Dictionnaire de théologie catholique/NESTORIENNE (Eglise) III. L'Eglise de Perse sous la dynastie sassanide

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.1 : NAASSÉNIENS - ORDALIESp. 89-101).

III. L'Église de Perse sous la dynastie sassanide (224-632). —

L’avènement d’Ardasir I er marque pour la Perse le début d’une nouvelle ère de puissance. Bêvant de rétablir l’ancien empire des Achéménides, le Boi des rois prend immédiatement comme pivot de sa politique extérieure la guerre contre les Bomains : dès 237, il réussit à s’emparer des deux boulevards de l’Occident à la limite du désert, Nisibe et Harràn. Quelques années plus tard, son successeur, Sapor I er, pousse ses armées jusqu'à Anlioche, assiège Édesse et réduit Valérien à une humiliante captivité, Après bien des alternatives de guerre et de paix, les dernières années de la dynastie sont remplies par le formidable raid de Chosroès II en 614 sur les territoires de l’empire byzantin, suivi de la foudroyante réplique d’Héraclius en 624. L'état de guerre presque continu entre Constanlinople et Ctésiphon a eu sur le développement du christianisme en Perse une influence considérable,

Il est pour la même époque un autre fait à peine moins important : 1a forte organisation du sacerdoce païen. Sasân, l'éponyme de la dynastie, élait prêtre du feu à Istakhr-Persépolis. Son petit-fils, Ardasir, magnifia autant qu’il le put sa religion, qui devint pour lui-même et ses successeurs une religion d'État. C. Huart, La Perse antique et la civilisation iranienne, Paris, 1925, p. 147-149. Conviction religieuse ou raison d'État, peu importe : les princes sassanides ont vu dans les mages les meilleurs auxiliaires de leur politique ; en conséquence, ils ont donné dans leurs conseils une part prépondérante aux chefs du magisme, c’est le plus souvent à leur instigation qu’ils ont persécuté les chrétiens.

Organisation des chrétientés.

Quoi qu’il en soit

de cette situation doublement défavorable, c’est sous la domination des Sassanides que l'Église chrétienne s’est développée et organisée en Perse. Les témoignages indiscutables manquent pour marquer les étapes de l'évangélisation : on devra tenir en tout cas, comme un minimum incontestable, les conclusions que M. von Harnack avait enregistrées avant la publication de la Chronique d’Arbèles, dans Die Mission, ele, 3e édit., Leipzig, 1915, p. 149-151. Les premières communautés furent fondées probablement en 260 par des captifs transportés de Cœlésyrie, qui avaient des prêtres et des évêques avec eux. Le fait est acquis pour Gondê-sabûr ou Beit-Lapat. La Chronique de Séert dit en outre que l’arrivée des captifs syriens fut l’occasion d’une rapide diffusion du christianisme en Perse, et signale que deux églises furent édifiées alors à Bewardasir, une pour les Grecs et une pour les Syriens. Palrologia orientalis, t. IV, p. 222 [12], (texte corrigé par Seybold, Zeitschrift der deulschen morgent ândischen Gesellschaft, L lxvi, 1912, p. 745 sq.). On doit conclure en outre des actes des martyrs qu’il y avait des chrétientés avant 325 à Nisibe, Karkâ d’Beit-Slok, Arbèles, Sahrqart, Darâ, Bët-Lasom, Kaskar.

Il y avait aussi une Église constituée à SéleucieCtésiphon avant la fin du iiie siècle : la. Chronique d’Arbèles lui donne comme premier évêque Pâpâ bar Aggaï, après avoir signalé que deux évêques d’Adiabène, Sahlûpâ et Ahadabûhi, avaient pris soin auparavant de la petite chrétienté non encore pourvue d’un pasteur spécial. La donnée sur Pâpâ correspond à celle relevée ci-dessus dans les Acta S. Maris, qui font de Pâpâ le successeur immédiat du disciple d’Addaï. Il semble en outre que la Chronique d’Arbèles, mettant en connexion avec Séleucie-Ctésiphon les deux évêques Sahlûpâ et Ahadabûhi, explique la présence de leurs deux noms dans la chronique de Mari, au début de la liste patriarcale, où cependant ils se trouvent en ordre inverse.

La Chronique de Séerl ne contient rien sur l’accession de Pâpâ au siège de Séleucie. La première fois qu’elle le cite, c’est dans un texte un peu troublant, où il est associé à Sahlûpâ, comme si tous deux avaient exercé ensemble le catholicat : « Au temps de Sahlûpâ et de Pâpâ, catholicos de l’Orient, et d’Etienne, patriarche de Borne… », P. O., t. iv, p. 236 [26]. Elle dit ensuite que sous Bahram II, Pâpâ endura de grandes souffrances, p. 238 [38 ], puis elle ne contient plus qu’une allusion aux difficultés qu’il eut avec les évêques et ses ouailles, au début de la notice sur son successeur, Simon I er bar Sabbâ'ë, p. 296 [86].

