connaissance rationnelle de Dieu. lbid., p. 105.

ÎJ. Réponse. — Les théologiens connaissent et admettent les faits religieux que j’ai essayé plus haut de décrire brièvement. Dire que l’Eglise réprouve ces états d'âme, reviendrait de fait à dire qu’elle bannit de son sein la piété et la vie intérieure, qu’elle renie saint Bernard, saint Bonaventure, l’Imitation, saint François de Sales, etc., et bille environ les deux tiers des Patrologies deMigne. Le Credo commence par ces mots : Je crois en Dieu ; et nos catéchismes, à la question : Pourquoi dites-vous, je crois en Dieu et non pas seulement je crois qu’il y a un Dieu ? répondent : Parce que non seulement je tiens pour certain que Dieu existe, mais encore je mets en lui loute ma confiance. Où est le théologien catholique qui a mis en question la valeur de cette réponse'.' Quelques protestants ont soutenu en Allemagne que la distinction célèbre Credere Deum, credere Deo, credere ni Deum était spécifiquement hussite et luthérienne. Le P. Denifle leur a montré que c’est ignorance pure. Le plus mince étudiant catholique en théologie sait que cette formule se trouve dans le Maître des Sentences et par suite dans tous les théologiens scolastiques. On faisait de même au subjectivisme de Luther, à sa doctrine de l’expérience intérieure, l’honneur de formules émues, qu’il emploie. Le même Denille a montré que Luther n’avait eu pour composer ces formules touchantes qu'à traduire le bréviaire et le missel de l’ordre des augusliniens. auquel il avait appartenu. Denille, Luther und Lutherthum, Mayence, 1904, t. i, p. 416 sq. Non, l'Église catholique n’a jamais fait de la vie religieuse une affaire de glaciale élégance académique et de froide correction conceptuelle.

On nous objecte la froideur de nos manuels de théologie, et il n’est pas difficile de montrer qu’elle est grande. Disons que cette froideur est voulue, calculée, non certes pour bannir la vie alfective de la religion, mais pour la rendre plus intense. Il n’est pas de professeur de théologie qui ne pense et ne sente autrement de la Trinité, quand, en chaire, il raisonne pour ses élèves sur ce profond mystère, et quand il est à son prie-Dieu. Dans les deux cas, c’est de la même Trinité, considérée objectivement, qu’il s’occupe, de la même réalité mystérieuse, qu’il parle. Mais en chaire, il raisonne ; à son oratoire, il adore, il aime et il prie. Si. en classe, il sent l'émotion religieuse le gagner, le prendre à la gorge, il la refoule le plus souvent, préférant laisser à ses auditeurs de rigoureuses et lumineuses démonstrations plutôt que le souvenir de la vibration d’un instant. C’est que le professeur de théologie sait parfaitement que, si son élève comprend bien la doctrine, le dogme, il y trouvera pour lui-même et pour les autres, l’heure de Dieu venue, une source intarissable de chaudes lumières et de pieuses affections. Bien de glacial comme les Respondeo dicendum de saint Thomas ; en apparence, rien de moins religieux que les o disputes » de Suarez. Faut-il les supprimer ei les remplacer dans les cours de théologie par la lecture de l’Imitation et le chant de quelque pieuse prose du moyen âge ? Non, parce que, à qui sait regarder comment les choses se passent ici-bas, les pages incolores de saint Thomas et de Suarez sont des foyers de vie religieuse intense, d’une incomparable puissance. « Il vaut mieux, dit limitatif », sentir la componction que d’en savoir la définition. » C’est exact, pour la conduite personnelle et le salut de chacun. Mais si mil ne savail définir la componction, qui enseignerait aux autres à la sentir, à la distinguer de ce qui n’est pas elle ? D’ailleurs, c’est encore honorer Dieu

