Dictionnaire de théologie catholique/KANT ET KANTISME III. Les disciples

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III. Les disciples. - —

Il serait difficile d’exagérer l’influence qu’a exercée sur l’esprit de trois ou quatre générations ce petit professeur malingre et voûté, dont la voix débile ne s’entendait pas à cinq mètres. Il faut lire dans les historiens du kantisme le détail de cette adoration contagieuse, qu’on appelait alors déjà une sorte d’influenza. Les expressions les plus lyriques passent dans l’usage courant quand il s’agit de décrire le « Sage universel », la lumière du monde, le génie que dix siècles ont attendu, l’homme qui n’est pas seulement un soleil mais tout un système solaire, le premier -des philosophes, ou même le seul philosophe. Reinhold ne voit qu’un seul livre digne d’être comparé à la Critique île la raison pure, et c’est l’Apocalypse. Aristote, écrit un autre n’a pas eu en quinze siècles autant d’interprètes que Kant en quinze ans. Les quelques contradicteurs résolus, qui osent parler, sont abondamment conspués ou même contraints, quand ils sont professeurs, de quitter leur chaire. La doctrine rivale du kantisme, celle de l’honnête et laborieux Crusius, est proscrite officiellement par ordre du ministre prussien von Zedlitz. Le petit vieillard célibataire, qui ne s’était jamais éloigné à plus de deux milles de Kiinigsberg et qui refaisait tous les jours sa promenade hygiénique jusqu’à l’enseigne de 1’ « Arbre de Hollande », ce petit vieillard aux habitudes de mécanique bien montée, passait aux yeux de l’Allemagne pour la Lumière du monde.

Cependant, dès le début, un immense désarroi se produisit parmi les interprètes du kantisme. L’enthousiasme et l’admiration étaient communs, mais sur le sens de la doctrine on ne s’entendait guère. En 1797, les discussions étaient devenues si violentes qu’on demanda à Kant lui-même quel auteur l’avait compris comme il le voulait. Il répondit : « C’est Schulze, pourvu qu’on prenne ses mots et non son esprit. »

Fichte assurait que tous les premiers lecteurs de Kant s’étaient mépris totalement et qu’il était lui le seul à voir clair. Évidemment personne n’admettait cette prétention. Pendant vingt ans, ce fut la mode de jeter à ses adversaires l’épithète de unkanlisch. Ward a écrit cette phrase un peu dure : The transcendental philosopha rose to /aine uilhout beimj understood. James Ward, Immanuel Kant, 1922, p. 6. Un siècle après l’apparition de la Critique, le désaccord était tout aussi flagrant, tout aussi scandaleux parmi les interprètes. Benno Erdmann, en 1878, dans son Kant’s Kriiicismus indique six interprétations différentes qui ont germé entre 1865 et 1878. En 1860, lorsque Eried. Alb. Lange préconisa le retour au kantisme, après la ruine des grands systèmes idéalistes, le Zurtick m Kanll groupa autour de la Critique les interprètes les plus variés : des herbartiens comme Drobisch, des friesiens comme Jtirgen Bona Meyer ; des indépendants comme Otto Liebmanndes hégéliens comme Ed. Zeller, et des critiques de Hegel comme Rud. Haym.

Le bruit des querelles qui ont éclaté entre Kuno Fischer et Irendelenburg n’est pas encore entièrement calmé. L’école des Kantphilologen elle-même est divisée. Emile Arnoldt a montré le plus parfait mépris pour les travaux de Vaihinger. Dès les années 1870, l’école de Marbourg, tout à fait systématique, s’est affirmée en opposition formelle avec les Kantphilologen, mais Aloïs Riehl déclare que Cohen et les IVlarbourgeois pervertissent le kantisme. Il n’y a pas une seule des notions fondamentales de cette doctrine qui n’ait été l’objet des exégèses les plus contradictoires. Et la conception même d’une Kantorlhodoxie est rejetée ou admise avec une égale passion.

Il serait hors de propos de dresser ici le catalogue de toutes les interprétations du kantisme et de refaire l’histoire de ces guerres intestines. On les trouvera exposées ailleurs. Files ont trait surtout à la doctrine spéculative de Kant et ses théories religieuses, moins originales et si pauvres, ont été comme délaissées par les auteurs du xix c et du xxe siècles.

