Dictionnaire de théologie catholique/ESPÉRANCE VII. Motif de l'espérance chrétienne ; trois principaux systèmes

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 5.1 : ENCHANTEMENT - EUCHARISTIEp. 328-335).

appelée par plusieurs théologiens « raison formelle » , ou même considérée comme faisant partie de 1’« objet formel » de l’espérance. Mais alors 1’< objet formel » est pris dans un troisième sens, distinct du motif, car la difficulté ne peut certainement pas faire partie du « motif » . I^e motif (expression très nette, que nous préférons pour cela) attire la volonté : or îa difficulté d’atteindre l’objet désiré n’attire pas, elle repousserait plutôt. Le motif agit, est la cause de l’acte : or la difficulté n’agit paSj ne cause pas l’acte d’espérance, elle est seulement pour celui qui désire un bien l’occasion, s’il le i ; eu/, de montrer un certaincourage en continuant de désirer ce bien malgré les diflicultés : alors son désir est dit " efficacc » , et c’est l’espèce de désir qu’il faut dans l’espérance. S’il le veut, ai-je dit : car en pareil cas on peut aussi, et plus aisément, se laisser repousser et décourager par la dilticulté ; et c’est là qu’apparaît le plus clairement la libellé ile l’acte d’espérance, qui, pour être vertueux et méritoire, doit être libre. La difficulté n’est donc pas un principe d’action, comme le motif : elle est inJilïérente à occasionner l’élan courageux de l’espérance, ou le lâche abattement du désespoir. « Le bien ardu ou dilTicile, dit saint Thomas, a d’une part une raison pour que l’on tende à lui en tant que bien, ce qui appartient à l’espérance, mais d’autre part une raison pour que l’on s’éloigne de lui en tant que difficilc, ce qui appartient au désespoir. » Suin. theol., I » 1I « , q. xxiii, a. 2. Tous les théologiens reconnaissent aujourd’hui que la difficulté ne figure pas dans l’espérance comme motif ; et si quelques anciens scolastiques, comme Henri de Gand, ont eu vraiment Topimon contraire, elle est définitivement abandonnée.

Mais en dehors de ce point, l’accord est loin d’être fait. La question du motif de l’espérance chrétienne a fait éclore quantité de théories ; c’est par vingtaines qu’il faudrait les compter 1 Eflrajés de cet apparent chaos, les auteurs qui traitent de l’espérance (traité assez souvent sacrifié) se bornent volontiers à donner ici leur opinion particulière, et passent. Ceux cqui ont cité les diverses opinions l’ont ordinairement fait sans ordre et sans exactitude, mêlant mal à propos l’objet d’attribution et le motif, présentant incomplètement la pensée de plusieurs théologiens, et surtout de saint Thomas. Essayons de débrouiller cet écheveau ; la question en vaut la peine : au fond, c’est la nature même de l’acte et de la vertu d’espérance qui est en jeu.

La multiplicité des théories peut d’ailleurs se réduire à trois systèmes principaux, comme on Ta parfois remarqué. Voir Marin, ’J ticologia, Venise, 1720, t. il, p. 447. Et nous verrons que les trois systèmes ont chacun approfondi avec sagacité un côté de la question très complexe. Par lii ils se font équilibrc, ils se com plètent mutuellement dans ce qu’ils ont de positif, en sorte qu’on peut dégager de l’ensemble une théorie satisfaisante de l’espérance et de son motif.

1er Système. Motif de l’espérance : le secours divin, ou Dieu comme puissance auxiliatrice.

Exposé et preuves.

1. Côté positif du système.

Espérer > est plus cpic > désirer’. C’est l’âme s’clevant contre les difficudés avec la confiance d’arriver à ce qu’elle désire. Voir plus haut, col. 609. Le motif du désir, c’est la bonté ou convenance de l’objet ; le motif de la confiance, c’est la possibilité d’aequérir l’objet. Voir plus haut, col. 612, 628. Or ce n’est pas la bonté dune chose qui la rend possible, qui lui donne plus de chances de se réaliser mous ne le savons que trop, le mal arrive plus facilement que le bien. H faut donc, pour exciter la confiance, des considérations nouvelles, un motif indépendant de celui du désir. Dans l’espérance chrétienne, ce fpii excite la confiance en montrant la possibilité d’atteindre la fin surnaturelle désirée. c’est le secours divin : c’est donc un motif de notre espérance. — L’Écriture nous fait arriver à la même conclusion : ne parle-t-elle pas sans cesse du secours divin, de la puissance et de la bonté de Dieu, quand elle excite à espérer ? Voir plus haut, col. 605-606. Et saint Thomas ne dit-il pas : « De même que l’objet formel de la foi (ici, son motif) est la vérité première, qui sert comme de moyen par lequel l’intelligence adhère aux vérités qui sont l’objet matériel de la foi : de même l’objet formel de l’espérance est le secours de la puissance et de la miséricorde divine, à cause duquel ce mouvement de l’âme, que Ton appelle espérance, tend aux biens espérés, qui sont l’objet matériel. » Quæst. de virtutibus, q. iv, a. 1.

2. Côté négatif ou exclusif.

Non seulement « espérer n’est plus que « désirer » , mais du concept d’espérance il faut exclure le désir. Il est vrai, l’espérance suppose le désir d’un bien, et dans ce désir un amour I de convoitise (ou amour intéressé) ; mais ce n’est là qu’un pur présupposé, une sorte de préface qui reste en dehors de l’espérance. On peut entendre ainsi saint Thomas, quand il dit que « l’espérance (théologale) appartient à l’amour de convoitise : » il ne dit pas qu’elle soit un amour. Voir col. 623. Ailleurs, il dit j clairement que « l’espérance présuppose le désir » (il ! est vrai qu’il s’agit là de l’espérance comme passion). I Surn. theol., I" II » , q. xl, a. 1. Preuves rationnelles : i Un même acte ne peut être dans deux facultés dilTcj rentes ; or le désir est dans l’appétit concupiscible, I l’espérance dans l’appétit irascible ; l’acte d’espéj rance ne peut donc renfermer le désir. Il vaudra donc i mieux dire avec saint Bonaventurc, que la foi, rési ! dant dans l’intelligence, atteint l^icu comme vrai ; la charité, résidant dans l’appétit concupiscible, l’atteint comme bien ; l’espérance, résidant dans l’appétit irascible, l’atteint comme difficile (arduuin, ad quod se erigit) : ou mieux encore, qu’elle l’atteint comme puissance auxiliatrice, en qui elle se confie. De plus, le motif de l’espérance, c’est ce qui répond à la question : « Pourquoi espérez-vous ? » Or, demandez d’abord à un malade : pourquoi désirez-vous votre guérison ? il répondra : parce que la santé est un grand bien. Demandez-lui ensuite : pourquoi V espérez-vous ? Il ne parlera plus d’un bien qu’il aime, mais des secours d’un habile médecin, et de tout ce qui rend sa guérison possible et probable..Ainsi, nous prenons sur le fait l’opposition outre le désir et l’espérance et la diversité de leurs motifs spécifiques : l’un n’est pas l’autre. Réduisons donc l’espérance à Verectio animi et à la confiance ; et son motif, à la puissance auxiliatrice de Dieu, qui suffit à les exciter.