Mais l’histoire de Pâpâ ne saurait être traitée si brièvement, car il a tenu une place à part dans l’organisation de l'Église de Perse. Les diocèses, au début du ive siècle, étaient imparfaitement délimités, les élections épiscopales sans contrôle ; il n’y avait pas de patriarche à proximité devant qui porter les questions discutées. Pâpâ « forma le dessein de fédérer toutes les chrétientés persanes sous l’hégémonie de l'évêque des Villes Boyales ». Labourt, op. cit., p. 20 sq. Ceci n’alla pas sans difficultés. Deux récits de la controverse sont parvenus jusqu'à nous, l’un dans les actes de saint Miles, évêque de Suse, qui semble avoir été le chef de l’opposition, Et. Évode Assémani, Acta sanctorum martyrum orientalium et occidentalium…, part. I, Borne, 1748, p. 72 sq. ; P. Bedjan, Acta martyrum et sanctorum, t. ii, Paris et Leipzig, 1891, p. 266268 ; l’autre dans les actes du synode tenu par Dadiso' en 424, Synodicon orientale, p. 46-48, trad., p. 289292. Le premier de ces récits, comme il convient, donne raison à Miles, le second au contraire montre Pâpâ accusé injustement. Il est certain qu’un synode des 165

NESTORIENNE (L'ÉGLISE) SOUS LES SASSANIDES

évêques de Perse fut réuni, que Pâpâ fut frappé de paralysie au moment où il touchait le livre des saints évangiles, qu’il fut déposé et remplacé par Simon bar Sabbâ'ê, qui était probablement déjà son archidiacre. Mais cette sentence ne fut pas maintenue : Pâpâ reprit, pour autant que sa santé le lui permit, le gouvernement de son diocèse et Simon, réduit à n'être d’abord que son auxiliaire, ne devint qu’après la mort de Pâpâ le véritable titulaire du siège. La tradition attribue ce revirement à une intervention des « évêques occidentaux », par où il faut entendre des évêques appartenant à l’empire romain. Mais la plus ancienne attestation de cette intervention, qui se trouve dans les actes du synode de Dadiso' en 424, ne donne aucune précision sur l’identité des « Pères occidentaux », non plus que sur la démarche par laquelle on eut recours à eux.

Suivant la Chronique d’Arbèles, Pâpâ, discuté par les fidèles et les clercs des Villes Royales, se serait adressé à l'évêque d'Édesse, Sà'dâ, et aux autres évêques d’Occident, par crainte de l’opposition que menait son archidiacre Simon, dont la famille avait des liens particuliers avec la cour. Les évêques d’Occident auraient écrit à Constantin, en lui représentant que « de même qu’en Occident c’est-à-dire sons l’empire des Romains, il y avait plusieurs patriarches, ceux d’Antioche, de Rome, d’Alexandrie et de Constantinople, ainsi fallait-il qu’en Orient, c’est-à-dire sous l’empire des Perses, il y eût au moins un patriarche. » Éd. Mingana, p. 45, trad., p. 121-123. fl y aurait quelque vraisemblance, en effet, que l'évêque de Séleucie se soit tourné d’abord vers Édesse, d’où la tradition fait dériver l'évangélisation de tout l’Orient extra-romain, mais l’anachronisme est brutal, qui prête aux évêques antérieurs au concile de Nicée (Sâ'dâ est mort en 323 ou 324) un raisonnement en faveur de Séleucie, dont l'évêque de Constantinople eut bien du mal de tirer parti en 381, après plus d’un demi-siècle de contact avec une cour chrétienne, où son influence n’avait pas cessé de grandir. Cette donnée de la Chronique d’Arbèles sera d’autant plus justement suspectée qu’elle ignore le synode des évêques de Perse et la déposition de Pâpâ, si fortement attestés par la passion de saint Miles et les actes du synode de Dadiso'.

Quoi qu’il en soit, la soi-disant décision des Pères occidentaux a réglé, au moins à partir du ve siècle, les relations des Églises de Perse entre elles et avec les Églises du monde romain. Le document de base, ignoré des historiens grecs et dont le synode de Dadiso' ne donne qu’une exquisse, n’a pas tardé à être surchargé de toute une correspondance apocryphe, conservée en particulier dans les manuscrits du Sgnodicon, traduite en allemand et annotée par O. Braun, Das Briefwechsel des Katholikos Papa von Seleucia, dans Zeilschrifl fur kalholische Théologie, t. xviii, 1874, p. 164-182 et 546-565. Le jacobite Barhébrreus raconte que certains accusaient le catholicos Joseph I er († 575) d’avoir composé cette correspondance, J.-B. Abbeloos et T. J. Lamy, Gregorii Barhebrsei Chronicon ecclesiaslicum, t. iii, Paris et Louvain, 1877, p. 31, dont M. Braun voudrait sauver quelque chose. Mais la question de savoir, quand et comment le corpus de la correspondance de Pâpâ a reçu sa forme définitive, n’a aucune importance pratique, puisque la lettre des Occidentaux est demeurée sans conteste la charte du siège « patriarcal » de Séleucie-Ctésiphon, insérée sous sa forme définitive dans la collection juridique d'Ébedjésus, qui la suppose écrite la quarantième année après la mort des apôtres Pierre et Paul, 280 ans avant le concile de Nicée, traité IX, c. v, dans A. Mai, Scriplorum vêlerum nova colleclio, t. x, Rome, 1838, p. 323-325, trad.,

166

p. 161-163 ; cf. l’addition de Slibà au Livre de la Tour d’Amr, sous le patriarcat d’Ahadabûhi, édit. Gismondi, p. 7-12, trad., p. 4-7.