Après l’engouement naïf des débuts et les tentatives faites pour utiliser le kantisme ; ï des fins apologétiques (tentatives que Kaflan renouvellera encore en 1873 dans son livre Die religionsphilosophische An^hauung Kant’s in ihrer Bedeulung jùr die Apologetik) on peut dire que c’est Schléiermacher qui porta le coup de mort à cette philosophie religieuse. Schléiermacher rétablit la valeur du sentiment dans la théorie de la religion. Il était porté d’ailleurs par tout le romantisme naissant. Depuis lors un n’est plus revenu au moralisme sec et purement légal du kantisme, et la théologie de RitschI, elle-même si opposée au piétisme, a au moins gardé, malgré les doctrines kantiennes, cette source de fraîcheur et d’inspiration qu’est l’histoire. Kant avait supprimé le sentiment et l’individu pour ne plus laisser que la loi et l’obéissance impersonnelle. On n’a jamais consenti à retourner tlans cette geôle sans lumière et sans chaleur.

En 1799, au moment où Kant achevait son existence, Schleiermacher publiait ses Rcden iïber die Religion an die Gebildeten unter ihrenVerâchtern, discours sur la religion pour ceux qui, parmi ses détracteurs, ont de l’instruction. L’influence de Kant s’était abondamment exercée sur lui pendant son séjour à l’Université de Halle (1787-1790) mais l’étude de Spinoza et son propre penchant au mysticisme l’avaient détourné progressivement des sèches négations kantiennes. En 1799 quand il lança ses Reden dans le public, il n’osa pas se nommer. Il attendit sept ans avant de signer son œuvre. On peut dire qu’avec elle commence dans la théologie de l’Allemagne protestante la réaction antirationaliste et antikantienne. La psychologie dont Kant ne s’était pas occupé, le pathétique individuel, le sens du mystère, la variété et la richesse del’ « expérience religieuse >. tous ces éléments que le kantisme déclarait sans valeur morale on les trouvait chez Schleiermacher à la place centrale. Pour Kant la prière était hypocrisie et dégradation ; pour Schleiermacher elle devenait l’essence même de la religion. Sans doute cette prière gardait encore des traces de l’influence du criticisme : Schleiermacher lui déniait tout pouvoir d’action sur Dieu et réduisait son efficacité à celle d’une méditation subjective, mais avec elle un élément i mystique » pénétrait dans la théorie religieuse et faisait oublier tout le moralisme impersonnel et froid des doctrines kantiennes.

Pour se rendre compte du bouleversement que les Rcden produisirent dans les âmes, il suffit de lire par exemple la Sclbstbiographie de Claus Harms, ce pasteur qui allait remuer toute l’Allemagne par.ses fameuses i thèses » de 1817. Nous y voyons que le rationalisme kantien s’écroule « tout d’une pièce » dans ces esprits dès que la théorie de Schleiermacher vient le heurter. D’ailleurs nous sommes arrivés alors à l’époque de Fr. Schlegel (cf. W. Glave, Die Religion Friedrich Scldegcls. Ein Beilrag zur Geschichte der Romanlik. 1900) et la décadence du classicisme se précipite.

Hegel, autant que Schleiermacher, a obstrué les voies du kantisme, tout en prétendant les prolonger. On ne peut vraiment pas le considérer, dans sa philosophie religieuse, comme un disciple de Kant. Il veuf réintroduire dans la religion l’élément spéculatif et théorique si délibérément expulsé par Kant. C’est donc plutôt d’une réaction qu’il s’agit. Il apparaît de plus en plus clairement a tous les esprits que le seul impératif moral est trop grêle et trop vide, quand on n’en prend que la - forme pure », comme le voulait Kant, pour soutenir tout le poids d’une philosophie religieuse. Très opposé a Schleiermacher, qui était pourtant son collègue à l’Université nouvelle de Berlin, déclarant que sur le sentiment on ne pouvait établir aucune théorie philosophique et que c les chiens faméliques axaient aussi le sentiment de la délivrance et du salut quand on leur jetait un os ; t ronger. » Hegel refusait tout aussi énergiquement de se laisser enfermer dans les doctrines kantiennes du pur moralisme.

Après la banqueroute soudaine et totale de l’hégélianisme c’est sur le domaine de l’histoire que se transporte la philosophie religieuse. On a VU que pour Kant l’histoire n’a pas de valeur religieuse et que la réalité (hJésus-C.hrist ne lignifie rien qu’un exemple — superflu d’ailleurs — d’obéissance a l’impératif catégorique. Pendant toute la deuxième moitié du xix c siècle c’est précisément cet élément historique de la religion que l’on va tenter de réintroduire et de justifier. Encore une fois, il est difficile de parler, à son sujet, de fidélité au kantisme.