que de se donner beaucoup de peine pour comprendre de son mieux ce qu’ila bien voulu nous révélerde luimême et de ses œuvres. J’ai signalé tout à l’heure l'écart qui, par suite du développement de la vie religieuse profonde, apparaît au fidèle entre la formule abstraite et le Dieu vivant de son cœur. Les pages glacées de saint Thomas et de Suarez n’auraient-elles pas, d’aventure, pour but d’expliquer cet écart apparent, d’en faire comprendre le sens, d’en mesurer la portée ? Jusqu'à preuve du contraire — et on ne me la fournira pas — je pense que l'étude approfondie des grands théologiens reste la meilleure apologétique contre les modernistes, qui prennent occasion de cet écart apparent pour nier la portée ontologique des notions abstraites sur Dieu et en général des formules dogmatiques. Aller dans l'étude des mystères divins jusqu’au bout de l’analyse conceptuelle et logique, c’est le meilleur antidote contre la défiance de la pensée spéculative, que peut faire naître la réflexion sur les caractères de la croyance vécue et vivante. Là où les modernistes, pour n’avoir pas rompu l’os et atteint la substantifique moelle du dogme objectif, concluent que « la formule est vide de sens et de valeur, qu’elle est irréelle, o le théologien voit intellectuellement que la parole divine, la langue de l'Église ont un sens tellement plein, une valeur ontologique tellement riche que les battements de cœur, les enthousiasmes de la foi, les folies d’amour religieux de toutes les générations ne seront jamais adéquats à l’objet que cette parole sacrée et cette langue officielle nous manifestent. Comprise autant que l’intelligence humaine peut la comprendre, la formule révélée nous découvre l’objet de notre foi, bien au-dessus de ce que l’amour réuni des hommes et des anges pourrait nous faire soupçonner, s’il nous était donné de pouvoir l’analyser. Ce qui est vrai des vérités révélées, l’est, toute proportion gardée, des formules philosophiques..Mais pour mettre dans un livre la métaphysique sur Dieu dont nous parlons, il ne suffit pas de l'écrire avec son coeur, il faut de la pensée pure ; et celle-ci est en quelque sorte impersonnelle, c’est-à-dire t, pour ceux qui ne sont pas formés à cette discipline, glaciale. Il paraît donc que les pages décolorées des théologiens, loin d'être une preuve de leur ïndilTérence à la vie spirituelle intime et profonde. lui 'ont en réalité' ordonn

Le préjugé de religion académique et d’intellectualisme exclusif écarté, serrons de près le raisonnement qu’on nous oppose : La ie intérieure itteint la réalité spirituelle ; donc, en dehors de l’expérience intérieure, de la foi du cœur, pas de connaissance rationnelle de Dieu, valable.

Sur l’antécédent de cel enthymème, mettons-nous d’accord quant aux points suivants : a) Il est vrai que la vie intérieure des chrétiens atteint la réalité spirituelle. || est vrai que les mahométans, qui croient i du vrai Dieu, atteignent la même réalité, bien que d’une autre manière, puisqu’ils n’ont pas la vertu théologale di foi. b On convient aussi que sans m vitale du sujet, l’individu n’atteint pas cette réalité. Beaucoup di nts des modernistes

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175. I que l’encyclique /' rail

remarquer aux mod |ue dam leur systi

toutes les religions se valent, et qu’il n’y a pas pour eux de moyen de montrer la vérité de l’une et la fausseté des autres. Comment le feraient-ils, puisque, d’après eux, d’une part les principes abstraits n’ont pas de portée ontologique en dehors de l’expérience intérieure, et d’autre part tous les hommes ont une expérience religieuse qui atteint la réalité divine ? On ne voit donc pas comment ils pourraient convenablement exclure de la vraie religion, par exemple les hallucinés de nos hôpitaux qui se croient le Père éternel, celui des Monod qui s’est dit le Messie, le fondateur de l’Agapeinone, bref tous les fanatiques, derviches hurleurs, etc. Mais pour simplifier la présente discussion, laissons de côté ce point et convenons de ne parler pour le moment que de l’expérience religieuse des bons chrétiens.

Le sens de l’antécédent étant ainsi bien déterminé, et concédé, nous demandons par quelle « conséquence » passe-t-on, de la proposition : la vie intérieure des bons chrétiens atteint la réalité spirituelle, à cette autre proposition : les formules religieuses, en dehors de l’expérience intérieure, n’ont pas de portée métaphysique ? Cette inférence est légitime, si l’on sous-enlend dans l’antécédent le mot seule, en d’autres termes, si l’on donne un sens exclusif à la proposition : la vie intérieure atteint la réalité spirituelle. Et c’est bien en réalité ce que font les modernistes.

