Dictionnaire de théologie catholique/MIRACLE III. Constatation

La bibliothèque libre.
Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 10.2 : MESSE - MYSTIQUEp. 272-278).

III. Constatation du miracle. Avant tout rappelons que, selon l’Église, la possibilité de constater le fait miraculeux comme tel est une vérité de foi. Voir les documents ci-dessus, col. 1799. Cette constatation suppose :
1° la constatation de la matérialité du fait réel ;
2° la constatation du caractère surnaturel de ce fait et son discernement d’avec les faits préternaturels angéliques ou diaboliques. On dira ensuite la certitude qui s’attache à la constatation du l’ait miraculeux, et l’obligation qui découle pour notre intelligence d’admettre la réalité des miracles.

I. CONSTATATION DE LA MATÉRIALITÉ DU FAIT.

— Il s’agit du miracle, fait sensible et par conséquent accessible à ceux qui en ont été témoins. Deux hypothèses sont à faire ici : il s’agit d’un témoignage sur un fait actuel ; il s’agit d’un témoignage historique sur un fait passé.

1° Constatation d’un fait actuel. Il semblerait que cette constatation fût très facile : un fait sensible est perçu, et, pourvu que les témoins soient dignes de foi, doit être accepté. Il suffirait donc de se mettre en garde contre les préjugés dont peuvent être victimes les témoins : préjugés négatifs : le scepticisme qui empêche de regarder, la crainte d’être induit en erreur par des apparences, d’avoir mal interprété le phénomène constaté, d’être le sujet d’une hallucination, ou, à l’inverse, préjugés positifs : la crédulité, l’amour du merveilleux, l’enthousiasme excessif, tous sentiments qui sont une prédisposition à l’hallucination véritable. Cf..1. de Tonquédec, op. cit., p. 252 ; D r E. Le Bec, l’reuues médicales du miracle, Paris, 1917, p. 74.

1839

    1. MIRACLE##


MIRACLE, CONSTATATION DU FAIT

1840

En réalité, la question n’est pas aussi simple, tant à cause des objections que soulèvent les adversaires du miracle qu’à cause des difficultés inhérentes à l’observation même de certains faits.

1. Les objections.

— a) D’après les critiques libéraux, la constatation de la simple matérialité du fait présumé miraculeux n’est pas possible. Pour eux, en effet, le miracle n’est qu’une forme religieuse subjective imposée aux phénomènes, une manifestation intérieure de Dieu à l’âme à propos des événements. Objectivement, il n’y a rien de plus dans le miracle que dans le moindre des faits ordinaires ; il n’y a rien de moins dans le plus ordinaire des faits que dans le miracle. Voir col. 1814.

il faudrait reprendre ici tout le système par sa base : une métaphysique erronée est au principe de ces négations. Cette métaphysique, d’ailleurs, est en contradiction telle avec les données de l’expérience, que son caractère foncièrement agnostique et subjectif la condamne près des esprits non prévenus : « Le premier caractère du miracle est d’être une réalité extra-subjective, de s’extérioriser non pas seulement par la libre volonté de l’agent, mais par lui-même, par sa matière. » A. de Poulpiquet, Le miracle et ses suppléances, Paris, 1914, p. 199. Le miracle est un fait ; appartenant au monde sensible, il est sensible en lui-même, dans sa matière et souvent dans la personne qui l’opère, dans les circonstances qui l’entourent, dans les moyens d’action qui fréquemment accompagnent sa réalisation. L’aspect purement intérieur et subjectif que lui fait revêtir la thèse libérale est donc en contradiction avec la nature des choses.

b) Plus sérieuse est l’objection formulée au nom du déterminisme scientifique. Elle revêt plusieurs formes. On dit que, la fixité des lois naturelles ne permettant pas d’envisager l’hypothèse d’exceptions, le miracle doit être rejeté quels que soient les témoignages qui l’appuient. Cf. Langlois et Seignobos, Introduction aux études historiques, Paris, 1898, p. 176-179. Mais cette fin de non-recevoir radicale ne tient pas compte que la lixité des lois de la nature permet cependant d’envisager la possibilité d’exceptions dues à l’intervention d’une cause supérieure. Que le témoignage apporté en faveur du miracle soit contrôlé très sérieusement, c’est sagesse : mais que tout témoignage soit déclaré irrecevable a priori, on ne le saurait admettre.

Lue deuxième forme de l’objection proclame l’impossibilité de constater un miracle, en raison non de son impossibilité, mais de son improbabilité, l’ne erreur dans le témoignage humain est toujours plus probable qu’une exception surnaturelle aux lois de la nature. Il est plus probable d’admettre l’erreur de mille témoins que la réalité d’un miracle. D’où, impossibilité de constater le miracle. Hume, Essays and treaiises on several subjects… sect. x, Of miracles, Œuvres, éd. d’Edimbourg, 1809, t. ii, p. 121, 122. L’objection ne tient pas compte des circonstances concrètes dans lesquelles le miracle est produit et constaté. Il s’agit d’un fait exceptionnel, qu’on examine i en tenant compte des circonstances qui le particularisent et des témoignages qui l’appuient. Si, dans l’espèce, les témoignage sont indiscutables et si les circonstances mollirent la possibilité ou du moins la non-répugnance d’une intervention divine », on ne voit pas pourquoi, pour ce cas spécial, l’erreur serait plus probable que la réalité du miracle : « C’est une chose invraisemblable, un vrai prodige moral, que des témoins, sains de sens et d’esprit, compétents, sincères, et bien en mesure d’observer, se trompent. Cela est inexp cable : auci ne raison ne se présente pour éclairer ef rendre inadmissible une pareille hypothèse. C’est l’absurde réalisé. » D’autre part, si,