Voir pour cette période Mari, édit. Gismondi, p. 8-16, trad., p. 7-14 ; Amr et Sliba, p. 13-15, trad., p. 8 sq. ; Labourt, Le christianisme…, p. 15-28 ; W. A. Wigram, An introduction to the liistory of the assyrian C/iurc/i, p. 31-35.

La persécution de Sapor II.

Nonobstant ces

fluctuations d’une tradition postérieure, il faut tenir que le droit du catholicos et l’organisation intérieure de l'Église de Perse sont dus à l’initiative de Pâpâ. Il était temps : tandis que le christianisme triomphait dans l’empire romain avec Constantin, l’empereur rendu victorieux par la croix, une terrible tempête allait se déchaîner sur les jeunes chrétientés soumises au Roi des rois. Loin que les chrétiens de l’empire romain aient été alors en mesure de rendre service à leurs frères d’Orient, la faveur dont ils jouissaient fut précisément une des raisons qui déclenchèrent la malveillance de Sapor II, une fois qu’il eut repris la lutte contre ses voisins de l’Ouest.

Le décret de persécution fut lancé probablement à la fin de 340 ; cf. P. Peeters, Le « l’assionnaire d’Adiabène », dans Analecla bollandiana, t. xlii, 1925, p. 266, n. 1. Le clergé semble avoir été particulièrement visé ; parmi les premières victimes figure l’ancien auxiliaire de Pâpâ et son successeur, Simon bar Sabbâ'ê. Sapor lui avait enjoint de lever sur ses ouailles une double capitation, sans doute afin de pourvoir aux dépenses extraordinaires occasionnées par la guerre. Le catholicos ayant refusé de collaborer à une monstrueuse oppression de ses fidèles, pauvres pour la plupart, est appréhendé avec deux de ses prêtres les plus anciens, amené à la résidence royale de Karkâ d’Ledân, et introduit enchaîné devant le monarque. Simon est invité à se prosterner devant le souverain et à rendre au soleil les honneurs divins. Il refuse ; le roi le condamne, mais lui laisse avant l’exécution une nuit de répit. Le lendemain, vendredi saint, 17 avril 341, Simon est mis à mort après une centaine de captifs, ecclésiastiques de tout rang, évêques, prêtres, diacres et moines, qui attendaient leur sort dans les cachots de la ville. Le massacre se généralise, mais il prend fin dans le cours de la semaine suivante, pour devenir plus méthodique, après qu’on a trouvé parmi les victimes le cadavre d’un eunuque favori de Sapor.

Le récit de ce martyre figure en tête d’un recueil hagiographique, qui, si utilisé qu’il ait été, n’a pourtant pas été traité comme il le mérite. Les fol. 80219 du manuscrit Vatican syriaque 160 sont le vénérable reste d’un manuscrit de tous points semblable, comme écriture et ponctuation, au fameux Additionnai 12150 du Musée Britannique, écrit en 411. Il ne peut y avoir de doute qu’il ait été écrit dans la première moitié, sinon dans le premier quart, du ve siècle. Or cette circonstance lui donne, lorsqu’il s’agit des martyrs de la persécution de Sapor II, une importance qui ne peut être exagérée. Mais les Assémani ont déclaré que ces feuillets avaient été écrits au x° siècle, Bibliothecx Aposlolicæ Valicanæ codicum manuscriptorum calalogus, t. i, Rome, 1759, p. 324, et Etienne Évode s’est si bien arrangé pour mêler dans les Acta sanctorum marlyrum orienlalium les passions provenant de ce manuscrit unique avec celles de rédactions plus tardives, que la valeur exceptionnelle de la collection a été perdue de vue. Quel qu’ait été l’auteur des récits contenus dans le Val. syr. 160, Marouta de Maypherqat ou le catholicos Ahaï, voir Marouta de Maypherqat, t. x, col. 146 sq., ou quelque autre, l'âge du manuscrit qui les contient oblige à leur donner un traitement particulier. Voici