En effet, l’appel aux mystiques et aux grands chrétiens, l'étalage des bénéfices de l’apologétique nouvelle, la description émue des expériences religieuses tendent à suggérer au lecteur que seule l’expérience intérieure al teint l'être substantiel ; quand le lecteur esta point, on lui glisse la conclusion, et le tour est joué. Mais a) l’appel aux mystiques est un leurre : a. parce que les mystiques supposent explicitement la foi, une pensée de foi, par exemple, celle de la présence de Dieu, c’est-à-dire une connaissance notionnelle au début de leurs expériences ; et, seuls, les pseudo-mystiques comme Molinos nient la valeur ontologique de cette pensée initiale proposée par la foi. b. Il est vrai que Gerson et quelques autres ailleurs admettent la possibilité d’une connaissance subséquente à l'état affectif, sans connaissance antécédente..Mais alors il faut dire : quelques mystiques et non pas : les mystiques. De plus, ces quelques mystiques n’admettent la connaissance subséquente que comme un cas singulier. Pour le reste des cas. ils parlent comme tous les autres. — b) L'étalage des avantages de l’apologétique nouvelle, en vue d’amener le lecteur à penser que seule la vie intérieure atteint le réel, est une amorce assez grossière. Elle sert à la fois à dissimuler les concessions que l’on fait aux agnostiques, et à donner de l’apparence aux moyens que l’on propose, par la beauté de la fin. « La pensée moderne est jalouse de la notion d’immanence, etc. ; si nous ne concédons rien, nous serons sans action sur noire temps. » le n’en crois rien ; mais, soit ! Suit-il de là que seule la vie intérieure atteint le réel ? Nos théories, fussent-elles de Kant, changent-elles l’ordre causal du monde ? — et La description émue de la vie spirituelle des bons catholiques, aux fins de produire la ne stion en

f.neur de la aieur exclusive de la connaissance issue de l’expérience, couvre un triple sophisme.

n. On nous décrit avei ïnes modalités de la

vie intérieure. Mais I numération complet*

parties.' Non, les éUlfl que l’on denit sont triés sur le

volet ; "n néglige, de parti pris, ceux qui contrediraient la thèse, par exemple le Pail de la foi sans amour dans l'étal île péché, Denzinger, ii, 740, le fait de i i en Dieu sans la foi dans l’hérétique formel, le fait de

la foi dans Vacedia, le fait de la foi dans ce que saint

Jean i la Croix appelle la nuit obscure, ou encore le Lut di la foi dans t oraison de pan foi, ete i i puis,

on n’explique pas la croyance en Dieu chez ceux qui n’ont pas la révélation, clic/, les fidèles, qui, soit par ignorance, soil par grossièreté, ne sont pas capables de toutes les analyses psychologiques dont on nous parle. Et, d’une énumération 1res incomplète, portanl sur le cas spécial des catholiques fervents, on passe à une généralisation comprenant tous les individus, toutes les situations.

b. On nous décrit avec art certaines modalités de la vie intérieure ; on nous fait remarquer que les réalités suprasensililes prennent pour nous, lorsque ces moda. lités accompagnent nos actes, un aspect de vérité, d’objectivité spécial : ce qui est incontesté ; et on nous demande d’avouer que la connaissance que nous avons de ces réalités n’est objective, réelle, que par ces modalités. Mais réel signifie deux choses : existant hors de moi indépendamment de mes états, ou bien dont l’existence objective m’affecte dans ma vie émotive, dans mes jugements de valeur. Les modernistes, pour tirer leur conclusion, devraient nous montrer que nous ne pouvons pas percevoir le réel au premier sens, sans passer par la perception du réel au second sens. Est-il vrai qu’il n’y a pas connaissance du réel, de l’objectif, indépendamment de l'état émotif que le réel excite quelquefois en moi, ou de l’estime qu’il fait naître ? Je ne nie pas qu’en certains cas la réllexion philosophique ne puisse, de cet état émotif, de cette estime, s’ils sont donnés dans la conscience, remonter à la réalité ; il y a très longtemps que certains théologiens ont essayé de défendre par cette voie l’argument de saint Anselme. Je ne nie pas, dans tous les sens du mot, que le sentiment soit « faculté du réel ».Mais les observations qu’on nous apporte prouvent-elles qu’il est « la faculté du réel » ? La répétition des mots « réalité vécue, réel agi » n’est pas une réponse à la question.