abstraction faite des conditions concrètes dans lesquelles se présente le miracle, celui-ci a priori paraît impossible, cependant, dans telles circonstances données, pour tel cas examiné, l’improbabilité du miracle n’apparaît plus ; et même, le miracle apparaît beaucoup plus probable que l’erreur. Cf..1. de Tonquédec. op. cit., p. 277. En d’autres termes, dit cet auteur. « nous ne devrons conclure au miracle que si, toutes circonstances pesées, l’erreur devient, non seulement moins probable que le miracle, mais tout à fait improbable ». Ibid. Et il est bien entendu que la probabilité du miracle tient compte non seulement de la valeur des témoignages, mais encore de la probabilité du fait lui-même. La thèse générale de la possibilité du miracle ne doit pas, en effet, nous faire perdre de vue la possibilité intrinsèque, la vraisemblance, la probabilité objective des événements. Voir l’application de ces règles dans.1. de Tonquédec, op. cit.. p. 283 sq. : « jugements de probabilité jugements de possibilité. »

2. Les difficultés inhérentes à l’observation.

Il faut, avant tout, déterminer sur quoi doit porter notre observation. Il serait facile de proclamer l’impossibilité de toute observation en arguant que le miracle étant un phénomène surnaturel, l’expérience du surnaturel comme tel est impossible. Il ne s’agit encore, dans la constatation du fait réel, que de l’observation de la matérialité du fait, sans aucun jugement sur sa cause et son caractère surnaturel.

Il y a d’abord des faits tellement évidents que le simple bon sens suffit pour en faire une constatation suffisante, même indépendamment des méthodes rigoureuses du laboratoire. Singulièrement exagérée est la prétention de Renan, de vouloir qu’une résurrection de mort ne puisse être constatée que par une commission de savants, et dans des conditions extraordinaires de garanties scientifiques. Vie de Jésus. Introduction, p. xgvi-xcvii. Un mort, qui, comme Lazare, jam (cetet, est bien mort et saint Augustin ne demande, pour constater la résurrection de ce mort, que des yeux pour voir. Serm., xcviii, 1, P. I… t. xxxviii, col. 591. Toutefois, il faut convenir que même en ces cas d’ordinaire évidence, il peut se présenter parfois des raisons de douter. Il n’est pas toujours facile de s’assurer du fait de la mort : il y a des cas où le médecin lui-même ne peut discerner la mort apparente de la mort réelle. Benoît XIV a noté cette difficulté qu’il a soigneusement traitée.

C’est dans le cas des guérisons miraculeuses que s’impose une très grande circonspection dans la constatation du fait même simplement matériel. Il est inutile ici de développer les questions qui se peuvent poser tant sur le fait matériel de la maladie que sur celui de la guérison. Si des simulations habiles ou des dissimulations inconscientes, dues à des étals nerveux pathologiques, sont possibles, il ne convient pas cependant de vouloir expliquer ainsi toutes les guérisons : sur ce point l’ouvrage de P. Saintyves, La simulation du merveilleux, Paris. 1912. est certainement tendancieux et erroné.

î. En résumé on ne nie pas les cas difficiles. Lorsqu’il

s’agit du contrôle des témoignages, il faut une prudence et une exigence extrêmes, et cela d’autant plus que le fait est plus extraordinaire et. par conséquent, indépendamment de l’hypothèse du miracle, en soi moins probable. L’enquête scientifique sur le /ait matériel du miracle ne sera nécessaire que poulies faits dont il est particulièrement difficile de constater la réalité, spécialenient pour les faits de guéri sons. Lu examen rigoureux, portant sur les détails d’un phénomène merveilleux et satisfaisant aux exigences raisonnables, ne sera jamais sans une grande ut ilil é. Sur le second point. on I rouvera dans le 1841

    1. MIRACLE##


MIRACLE, CONSTATATION DU CARACTÈRE SURNATUREL 1842

Dr M. Le Bec, Critique et contrôle médical des guérisons surnaturelles, Paris, 1920, les principales règles techniques dont il faut tenir compte pour établir le fait de la maladie, le fait de la guérison et, postérieurement, le caractère extranaturel de celle-ci. Quant au premier point, le P. de Tonquédec a formulé de judicieuses réflexions, bien capables de satisfaire les esprits les plus exigeants, sur la critique des témoignages. Op. cit., p. 359-419. Il étudie successivement l’influence que pourrait avoir la croyance religieuse sur l’erreur ou la fraude, l’incompétence des non-professionnels et les cas possibles d’hallucinations collectives.

Constatation d’un fait passé.

< En ce qui concerne

les événements passés dont la constatation ne peut être faite que grâce au témoignage historique, des considérations analogues à celles qui viennent d’être émises, devront être retenues. Étant donné que l’événement est passé, il ne faudrait pas uniquement tenir compte des attestations dont il est muni. « La certitude d’un fait historique dépend pour nous en partie de la qualité des attestations qui le soutiennent, mais peut-être plus encore de l’idée que nous nous faisons de sa possibilité intrinsèque… Les faits historiques portent… deux coefficients d’admissibilité, de signes positifs ou négatifs, qui peuvent s’additionner ou s’entre-détruire : l’un représente la valeur du témoignage, l’autre la vraisemblance du fait. » J. de Tonquédec, op. cit., p. 281.