donc le contenu de cette collection primitive qui, notons-le d’abord, est complète en ce qui concerne les martyrs de Perse, nonobstant la restitution impossible suggérée par M. Kmosko pour l’inscription du fol. 80 v, où il voudrait voir l’indication d’une suite. Patrologia syriaca, part. I, t. ii, Paris, 1907, p. 684. Le fol. 80 actuel était le premier du manuscrit original, laissé en blanc au recto comme il est général dans les manuscrits syriaques anciens, et la passion de Simon commençait le recueil. Il n’y avait donc pas en tête les homélies que suppose Rubens Duval. La littérature Syriaque, 3e édit., Paris, 1907, p. 123. Le premier récit, fol. 80 v°-92, dans Bibliolheca hagiographica orientalis (B. H. O.), Bruxelles, 1910, n. 1117, concerne donc le catholicos, l’eunuque Gustazad, martyrisé un jour avant lui, et les prisonniers de Karkâ d’Ledân, signalés ci-dessus. La souscription du martyre, bien faite pour suppléer le titre particulier qui manquait en tête, donne une idée exacte du contenu : « Est fini ce qui concerne la mise à mort de Simon évêque et le grand massacre des saints martyrs de Dieu, qui eut lieu dans le BeitHuzzâyê. » Suit, fol. 92v°-97v°, le martyre de deux vierges sœurs de Simon, dont l’une s’appelait Tarbô, et de leur servante, B. H. O., n. 1149, en mai 341. Fol. 94v°-96, martyre de 1Il membres cfu clergé et de 9 vierges consacrées à Dieu, le 6 avril 345, B. H. O., n. 718. Fol. 96v°-99, passion de l'évêque Barbasemin, avec 16 membres du clergé, martyrisés à Séleucie-Ctésiphon le 9 janvier 346, B. H. O., n. 135. Fol. 99-1 02v°, martyre, incomplet, de saint Miles, évêque de Suse, du prêtre Abrosim et du diacre Sinoï, le 13 novembre 340, B. H. O., n. 772. Fol. 103, passion, mutilée au début, du moine Barsabias et de ses compagnons, mis à mort le 17 juin 342, B. H. O., n. 146. Fol. 103, passion du prêtre Daniel et de la vierge Varda, le 25 février 344, B. H. O., n. 245 ! Fol. 103v°-104v°, passion de l’archimandrite Badimos le 10 avril 375, B. H. O., n. 131, dont les sept compagnons, après être restés incarcérés pendant plus de quatre ans, furent mis en liberté à la mort de Sapor II. Fol. 104v°-106v°, passion de Narsaï, évêque de Sahrqart, et de son disciple Joseph le 10 novembre 344, B. H. O., n. 806 ; cette passion est suivie d’une liste de martyrs appartenant à la province du Beit Garmaï, B. H. O., n. 807, sur lesquels sont données de très brèves notices. Fol. 106v°, martyre du prêtre Jacques et de sa sœur Marie, le 17 mars 347, B. H. O., n. 426. Fol. 106 v109 v°, passion des vierges consacrées, Thècle et ses quatre compagnes, le 9 juin 347, B. H. O., n. 1157. Fol. 109v°-126, passion des trois vieillards, l'évêque Acepsima, le prêtre Joseph et le diacre Aytallâhâ, martyrisés le 3 novembre 379, B. H. O., n. 22. Ce récit est un magnifique morceau, plein de lyrisme, dépourvu d’ailleurs de circonstances prodigieuses, où l’auteur déclare qu’il a écrit d’après les récits des compagnons de ces martyrs. C’est ainsi que finit cette collection par la souscription : « Ici se terminent les actes des martyrs qui ont rendu témoignage dans la terre d’Orient, au temps de Sapor, roi de l’Orient. » Nous avons noté ci-dessus que la persécution de Sapor II semblait avoir visé surtout les membres du clergé ; Mari, édit. Gismondi, p. 21, trad. p. 18, le reconnaît expressément. Aucune des passions énumérées ne se rapporte directement à des laïcs, comme s’ils n’avaient été mis à mort qu’occasionnellement, sans être recherchés. Il n’est pas fortuit non plus que la liste des martyrs orientaux, insérée dans le manuscrit de 411, contienne uniquement dans sa partie conservée des noms d’evêques, de prêtres et de diacres ; dans la partie effacée figuraient sans cloute quelques noms de laïcs, comme celui de l’eunuque Gustazad cité dans la passion de Simon bar Sabbà'ë,

mais plutôt, croyons-nous, des noms de moines et de vierges consacrées. F. Xau, Un martyrologe et douze ménologes syriaques, dans P. O., t. x, Paris, 1915, p. 23-26. On ne s'étonnera pas que les mages, toutpuissants dans les conseils de Sapor, aient cherché avant tout à se débarrasser des évêques et des prêtres : ils pensaient qu’ils amèneraient facilement à l’apostasie les simples laïcs, une fois le clergé décimé, et leur jalousie professionnelle trouvait une satisfaction particulière dans cette destruction méthodique des cadres chrétiens.

Ce témoignage indéniable de l’ancienne collection, relative aux martyrs persans, invite donc à se tenir en garde contre des appréciations sur le nombre des victimes de la persécution de Sapor, comme celle de Sozomène, qui parle de 16 000 martyrs dont les noms avaient été recueillis, H. E., II, xiv, P. G., t. lxvii, col. 969, à plus forte raison contre les chiffres de Mari qui parle de 160 000, 30 000, puis environ 100 000 et 30 000, édit. Gismondi, p. 17-21, trad., p. 16-18. De même on se tiendra sur la réserve en face des passions de rédaction plus récente, comme celle d’un Qardagh, gouverneur de province, quelque populaire qu’en soit devenu le héros, la popularité n'étant pas une garantie pour l’authenticité des actes. J.-B. Abbeloos, Acla Mar Kardaghi, Assyrise præfecti…, dans Analecla bollandiana, t. ix, 1890, p. 5-106.

Les persécutions qui avaient troublé avant Sapor II la chrétienté persane n’avaient pas eu ce caractère méthodique, celle de Bahram II, par exemple, dans laquelle chrétiens et manichéens semblent avoir été confondus dans une même réprobation, les manichéens étant seuls visés, Chronique de Séert, dans P. O., t. iv, p. 237 sq. [27 sq.]. Il en sera de même dans les persécutions du ve siècle, sous Yazdegerd I er et Bahram V.