c. Les bons catholiques atteignent les réalités divines dans leur vie intérieure. Nous en convenons. Comme pour argumenter, on a choisi des cas où, d’une certaine façon, ils les atteignent par le sentiment, par l’estime, on conclut que le sentiment est « la faculté du réel ». Admettons-le pour un instant. Cela exclut-il la connaissance objectivement valable du réel, je ne dis pas indépendamment du sentiment, ce qui serait contre l’hypothèse que je concède à ce moment, mais par un autre moyen, x ? Non. En effet, mettons que le sentiment soil un épiphénomène nécessaire et constant de x, il restera vrai de dire que le sentiment est « la faculté du réel », même si l’on admet que x atteint le réel. Quand donc on nous démontrerait qu’il n’y a pas connaissance du réel sans sentiment, par exemple, parce que l’homme va à la vérité de toute son âme, il ne s’ensuivrait aucunement que notre puissance abslractive n’atteint pas le réel ; il s’ensuivrait seulement qu’elle ne l’atteint pas, sans que le sentiment ne l’atteigne aussi à sa façon. En d’autres termes, le rôle du sentiment n’exclut pas, mais suppose l’exercice de notre faculté intellectuelle de connaître ; et les analyses des modernistes ne contiennent rien qui démolisse la position classique en cette matière.

Nous croyons donc pouvoir conclure que leur argument : « la vie intérieure atteint le réel, donc la connaissance purement intellectuelle ne l’atteint pas, » pèche par nullité d’inférence, puisqu’ils n'établissent pas le sens exclusif de l’antécédent. Si d’ailleurs ils disent qu’ils ont le droit de donner le sens exclusif à cet antécédent, parce que les « résultats acquis de la critique kantienne et spencérienne « démontrent l’inanité de la connaissance intellectuelle, nous n’avons qu'à observer qu’en réalité ils concèdent la valeur du Kantisme et du positivisme, qu’ainsi la conclusion de leur enlhymème, qu’ils se donnent l’air de déduire de l'étude du fait religieux, ne suit en réalité de leur an técédent que parce qu’ils se la donnent a priori et in verba magislri.

4. Interprétation des faits.

Bien que suffisante pour montrer le défaul du raisonnement des rnodernistes, cette première réponse n’explique pas la question qu’ils ont soulevée des rapports de la connaissance rationnelle de Dieu et de la vie intérieure. Nous empruntons à Ferez, théolog nol du xvir siècle, une page qui mettra le lecteur sur la voie a suivre. Ens intenllonale aliud est logicum, aliud est reale seu roi iniialis, aliud est commune u trique. Logica enim solum agit de esse objective) conslilulo per triplicem inlcllcclus operalionem humanam ; philosophia autem moralis progreditur ad esse volili et noliti, et ad esse œslimati per a/lectum aut contemplum. Comparer avec l’action, la pensée-action et les jugements de valeur. Ulrunique ens convenil in génère enlis intentlonalis ; neque est necesse iilud restringere ad intellectum aul voluntatern humanam, sed oportet illud e.clendere ad omnem intellectum et voluntatem. Fer./ fait cette dernière remarque pour préparer le moyen dont il se sert pour défendre l’argument de saint Anselme. Voici ce procédé : nidlum bonum est esse chimeram ; sed carens omni defectuest bonum : ergo eurent omni defectu non est chimera. La majeure est évidente, dit-il, parce qu’il est de l’essence de l'être chimérique de ne pas pouvoir être l’objet d’une volilion ex judicio vero, et que, si on le veut quand même, nécessairement la volilion ne peut aboutir. On se souviendra que Leibniz avai ! lu Ferez et l’avait trouvé ingénieux. Est autem intellectus universim loquendo potentia cognosciliva perceptiva contradiclionis et invenliva rationum contradiclionis seu delectiva illarum. Voluntas autem est potentia lendensin objectum ut intellectum, nullam novam ralionem addens in objecto sed inclinationem ex parte subjecti aut declinalionem. Comparer avec ce qu’ont dit du rôle des causes subjectives de la croyance le F. Gardeil, voir Créuiiulité, t. iii, col. 2306 sq., et le P. Ilarent, voir Croyance. Ens autem intentionale est illud quod Itabel esse per denominalionem ab aclu intellectus aut voluntatis, relut si habeal esse voliti aut cogniti. El sic, positiviun intentionale est : esse nominati nomine dicta per affirmationem ; aul esse af/irmati per judicium ; aul esse voliti, aut esse œslimati, wstimalione dan le aliquam magnitudinem. En ce sens, et si l’on s’en tient à une observation sommaire, cf. Dictionnaire apologétique, Paris, "1909, t. I, col. 64, noire foi peut aller bien plus loin que notre connaissance purement notionnelle : esse nominati, ou purement logique : esse af/irmali. Mais on va voir pourquoi il n’en faut pas conclure que la connaissance notionnelle ou logique manque de portée ontologique ou que notre foi « prolonge nos idées ». En effet, est autem talis sestimalio judicium de re ex amore, cm iniitcio respondet nomen nobile et honori/icum. L'âme religieuse qui aime Dieu s’incline au Gloria Patri avec une altilude intérieure de respect, commandée par son amour ; mais son amour lui-même dépend de l’objet intellectuellement connu, et n’ajoute rien à l’objet en soi. L’auteur a recours à des exemples aujourd’hui classiques, l’iui hujus nominis quilibel intelliget et sentiet multo melius quam ullis verbis possit exprimi, si quis reflectat super hoc nomen ego et supra illud mea cita, mea sapientia. Comparer avec la réalisation de New man. Voir Croyance, t. iii, col. 2373 sq. Comparer aussi avec la vérité ; < personnelle, pour moi, agio, vécue », dont on nous parle tant. <juia enim unusquisque se amat, aliter se xstimat dicendo ego atque dicendo tu, 0/7111' aliter afficitur ad meum et ad tuum. Hujus causa est, quia unusquisque judicat et xstimat ex affectu. Cette remarque est du prince de la logique conceptuelle. Aristote. Le chaste, dit saint Thomas, juge autrement