Cette considération générale fournit un argument a priori qui consiste « dans un raisonnement fondé sur la nature du fait considéré en lui-même, en dehors des témoignages et d’autres indices particuliers, par lesquels nous pouvons arriver à le connaître et à en démontrer la vérité ou la fausseté. En d’autres termes, plus précis et plus distincts, nous dirons qu’il fournit une preuve pour ou contre la vérité du fait, en établissant qu’il est ou qu’il n’est pas conforme aux lois générales qui régissent le monde… Le désaccord avec une loi ne va pas toujours jusqu’à rendre le fait absolument impossible : souvent il n’arrive qu’à mettre l’esprit plus ou moins en défiance. Il n’en sera tenu aucun compte, bien entendu, lorsque la vérité du fait sera appuyée par ailleurs sur des témoignages d’une autorité irrécusable. Mais, si les témoignages n’ont pas cette valeur qui impose la conviction à l’esprit, le fait deviendra d’autant plus improbable qu’il sera plus difficile de le concilier avec les lois générales dûment établies. D’un autre côté aussi, l’accord complet et frappant d’un fait avec toutes les lois physiques et morales, ce qu’on peut appeler sa vraisemblance, sa probabilité intrinsèque et positive, forme quelquefois un véritable argument en sa faveur, et cet argument pourra suppléer, dans une certaine mesure, au poids d’ailleurs fort léger des textes apportés comme preuves de sa réalité. » De Smedt, Règles de la critique historique, Paris, 1883, p. 273, 278.

En bref, le poids des preuves doit être proportionné à l’élrangeté des faits.

Appliquées au miracle, ces considérations générales engendrent des jugements pratiques sur la probabilité ou la possibilité des faits extraordinaires. On ne peut songer à rappeler ici les règles générales et pratiques de la critique, principalement historique, dont l’emploi s’impose en la matière présente. Voir Critique, t. iii, col. 2330. En ce qui concerne la critique relative aux documents où sont consignés des faits miraculeux, on pourra se référer à J. de Tonquédec, op. cit., p. 264 sq. : règles générales de la critique historique, p. 264-292 ; règles particulières aux diverses espèces de critique : critique textuelle, p. 294-295 ; critique littéraire externe ou critique de provenance, p. 296300 ; critique littéraire interne ou critique d’interprétation, p. 301-310 ; critique historique, propre ment dite ou critique du témoignage, p. 313 sq., établissant à quelles conditions les faits sont susceptibles d’être observés et les personnes susceptibles d’être crues.

11. CONSTATATION DP CARACTÈRE SURNATUREL. — L’observation du fait matériel nous présente une succession de deux phénomènes, le second, extraordinaire, ne trouvant pas son explication naturelle dans son antécédent. La constatation du caractère surnaturel du miracle consistera à montrer que le fait miraculeux n’a pas sa cause naturelle dans les phénomènes antécédents, mais qu’il procède d’une intervention divine.

On sait l’objection cent fois ressassée —des forces inconnues de la nature : comment déclarer l’intervention divine nécessaire en tel fait, alors que nous sommes dans l’ignorance des forces naturelles, et que ce que nous appelons miracle peut avoir dans la nature des causes que nous ne connaissons pas encore.

Il ne suffit pas de répondre que l’agent du miracle se manifeste comme une « cause libre, intelligente, conservatrice des lois de la nature, mais non point si étroitement qu’elle n’ait encore le droit de manifester, par un mode d’agir extraordinaire, la maîtrise absolue, l’action continue qu’elle exerce en tous temps sur le créé et qui nous fait l’adorer comme Dieu créateur ». Hugueny, Critique et catholique, l re édit., t. i, Apologétique, p. 291. En effet, la liberté de l’agent du miracle n’est pas un indice irrécusable de la eausa.ité divine. La prière que le thaumaturge peut adresser à Dieu n’est pas non plus nécessairement signe du vrai miracle : elle peut être simulée par des imposteurs ; elle peut ne pas être suivie du miracle demandé. D’ailleurs ces sortes d’indication ne touchent pas le fond même du problème métaphysique ici en jeu. Saint Thomas nous indique la voie à suivre : il faut prouver que Dieu seul peut accomplir le fait réputé miraculeux : quod solus Deus facere potes t. Sum. theol., III q. xliii. a. 1.

La vraie réponse doit donc atteindre la profondeur du problème : nous ne connaissons pas positivement ioutes les lois de la nature, mais d’une paît, nous savons avec certitude ce que la rature ne peut pas faire, et d’autre part, nous connaissons avec la même certitude des effets qui ne peuvent avoir que Dieu pour cause. Ce sont là deux points de repère, absolument sûrs, entie lesquels pourront se situer des cas douteux, mais q li déjà fourniront de précieux éléments de constatatun. On sait, par exemple, que la combinaison de l’hycrogène et de l’oxygène ne donnera jamais du chlore ; que de la semence de blé il ne germera jamais des roses, etc. On sait qu’une parole humaine ne sera jamais suffisante pour calmer les tempêtes ou ressusciter les morts. Cf. De Tonquédec, op. cit., p. 230-231. Sur ces données indiscutables se fondent :

La réponse du sens commun.

Indépendamment

des circonstances dans lesquelles ils se produisent, certains etïets doivent être rapportés à Dieu, parce que Dieu seul les peut produire. Seul l’auteur de la vie peut rendre la vie à un cadavre ; seul l’auteur de la matière peut multiplier instantanément la substance matérielle ou la convertir en un instant en une autre substance. Ces vérités sont perçues dans les premiers principes de l’être par le sens commun, en tant que le sens commun saisit l’être dans sa dépendance intime de la première cause. Cf. Garrigou-Lagrange, Le sens commun et la philosophie de l’être, p. 91-94 ; Billuart, De jide, diss. ii, a. 2, ad 3, 1, n.

2° La réponse de la philosophie, expliquant, développant la réponse du sens commun, en l’appliquant aux différentes catégories de miracles.