Tel est le premier système, défendu au XIIIe siècle par saint Bonaventure contre certains docteurs qu’il ne nomme pas. In IV Sent., 1. III, dist. XXVI, a. 2, (|. IV, Quaracchi, 1887, t. iii, p. 576. Pour saint Thomas, c’est très douteux, comme nous verrons. Les thoniistes « les derniers siècles se sont presque tous ralliés à ce premier système. Cf. Jean de Saint-Thomas, In // « » II’, dist. IV, a. 1, Paris. 1886, t. vu. p..330.sq. ; les théologiens deSalamanque, Dr spe, disp. I, n. 50, 51, Paris, 1879, t. xi, p. 473 s([. ; l.’illuart. De spe, a. 2, sect. II, Arras, 1868, t. iii, p. 451. En dehors de l’école thomiste, cjuelques autres, comme Vasquez, In / » ’", disp.LXXXIV, c. I, et surtout In /// » "’, dist. XL III, c. ii.Lugo, que Ton cite fiucUiuefois pf)ur ce système, et sans aucune référence, n’a rien de semblable dans ses ouvrages édités, où il ne touche même pas la question. Enfin, de nos jours, Schifllni, De virtutibus, p. 360, 377 sq.

Ce système admet nombre de variantes :
a) suivant qu’on semble faire entrer dans le motif la difficulté, nrdmim, ou qu’on l’en exclut, ce qui est l’ordinaire ;
b) suivant que ce mot vague » le secours divin » est cntemlu de la f^rficc considérée en nous, ou seulement, de Dieu venant à notre secours, Deiis ut auxilialor ; c) reste encore à déterminer quel attribut divin agit ici comme motif propre et essentiel de confiance. Les ims nomment la seule toute-puissance, d’autres la miséricorde, la bonté, fcc/n’(7nz7r(s, la libéralité, d’autres, ia fidélité aux promesses données ; d’autres groupent ensemble tous ces attributs, ou quelques-uns d’entre eux.

Critique du système.

La partie positive est en parfaite conformité avec l’Ecriture, la tradition et la doctrine de saint Thomas. La partie exclusive, au contraire, nous semble n’avoir que de faibles preuves, et de grands inconvénients.

1. Faibles preuves.

Telle est celle que l’on tire de la distinction réelle des deux appétits, concupiscible et irascible. Cette distinction péripatéticienne peut s’admettre quand il s’&git de l’appétit organique et inférieur, et c’est là que les scolastiqiies l’ont admise. Voir Apn’îTiT, t. i, col. ltJ95. Mais elle est hors de propos quand il s’agit de la volonté libre, qui est parfaitement une et n’a pas de raison de se dédoubler ;.Scot l’a bien prouvé. In IV Sent., 1. II, dist. XXVI, Paris, t. XV, p. 326 sq. Or, l’espérance théologale n’est pas une passion de l’appétit inférieur, comme cette espémnce dont on peut trouver l’ébauche dans les animaux mêmes, et que saint Thomas met dans l’irascible. Sum. theol., Ia-IIæ , q. XL, a. 1, 3. ("est un mouvement qui, par son objet spirituel et sa qualité d’acte de vertu, ne peut être que dans la volonté : « L’espérance est dans l’appétit supérieur ou volonté, et non pas dans l’appétit inférieur auquel appartient l’irascible, » dit saint Thomas, II » ir » , q. xviii, a. 1. Ainsi, le désir et les autres éléments de l’espérance théologale (voir plus haut, col. 6u9), étant dans la même faculté, n’ont rien qui les empêche de constituer un seul acte : soit que cet acte soit physiquement unique, soit plutôt qu’il se compose d’actes physiquement distincts, mais formant un tout moral par la tendance à une même fin prochaine. Voir col. 628. L’autre preuve ne vaut guère mieux. Quand on fait successivement ces deux questions : Pourquoi desirez-rous tel événement ? Pourquoi V espérez-vous ? opposant ainsi awtjenre désir l’espèce espérance — par cette opposition même on amène l’auditeur à répondre à la seconde question par le seul élément différentiel de l’espérance, avec son motif correspondant. De même, demandez successivement à quelqu’un : Pourquoi l’homme est-il un animal ? Pourquoi est-il un homme ? Ala première question il devra répondre par la vie organique et sensitive, à le seconde, par la raison : mais cette seconde réponse ne prouve pas que l’essence de l’homme soit uniquement la raison, et qu’il y ait en lui une dinérence sans genre. De plus, quand on demande : Pourquoi espérez-vous cet heureux événement ? la question, telle que tout le monde l’entend, revient uniquement à ceci : ji Quelles chances croyez-vous avoir en faveur de cet événement ? » Ce qui nous intéresse dans l’espérance d’un autre, c’est la question objective et intellectuelle de savoir si l’événement arrivera de fait, et quelles preuves il apporte pour confirmer sa prévision. Il n’est donc pas étonnant que la réponse s’accommode au sens très limité de l’interrogation ; ce qui montre la fausseté du principe invoqué : « On aura le motif (complet) de l’espérance par la réponse à la question : Pourquoi espérez-vous ? »

2. Inconvénients de cette exclusion.

a) Une fois le désir exclu de l’espérance, le courage en face des difficultés, ciectio cuiimi, ne peut plus être une simple nuance de ce désir, une efficacité particulière de ce désir : il faut que ce soit dans la volonté un acte à part, se suffisant à lui-même, et commençant l’espérance. Or cet acte à part est incompréhensible. Ce n’est pas une lutte effective contre les difficultés présentes ; elle appartiendrait à la vertu de force. Voir col. 611). Ce ne peut être qu’une simple alTeclion à l’occasion des difficultés futures, un mouvement affectif de l’âme. Quel mouvement ? Ce ne peut être un mouvement vers ces difficultés, amour, désir : qui espère n’aime pas les obstacles au bien qu’il espère, ne les désire pas. Ce n’est pas non plus un mouvement l)Our s’éloigner de ces difficultés, haine, fuite ; un tel mouvement n’a rien de courageux, et caractérise plutôt le découragement que l’espérance. Alors ? Tout mouvement affectif de la volonté ne rentre-t-il pas dans l’amour ou la haine, le désir^ou la fuite ? Conchions que Vercctio aninrti ne peut se comprendre séparément, mais seulement comme^une’modalité du désir, avec lequel elle ne constitue, même physiquement, qu’un seul acte. Tandis que la force, l’audace envi sagent directement les difficultés, l’espérance ne les regarde qu’indirectement, il faut donc bien qu’elle ait dans le même acte un objet direct, qui est l’objet désiré. « Tendre à l’objet désiré malgré les difficultés prévues, » voilà la formule de l’espérance : mais alors c’est un amour, un désir. Coninck, Z)eac/ ; fcus supwnaturalibas, p. 370 ; Viva, Cursus theol., part. IV, p. 125.

b) On n’explique pas davantage la confiance. Sans doute nous pouvons accorder que la confiance soit un acte physiquement distinct du désir de l’objet, quoique formant avec lui un tout moral. Qu’on en fasse donc un acte à part : mais c’est h la condition de l’expliquer par quelque élément affectif connu, par une foie de la possibilité d’atteindre l’objet désiré, par un commencement d’amour envers la personne qui nous promet son secours (quand il y en a une). Voir col. 628-629. Or, ces explications sont interdites au premier système, puisqu’il prétend vider l’espérance de tout amour, de toute joie, sous prétexte que ces affections douces « appartiennent au concupiscible, et non à l’irascible. » Alors, pour expliquer la confiance il a uniquement recours à des termes métaphoriques et vagues, par exemple, « s’appuijcr sur le secours divin, sur les promesses divines. » Mais pour une âme, qu’est-ce que « s’appuyer » , sinon un amour ou une joie ? A moins que « s’appuyer sur les promesses » ne soit croire fermement aux promesses, et fonder sur cette foi labonne opinion de son propre salut : mais alors la confiance serait un acte intellectuel et non affectif, ce que les théologiens rejettent d’un commun accord. Voir coi. 615.