de la pureté que l’incontinent : suit-il qu’il juge plus mal, et que son jugement n’a qu’une valeur purement relative ? L’idée de Dieu émeut et fait vibrer autrement l’homme pieux que l’impie, faut-il en conclure, comme on le fait, que l’impie n’a pas d’idée objectivement valable de Dieu, et que l’homme pieux n’a de Dieu que l’idée que son émotion peut lui en donner ? A ce compte, dans le fameux jugement de Salomon, celle qui par l'émotion de sa réponse fut jugée la vraie mère, ne l'était, et ne savait l'être, que par l'émotion que lui causa la proposition du roi. Qui ne voit que la réponse de cette femme et l’accent qu’elle y mit furent commandés par la réalité objective, par le fait de la gestation, de la parturition et de l’allaitement ? Salomon compta sur la réaction émotive de sa proposition pour distinguer la vraie mère, et nos juges d’instruction, qui épient « l’accent de vérité » d’un témoin, font de même ; mais tous savent et admettent que l'émotion et l’accent de vérité du témoin ne créent pas la connaissance du fait, qu’au contraire ils la supposent, et c’est précisément parce qu’ils la supposent, qu’on en tient compte. De même, l’indifférence du témoin est, dans bien des cas, la meilleure garantie de son témoignage : vérité admise de tous, mais que ne peuvent pas expliquer ceux qui tiennent que ce qui n’est pas émotionnel ne saurait atteindre le réel. C’est que la connaissance objectivement valable du réel est antérieure à la réaction affective. 111a autem nomina quæ præcedunt affectum, c’est-à-dire les formules purement conceptuelles et logiques, possimt esse œstimaliva realiter, sed formaliter non sunt. Ce qui signifie que la formule purement spéculative peut être prégnante de toutes les réactions affectives du sujet de façon à les légitimer logiquement, sans que subjectivement le sujet réagisse ; $unt lacrymx rerum, a dit le poêle dans le même sens. Par exemple, la formule abstraite du Credo, qui est l’objet direct de noire foi, n’est pas moins repré tentative de la réalité en soi, pour nous laisser froids à certains jours, quand par exemple nous avons une forte migraine. Os jours-là, le Credo reste pourtant la parole de Dieu, et par suite la vérité ; et le fait que nous ne réagissons pas, à cause de la migraine, n’en rien à la valeur objective de notification de la formule. Perez conclut : Patei ergo quid sitesse inlentionabquod, juxta dicta, non solum constituitur per triplicem opérai ionem logicam, sed per quartam rolili, et per quintam sestimati. Volilioenim estquædam illatin— i n’est pas nécessaire qu’il ait inférence formelle, de même plus haut il n’est pas question de jugement formel : les scolasliques connaissaient les apprehensiones virlualiter judicativa et illativse — ntelleclione, et cet timatio est Mario ex volitione Ant. Perez, In I n divi Thomm

tract, quinque, Rome, 1656, t. i. p. 3.