1. Certains /ails extn ordinaires ne peuvent avoir que 1843 MIRACLE, CONSTATATION DU CARACTÈRE SURNATUREL 1844

Dieu pour auteur. - Certains effets atteignant dans les créatures lu raison d'être eu tant que telle, ne sauraient avoir d’autre cause que la cause suprême et universelle. Ainsi, la production de l'être par voie ilr création (S. Thomas, I q. xi.v. a. ">) ; la production ou l' immutation de la matière première (I a, q. cv, a. 1). les changements affectant la substance matérielle d’une manière immédiate, c’est-à-dire en l’absence de toute action exercée d’abord sur les accidents (cf. supra, et q. ex, a. 2) ; à plus forte raison la production d’une nouvelle substance en l’absence de toute disposition à la nouvelle forme. La création de l'âme étant l'œuvre exclusive de Dieu, tout changement affectant la substance de l'âme requiert la causalité divine ; donc nulle âme ne peut être réunie à son corps que par une intervention propre de Dieu. Dieu seul peut mouvoir ab intrinseco l’intelligence vers le vrai, la volonté vers le bien, donc les grâces appartenant à la prophétie, à la révélation des secrets du cœur, à la conversion soudaine du pécheur, ne peuvent avoir que Dieu pour auteur. Or, d ?s faits dont le caractère surnaturel et divin sont indiscutables se rencontrent dans les différentes catégories de miracles. Ainsi, parmi les miracles quoad substantiam fæti, la transsubstantiation, quoique phénomène invisible, est très certainement un miracle, parce que l’intervention divine seule peut réaliser cette conversion sans exemple dans les conversions naturelles de toute la substance du pain en toute la substance du corps de Jésus-Christ, les accidents du pain demeurant sans changement. Cf. S. Thomas, Sum. thcol., III", q. lxxv, a. 4, ad 3 UI " ; la compénétration de deux substances corporelles dans le même lieu : par exemple, quand. après sa résurrection, le Christ pénètre dans le oénacle. januis clausis (Joa., xx, 26) ; cf. Suppl., q. lxxxiii, a. 3 ; la transfiguration glorieuse du corps des élus après la résurrection, parce que cette glorification du corps dérive, contrairement aux exigences du corps, de la gloire de l'âme, gloire intrinsèquement surnaturelle. III", q. xlv, a. 2. Parmi les miracles quand subjectum in quo fiunt, signalons comme possédant un caractère évidemment surnaturel et divin la résurrection d’un mort, la matière cadavérique ne présentant pas les dispositions naturelles nécessaires à l’information par l'âme ; cf. Suppl., q. lxxv, a. 3 ; De potentiel, q. vi, a. 7, ad 1'" » et ad 11° 1 " ; la restitution de la vue à un aveugle, entendons à celui qui est certainement aveugle. Or, la Cécité congénitale dont il est question dans l'évangile, Joa., x, 32, doit être cataloguée parmi les cécités certaines. Parmi les miracles quoad modum quo fiunt, le changement subit de l’eau en vin décèle évidemment une intervention divine, car elle se fait instantanément sans aucune modification préalable des accidents. Cf. In IV Sent., I. II, dist. XVIII, q. i, a. 3, ad l" m ; I. IV, dist. XVII, q. i, a. 5, sol. 1. Il faut en dire autant de la multiplication des pains, qui suppose ou une création de matière nouvelle ou un changement instantané d’autre matière en la matière du pain. Cf. III 1, q. xi.iv, a. I. ad 1'"". comparé avec [ », q. xcii, a. 3. ad l" 1 " : In Matthcei evangelium, c. xiv, n. 2.

Ainsi donc, sans enquête scientifique, avec le simple raisonnement du bon sens, un certain nombre des miracles ont pu être constaté, non seulement qliant à la matérialité du fail, mais encore quant à leur origine divine. Celle constatation toutefois requiertelle le secours d’une grâce divine ? Problème spécial qui sera examiné plus loin, voir col. 1853.

2. l’our d’autres faits extraordinaires, leur caractère surnaturel et divin se déduit de l’ensemble des circonstances physiques et mondes qui les conditionnent. Il s agit ici, principalement, des miracles de guérison,

si nombreux dans l'Évangile et au cours des siècles de l’histoire « le l'Église. Certains de ces etïets apparaissent bien, de prime abord, dépasser les forces des agents visibles ; car la liberté avec laquelle agit l’auteur du prodige montre bien qu’il ne saurait être question d’une force de la nature matérielle, par hypothèse toujours déterminée ad unum..Mais, cela reconnu, il n’est pas encore certain que le fait provienne de Dieu ; car il peut avoir pour auteur un esprit angélique ou démoniaque. C’est donc par l’ensemble des circonstances qui conditionnent le miracle que l’on pourra discerner son origine réelle, et le classer comme surnaturel divin, ou comme préternaturel diabolique. Et, lorsqu’il s’agira d’une origine surnaturelle et, en dernière analyse, divine, il sera encore très fréquemment difficile d'établir si Dieu est intervenu lui-même immédiatement, ou si un ange n’a pas pu, avec la permission de Dieu, réaliser le prodige.

Notre méthode de constatation est indiquée par saint Thomas, In I /""> Sent., dist. Vif, q. ni, a. 1, ad 2°" 1.

Ces prodiges accomplis par les bons, déclare le saint Docteur, se distinguent (les prodiges accomplis par tes mauvais, au moins de trois façons : premièrement, par l’efficacité de lu vertu opérante, car souvent les bons esprits reçoivent (le Dieu un surcroit de puissance pour accomplir des miracles, dépa*sant en réalité leur puissance naturelle ; ainsi, un ange pourra, par la vertu divine, ressusciter un mort, ce que ne pourra jamais le démon, lequel tout au plus peut donner à un corps, et pour un temps très bref, l’apparence de la vie. Deuxièmement, par l’utilité des miracles : les miracles accomplis par les bons ne peuvent qu’apporter du bien à ceux qui en bénéficient : telles, les guérisons de malades. Ces prodiges des mauvais sont entachés de nocivité ou de vanité : par exemple, il s’agit de voler en l’air ou di" frapper d’impuissance les membres humains. Une troisième différence enfin est marquée par la fin à laquelle sont ordonnés ces prodiges : les prodiges debons visent à l'édification de la foi et des bonnes mœurs ; les prodiges des méchants ne cherchent au contraire qu'à nuire à la foi et aux mœurs. Ht, par surcroit, les bons opèrent les mira.-les en invoquant avec piété et respect le nom de Dieu ; les mauvais emploient des procédés fanatiques…

Benoît XIV déclare, en prenant exemple des « miracles » du cimetière Saint-Médard, que les faux miracles doivent être discriminés des vrais, effîcacia, utilitate. modo, fine, persona et occasione. De beuti/icatione servorum Dei, I. IV, c. vii, n. 14-22.