Voici un spécimen de ces explications vagues : « Il n’est pas nécessaire, dit Billuart, que Vobjectum formate quo (le motif) de l’espérance, qui est la toute-puissance venant à notre secours, soit atteint par nous comme un bien ; car cette toute-puissance n’est pas l’objet que nous espérons, mais celui sur lequel l’espérance s’appuie pour surmonter les difficultés ; on peut l’appeler un bien ul quo, et non ut quod. Loc. cit. Mais comment un motif pourrait-il agir sur la volonté, si ce n’est en se présentant à elle comme un bien, en se laissant atteindre par elle comme un bien ? « Il y a une opinion, dit judicieusement Antoine Pérez, S. J., qui, après avoir distingué deux éléments dans l’espérance, l’objet espéré et le personnage puissant de qui l’on espère, concède que nous aimons le premier, et, quant au second, prétend que nous ne l’aimons ni le haïssons, mais que nous l’atteignons par la volonté d’une manière toute particulière à l’espérance… Mais il est incompréhensible que la volonté atteigne un objet sans l’aimer ou le haïr, puisque l’objet de la volonté est le bien ou le mal. » In // » "’part. S. Thomæ, Lyon, 1669, p. 272.

Saint Bonaventure distingue deux actes inséparables dans l’espérance, confulere, exspectarc : le premier, « qui est le principe et l’origine de l’autre, » regarde la personne en qui l’on espère ; le second, qui suit, regarde l’objet espéré. Loc. cit., q. iv, p. 577. Examinons maintenant le second, exspedarc. Si cet acte n’est pas purement intellectuel, que peut-il être qu’un amour, qu’un désir ? C’est ce qu’avoue en définitive le saint docteur, lorsqu’il est pressé par un adversaire qui voudrait faire de cet exspeclare un acte purement intellectuel : « Cette attente, lui répond-il, même dans l’immobilité du corps, est une sollicitude de l’âme : celui qu.i attend désire l’arrivée de la personne qu’il aime. Dans la définition de l’espérance (par le.Maître des Sentences), il s’agit d’une attente non pas corporelle, mais mentale, laquelle est une aspiration, une tension vers la fin à atteindre, » qiiœdam inhialio et proti^nsio respecta finis asseqneiuli. Loc. cit., dub. II, circa litlcram Magislri, p. 583. Ainsi le preniier système, sous la forme spéciale que lui donne saint Bonaventure, ne peut éviter ledésir, et finit par le mettre dans le dernier acte qui, d’après le Maître des Sentences, est la définition même de l’espérance.

c) Ce qui est commun à tous les partisans du système, c’est de faire du désir un simple préliminaire de l’espérance chrétienne. Considérons cet acte qu’on relègue ainsi dans le vestibule de l’espérance, et demandons-nous à quelle vertu il appartiendra. Ce désir de Dieu, renfermant un amour de Dieu, n’est-il pas l’acte surnaturel d’une vertu théologale, puisqu’il a pour objet la possession surnaturelle de Dieu, la (in surnaturelle, et qu’il atteint immédiatement Dieu présente par la foi ? Si cet acte ne procède pas de la vertu infuse d’espérance, il faudra donc qu’il procède de la vertu infuse de charité ; il n’y a pas de quatrième vertu théologale ; ainsi raisonne Suarez, r>e spe, dist. I, sect. iii, n. 1 l, Opcra, Paris, 1858, t. xii, p. G07. F.l c’est bien à la charité ((ue saint Bonaventureratlribue ; à la charité, selon lui, appartient tout amour de Dieu ; aussi bien l’amour de convoitise hase de l’espérance, que l’amour d’amitié. Voir Cha-RiTi ; , t. II, col. 2222. Parmi les thomistes, Billuart attribue aussi à la charité cet amour et ce désir de Dieu. C’est faire de la charité un préliminaire nécessaire de l’espérance ; et comme on peut lui objecter cjne le pécheur, qui doit faire un acte surn.turel d’espérance, n’a pas la vertu infuse de charité, Billuart répond que cette vertu est alors remplacée jiar une grâce actuelle pour produire le même amour. De spe, a. 2, sec !, ii, t. iii, p. 151.

Mais ces explications ont uii grave danger : celui d’enlever aux pécheurs, mémo repentants, tant qu’ils ne s’élèvent pas h l’acte de charité, tant qu’ils n’ont que l’attrition qui leur est plus facile -- de leur enlever, dis-je, loJite possibilité de faire un acte d’espéxance. Et pourtant l’espérance leur est recnnnnandée, elle est même exigée avec l’attrition par le concile rie Trente. Voir plus haut, col. 608. UA l’Iilglisc a condamné celle proposition (.’17*’) de Qucsnel : « Où il n’y a pas amour de Dieu, il n’y a pas espérance en Dieu. » .le l’avoue, tandis que le janséniste Qucsnel par t amour de Dieu » entend exclusivement la charité parfaite, , saint Bonaventure prend soin de nous avertir que cet amour de charité, qu’il « "xige de tous comme base de l’espérance, n’est pas nécessairement la charité parfaite, et que dans le pécheur c’est un amour imparfait, avec lequel l’état du pécheur est compatible. In IV Sent., 1. IJI, dist. XXVI, a. 2, q. III, ad 2’"", ’.'"", Quaracchi.n. 571. Mais cette néces saire impcrfeclirn de la charité, toutes les fois que dans le pécheur elle est censée précéder l’espérance, est admise ici pour le besoin de la cause. D’ailleurs, l’acte de charité, parfait ou non, reste dans ce système un préambule de l’espérance, aussi nécessaire que l’acte de foi : pourquoi donc alors le concile de’l’rcnle, < ?numérant dans leur ordre les dispositions du pécheur

la justification, ne signale-t il pas, après la foi, un

acte de charité avant l’espérance. Sess. VI> c. vi, Denzinger, n. 798 (G80) ? Enfin, faire entrer l’amour de concupiscence dans la charité, c’est aflaiblir le caractère désintéressé de cette vertu, si générr.Iemeiit admis comme trait caractéristique. Voir col. 623 sq. Aussi Bolgeni, qui va jusqu’à réduire la charité à un amour intéressé, se montra-t-il partisan du 1^ système sur le motif de l’espérance. Delta carità, Rome, 1788, t. I, p. 135. Sur la réfutation de Bolgeni, voir Ciixkitl :, col. 2220. Quant à Billuart, ce n’est pas la seule tendance ver » les doclrines jansénistes qu’on poiiirait relever dans ses écrits.