La plupart des actes des martyrs persans ont été publiés d’après les manuscrits Vaticans syriaques 160 et 161 par Etienne Évode Assémani, Acla SS. marlyrum orienlalium et occidentalium in duas parles dislribula, Rome, pars I, 1748, avec traduction latine et une abondante annotation historique et géographique ; P. Bedjan, Acla marlyrum el sanctorum, t. n et iv, Paris et Leipzig, 1891 et 1894, a édité une collection beaucoup plus complète, réimprimant d’ailleurs les textes d’Assémani, généralement améliorés, mais sans traduction ; I. Guidi, Indice agiografteo dtgli Acla marlyrum et sanctorum del P. Bedjan, dans Rendiconti délia B. Accademia dei Lincei, Classe di scienze morali, storichee filologiche, ser. V, t. xxviii, Rome, 1919, p. 207-229 ; enfin la Bibliolheca hagiographica orientalis, dans Subsidia hagiographica, 10, Bruxelles, 1910, donne pour chaque saint l'état des textes édités.

Plusieurs textes hagiographiques ont été traduits, en particulier l’Histoire de la ville de Karka d’Beit Slok et de ses martyrs, dans G. Hoffmann, Auszùge ans syrischen Akten persischer Martyrer, ûbersetzt und durcli Untersuchungen zur hislorischtn Topographie erlàulerl, dans Abhandlungen /ùr die Kunde des Morgent andes, Leipzig, 1880, t. vii, fasc. 3 ; d’autres dans O. Braun, Ausgewàhlte Akten persischer Martyrer, mit einem Anhang : ostsyrisches Mônchsleben, dans Bibliothek der Kirclicnvâter, Kempten et Munich, 1915, t. xxii. Plusieurs passions ont été traduites anciennement en grec dans des conditions que l'étude de ces textes ne permet pas encore de préciser ; treize pièces ont été publiées, dont neuf avec traduction latine par H. Delehaye, Les versions grecques des actes des martyrs persans sous Sapor II, dans P. O., Paris, 1905, t. ii, fasc. 4 ; on trouvera dans la préface l’indication des principaux textes grecs relatifs à la persécution de Sapor.

Sur les actes des martyrs, voir W. Wright, A short liislory of syriac literature, Londres, 1894, p. 43-46 ; R. Duval, La littérature syriaque, 3e édit., Paris, 1907, 1>. 119-135 ; A. Baumstark, Geschichte…, p. 55-57 ; Addaï Scher, Considérations critiques sur les passions de certains martyrs perses (actes de Gubarlaha, Adurparva, Behnam, Bassus, tous quatre fils de roi martyrisés avec leur sœur), en ar.ibe dans al-Mas’riq, 1912, t. xv, p. 503-9. Description de la persécution avec critique des sources dans.1. Labourt

Le christianisme…, p. 51-82 ; M. A. Wigiam, .lu introduction to the htslorg of the assyriun Church, Londres, l’JlO, p. 56-76. Sur l’ensemble de cette période : Mari, édit. Gismondi, p. 16-28, trad., p. 14-24 ; Amr et Sliba, p. 15-20, trad., p. 9-12 ; Chronique d’Arbèles, édit. Mingana, p. 48-61, trad., p. 128-140.

3° L’influence de l’Occident : l'École des l’erses. - — La persécution de Sapor II avait ébranlé l’organisation des chrétientés de Perse ; c’est grâce à l’influence de l’Occident qu’elle put se rétablir. Bien que le concile de Nicée ait eu lieu avant la rupture de l'état de paix entre Perses et Romains, les prélats d’Orient n’y avaient été que très faiblement représentés. La Chronique de Séerl dit que Pâpâ, étant trop âgé pour pouvoir vovager, y délégua ses diacres, Simon bar Sabbâ'ë et Sahdost, qui devaient être ses successeurs ; mais d’autres, ajoute la même chronique, citent seulement comme assistants au concile Sahdost et Jacques de Nisibe ; Élic de Merv enfin et Sahdost, évêque de Tirhan, citent comme participants orientaux au concile : Jacques de Nisibe, Georges, évêque du Sindjar, et Jean, évêque du Beit Garmaï, P. O., t. iv, p. 277 [67]. Les listes grecques ne connaissent pour la Mésopotamie qu’Aytallâhâ d'Édesse, Jacques de Nisibe, Antiochus de Resaïna, Maréas de Macédonoupolis et Jean, de Perse. H. Gelzer, H. Hilgenfeld et O. Cunls, Patrum Nicœnorum nomina…, dans Scriplores sacri et profani…, fasc. 2, Leipzig, 1898, p. lxi. Mais il faut se rappeler qu’au temps du concile les quatre villes citées, y compris Nisibe, appartenaient à l’empire romain. Il n’y avait donc qu’un évêque de Perse, Jean, « du Beit Garmaï, nommé par les listes grecques et les autorités nestoriennes tardives que cite la Chronique de Séert.