< ;) Xous avons parlé des circonstances physiques : l’examen de ces circonstances est nécessaire dans la constatation du caractère surnaturel des guérisons extraordinaires. Benoît XIV. op. cit., c. viii, exige que 1° la maladie soit grave et, sinon inguérissable, du moins difficilement guérissable ; 2° qu’elle ne soit pas arrivée à son déclin ; 3° qu’on n’ait pas employé de médicaments ou bien que les médicaments aient été inelficaces ; 4° que la guérison soit subite ; 5° qu’elle soit parfaite ; (5° qu’aucune amélioration notable, qu’aucune crise n’ait précédé ; et enfin 7° que la guérison soit définitive. Benoît XIV examine ensuite dans le détail un certain nombre d’espèces et de cas de guérisons. Ces grandes ligues, dictées par la prudence théologique en matière de constatation du miracle, sont demeurées la règle suivie par toutes les coin missions médicales ou ecclésiastiques chargées de la constatation des miracles de guérison. A Lourdes, notamment] les sages directives du grand canoniste demeurent à la base de toutes les observations, et les différents ouvrages écrits sur le discernement du miracle de guérison, s’y réfèrent en substance et en soni le développement.

Cf. (i. llertrin, Histoire critique des événements de Lourdes,

Paris, t'.H2 ; Lourdes (Le fait de), danle Dictionnaire apolo184.") MIRACLE, CONSTATATION DU CARACTÈRE SURNATUREL 1846

gétique de la foi catholique, I. iii, col. 30-62 ; (1. Boissarie, Les grandes guérisons de Lourdes, Paris, 1900 ; Dr Lavrand, La suggestion et les guéiisons de Lourdes, Paris, 1908 ; Dr Guinier, Le surnaturel dans les guérisons de Lourdes, dans Études, t. cxxi (1909) ; E. I-c Bec, Preuves médicales du miracle. Études cliniques, Bourges-Paris, 1917 ; Critique et contrôle des guérisons surnaturelles, Paris, 1920 ; Les forces naturelles inconnues et les guérisons miraculeuses, Paris, 1927 ; A. Marchand, Les faits de Lourdes et le Bureau des constatations médicales, Paris, 1923 ; Les faits de Lourdes. Trente guérisons enregistrées au Bureau médical, 1921-1922, Paris, 1924 ; Les faits de Lourdes, Nouvelle série de guérisons enregistrées au Bureau médical, 1923-1025, Paris, 1926 ; P. Teilhard do Chardin, Les miracles de Lourdes et les enquêtes canoniques, dans Étoiles, t. c.xviii, p. 161183 ; Van der EIst, Guérisons miraculeuses, dans Diction, apologétique, t. ii, col. 319-348 ; Les guérisons miraculeuses, dans Bévue pratique d’apologétique, t. xii, p. 816-837 ; 7)n rôle des médecins dans l’expertise des guérisons miraculeuses, dans la Bévue apologétique, 15 juin 1921, p. 297-303 ; L’objection des forces inconnues, id., 15 juin 1924, p. 314-357.

Il ne saurait être question, dans cet article théologique, de descendre dans le détail des précautions employées pour l’examen d’un cas de guérison extraordinaire, attribuable à une cause surnaturelle. Il importe cependant de préciser d’abord le rôle de la science, puis celui de l’autorité ecclésiastique.

a. Le rôle de la science n’est pas de décider de l’origine naturelle ou surnaturelle de la guérison. L’enquête médicale et canonique doit porter uniquement sur ceci : le fait extraordinaire constaté est-il naturellement explicable ou inexplicable. Et c’est tout ; là s’arrête le rôle des médecins. Si l’on parvient à donner avec plus ou moins de certitude une explication naturelle au cas soumis à l’examen, on pourra écarter l’hypothèse du miracle ou tout au moins faire à son sujet les plus expresses réserves. Ainsi, les guérisons de maladies nerveuses (non pas des lésions organiques du système nerveux) ne sont généralement pas susceptibles d'être accueillies comme des miracles. Benoît XIV a déclaré lui-même qu’on ne saurait admettre comme miraculeuses les guérisons explicables par l’influence de l’imagination, op. cit., t. IV, part. I, c. xxxiii, nous dirions aujourd’hui sous l’influence de l’autosuggestion ou quelque chose d’analogue. II se peut néanmoins que ce qui est naturellement explicable ait été produit surnaturellement : mais on devra se montrer beaucoup plus sévère et plus exigeant.

.Mais il arrive aussi que la science est obligée de constater que le fait est naturellement inexplicable, qu’aucune interprétation naturelle ne lui saurait être donnée. L' « inexplicabilité » actuelle du fait est facilement constatable ; mais de cette inexplicabilité, dans les conditions actuelles de la science, le savant, le médecin a-t-il le droit de conclure à l’inexplicabilité totale et définitive et de négliger l’objection des ' forces naturelles inconnues » ? Et de cette inexplicabilité définitive peut-on conclure au caractère surnaturel du fait considéré comme miraculeux ? Tel est, au point de vue philosophique où nous nous plaçons, le processus logique à suivre.