Les autres théologiens thomistes ont fort bien vu ce danger ; et pour l’éviter, ils enlèvent à la charité, aussi bien qu’à l’espérance, ce désir de Dieu, béatitude surnaturelle, dans le cas du pécheur. Mais alors il faut qu’ils nient arbitrairement le caractère théologal de. cul acte ; de plus ils sont très embarrassés pour assigner la vertu morale à laquelle il appartiendrait. « A cette difiiculté (de Suarez), dit Jean de Saint-Thomas, il est étonnant de voir combien de diverses manières de répondre sont mises en circulation. » Cursus theologicus, Paris, t. vii, p. 333. La seule qui le satisfasse, c’est de rattacher ce désir de la possession de Dieu au plus credulitatis affcctus qui est le commencement de la foi ; mais quelle raison solide de confondre ces deux actes en une même vertu ? Les Salmanticenses commencent par nier qu’il faille une vertu infuse pour produire le désir en question, parce qu’il n’a rien de difficile : comme s’il n’était pas difiicile à l’homme de tendre librement à la béatitude surnaturelle plutôt qu’à tous les faux bonheurs qui, si facilement, le séduisent ! Et d’ailleurs la difficulté n’est pas la seule raison de l’infusion des vertus. Les mêmes théologiens de Salamanque nous concèdent ensuite que ce désir de Dieu pourrait être un acte secondaire de la vertu d’espérance. Puio ils se ravisent, et donnent comme meilleure la solution de Jean de Saint-Thomas. Enfin, sentant le faible de cette solution, ils recourent, pour produire cet acte, à un habitas imperfcctas qui ne serait pas une vertu, et qui serait accolé à la vertu d’espérance : « Les théologiens, disent-ils, n’en ont jamais parlé, c’est vrai : mais ils ne l’ont pas nié non plus, et on ne voit pas de preuve que la chose soit impossible. » Cursus theol., Paris, t. xi, p. 468. Ne serait-il pas plus simple de ne pas laisser ce désir de Dieu à la porte de l’espérance, et de l’y faire entrer ?

II° Système. Motif d’espérance : Dieu considéré comme notre bien et comme puissance auxiliatrice

Exposé et preuves. —

Ce système a une partie commune avec le précédent, Dieu comme puissance auxilialrice. Il en diffère, en ce qu’il restitue à l’espérance l’amour ou désir, que le précédent en voulait détacher comme une simple condition préalable : ainsi l’espérance redevient avant tout un amour de Dieu, un désir de la possession de Dieu. — Preuves (le ce système. Pour la partie commune avec le précédent, voir le côté positif de celui-ci, col. 633. Pour la partie opposée, les preuves du second sont contenues dans la critique que nous avons donnée du premier.

En somme, le second système garde ce que le premier a de positif, et laisse ce ce qu’il a d’exclusif. Le résultat est un acte d’espérance plus complexe, auquel répond nécessairement aussi un molif plus complexe.. l’amour de concupiscence, s’èlançant sous forme de désir vers la béatitude surnaturelle, répondra comme motif Dieu en tant que notre bien, bonus nobis, ce qu’on appelle souvent la bonté de Dieu relative à nous. A la confiance, ou, si l’on veut, à Vererlio animi et à la fiduria, répondra la puissance auNiliatricc de Dieu, qui est déjà par clIc-méme un moUf complexe, un groupe d’atlrihuls divins, toute-puissance, miséricorde, etc. ; sur l’explication de ce groupement, le deuxième système, comme le premier, admet des variantes.

Saint Thomas ne favorise-t-il jias cette conception plus larjie et plus comprchensive de l’acte d’espérance et de son motif ? Lui-même en indique les quatre éléments. Voir plus haut, col. G09. Si parfois, selon les besoins du moment, il ne mentionne que la puissance auxiliatrice comme motif de l’espérance, ailleurs il se complète, en afllrmant que l’espérance est elle-même une tendance au bien comme bien, que le bien l’attire, et, par conséquent, est son motif : Spes est mollis in bonum secundum ralioncm boni, qiiod de sua raiione est attractimim. Sum. tlicol., Ia-IIæV", q. xxv, a. 3. Pour lui, la confiance (à laquelle répond comme motif la puissance auxiliatrice) n’est pas toute l’espérance ; elle en est comme un « mode » , un clément surajouté à un autre plus fondamental. Fiducia importât quoddam robur spei, proveniens ex aligna considerationc, quic facit vehementem opinionem de bono assequendo. IIa-IIæ"’, q. cxxix, a. 6. Fiducia importai quemdam modum spei : est enim fiducia spes roborala ex aliqua firma opinione. Loc. cit., ad 3°’". Enfin, il énumère deux objets formels de l’acte d’espérance : Spes facit tendere in Deum siciit in quoddam bonum finale adipiscendum, et sicut in quoddam adjiilorium cfficax ad subi’eniendum. Sed carilas proprie facit tendere in Deum uniendo affcctum liominis Deo, ut scilicel Iiomo non sibi vivat, sed Deo. II » II"’, q. xvii, a. 6, ad 3’"".

Ce dernier passage demande à être soigneusement pesé dans tous ses termes. Spes facit tendere in Deum, etc. C’est donc bien l’espérance elle-même, et non la charité ou une autre vertu précédant l’espérance, qui « fait tendre à Dieu comme à un bien : » voilà déjà saint Thomas contraire au premier système. Sicut in quoddam bonum finale… Il n’est donc pas question ici de Dieu comme objet purement matériel, mais formel et spécifique, car d’après les principes du saint docteur, « la diversité des fins diversifie les vertus. » I" II, q. Liv, a. 2, adS"". De plus, la fin attire la volonté, et est de sa nature un motif. Mais Dieu, fin dernière, peut être envisagé de deux façons : fin à obtenir pour l’homme, fin suprême, à glorifier et à aimer pour elle-même jusqu’à l’oubli de soi. L’espérance tend à Dieu de la première manière, d’après saint Thomas : sicut in bonum finale adipiscendum ; la charité, de la seconde : ut homo non sibi vivat, sed Deo. Voir ci-dessus, col. 623. Le cardinal Cajetan, dans son commentaire sur ce passage, a vu dans ces paroles la différence essentielle des deux vertus : « La charité, conclut-il, se porte vers la fin dernière (Dieu) à cause d’elle-même, l’espérance vers la fin dernière comme nôtre. » « La foi, dit-il encore, se distingue des deux autres comme le vrai se distingue du bien : l’espérance se distingue de la charité comme notre bien du bien de Dieu. » S. Thomas, Opéra, Rome, 1895, t. viii, p. 132. Cet illustre thomiste n’est donc pointpartisan du premier système, auquel plus tard les thomistes en général se sont rattachés. Baiiez non plus, semblet-il ; il esquisserait plutôt le second, autant qu’on en peut juger par ses explications trop brèves : Objectum spei est ipse Deus… sub rationc formali misericordiæ auxiliairicis et bonitatis bealificantis. In // » " //’, Douai, 1615, p. 311.