Il est constant cependant que l’Occident s’intéressait alors à la chrétienté d’Orient, témoin Arnobe, écrivant dans son Adversus Nationes, II, 12 : Enumerari enim possunt… quæ in India gesla sunt, apud Seras, Persos et Medos…, P. L., t. v, col. 828. Et, si l’authenticité de la lettre des Pères occidentaux en faveur de Pâpâ n’est pas démontrée (voir ci-dessus col. 165), il y a pour la rendre plus vraisemblable cette lettre de Constantin à Sap’or, où il lui parle des chrétiens de Perse, lettre dont malheureusement les circonstances ne sont pas connues, mais dont l’insertion par Eusèbe dans la Vita Constantini rend le témoignage irréfragable ; cf. iv, 9-13, édit. I. A. Heikel, Leipzig, 1902, p. 121-2 ; P. G., -t. xx, col. 1157-1161. L’Orient d’ailleurs, à défaut d’une dépendance hiérarchique, ne tarda pas à rechercher la doctrine de l’Occident. Dès son retour de Nicée, dit Barhadbsabbâ 'Arbayâ, Jacques de Nisibe ouvrit une école dans sa ville épiscopale, et y appela comme interprète le jeune diacre Éphrem. Cause de la fondation des écoles, dans P. O., t. iv, fasc. 4, Paris, 1907, p. 377 [63]. Or, il semble bien que le but de cette école, ouverte à la frontière de la romanité, ait été, dès le principe, d’attirer les chrétiens de Perse désireux de s’instruire et empêchés de le faire par l'éloignement, puis par la persécution, car les Mésopotamiens de l’empire romain pouvaient sans trop de difficulté rejoindre les Syriens à Antioche. Pour tous les historiens orientaux, d’ailleurs, l'école de Nisibe est P « École des Perses » ; et c’est sous ce nom qu’elle devint célèbre lorsque, Nisibe ayant été cédée à Sapor par Jovien en 363, saint Éphrem transporta son enseignement à Édesse. L'École d'Édesse est donc bien la porte de communication entre l’Occident et l’Orient, par où pénètre la doctrine grecque. Si Éphrem et les maîtres syriens ou perses qui lui succèdent à la tête de l'École ont un enseignement personnel, il n’en est pas moins vrai qu’un grand attrait pour les ouvrages grecs s’est manifesté dès lors parmi

les professeurs et élèves de l'École, et nombreuses sont les traductions faites dès le début du ve siècle : philosophie aristotélicienne, histoire, sciences profanes, surtout exégèse et théologie. Sans doute les Syriens aussi voulaient s’assimiler les auteurs grecs, et l’on sait qu’un certain nombre de traductions furent exécutées plus tard dans des couvents de la région d’Antioche, mais il semble certain que les Perses, peut-être parce que beaucoup d’entre eux étaient de race indo-européenne, étaient particulièrement friands de la sagesse grecque, si bien qu’ils ont eu dans l’exécution des traductions anciennes une part prépondérante. Cf. W. Wright, A short hislory of syriac lileralure, p. 57-65 ; R. Duval, La littérature syriaque, p. 246, 311 ; A. Baumstark, Geschichte…, passim, sous les noms des membres les plus célèbres de l'École des Perses.

Tandis qu’une jeunesse cléricale remplie d’ardeur se préparait, au delà des frontières, à former un magnifique cadre pour l'Église de Perse au lendemain de la persécution, le siège de Séleucie restait vacant pendant quarante ans environ, après le martyre de trois pasteurs successifs, Simon bar Sabbâ'ë, Sahdost et Barba’semin. Les deux noms que fournissent les chroniqueurs pour la fin du siècle, après la mort de Sapor II, Tomarsâ et Qayyumâ, n’ont laissé à peu près aucune trace dans l’histoire : d’après la Chronique de Séeit, la vacance dura de la 39e année de Sapor à l’avènement de Bahram IV (348-388), P. O., t. v, p. 305 sq. [193 sq. ]. Tomarsâ s’efforça surtout de reconstruire les églises détruites ; de Qayyumâ, élu âgé, nous ne savons rien que sa démission en faveur du futur réorganisateur de la chrétienté persane, le catholicos Isaac.

Lorsqu’en 399 Yazdegerd monta sur le trône, l’empereur Arcadius lui envoya pour le féliciter une ambassade, dont le chef était l'évêque de Maypherqat, Marouta ; cf. Marouta de Maypherqat, t. x, col. 142149. Celui-ci, comme mésopotamien, devait réussir plus facilement qu’un byzantin à la cour de Perse ; en outre, il était, dit-on, habile médecin et les soins qu’il donna avec succès à Yazdegerd lui assurèrent sur l’esprit de ce monarque une influence considérable. Arcadius, en écrivant à Yazdegerd, l’avait engagé à bien traiter les chrétiens de ses États ; Marouta plaida éloquemment en leur faveur et le monarque promit sa bienveillance. C’est alors qu’un synode partiel se réunit, où Qayyumâ put faire accepter sa démission en faveur dTsaac, dont Mari fait un parent de Marouta, p. 30, trad., p. 26, tandis que Barhébræus le suppose de la famille de Tomarsâ (Barhébræus : Tamûzâ), Chronicon ecclesiasticum, t. iii, p. 47 sq.

Nous n’avons aucune information directe sur les premières années du pontificat dTsaac, mais il semble qu’il trouva, dans ses efforts pour réorganiser l'Église de Perse, une opposition analogue à celle qu’avait rencontrée Pâpâ dans la première tentative d’organisation générale. Lui aussi, sans doute, eut soin de mettre au courant de ses difficultés les évêques d’Occident, car dans l’hiver de 409-410 Marouta revenait à la cour de Perse. Cette fois, il était l’envoyé aes évêques le plus directement intéressés aux affaires des chrétiens de Perse, Porphyre, patriarche d’Antioche, Acace d’Alep, Pëqïdâ d'Édesse, Eusèbe de Telia, Acace d’Amid. Synod. orient., p. 18, trad., p. 255. Ces prélats avaient donné à Marouta des instructions écrites, en forme de lettre, l’invitant à réaliser autant que possible l’unité de doctrine et de discipline entre les Églises d’Orient et d’Occident.