On voit par ce texte que l’admission des notions conceptuelles valables dans la vie morale et religieuse, loin

d'être gêne pour l’interprétation des faits, sert au

Contraire à les comprendre.

"ii nous objei lera que les scolasliques ne s’occupent jamais que des concepts i t des opérations logiqui que nous serions bien embarras é pour citer un autre auteur que Perez, qui parle d’une quatrième opération

et d’une i Inqui i, Nous avouons qu’il

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i fournil la réponse aux 'ions que fin m des tut rappi '"- moderniiti libéraux, pour con clure que nous n’avons la certitude du réel en religion que par l’intuition dans le sentiment ou l’expérience. — 1. Il y a, disent-ils, progrès dans la connaissance du réel divin par l’expérience ; donc l’expérience est le seul moyen de l’atteindre. — Réponse. —Nous admettons le fait du progrès, que nous expliquons très facilement sans avoir à concéder la conséquence que l’on déduit de ce fait. Cf. Kleutgen, Théologie der Vorzeit, Munster, 1874, t. v, p. 272 ; S. Bonaventure, Opéra, édit. Quaracchi, t. v, p. 55 ; Bossuet, Œuvres oratoires, édit. Lebarq, t. v, p. 10't.

2. Par la vie intérieure, disent-ils, on a une sorte d’intuition des vérités divines ; donc la connaissance du réel, qui ne peut être qu’intuitive, s’acquiert par l’expérience. — Réponse. — Dans le conséquent on prend pour accordée la non-valeur de la connaissance abstraite, c’est-à-dire précisément ce qui est en question. Quant à l’antécédent, nous concédons une sorte d’intuition, à condition qu’on ne prenne pas ce mot au sens où les théologiens l’emploient quand ils trailent de la vision intuitive. Cette équivoque écartée, l’emploi du motintuition n’a rien qui nous choque. Cf. Harent, Expérience et foi, dans les Etudes, 20 octobre 1907, p. 233. On le trouve équivalemment dans saint Thomas : In hac etiani rila purgato oculoper donum intellectus Deusquodammodo videri potest. Sum. l/ieol., I » II", q. i.xix, a. 2, ad 3° m. Huarez, De oratione, c. xiii, dit : quasi intuitu ; Benoit XIV définit la contemplation : simplex intellectualis intititus cum sapida dilectione. De bealificatione, 1. 111, c. xxvi. Le sens de cette expression se détermine par celui des termes auxquels on l’oppose, qui sont « méditation et discours ». Méditation et discours emportent proposition d’une vérité de foi, puis raisonnement, ell’ort conscient ; intuition, au contraire, signifie appréhension de la vérité de foi sans raisonnement, avec clarté et sans effort ; c’est ainsi que nous saisissons les premiers principes, et que nous voyons que deux et deux font quatre. Par la pratique de la vie intérieure, sous l’action de la grâce de Dieu, il arrive que le fidèle saisit les vérités de foi, comme on voit les premiers principes spontanément, sans elïort, avec clarté, qu’il leur donne son assentiment sans raisonnement conscient, et qu’ainsi tenues pour certaines, ces vérités, qu'énonce la formule traditionnelle, mieux péné trées sollicitent fortement les puissances affectives. Dans ce cas, l’illusion serait de croire que la formule abstraite n’exprimait pas objectivement de quoi justifier tout l'ébranlement ressenti. Parce qu’on a mieux compris le dogme, on en a été plus touché : et parce que les objets que nous voyons, nous sont plus distinctement présents à l’esprit et nous émeuvent plus que ceux qui sont absents, on dit ici par analogie que, dans ces cas, on a l’intuition de la réalité divine. Cf. Scaramelli, La direction mystique, trad. Catoire, S vol.. Tournai, 1863 ; l’auteur avait en vue Molinos et ses disciples, el par suite traite les questions précisément au point de vue qui nous occupe ici ; Schram, Theologia myslica, Paris, I Sis. Voir aussi Moisant. Dieu, l’expérieni métaphysique, Paris. 1907,