Le second système a été clairement proposé par Ripalda, De fuie, spe et caritate, dist. XXIII, n. 63 sq., 66 sq., Opéra, Paris, 1873, t. viii, p. 110. Il s’est fort répandu parmi les théologiens de la Compagnie de Jésus dans la seconde moitié du xvii<e siècle, et surtout au xviii<^ et au xix". Voici quelques noms : Oxéa, De spe c< car(iaie, Saragosse, 1662, p. 38, 54 ; Haunold, Theol. speculaliva, Ingolstadt, 1670, p. 422 ; Platel,

Synopsis cursus theoL, n. 310 sq.. Douai, 1706, p. 285 ; Mayr, Tlwotofjia sclwlusl., Ingolstadt, 1732, t. i b, p. 206 : les VVirceburgenses, Paris, 1852, t. iv, p. 200, ce système y est appelé communior jarn theotogorum sententia ; Viva, etc. Et de nos jours le cardinal Mazzella, De virtutibus infusis, prop. xlv, Rome, 1879, p. 632 ; BilIot, De wr/u<. ! n/fwis, Rome, 1901, p. 353 ; Ch.Pesch, Prælectioncs dogmaticæ, 3^ édit., Fribourg-en-Brisgau, 1910, t. VIII, p. 232 sq.

Critique. —

Une distinction qui n’a pas été assez faite nous semble ici capitale pour le jugement à porter sur le second système.’Si l’on demande le motif de Vacte, et de l’acte comj plet et parfait d’espérance, à cette question très préi cise, ce système semble être le seul qui donne une réponse satisfaisante. Il part de l’analyse la plus exacte de cet acte complexe, en y joignant ce sage principe : " Pour déterminer tous les éléments du motif total de l’acte, tenir compte de tous les éléments essentiels de cet acte. » Système moyen et conciliateur, il réunit ce que les autres ont de solide et de positif, et évite ce qu’ils ont d’outrancier et d’exclusif.

Mais, si l’on demande le motif de la vertu infuse d’espérance, à cette question plus générale il semble qu’on peut avantageusement donner une réponse moins compliquée, dans le sens du troisième système qu’il nous reste à discuter. Ce système est une réaction extrême contre le premier ; ou, si l’on veut, le premier est une réaction extrême contre celui-ci. De part et d’autre, on a dû être influencé par le même désir de simplification, le même besoin d’unité, si naturel à l’homme ; on a cherché à exprimer par un seul mot le motif de l’espérance, et on a rejeté en bloc l’opinion de l’adversaire, au lieu d’y prendre ce qu’il y avait de bon.

IIIe Système. Motif de l’espérance : Dieu considéré comme notre bien

Exposé et preuves.

1. Côté positif du système. —

Le désir de posséder Dieu par la béatitude surnaturelle dérive nécessairement d’une vertu théologale, et ne peut dériver que de l’espérance ; ce n’est donc pas un acte préliminaire à l’espérance, c’est l’acte d’espérance lui-même. Voir plus haut, col. 635. D’autre part, ce désir est intéressé. Voir col. 620 sq. Il a donc pour motif la bonté relative de Dieu, Dieu considéré comme notre propre bien.

2. Côté exclusif.

L’espérance n’a pas d’autre motif. Celui-là suffit, en effet, à la différencier de la charité, voir col. 624 ; et les autres différences que l’on a voulu imaginer entre ces deux vertus, ne suffisent pas, col. 626 sq. Les attributs divins de toute-puissance, de miséricorde, de fidélité aux promesses données, dont on a voulu faire des motifs de l’espérance, ne servent de motifs qu’au préambule intellectuel de l’espérance ; ils servent uniquement à fonder le « jugement de possibilité » , cette condition préalable (l’objet devant être jugé possible, pour être espéré). Suarez, loc. cit., sect. III, n. 3, p. 604 ; Ysambert, In Z/-’™ //"", Paris, 1648, p. 186. Ces attributs divins, quelle que soit leur nécessaire influence sur le jugement de possibilité, restent donc extra lineam spei. Lahousse, De virtutibus theologicis, Bruges, 1900, p. 348. Le secours divin est, de plus, nécessaire pour collaborer avec nous, pour exécuter ce que nous avons désiré et espéré ; mais cette exécution vient après coup, et reste en dehors de l’espérance qui n’est qu’un mouvement aflectif. Ainsi saint Thomas ne voit-il dans le secours divin qu’une cause efficiente : Bonum, quod aliquis sperat obtinendum, habcl ralioncm causse finalis ; auxiliiim aiilem, per quod aliquis sperat illud bonum oblinere, habet rationem causa ; effîcicntis… Spes autem respicit beatitudinem œternam sicut finem ullimum, divinum autem aiixilium sicut primam causam inducenlem ad bealituJinem, II’II, q. xvii, a. 4. Or, le motif, seule cause dont il soit maintenant question, n’est pas une cause efficiente et productrice de la béatitude, mais une cause finale, agissant sur notre volonté par l’intermédiaire de la connaissance ; le secours divin n’est donc pas un motif de l’espérance, d’après saint Thomas lui-même. On ajoute enfin, sur la vertu infuse d’espérance, des considérations que nous donnerons plus loin.

Ce système doit son origine à Duns Scot ; pour lui, l’espérance n’est qu’un désir de Dieu en tant que bon pour nous. In IV Sent., 1. III, dist. XXVI, Opéra, Paris, 1894, t. xv, p. 331. L’espérance ne se distingue de la charité que comme l’amour de convoitise se distingue de l’amour d’amitié, p. 310. Voir Duns Scot, t. iv, col. 1907. C’est bien ainsi que l’ont entendu les scotistes, comme Mastrius, D/sp. theologicæ, in IV Sent., Venise, 1675, p. 398 ; Frassen, Scotus academicus, Paris, 1676, t. iii, p. 765. Suarez a suivi et développé ce système : Dico rationem formalem objecti spei esseDeum, ut est summum bonum nostnim et in hoc difjerrc ab objecto formait caritatis… ; non posse recle assignari in objectum hujus virtutis formate omnipotentiam Dei. De spe, dist. I, sect. iii, n. 20, 21, Opéra, Paris, 1858, t. xii, p. 609. Suarez a été suivi par un certain nombre de théologiens de son ordre, surtout dans la première moitié du xvii<e siècle, comme Coninck, De actibus supernaturalibus, etc., Anvers, 1623, p. 372 ; Arriaga, Dispnt. tlieologicee, Anvers, 1649, t. v, p. 381, où il atteste que cette opinion est commune de son temps ; Oviédo, De fide, spe et caritate, Lyon, 1651, p. 206. D’autres théologiens donnèrent leur adhésion au système de Scot et de Suarez, comme les docteurs de Sorbonne Ysambert, toc. cit., et Grandin, Opéra theologica, Paris, 1710, t. III, p. 156. De nos jours, semble-t il, Lahoussc, S. J. ; toc. cit.

Critique du système. —

Nous partirons de la distinction entre l’acte parfait d’espérance, et la vertu d’espérance, comme dans le système précédent.