La controverse historique se développe d’abord autour des écrits de Nouveau Testament. D. I. Strauss († 1874), Bruno Bauer († 1882).. les Tubingiens avec F. Chr. Baur († 1850) et ses disciples, auxquels Renan fait écho, ne relèvent guère de la Religion innerhatb der Grenzen der blossen Vernunft. Ce sont bien plutôt des hégéliens. Il n’y avait guère moyen, sur les bases kantiennes, de travailler l’histoire.

Alb. RitschI († 1889) domine toute la théologie protestante de l’Allemagne, de 1870 (apparition de la Christliche Lelire von der Rechtfertigung und Versvlinung, 3 vol., Bonn) jusqu’en 1900 (débuts de l’école religionsgeschichtlich et décadence de l’historicisnie moral). En un sens, il est nettement kantien. Il admet, sans y apporter de changement essentiel, la théorie de la connaissance telle qu’elle est exposée dans la Critique de la raison pure. Il est aussi vigoureusement opposé à la métaphysique qu’au mysticisme : de part et d’autre il ne voit là que des « nuages », Et par un renversement singulier, c’est au fait historique, purement et précisément historique, qu’il demandera cette valeur d’absolu, de péremptoire et de divin, que ne peuvent lui fournir ni la métaphysique spéculative ni la psychologie sentimentale. L’historicisnie se confond chez lui avec la philosophie religieuse ; ce qui est nettement antikantien.

On a donc beau chercher dans les courants de pensée du xixe siècle, on ne trouve plus la trace continue de la philosophie religieuse du kantisme. Au xxe siècle on la découvre moins encore. Depuis William James et jusqu’à R. Otto ou Heiler nous assistons dans tous les milieux religieux du protestantisme à une véritable réhabilitation de la « mystique », si copieusement outragée par Kant, et rien ne ressemble moins au dogmatisme abstrait de VAufklùrung que das Heilige de IL Otto. Il faut ajouter que, même au simple point de vue des théories morales, le xixe siècle n’est pas dans la ligne de Kant. Avec le développement industriel, ce sont les problèmes sociaux qui de plus en plus ont passe à l’avant-plan. L’individualisme kantien ne les soupçonnait pas et il ne fournit aucun moyen de les comprendre.

Ainsi la doctrine religieuse de Kant n’a pas connu de développement proprement dit. On l’a critiquée, tout comme sa théorie spéculative, on ne l’a pas enrichie. Elle avait d’ailleurs rendu tout enrichissement impossible par l’outrance systématique de ses simplifications. A force de vouloir éliminer toutes les « impuretés », elle s’était pratiquement anéantie La religion s’y trouvait réduite à servir de vêtement illusoire à une doctrine morale qui n’en avait nul besoin et à laquelle elle n’apportait aucune consistance, aucune valeur supplémentaire.

De plus la Religion innerhulb der Grenzen der blossen Yerniin/t ne possède pas cette ana tonne compliquée, qui fait de la Critique de la raison pure un copieux système verbal, un squelette, avec les deux formes de l’intuition, les douze catégories en quatre classes de trois ; les douze schèmes ; les quatre classes de principes synthétiques ; les quatre couples des concepts de la rétlexion et les trois idées de la liaison.

Cependant, si on a peu développé la théorie religieuse de Kant, il est curieux que même au xxe siècle les meilleurs Interprètes ne soient pas arrivés à s’en tendre sur sa signification essentielle. N’en prenons qu’un exemple. Il s’agit de 1 [ans Vaibinger, donc d’un auteur particulièrement qualifié pour nous instruire. puisqu’il a consacré toute sa vie à l’étude de la doctrine critique et qu’il a publié le commentaire monumental — et inachevé — de la Raison pure. Vaihinger résume l’essence du kantisme en une formule redoutablement simple. Kant, ayant prouvé que nous ne pouvions avoir aucune connaissance objective du transcendant, ajoute que, pour mener une vie morale, il faut « faire comme si » quelque chose correspondait à ces concepts invérifiables. Ce serait donc la théorie de l’illusion volontaire et connue comme illusion. Toute la vie morale et, partant, toute la vie religieuse serait une manière héroïque et splendide de comédie consciente. Ne disons pas que l’homme s’en fait accroire à lui-même. Nullement, il ne se laisse pas duper par son attitude. Il sait que rien de transcendant ne peut être objectif ; mais, courageusement, il accepte ce néant et lui confie, parce qu’il le veut et pour ce seul motif, toute son existence. Ne dites pas que c’est fou. C’est simplement unique, et on se trompe quand on juge cet acte en le comparant à d’autres. Il n’obéit qu’à sa propre loi.