3. Dans l’expérience religieuse, on n’a pas consi ienci d’un travail intellectuel, la connaissance semble venir du dedans et non du dehors, du cœur plutôt que du

au. — Réponse. —Ce que i s venons de dire explique pourquoi la conscience de Pefforl rail défaut, qu’il n'} t ni effort, ni raisonnement explicite. La ade partie de l’observation, que nous admettons comme la premii re, a été députa longtemps i tpliquée par les thi dans le ti i rlus, à propos des habitudi acquises que nonlaissent nos icti rai naturels. Cf. de Coninck, De moral) la te, natu efferlibut acluum tupernaturalium in génère, etc., Ame. lisp il. dub. iii, n. Si, I n vertu « le l’unitédu sujet humain, tout ce quenou non*. même les objets spirituels, dans l’acte le plus épuré de l’intelligence, a une représentation concomitante dans notre imagination, et par suite émeut d’une certaine manière nos puissances affectives sensibles. D’où il arrive, observe de ConincU, que si notre piété produit un acte d’amour de Dieu très sensible, nous éprouvons aussi une certaine douceur dans tout notre être : Cor nieum et caro mea exultaverunt in Deunt vivum. l’s. lx.xiii, 3. Ile là naît dans nos puissances inférieures une inclination aux appréhensions et aux affections de même nature. Kl celle inclination est très utile pour faciliter à la volonté les actes surnaturels, soit parce que cette inclination fait disparaître les empêchements que la partie sensible de notre êtreapporte souvent aux actes de la partie supérieure, soit parce que, grâce à cette inclination, l’intelligence est excitée et aidée à proposer son objet à la volonté avec plus de perfection et plus de force. L’objet étant ainsi proposé, l’imagination le présente à sa manière à l’appétit sensible, qui d’un mouvement nécessaire se porte à lui, in objectum aliquo modo simile corporali modo apprehensum. D’où il suit que l’objet religieux apparaît à la volonté libre d’autant plus digne d’amour que cette puissance est sollicitée à l’acte, à la fois, par l’objet vivement présenté par l’intelligence, et par l’état émotionnel de la partie inférieure. A la lumière de cette explication, il nous semble qu’on se rend assez compte pourquoi, dans certaines expériences religieuses, la connaissance parait venir du dedans, du cœur, et non du dehors, du cerveau. Mais on a tort de conclure que, dans ces cas, le réel n’est pas atteint par la connaissance abstraite, par l’intelligence. Si on retranche cet élément, on tombe dans le subjectivisme et dans le relativisme radical.

4. On objecte enfin : La vie intérieure nous donne une certitude sui generis de la réalité de l’objet religieux. Donc cet objet n’est pas alteint par les notions. — Réponse. — Les théologiens concèdent que la répétition des actes surnaturels engendrent une habitude de ces actes. Actuellement, la plupart des théologiens admettent que cette habitude est naturelle. La raison qu’ils en donnent est le fait d’expérience suivant. Le fidèle qui devient hérétique formel perd tous ses dons surnaturels : cependant il lui reste, s’il était théologien, Vhabitus acquis de la théologie ; et, bien qu’il n’ait plus la foi, il lui reste, pour les articles qu’il admet encore, une fermeté et une certitude subjectives d’adhésion à ces articles, dont il a conscience. Cet habilus n’est pas surnaturel maintenant, puisque, par hypothèse, tous les dons surnaturels sont perdus ; il est donc naturel ; et, s’il est actuellement naturel, il l’était quand l’hérétique avait la foi. On admet donc, en même temps que la certitude de la foi proprement dite, qui repose sur l’autorité du témoignage divin, une certitude naturelle des vérités révélées, acquise par la pratique de la vie spirituelle. Les modernistes réduisent la certitude de la foi à cette certitude naturelle acquise. C’est ce que l’on ne peut pas leur concéder. De l’existence de cette certitude naturelle, ils concluent à la non-valeur ontologique de l’assentiment ferme, donné aux propositions révélées précisément parce qu’elles sont la parole de Dieu. Encore une fois, la conséquence ne vaudrait que si l’on prouvait par ailleurs que les formules abstraites ne représentent pas le réel et nous ont été transmises, uniquement comme des types d’expériences religieuses, et non pas tout d’abord comme des manifestations des réalités divines, garanties par le témoignage divin.

Études sur le décret Lamentabili, lire à part de V Univers, août 1907 ; Heiner, Dcr neue Syllabus Pins.Y. 2’âdit., Mayence, 1908 ; Michelitsch, Der bibliscli-tlog » iatiscl>er Syllabus Pius A sarm dcr Encyclica gege>i den Modernismus’2’édit., Ciraz.