1. En tant qu’il prétend assigner le motif de l’acte parfait d’espérance, le système de Scot et de Suarez est très défectueux par son côté exclusif. Le côté positif est bon : on prouve bien que l’acte d’espérance est tout d’abord un amour de convoitise, un désir de posséder Dieu, voir la critique que nous avons faite du premier système, et qui procède de Suarez ; on assigne bien le motif qui répond à cet amour de convoitise. Mais quand on veut ensuite s’en tenir à ce seul motif, et exclure la puissance auxiliatrice, on méconnaît ces magnifiques attributs de toute-puissance, de miséricorde, de fidélité, que l’Écriture et la tradition nous présentent si souvent comme des motifs d’espérer. Pour les écarter, on dit qu’ils ne servent de motif qu’a un acte intellectuel préalable, le jugement de possibilité..Mais le jugement de possibilité n’ayant d’autre but que d’obtenir en nous cet élément affectif essentiel qu’on nomme la confiance, il est clair que les attributs en question, présentés à l’intelligence, ne produisent pas seulement, ce jugement, mais, à travers ce jugement, excitent la volonté cIle-mtMue, l’attirent à un mouvement de confiance, et sont à ce titre un motif partiel de l’acte complet d’espérance. Cf. Oxéa, toc. cit., p..39, 40.

Mais en quoi consistera le mouvement affectif dérivant de ces attributs divins à travers le jugement de possibilité ? demande Mastrius.. La possibilité de l’événement futur, dit-il, est une chose présente ; nous pouvons donc nous en réjouir, mais non pas la désirer. Or, l’espérance n’est que le désir d’une chose absente. » Loc. cit., n. 457. On ne saurait mieux montrer le vice originel du système : trop simplifier l’acte d’espérance. Comme nous le disions avec Pallavicini et Viva, voir col. 628, c’est une affection mixte : au désir du bien absent vient s’ajouter la joie de sentir présente la possibilité de l’obtenir, et même un commencement d’amour pour celui qui, par son secours et ses promesses, constitue déjà cette possibilité. On peut admettre cette assertion de Mastrius : « Espérer n’est que désirer d’une certaine manière spéciale. » Mais cette « manière spéciale » consiste précisément à joindre au désir un autre acte affectif, qui n’est pas un désir, et qui fait un tout moral avec lui ; et c’est à cet autre acte, élément essentiel de l’acte complet d’espérance, que la puissance auxiliatrice de Dieu doit absolument servir de motif, dans l’espérance chrétienne.

Quand saint Thomas traite de « cause efficiente » le secours divin, il le considère en action, collaborant avec nous après l’espérance pour nous faire atteindre le but espéré ; mais cela n’empêche nullement de le considérer aussi avant l’action, nous apparaissant déjà comme assuré et provoquant ainsi un mouvement de confiance, voilà la causalité propre du « motif >. Ces deux espèces de causalité se concilient parfaitement et qui affirme l’une ne nie pas l’autre. Le bon médecin, pour un malade, est à la fois une cause efficiente de sa guérison et un motif de l’espérer. Cf. Billuart, loc. cit., les Salmanticenses, t. xi, p. 481.

Ainsi les défenseurs du troisième système, quand il s’agit de l’acte d’espérance et de son motif complet, n’apportent pas de bonnes preuves pour leur simplification exagérée. D’autre part, ils ne sont pas d’accord là-dessus avec les documents de la révélation, comme aussi avec les formules dont se servent les fidèles pour faire cet acte, et qu’on trouve dans tous les catéchismes et autres livres à leur usage.

2. En tant qu’il veut assigner le motif de la vertu infuse d’espérance, le système nous paraît, au contraire, très acceptable ; voici pourquoi. L’acte d’espérance, le seul appelé de ce nom par l’usage commun, étant très complexe, voir col. 609 ; il a forcément aussi un motif total composé de plusieurs motifs partiels, comme l’a bien établi le second système. Le chrétien commence par aimer la béatitude surnaturelle et la désirer, c’est comme le premier acte du drame. U continue à la désirer malgré les difficullés prévues, c’est le second acte : désir efficace. Il se demande alors s’il a vraiment et pratiquement la possibilité de l’atteindre ; et, constatant cette possibilité grâce à la puissance auxiliatricc de Dieu, il s’en réjouit, il commence à aimer Dieu, non seulement comme bien suprême mais encore comme prêt à lui donner un tel secours ; il s’abandonne à sa bonté, en un nu)t il a confiance en lui, c’est le troisième acte. Voir col. 628. Mais de cette succession d’actes divers, quoique reliés entre eux, résulte la possibilité d’un fractionnement. Le drame ne va pas toujours jusqu’au bout ; il peut rester incomplet ; l’homme peut s’arrêter à l’amour ou au désir. Son intelligence abstractive pourra parfois ne considérer quc la bonté relative de l’objet, motif fondamental de l’acte ; la question de difficulté, ou celle de possibilité pralique, ne se posera même pas, et par suite, il fera abstraction de la puissance auxiliatrice, motif subsidiaire. La volonté dépendant de la connaissance qui l’éclairé, et ne subissant l’influence d’un motif que s’il est connu, aimera Dieu surnaturellement d’un amour de convoitise sous l’influence de la grâce, ou désirera le posséder ; elle s’arrêtera là. Or, cet acte, surnaturel et théologal de sa nature, n’a pas d’autre vertu théologale pour le produire, que la vertu d’espérance. Voir critique du premier système, col. 635. La vertu d’espérance aura don un acte complet et un acte incomplet. Le motif du premier sera la bonté relative de Dieu avec sa puissance auxiliatrice ; le motif du second sera la bonté relative de Dieu sans la puissance auxiliatrice. Seule la bonté relative sera le motif général, qui ne fera jamais défaut dans aucun acte de la vertu, qu’il soit complet ou incomplet, qu’il porte sur la fin dernière (objet d’attrilnition, voir col. 631), ou sur les biens subordonnés ; tout cela est désiré comme bon et utile pour nous. Mais quand on parle du motif d’une vertu, on parle d’un ressort qui ne peut manquer dans aucun de ses actes ; ainsi Vaiiclorilcis Dci rcvclanlis est motif de la foi, et se retrouve absolument dans tous ses actes. Dans l’espérance, il n’y a que la bonté relative de Dieu qui joue ce rôle universel : disons donc que c’est le seul motif de la vertu. Par là nous avons une simplilication, et qui est suffisamment fondée ; nous pouvons, avec Scot et Suarez, distinguer l’espérance et la charité par la distinction très simple et très profonde que tous les théologiens reconnaissent entre l’amour de concupiscence et l’amour d’amitié. Cette distinction des deux vertus est donnée par saint Thomas, et rend compte de toutes les données de la révélation, voir col. 615, tandis que les autres différences cherchées entre les deux vertus sont plus ou moins insuffisantes. Voir col. 626 sq. lîUe est donnée par saint François de Sales, par Cajetan, voir col. 621, 639, et beaucoup d’autres théologiens.

Reste à répondre à quelques difficultés. Et d’abord est-elle légitime, cette distinction que, pour apprécier le second et le troisième systèmes, nous avons faite entre le motif de l’espérance-acte, et le motif de l’espérance-vertu ? N’est-ce pas un axiome en théologie, que chaque vertu nous est connue par son acte, et que le motif de l’acte est aussi le motif de la vertu ?