Il faut répondre affirmativement à la première question. Mais cette réponse affirmative suppose que le savant fera appel, en dehors de ses constatations expérimentales, à certaines notions philosophiques fondamentales, dont nul ne peut se départir. En faisant appel à ces notions, le savant pourra proclamer l’inexplicabilité absolue d’un fait extraordinaire. « Tout d’abord, la nature des êtres n’est pas totalement une inconnue ; nous connaissons des limites que les agents naturels ne dépassent pas, nous avons certaines lumières concernant les lois auxquelles obéit le cours des choses : nous savons qu’il a de la constance dans le cours de la nature, que cette constance requiert une raison d'être, et que cette raison d'être n’est pas

un hasard aveugle, mais l’existence de causes efficientes que leur nature détermine à un mode d’agir particulier, que d’ailleurs notre intelligence est faite pour connaître le réel, et que par conséquent, les méthodes expérimentales peuvent, dans une mesure plus ou moins large, dévoiler les secrets de la nature et des lois qui régissent son activité. » Van Hove, op. cil., p. 349. D’ailleurs, en dehors de ces considérations relative aux conditionnements de l’activité des forces naturelles, il existe la loi fondamentale du temps requis pour la production naturelle d’un fait déterminé. Or, précisément, dans le cas de guérison miraculeuse, c’est l’instantanéité ou la quasi-instantanéité qui se substitue à la durée plus ou moins longue, requise en toute hypothèse, pour la guérison naturelle. Les médecins qui ont écrit sur Lourdes ces dernières années ont mis en pleine lumière l’importance de cette dernière circonstance. Cf. Van Hove, p. 351, où l’on trouvera de nombreuses références.

Quant à conclure de l’inexplicabilité absolue du fait, à son caractère surnaturel, ceci n’est plus du ressort de la science pure ; c’est le rôle de l’autorité ecclésiastique.

b. Le rôle de l’autorité ecclésiastique. — La procédure canonique dans l’examen d’un miracle suppose que l’autorité ecclésiastique ne se prononce qu’après le jugement des experts. Les procès de béatification et de canonisation comportent la reconnaissance par l’Eglise de plusieurs miracles, obtenus grâce à l’intercession du serviteur de Dieu dont se poursuit le procès. Can. 2116, 2117, 2138.

La législation requiert qu’on entende le témoignage des médecins qui ont traité le malade guéri par cette intercession, can. 2028, § 1 ; que l’on prenne l’avis de deux experts au moins, can. 2118, § 1 (cf. can 2122), et ces experts doivent être d’une compétence extraordinaire, can. 2118, § 2. Ces spécialistes ont à statuer sur ces deux questions : 1° le fait de la guérison est-il réel ? 2 n cette guérison peut-elle ou non s’expliquer par les lois de la nature ? Can 211'. ». En ce qui concerne l’enquête elle-même, le canon 2088 § 3, exige un expert, qui assiste aux sessions du tribunal et peut prier le juge de poser aux témoins les questions nécessaires à une plus grande précision. Ces dispositions du Code ne font d’ailleurs que préciser les indications fournies par Benoît XIV, op. cit., t. IV, part. I, c. viii-xxxiii. Mais enfin, si important que soit le rôle de la science, il ne lui appartient pas de promulguer que l’impossibilité d’expliquer naturellement le fait extraordinaire suppose, l’intervention immédiate de Dieu. Le rôle de l’Eglise est donc de proclamer le caractère surnaturel et divin du miracle, dont la science a simplement reconnu l’inexplicabilité naturelle.

C’est dans ce dernier et suprême ingénient que souvent intervient la considération des circonstances d’ordre moral.

b) Circonstances d’ordre moral. - Les auteurs prennent ici pour thème les indications fournies, à propos de l’acte humain, par saint Thomas, Sum. theol., I a -II M, q. vii, a. 3. Les circonstances morales sont énumérées dans le vers mnémonique : Quis, quid, ubi, quibus auxitiis, air, quomodo, quando. On trouvera un heureux développement de ces considérations morales dans A. de Poulpiquet, L’objet intégral de l’apologétique, Paris, 1912, p. 94 sq.

En bref, ces considérations ont un double aspect : négatif, positif. Si, dans la fin, l’agent, les moyens, les conditions, les effets du phénomène extraordinaire accompli, il ne se rencontre rien de frivole, de ridicule, de déshonnête, de honteux, de violent, d’impie, d’orgueilleux, de mensonger ou de défectueux à 1847 MIRACLE, CONSTATATION DU CARACTÈRE SURNATUREL 1848

quelque titre que ce soit : si. au contraire, tout y est convenable, sérieux, portant à la piété, à la religion, à la sainteté : il n’y a aucun cloute : ce préternaturel n’est pas un pré ernaturel diabolique. Si tous ces signes existent simultanément dans le prodige, on pourra avec une certitude morale, le tenir pour un prodige divin. Nous disons, avec le P. de Poulpiquet : si tous ces signes… simultanément ; car. c’est ici le cas ou jamais d’appliquer le principe : bonum ex intégra causa, malum ex quoeumque defectu. Op. cit., p. 116.