Il était si avantageux pour Isaac de recevoir un code ainsi préparé, qu’il traduisit aussitôt du grec en persan la lettre des prélats de Syrie et Mésopotamie

afin de la mettre sous les yeux du roi. Synod. orient., p. 19, trad., p. 256. On répéta pour l’empire perse ce qui avait été fait 85 ans plus tôt pour l’empire romain : Yazdegerd prenait le rôle de Constantin, et il le prit si bien que les historien persans, le trouvant trop peu favorable à la religion zoroastrienne, l’ont qualifié de « pécheur » et d" « impie ». C. Huart, La Perse antique., p. 156 ; Chronique de Séeri, dans P. O., t. v, p. 316 [204]. Quarante évêques furent convoqués à Séleucie par les soins des marzban ou gouverneurs de province, pour la fête de l’Epiphanie, qui était en même temps celle de la Nativité du Seigneur, 6 janvier 410. La grande session eut lieu le Ie * février, et l’on y adopta tout ce que les Occidentaux avaient suggéré : la foi de Nicée et les principaux points de aiscipline qui avaient été fixés par le premier concile œcuménique et les synodes provinciaux qui le complétèrent, surtout au sujet de l’organisation des Églises et du droit personnel des clercs. Synod. orient., p. 1933, trad., p. 257-272. Des mesures immédiates furent prises pour mettre fin à la compétition des sièges de Beit Lapât et Karkâ d’Ledân, qui luttaient pour la possession du titre de métropolitain en Susiane : les compétiteurs, et il y avait deux ou trois évêques pour chacun de ces sièges, furent condamnés à rester dans leurs villes épiscopale’s, privés du droit d’ordination. Après quoi, le synode fixa les titres des métropoles et des évêchés avec leur préséance, donnant pour chaque siège le nom du titulaire légitime.

Cette description de l'état du christianisme en Perse au début du ve siècle, donnée dans le canon 31 et contrôlée par la liste des signataires du synode, mérite d'être reproduite ici (cf. Synod. orient., p. 3336, trad., p. 272-275 et note additionnelle p. 616-618). Le titulaire de Séleucie et Ctésiphon est le « grand métropolitain et le chef de tous les évêques » ; il a un sulïragant, l'évêque de Kaskar, qui est locum tenens pendant la vacance. Beit Lapât, métropole du Houzistan, a quatre sufîragants : Karkâ d’Ledân, Hormizdardasir, Suster et Suse. Nisibe a cinq sufîragants : Arzon, Qardou, Beit Zabdaï, Beit Rahimaï et Beit Moksâyë. Perât d’Maysân a trois sufîragants : Karkà d’Maysân, Rima et Nahagur. Arbèles, métropole de l’Adiabène, a six sufîragants : Beit Nuhadrâ, Beit Bagas, Beit Dasen, Ramonin, Beit Mahqart et Dabarinos (?). Karkâ d’Bêt Slok, métropole du Beit Garmaï a cinq sufîragants : Sahrqart, Latom, Arewân, Radani et Harbagelâl. Mais en dehors de ces provinces organisées, il y a encore d’autres sièges épiscopaux trop distants de Séleucie pour que leurs titulaires aient pu assister au synode, dans la Perside (le Fars actuel), dans les Iles, c’est-à-dire le Beit Qatarâyê, Bahrayn et sa région, dans le Beit Madâyë ou Médie, dans le Beit Raziqâyé ou province de Ray, dans la Médie supérieurieure, dans le pays d’Abrasahr, partie du Khorassan, enfin à Ardai, Tuduru, Masmahig. Cf. au sujet de ces noms E. Sachau, Die Chronik von Arbela, p. 17-28.

Ce qui est remarquable en toute cette afîaire, c’est que le roi de Perse, de psrsécuteur, devenait tout à coup le protecteur de l'Église. Si le monarque luimême n’assista pas aux sessions du concile, il se fit rendre compte par Isaac et Marouta de la session préliminaire, et fit haranguer en son nom les évêques par deux officiers de sa maison, dont le grand vizir. Les nominations d'évêques et autres chefs de communautés seront sanctionnées par l’autorité royale, et celle-ci punira les récalcitrants. Synod. orient., p. 21 sq., trad., p. 250 sq. En retour, les évêques prescrivent des prières pour le Roi des rois. Ibid., p. 22, trad., p. 262.

Isaac vécut peu après la réunion du synode ; à sa mort, survenue à la fin de 410, la Chronique de Séert dit que Marouta, avec l’assentiment des évêques et

du roi, lui donna pour successeur le moine Ahaï, disciple dé Mar 'Abdâ, P. O., t. v, p. 324 [212]. Les chroniqueurs rapportent seulement qu’il jouissait d’un grand crédit auprès du roi, et lui attribuent des récits sur les passions des martyrs de Sapor II.

Ahaï mort vers la fin de 414 après 4 ans, 7 mois et quelques jours de pontificat, ibid., p. 325 [203], Yahballàhâ, autre disciple de' Abdâ, fut élu, sur l’ordre de Yazdegerd, ibid., p. 326 [214 ]. Ainsi, l’entente entre l'Église et l'État continuait comme aussi la paix entre Perses et Romains, et l'Église servait de trait d’union entre les deux empires : Yahballàhâ I er fut envoyé en 418, comme ambassadeur à Constantinople, tandis qu’Acace d’Amid arrivait à Séleucie à la fin de 419, comme ambassadeur de Théodose le Jeune. Cette arrivée d’un prélat romain fut l’occasion d’un synode où dix évêques et métropolitains de Perse se réunirent. On n’y prit point de décisions nouvelles, mais on insista sur la nécessité de s’en tenir aux canons sanctionnés sous Isaac, et l’on proclama d’une façon plus explicite l’acceptation des synodes mineurs : Ancyre, Néocésarée, Gangres, Laodicée. Synod. orient., p. 37-42, trad. p. 276-284. Une fois de plus, c’est en regardant vers l’Occident que l'Église de Perse cherchait à trouver sa formule d'équilibre.