1908.


X. Erreurs sur la possibilité de la connaissance certaine de Dieu par la raison naturelle visées par le concile du Vatican

Le concile se proposa de condamner : L » le traditionalisme, Acla, coi. 79, 131. 2° l’erreur très répandue depuis les encyclopédistes fran et depuis l’apparition de la philosophie critique en Allemagne, qui consiste à nier la possibilité de connaître Dieu par la raison, soit faute d’arguments valables, soit pareeque les impressions dites intuitions sensibles sont seules l’objet réel de la connaissance, ralii per se nihil eognoscere, sed tantum percipeve, Acla, col. 520, 79, 8(3, 129 sq. ; 3° ceux qui nient la possibilité ou la légitimité de la théodicée, qui tlieologiam naturalem negant.Acta, col. 1 18, 127. Le concile a condamné’les partisans d’une religion exclusivement naturelle : dans l’ordre de providence où nous sommes, elle est insuffisante. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas une science naturelle de Dieu et des mœurs : scientia de Deo et rébus moralibus ; l’expression est du concile, Denzinger, n. 1658, qui ne l’emploie pas pour la rejeter, mais simplement pour avertir de leur erreur ceux qui confondent la théodicée et la morale avec la foi proprement dite. 4° Le concile n’a pas entendu définir seulement la possibilité d’une connaissance de Dieu abstraite, sans inlluence sur la vie morale et religieuse. La connaissance de Dieu, dont il affirme que la raison naturelle est capable, est une connaissance telle que la conscience de nos principaux devoirs envers Dieu en découle. En effet, un des membres du concile ayant proposé un amendement qui indiquait explicitement que la connaissance de Dieu dont on définissait la possibilité, emporte avec elle la connaissance de nos principaux devoirs moraux et en particulier de la religion naturelle, Acta, col. 121, emend. 11, la correction fut rejetée comme superflue sur l’observation suivante que fit le rapporteur : « Nous disons que l’homme peut connaître Dieu, « principe et fin de toutes c choses ; » notre formule énonce donc aussi que l’homme peut connaître ses principales obligations morales. Car personne ne peut tendre à Dieu, auteur de la nature, comme à sa fin naturelle, sans connaître au moins ses principaux devoirs envers Dieu. » Acta, col. 133, 507 sq. Le concile admet donc, antérieurement à tout acte de foi, la possibilité d’une théodicée dont la certitude et l’étendue permettent à l’homme de commencer sa vie morale et religieuse. D’ailleurs, parmi ces devoirs, le concile énumère plus loin celui de se soumettre à la révélation ; il suppose donc qu’avant la foi l’homme peut arriver par sa raison à une connaissance de Dieu telle qu’elle puisse servir de préambule à la foi. Mais une telle connaissance ne peut pas être sans quelque jugement de portée ontologique sur la nature intrinsèque de Dieu.

XI.

Les passages du concile qui touchent directement à notre sujet sont les deux suivants :

Eadem sancta mater Eccle— La même sainte Église, notre

sia tenet et docet Deum, re— mère, tient et enseigne que

rum omnium principiutn et par la lumière naturelle de la

Bnem, naturali humanse ratio— raison humaine, Dieu, prin nis luminee rébus creatis cipe et fin de toutes il

ccrlo cognesci p"s^e : invisibi— peut être connu avec certitude

lia enim ipsius, a creatura an moyen des choses créées ;

mundi. per ea quse facta sunt, car depuis la création du

intellecta, conspiciuntur ; at— monde, ses invisibles perfec tamen placuisse ejus sapientiæ tions sont vues par l’intelli el bonitati, alia, eaque su— gence des hommes au moyen

pernaturaii via, seipsum ac des êtres qu’il a faits ; que

a tenu voiuntatis sua ; décréta néanmoins il a plu à la sagesse

liumano generi revelare, di— et à la bonté de Dieu de se ré

cente apostolo : Multxfariam voler lui-même et les éternels

mullisque modis olim /’eus décrets (le sa volonté, par

loquens patribus in proplie— une autre voie et cela par

lis ; novissime, diebus istis une voie surnaturelle. C’est ce

locutus est nobis in Filio. que dit l’apôtre. Aprcsavoir