, t fortiori devra-t-on aboutir à la même conclusion si l’agent, doué lui-même d’une grande sainteté, accomplit le miracle après avoir invoqué le nom de Dieu, et dans le but de confirmer une doctrine qu’il affirme être révélée et nécessaire au salut : si la religion ellemême en retire des fruits réels pour détruire le règne du démon, réformer les mœurs, accroître le culte du vrai Dieu, etc. S’il n’en était pas ainsi, il faudrait dire que Dieu permet un miracle en faveur de l’erreur et du mal. ce qui serait pour beaucoup une occasion certaine d’erreur invincible, de perdition et de ruine. Ou bien, cliose inconcevable, il faudrait admettre que le démon travaille à sa propre destruction. Cf. Garrigou-Lagrange, De revelatione, t. ii, p. 80-83. L’hypothèse, en certains cas plausible, d’un miracle accompli par un pécheur, un hérétique, peut-être un infidèle, voir ci-dessus, col. 1836, n’a rien de contradictoire avec les règles morales de discernement qu’on vient de rappeler. Si Dieu permet ou veut qu’un tel miracle soit accompli par un agent de cette sorte, il faudra nécessairement que le miracle soit visiblement accompli, non pour confirmer l’erreur, le péché, l’hérésie, mais au contraire pour les condamner et affirmer la vertu et la vraie doctrine. Cf. S. Thomas, Sam. theol.. II*-IF B, q. clxxmii, a. 2, et ad 3um.

3. Les contrefaçons du miracle. Voir J. de Donniot, Le miracle et ses confrefacons, Paris, 1888. — <M l.es faits extraordinaires relevant de l’intervention diabolique pourront, grâce aux critères qu’on vient d'énumérer, être facilement reconnus, tout au moins dans une certaine mesure. On les a étudiés ou on les étudiera en des articles spéciaux. Voir Hypnotisme, t. vii, col. 360 ; Magie, t. ix, col. 1512 ; Spiritisme. — b) D’autres faits sont parfois cités qui, sous la plume de critiques rationalistes, prennent figure de miracles, el, en réalité, sont ou des phénomènes morbides, ou des faits légendaires. Faits légendaires, et sans fondement historique certain, les « miracles » attribués à Vespasien et Hadrien, et rapportés par Tacite et Suétone ; cf. Duchesne, Histoire ancienne de l'Église, t. i, p. 363-364 ; pour ce qui est des « miracles » d’Esculape, voir Mangenot, Les miracles d’F.sculape, dans la llevue du Clergé français, 1917, août-septembre, et les références données à l’art. Mangenot, col. 1840. faits morbides et supercheries, les « miracles » jansénistes du diacre Paris. Voir Walïelært, art. Convulsionnaires dans le Dictionn. apologétique, 1. 1, col. 705. lui lin. rien n’empêche que Dieu accorde des grâces d’ordre temporel, qui n’ont d’ailleurs rien du miracle, même dans les religions autres que le catholicisme, aux i âmes de bonne foi qui crient à Dieu en confiance leur détresse et leur misère ». Hugueny, op. cit., p. 282. Quoi qu’il en soit, la notion et le discernement du vrai miracle sont hors de question en tous ces problèmes historiques qui n’intéressent que de loin la théoogie.

/II. CERTITUDE DES FAITS M l n.('V I.KV X. — I.c problème de la certitude que l’on peut avoir des faits miraculeux dûment constatés se présente sous un double aspect. Quelle certitude peut nous donner de la réalité du miracle la constatation faite d’après les

règles de la critique rationnelle ? Concrètement, quelle

est cet le certitude pour les miracles consignés dans

l'Écriture ou reconnus par l’Eglise après enquête canonique ?

In abslracto.

1. On distingue généralement une

triple certitude : certitude métaphysique, physique, morale. Voir sur la véritable portée de cette distinction. Foi, t. iii, col. 2Il sq. Bien que certains auteurs, notamment J. de Tonquédec, op. cit., p. 227, note 2 el surtout Garrigou-Lagrange, op. cit., t. n. p. 71-78, parlent, à propos de la constatation de certains miracles, de certitude métaphysique, il semble difficile d’acquiescer à leur assertion. Sans doute, dans l’ordre des principes, il est métaphysiquement certain que tel phénomène extraordinaire, par exemple, la résurrection d’un mort, a Dieu pour auteur. Mais la certitude que Dieu a ressuscité tel mort déterminé est une certitude, non de principe, mais de fait, et, par conséquent, certitude physique. Elle suppose, en effet, comme condition préalable, que cet individu est réellement décédé ; et de ce phénomène physiologique, il est impossible d’avoir une autre certitude que la certitude physique. Et encore, c’est là le maximum de certitude, car bien souvent, sinon toujours, étant donné l'étendue de la puissance démoniaque, il faudra faire appel, dans la constatation du fait miraculeux, aux circonstances d’ordre moral dont on a parlé tout à l’heure ; el. de ce chef, la certitude morale est celle qui, le plus ordinairement, pourra être obtenue. Et encore, parce que cette certitude n’est pas le résultat d’une évidence absolue, elle pourra comporter un doute, doute absurde, déraisonnable, mais doute possible, tout comme la certitude de la foi, qui s’appuie sur une évidence extrinsèque. Cf. J. de Tonquédec, op. cit.. p. 225 ; Van Ilove. op. cit., p. 360. Ce dernier auteur fait opportunément observer qu’il n’est pas nécessaire « que l’on puisse reconnaître tous les miracles ou avoir au sujet de chacun d’eux la même certitude… Pour que le miracle soit un signe de la révélation à la portée de toutes les intelligences, il suffit cpie le caractère surnaturel de quelques miracles puisse être reconnu par tous avec certitude, ou même que certains groupes de faits extraordinaires trahissent incontestablement l’intervention divine ». lbid., p. 361.

In concreto.