Vaihinger prétend que Kant n’a jamais pensé autrement et que c’est pervertir toute la critique que de parler d’un transcendant même hypothétiquement objectif. Pour lui, il n’y a aucun motif à l’action morale sauf ma décision d’agir comme il faut. Et agir comme il faut, c’est agir comme si la validité de cette action était objectivement garantie. Il n’y a pas de Dieu, mais la religion consiste non à croire ou à ne pas croire l’existence de Dieu, elle consiste uniquement dans une certaine manière d’agir. Et cette manière d’agir est identique, quand on croit naïvement à l’existence d’un Dieu, juge et législateur, et quand, sachant que ce Dieu n’existe pas, on organise sa vie comme s’il exis1ait. Du point de vue pratique, la fiction et la réalité sont interchangeables, dès que la fiction est employée comme principe de l’action. Vaihinger, Philosophie des ALS OB.

Cette exégèse violente ne nous semble pas fidèle à la pensée kantienne. Elle a d’ailleurs suscité de longues protestations. Adickes, après avoir étudié YOpus poslhamum de Kant, déclare carrément qu’il ne peut être question de prêter à son auteur une forme quelconque d’athéisme. Kant ne dit pas : nous savons qu’il n’y a pas d’Être suprême, mais nous devons agir comme s’il y en avait un ; il dit : nous ne savons pas s’il y a un Être suprême, mais nous devons agir comme si nous le savions, alors qu’en réalité nous n’en sommes sûrs que par un acte de foi, c’est-à-dire, parla décision libre de l’admettre. Cf. H. Scholz, Die Religionsphilosophie des ALS 03, Leipzig, 1921. A part ces mouvements superficiels autour de l’interprétation de sa doctrine, et quelques discussions sur la technique du système, la philosophie religieuse de Kant est morte.

Appréciation générale.

Les commentateurs les plus sérieux ont reproché à Kant de s’être trop souvent contredit (Adickes, Norman Kemp Smith, Caird, Ward, etc.). Il est sûr que son vocabulaire est extrêmement imprécis et maladroit. Quand on aura le courage de publier tel quel YOpus posthunuun, et non plus les falsifications délibérées d’Arnoldt, soucieux de montrer Kant sous un beau jour, on verra — ce qui apparaît déjà dans les fragments d’Adickes — que Kant était incapable de définir nettement les termes dont il avait fait un usage constant dans la critique. Sensation, perception, intuition, expérience, concept, a priori, divers (mannigfaltig) de la sensation, il prend tout cela pour des termes clairs. Il les prend dans son manuel de classe, et les utilise sans les préciser.

Mais, ce qui est plus grave, à la faveur de ce vocabulaire décevant, il introduit toute sorte de distinctions fictives, et crée des problèmes quand il s’agit de remettre de l’unité dans ces divisions. On a vu que toute la Critique repose sur la distinction des jugements analytiques et synthétiques. Cette distinction est, elle-même, fondée sur la notion du concept d’une chose en tant que distinct de la perception de cette chose. Dès qu’on rejette l’innéisme cartésien, il faut bien reconnaître que la distinction entre ce que je perçois et ce que je conçois dans les choses n’est pas du tout radicale, comme le veut Kant. Jamais il n’a pu sortir des difficultés énormes, où sa théorie l’enfermait, et quand il a voulu donner des exemples (corps pesants, corps étendus), la faiblesse, l’incohérence de sa doctrine a éclaté. Pourquoi le concept d’étendue serait-il analytiquement compris dans celui de corps ? Pourquoi le poids n’y serait-il pas aussi enfermé ? Il n’y a pas de concept déterminé d’une chose avant l’expérience. La différencc entre le jugement analytique et le jugement synthétique pourra donc n’être que celle de deux stades successifs de la connaissance ? Les lacunes de la philosophie théorique de Kant ont déjà été signalées ailleurs. Voir art. Criticisme, dans Dictionnaire apologétique de la foi catholique.