Réponse. — Cet axiome scolastique n"a qu’une vérité approximative. Il serait rigoureusement vrai d’une vertu qui n’aurait à tout point de vue qu’une seule espèce d’actes. Mais cette conception de la vertu est trop bornée et trop pauvre pour les vertus infuses, sortes de facultés surnaturelles greffées sur nos facultés naturelles, et s’étendant à des actes de diverses classes, entre lesquels on peut voir à un certain point de vue, des différences d’espèce. Cf. Lugo, De fide, dist. I, n. 236. — N’y a-t-il pas une différence spécifique entre aimer et détester ? Et cependant tous les théologiens admettent qu’une seule et même vertu infuse aime le bien qui est son motif, et déteste le mal opposé ; de là vient qu’un même péché, d’intempérance, par exemple, peut être détesté par la vertu de tempérance sous son propre motif, par la vertu d’espérance parce que ce péché prive de la béatitude éternelle, par la vertu de charité parce qu’il déplaît à Dieu aimé d’un amour d’amitié. Ainsi l’acte de pénitence, qui est génériquement la détestation du péché, se diversifie spécifiquement suivant les motifs des différentes vertus qui peuvent également le produire : c’est ainsi que l’on aura deux espèces de contrition, la contrition parfaite avec le motif de la charité, et la contrition imparfaite elle-même, qui se subdivisera d’après les motifs des différentes vertus qui la produiront. — Autre exemple. N’y a-t-jl pas une différence d’espèce entre l’acte d’amour, celui de désir et celui de joie ? Et cependant il est reconnu qu’une seule et même vertu aime le bien spécial qui est son motif, le désire quand il est absent, se réjouit quand il est présent : habiliis virtutis idem est, qui inclinât ad diliycndum, et desiderandum bonum dilcelum, et gaiidendiim de eo. S. Thomas, Sum. tlieol.. Il » II" !, q. XXVIII, a. 4 ; cf. q. xxix, a. 4. N’y at-il pas une différence spécifique entre la tristesse et la joie, entre l’espérance et la crainte ? Et cependant la vertu de charité, d’après saint Thomas, produit un acte de tristesse comme un acte de joie, 11^ II*, q. xxviii, a. 1, ad 2°"’; IIL’, q. lxxxv, a. 2, ad 1’"". Et la vertu infuse d’espérance, d’après l’opinion commune, produit la crainte salutaire et l’attrition qui en découle. Ejnsnwdi rationis est, quod Iwmo eupiat bonum siium, et quodtimeut eo privari. Il » II*, q. xix, a. 6. La meilleure manière de tout concilier, c’est de dire que les actes d’une vertu infuse ont tous la même espèce physique, parce qu’ils procèdent du même principe ; mais que pourtant ils peuvent se subdiviser en diverses espèces morales. Aetus qui secundum substantiam suant est in una specie natune (cspèct physique), seeundum eonditiones morales supervenientes ad duas speeies referri potest. 1-’II » ’, q. xviii, a. 7, ad 1°"". Avec un éminent théologien, Adam Tanner, S. J., qui indique notre distinction entre Vacte ordinairement signifié par le mot d’espérance, et la vertu, concluons donc que « s’il s’agit de la vertu d’esp : rance en général, l’objet formel (ou motif) ne peut être que Dieu considéré comme notre bonheur, comme notre souverain bien, aimable d’un amour de concupiscence. » Theologia scholastica, Ingolstadt, 1627, t. iii, p. 541.

Autre objection. Si la différence entre l’espérance et la charité peut se ramener à celle de l’amour de concupiscence (intéressé) et de l’amour d’amitié (désintéressé), à laquelle de ces vertus doit-on attribuer le désir courageux de procurer la gloire de Dieu malgré les obstacles, avec confiance d’y arriver par le secours divin ? D’une part, il y a là tous les éléments de l’acte vulgairement appelé « espérance « . D’autre part, l’amour y est désintéressé. —

Réponse. — Cet acte doit être produit par la vertu infuse de charité, puisqu’il en a le motif général. Comme l’observe Cajetan, la « charité veut à Dieu sa gloire et son règne sur la terre, non seulement en s’y complaisant, mais aussi en désirant qu’ils soient réalisés, et augmentés. Elle s’efforce de les procurer tant qu’elle peut, elle se réjouit de leur réalisation, s’attriste de leur diminution ou la craint, et est courageuse contre ceux qui y font obstacle, » etc. In II<^<^ II, q. xxiii, a. 1, dans S. Thomas, Opéra, Rome, t. viii, p. 164. C’est aussi la charité qui nous fera espérer d’une manière désintéressée un bien pour le prochain ; par la vertu d’espérance on n’espère, en effet, que pour soi, suivant le principe de saint Augustin, voir col. 603, et de saint Thomas : Spes dicitur proprie respecta alicujus quod expectatur ab ipso speranle habendum. Sum. theol., III-’, q. VII, a. 4.

Mais, dira-t-on, si la charité peut avec confiance espérer pour Dieu une gloire extérieure ; si, d’autre part, l’espérance, par un acte incomplet, peut aimer et désirer Dieu sans l’espérer au sens ordinaire du mot ; si ces deux vertus ne se distinguent entre elles que comme deux amours d’espèce différente : pourquoi la seconde vertu théologale est-elle appelée espérance plutôt qu’amour, pourquoi la troisième est-elle appelée amour (ayaTcr], car/7as) plutôt qu’espérance. — Réponse. — Une vertu ayant plusieurs classes d’actes tire forcément son nom d’une seule de ces classes, qui prime à un certain point de vue. Or « l’amitié pour Dieu, dit Suarez, est ce qu’il y a de premier et de principal dans la vertu de charité : de là son nom. Qu’elle produise parfois un acte de désir ou d’espoir, c’est pour elle quelque chose de moins fréquent que l’amour, et pour ainsi dire, d’accidentel… Au contraire, pour la vertu d’espérance, l’acte non seulement le plus difficile, mais que Dieu avait principalement en vue en nous donnant cette vertu, c’est le désir efficace (et confiant) de la béatitude absente, malgré tant d’obstacles et de difficultés ; de là le nom d’espérance, bien qu’elle ait d’autres actes avec celui-là. « Disp. I, scct. iii, n. 18, t. xii, p. 609. En effet, dans la grande imperfection de la vie présente, l’intérêt propre, qui distingue la seconde vertu théologale, est le seul ressort capable d’agir fréquemment et puissamment sur la multitude des chrétiens, et de les pousser à travers tant de difRcultés vers la fin surnaturelle. I, a seconde vertu est donc, avant tout, un instrument de lutte courageuse et de marche confiante vers le grand but, ce que rend bien le nom d’« espérance ii, tel qu’on l’entend communément. C’est aussi une raison de ne pas admettre la persistance de cette vertu infuse quand on est arrivé au terme, quoi qu’en ait pensé Suarez.


VIII. Comment l’espérance est une vertu théologale.

On nomme « vertu théologale » celle qui a immédiatement Dieu pour objet. L’espérance est théologale, et même à double titre :

Elle espère Dieu.