1. Les miracles de l’Ecriture

Abstraction faite de la consignation des miracles dans l'Écriture, il faudrait simplement, au sujet de la certitude que nous pouvons avoir de leur réalité. retenir les règles qu’on vient de poser. Mais le concile du Vatican lui-même a tenu a fixer sur ce point la vérité. Le troisième chapitre de la constitution Dei Filius s’occupe spécialement des miracles racontés dans l'Écriture, et qui démontrent l’origine divine de la religion chrétienne. Le quatrième canon condamne comme hérétiques ceux qui rejettent en bloc la réalité de ces miracles, la possibilité de les discerner ou leur force probante. « C’est d’une façon indirecte que notre canon définit la réalité des miracles de l'Écriture. Il condamne, en effet, comme hérétiques ceux qui se fonderaient sur une prétendue impossibilité des miracles, pour soutenir que tous les récits de faits miraculeux, même ceux de la sainte Ecriture, doivent être relégués au nombre des fables et des mythes. Mais, en rangeant cette allégation parmi les hérésies, il met par suite au nombre des dogmes de foi catholique l’affirmation que ces récits ne sont ni des fables, ni des mythes, en d’autres termes. l’affirmation que ces récils sont véridiques et que les miracles en question sont réels. En vertu du symbole

des apôtns, la réalité du miracle de la résurrection de JéSUS-Çhrist et de son ascension était déjà au catalogue des vérités de foi catholique. Mais notre canon ne se prononce sur aucun récit particulier. Il se contente de frapper les rationalistes qui nient la possibilité des miracles, et les traitent tous de fables et de mythes, même ceux qui sont racontés dans la Bible. Il définit donc, en général, qu’il y a, dans la Bible, des récits véridiques de miracles. Voilà ce qui est de foi. Ce canon laisse néanmoins entendre qu’il y a d’autres miracles réels que ceux que la Bible rapporte. « Notre canon, dit le rapporteur de la Députation de la foi, à propos d’un amendement (n° 108) « qui demandait qu’il fût fait mention des miracles’approuvés par l’Église, notre canon ne s’occupe que < du fait primitif de la révélation, mais le mot eliam > qui s’y trouve, montre bien que nous n’excluons « pas les miracles qui se font dans l’Eglise. » Il est clair du reste que le concile admettait la véracité de toute la Bible ; mais sans vouloir fixer l’interprétation de tous les récits bibliques, il s’est contenté de définir qu’il y a, dans les faits racontés par la sainte Écriture, de véritables miracles, et n’en a indiqué aucun en particulier. Il laisse donc aux" exégètes une grande latitude..Mais les enseignements du chapitre sont un peu plus précis. Ils affirment en effet que des miracles nombreux et incontestables ont été opérés soit par Moïse et les prophètes, soit par Jésus-Christ et les apôtres. Les prophètes qui sont ici mentionnés sont ceux qui ont vécu après Moïse et non les patriarches qui ont vécu avant lui. Il en résulte que notre constitution ne dit rien des miracles qui ont été faits en faveur de la religion primitive, et qui sont rapportés dans la Genèse. » Vacant, Études tlréologiques sur les Constitutions du concile du Vatican, t. ii, p. 46-47. Nous avons établi à l’art. Jésus-Christ, col. 1188 sq., la réalité des miracles accomplis par le Sauveur. Sans doute, la règle de foi n’a spécifié le caractère surnaturel d’aucun d’entre eux ; le symbole mentionne expressément la résurrection et l’ascension, et il serait gravement téméraire de révoquer en doute le caractère surnaturel et divin des prodiges les plus caractérisés et qualifiés par l’écrivain inspiré de TÉpaxa, 6aupiàcrta, 7rapâSo ; a, 8uvâ(xeiç, cr/]fi.£toc, etc., voir col. 1800.

2. Les miracles approuvés par l’Église au terme d’une enquête canonique. —

Le fait que le concile du Vatican n’a pas voulu les englober dans la définition préparée, prouve qu’à aucun titre la certitude que nous en pouvons avoir ne comporte une adhésion de foi divine et catholique.

Il ne s’agit même pas, dans le cas présent, de croire à leur réalité et à leur caractère surnaturel de cette adhésion ferme et surnaturelle que les théologiens qualifient souvent de foi ecclésiastique. Mais la remarque du rapporteur de la foi, voir ci-dessus, montre clairement qu’il n’est pas permis à un catholique de ne point tenir compte de ces décisions de l’Église. « Autre chose est la canonisation, autre chose les miracles, les révélations privées, les apparitions, divers faits historiques ou les reliques du saint canonisé. Quand l’Église approuve les miracles d’un saint dans un procès de canonisation, ou qu’elle les insère dans les leçons du bréviaire, quand elle institue une fête spéciale pour honorer l’apparition d’un saint…, c’est une opinion assez commune (disons, c’est l’opinion commune), que ces miracles, apparitions, révélations, faits historiques, reliques, ne sont pas. pour autant, infailliblement définis, bien qu’ils méritent (ajoutons positis ponendis) la pieuse adhésion et le respect dû à tous les enseignements, même non infaillibles de l’Église. » Marin-Sola, L’évolution homogène du dogme catholique, t. i, n. 279. — Cum Écclesia inquiril aut pronuntiat de revelalionibus, apparitionibus, miraculis, non intendit habere nisi probabilitalem aut cerliludinem humanam, eamque praclicam. quæ scilicet salis sit ad jovendum cultum. Bainvel, De magisterio vivo et traditione, n. 107 ; cf. n. 121. « Des faits aussi bien constatés, dit ce dernier auteur, font foi dans les conditions ordinaires ; l’Église n’a pas cru jusqu’ici que leur caractère surnaturel, dûment constaté lui aussi, fût une raison suffisante pour ne pas agir en ce cas comme on agit humainement en cas semblable, et elle va de l’avant. Elle n’y engage pas son infaillibilité ; mais elle y engage son renom de prudence, de discrétion, de sérieux. » Ce qui est dit, en ces termes, des révélations faites par Notre-Seigneur à sainte Marguerite Marie, doit l’être aussi des miracles canoniquement admis. Cf. Bainvel, La dévotion au Sacre-Cœur de Jésus, Paris, 1919, p. 160.