Les faiblesses de la philosophie religieuse sont plus immédiatement apparentes. La conception fondamentale est viciée. Kant s’imagine que la loi est la chose première et que les natures sont faites pour obéir à des lois ; c’est tout juste le contraire : c’est la nature qui est première et la moralité consiste, non -pas d’abord à obéir à une loi, mais à être ce qu’on est. l.a loi est dérivée et secondaire. Elle est jugée par la nature ; elle ne la juge pas. Kant, ayant méconnu cette vérité primordiale, n’a pu faire de place dans son système ni aux enfants, ni aux faibles, ni à l’immense diversité des hommes. La diversité ne l’intéresse pas ; l’individu pas davantage ; le progrès pas du tout. Toute sa philosophie est celle du « jactum esse >. Il est dans l’impossibilité de rendre compte du fteri.

Bien plus, comme la diversité ne l’intéresse pas, le sensible, la matière, le corporel est pour lui sans valeur. Une chose sainte est dans sa théorie un concept contradictoire.

Et l’amour moral est lui-même impersonnel et mathématique. Une loi ; derrière la loi, parce que je veux bien l’admettre, un législateur anonyme et inintelligible : une volonté à tendance mauvaise, sans qu’on puisse dire pourquoi, et dont le devoir, inexplicable lui aussi, est d’obéir à la loi, non parce que c’est telle volonté ou telle loi, mais en dehors de toutes les conditions de temps et d’espace « par pur respect de la loi pure >.

Entre la nature et le devoir, entre la connaissance et la pratique ; entre la foi et la science, entre l’homme et Dieu : entre les choses et l’esprit : entre le sentiment et la raison, Kant, renchérissant encore sur la fâcheuse tendance de son époque, a partout coupé les ponts. La philosophie et le monde n’en avaient guère besoin.

Indications bibliographiques très abondantes dans Ueberweg, Grundriss der Gcschichle (1er Philosopliie, III’Teil, die N’euzeit, 11’édit., par Frischeisen-Kohler, 1914, p. 67 sq. — Une bibliographie aussi complète que possible des ouvrages publiés en Allemagne sur Kant a été tentée par Adickes. Cf. références dans Ueberweg, toc. cit. Nous nous bornons ici à quelques noms essentiels. En français, les deux meilleurs exposés du kantisme sont, outre l’article Criticisme kantien, du P. Aug. Valensin dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. i, col. 731-760, l’ouvrage de V. Delbos, La philosophie pratique de Kant, Paris, 1905 (copieux, très érudit, un peu nuageux, à force d’être nuancé), et celui dn P. Maréchal, S..1., Le point de départ de la métaphysique, 3e cahier : La critique de Kant, Paris, Bruges, 1923 (expose très consciencieux, participant un peu de l’obscurité de l’original, et fait du point de vue du dynamisme de l’intelligence, très suggestif). — En anglais, depuis le livre fondamental d’Edward Caird, The critical philnsoplnj of Kant, Londres, 1889 (hégélien), le meilleur commentaire est celui de Norman Kemp Smith, A Commentaru to Kanl’s Critique o/ pure Reason, 2’édit., Londres, 1923, (parfaitement au courant, science et méthode impeccables, nécessaire à tous ceux qui veulent étudier la critique). — -En allemand, on peut citer, entre mille autres, Kuno Fischer (rigoureux, systématique, et contestable), Friedr. Paulsen (Ingénieux et mou), Georg Simmel (littéraire et fantaisiste), etc.

Parmi les monographies consacrées à la doctrine religieuse de Kant, outre beaucoup d’articles dans les Kantstudien, voir Bernh. Piinjer, Die Religionslehre Kant’s ira Zusammenhange seines Systems, Iéna, 1874 (du point de vue d’un disciple de Schleiermacher, assez pénétrant) ; Jul. Kaftan, Die religionsphilosophische Anschauung Kant’s in Virer Bedeutung fiir die Apologelik, Bâle, 1874, (tout à fait aveugle) ; C. Sentroul, La philosophie religieuse de Kant, Kain, 1910 ; P. Bridel, La philosophie de la religion de Kant, 1876 ; A. Schweitzer, Die Religionsphilosophie Kant’s, Fribourg-en-B., 1899 (solide et sérieux), et un nombre presque infini de dissertations.

Il est indispensable, en attendant la publication intégrale de l’Opus posthumum, de consulter le travail monumental d’E. Adickes. Kant’s opus » ostlmmum ( Ergânzungslieft, n. 50 aux KanLitiulien), Berlin, 1920. Nulle étude n’est plus instructive et n’éclaire mieux les lacunes essentielles du kantisme*

P. Chaku.s.