Dieu à posséder par la vision intuitive ou béatitude surnaturelle, voilà l’objet principal de ses désirs (objet d’attribution). Voir col. 631. Dans cette béatitude qu’on espère, Dieu est appelé 'la béatitude objective >, la possession de Dieu qui est quelque chose de fini, est appelée « la béatitude formelle » . Ces deux éléments constituent par leur union nécessaire une seule béatitude, où Dieu est <lésiré immédiatement, ainsi que l’admettent communément les théologiens contre Durand de Saint-Pourçain.

Cette béatitude pourrait être désirée, comme glorieuse à Dieu, comme bien de Dieu, ce serait alors le motif désintéressé de la charité. Pour que le désir de la béatitude soit un acte de la vertu d’espérance, il faut (ce qui est d’ailleurs ordinaire parmi les fidèles) que la béatitude soit désirée comme avantageuse pour nous, comme notre bien, qu’elle tombe en un mot sous le motif intéressé de l’espérance.

Elle espère en Dieu.

L’espérance, au moins dans ses actes parfaits, dans ceux qui font mieux voir toute sa valeur, revêt un caractère de courage et de confiance, directement produit par la considération d’un Dieu secourable en qui elle espère. Cette puissance auxiliatrice, présente à l’intelligence, agit directement sur la volonté comme stimulant, comme motif. Voir col. 633. On ne peut, d’ailleurs, assigner aucun autre motif plus immédiat de cette confiance, que les attributs divins de toute-puissance, de miséricorde, etc. Ainsi l’espérance, en tant que confiance, atteint Dieu immédiatement, elle est < vertu théologale » à un nouveau titre.

Ces deux titres sont réunis par saint Thomas, et il en conclut que l’espérance est une vertu théologale. Sum. Iheol., IIa-IIæ, q. xvii, a. 5. Sur le premier, cf. m » , q. VII, a. 4. A propos de ce premier titre, remarquons :

1. La théorie de saint Thomas qui rattache ù la béatitude surnaturelle les trois vertus théologales et leur infusion. Ia-IIæ, q. Lxii.a.l, 3. —

Quelle est la matière jirincipale de la foi ? Les mjstères, que nous pénétrerons un jour par la vision intuitive ; et, parmi eux, cette vision elle-même, autour de laquelle se groupent tous les autres mystères. Par cet objet d’attribution qui la spécifie, la foi théologale se dislingue essentiellement d’une sorte de foi que nous aurions eue, si Dieu, sans nous élever à la fin surnaturelle, nous avait révélé des vérités non mystérieuses, comme des lois positives venant déterminer le vague de la loi naturelle, les cérémonies d’un culte, etc. Quelle est la matière principale de l’espérance ? La même béatitude surnaturelle, voir col. C3I, non plus comme objet d’adhésion intellcclueile, mais comme oi)jet de désir. Par cet objet qui la spécifie, l’espérance théologale se distingue essentiellement de ce <iésir naturel de Dieu, de cette soif de l’Infini, qui serait au fond de la nature humaine, lors même que Dieu ne nous aurait pas « *levés à la fin surnaturelle ; comme aussi de cette confiance qui alors même aurait pu appuyer l’homme sur la loutc-puissance et la miséricorde de Dieu, et l’aurait naturellement porté à prier son Maître. La charité théologale se rattache aussi à la fin surnalu

I relie ; car son amour désintéressé, ou amour d’amitié’, est élevé à une hauteur sublime par le fait que Dieu ! s’est fait notre ami par la familière communication des biens surnaturels et surtout du plus grand de tous, la vision intuitive, qui nous fait participer à son pro-’pre bonheur, et nous assimile à lui. I Joa., iii, 2. Par cette véritable amitié due à la communication de la fin surnaturelle, et qui nous permet d’aimer Dieu comme un ami aime son ami, la charité théologale se distingue essentiellement de cet amour désintéressé t de l’homme à l’égard de Dieu, que l’on conçoit (comme’acte passager) même en dehors de toute élévation et dans l’ordre purement naturel. C’est en ce sens que notre vertu de charité se rapporte à Dieu » comme objet de la béatitude » surnaturelle. Cf. Thomas. Suni. theol.. Il » II » , q. XXIV, a. 2, ad 2°™. In quantum s7 bonum beatificans universaliter omnes supcrnatarali’beatitudine, sic diligilar dilectionc earitedis. I'>, q. lx, a. 5. ad 4’"", Formules qui ont parfois été mal inter prêtées comme si la charité était un amour intéressé, , ou considérait dans tous ses actes la béatitude sur-’naturelle ; il n’est ici question que d’un rapport objcc[ tif qui existe (que nous y pensions ou non)’entre la j gracieuse communication de la béatitude surnativrelle et notre état d’amitié avec Dieu : communic(dio bcatitudinis œtcrna ;, super cjnam hœc amicitia fundatur. 11" IV^, q. XXIII, a. 5. Observons d’ailleurs que chez saint Thomas et les scolastiques, le nom de « charité > s’étend parfois à tout l’état d’amitié avec Dieu : « la charité ne signifie pas seulement l’amour de , Dieu (acte ou vertu), mais aussi une certaine amitié avec lui, laquelle ajoute, en plus de cet amour, une , réciprocité d’amour entre les amis, avec une communication des biens. » I" II^ :, q. lxv, a. 5. Voir Charité, t. ii, col. 2225. Sans doute, Dieu sera aimé comme un ami nous communiquant ses biens surnaturels, dans les actes de charité les plus explicites et les phis intimes ; mais ce serait trop restreindre les actes de cette vertu, que d’exiger en chacun d’eux cette considération, moins à la portée des fidèles ; il suffit qu’objectivement la vertu de charité fasse partie d’un état d’amitié avec Dieu, et que cet état postule comme son fondement la communication de la béatitude surnaturelle.

j 2. La souveraine appréciation de l’objet, dans les j vertus théologedes et en particulier dans l’espérance. — j L’objet de ces vertus étant Dieu lui-même, doit être par elles préféré à toutes choses, comme il le mérite ; cette préférence est une remartiuable propriété des vertus théologales ; on la signale surtout dans la charité, mais elle ne lui est pas exclusivement réservée ; saint Thomas la signale dans la foi : De ratione ftdei est, ut Veritas prima omnibus præferatur, II’11^, q. v, a. 4, ad 2’"" ; on y adhère plus qu’; tout le reste, super omnia, comme dit saint Bonaventure. Jn IV Sent., I. III, dist. XX III, a. 2, q. i, ad 4’"". « Préférer » se I dit parfois (en latin surtout) d’un simple jugement I de l’esprit qui met un objet au dessus d’un autre, estimant plus grande sa valeur objective et réelle. « Préférer » ajoute très souvent un acte de la volonté, une résolution d’avoir l’un plulôt que l’autre, dans le cas où l’on ne pourrait les avoir tous deux ù la fois, dans le cas de confiit ; car c’est ainsi que la volonté préfère. Cette préférence de la volonté est absolument nécessaire, au moins à l’espérance et à la charité, (jtii sont des actes iiurcment affectifs et volontaires ; le super omnia ne saurait s’y borner ù un simple jugement de préférence, sorte de préambule intellectuel ; le super omnia sera une libre résolution de sacrifier, en cas <le confiit, tout ce qui serait contraire à l’objet de la vertu, tout ce qui serait i.icompatible avec sa conservation par nous.

On doit considérer comme élément de l’acte theolo