Yahballàhâ mourut au commencement de 420 ; il prévoyait que la paix religieuse ne durerait pas — car Yazdegerd, sans doute sous la pression des mages impatients de voir le roi favorable aux chrétiens et les conversions se multiplier parmi les nobles, avait commencé à manifester des sentiments hostiles — et il avait prié Dieu de lui épargner le spectacle des épreuves à venir. A peine le catholicos était-il mort, que le Roi des rois, prenant prétexte de la destruction d’un pyrée à l’instigation d’un prêtre de Hormizdardasir, nommé Osée, prescrivit de détruire les églises et d’exiler les chrétiens. C’est dans ces circonstances qu’il fallut procéder à l'élection d’un catholicos : on choisit Ma’nâ, ancien élève de l'École d'Édesse, qui était d’origine psrsane et que le roi avait appris à apprécier en le voyant auprès de Yahballàhâ. L’approbation du monarque fut obtenue grâce aux bons offices du chef de la milice, à qui l’on versa une importante somme d’argent. Mais l’espérance des chrétiens fut de courte durée : Ma’nâ reçut du roi de violents reproches et, comme un des prêtres qui l’accompagnaient s'était permis de répondre au monarque, le catholicos fut exilé en Perside et le prêtre décapité. Yazdegerd mourut peu après, mais son fils, Babram V l’Onagre, continua de persécuter. Les victimes furent nombreuses : on mit à mort des évêques et des prêtres comme 'Abdâ, évêque de l’imprudent Osée, ou Narsaï, condamné pour avoir refusé de rapporter le feu sacré à un pyrée, qui avait été installé dans une église. Mais le clergé n'était pas spécialement visé : ce sont plutôt les nobles et les fonctionnaires qui sont en butte aux manœuvres des mages, Hormisdas et Suène, Jacques I’Intercis, Jacques le notaire, etc. Beaucoup échappèrent à la mort par l’apostasie, d’autres franchirent la frontière de l’ouest. Labourt, Le christianisme.., p. 104-118.

Les Perses réclamèrent les fugitifs aux Romains ; ceux-ci répondirent par la guerre. On se battit pendant un an, puis, en 422, la paix fut conclue. Une fois de plus l’Occident venait au secours des chrétiens de Perse : Bahram, sur les instances de Théodose II, promit de laisser à ses sujets la liberté de conscience, obtenant en échange que l’exercice du culte mazdéen serait toléré sur le territoire de l’empire romain. Th. Nôldeke, Geschichte der Perser und Araber zut Zeil der Sasaniden, Leyde, 1879, p. 108, n. 2.

Yazdegerd avait déposé Ma’nâ. Mari suppose que celui-ci mourut presque aussitôt, et qu’on attendit sa

mort pour lui donner un successeur, p. 45, trad., p. 31. Farabokt obtint l’approbation du monarque, grâce au moyen qui avait servi pour son prédécesseur, mais il avait fait certaines promesses aux mages qui le rendaient suspect aux évoques, et ceux-ci, agissant à la cour, obtinrent sa destitution. Farabokt, ainsi que Ma’nâ, ne figurent pas dans les diptyques. La persécution durait encore quand on se réunit pour l'élection du nouveau catholicos, d’où il ressort que les mesures contre les chrétiens ne ressemblaient en rien à celles édictées par Sapor II. Bahram se laissa convaincre par Samuel, évêque de Tous, dans le Khorassan, et Dadiso' fut élu vers la fin de 421 ou tout au début de 422. Mais le nouveau catholicos rencontra une vive opposition de la part de certains évêques et fut mis en prison par ordre du roi. Il ne fut délivré qu’en 422, sur l’intervention des plénipotentiaires romains, à la signature de la paix. Excédé, le catholicos se retira au monastère de DeirQabout, qui ne semble pas connu par ailleurs, probablement en pays arabe, à couvert des entreprises du Roi des rois, ne voulant pas reprendre possession de son siège. Ce n'était pas l’affaire de l'Église de Perse : éprouvée comme elle venait de l'être par la persécution et la compétition des évêques, elle avait plus que jamais besoin d’un chef indiscuté. Trente-six évêques se réunirent, en 424, certains venus de points éloignés comme Rewardasir, Merv, Hérat, Ispahan, pour supplier le catholicos de reprendre sa charge. Ils vinrent jusqu'à Markabtâ d’Tayyâyë, lieu non identifié, mais certainement à l’ouest de Séleucie, et très probablement à l’ouest de l’Euphrate, sous la domination du prince lahmide de Hirâ, qui était alors Mundir I". G. Rothstein, Die Dynastie der Lahmiden in al-Hira, Berlin, 1889, p. 70. Mais Dadiso' exigea d'être mis à l’abri de nouvelles attaques des évêques : c’est alors qu’on rappela l’histoire de Pâpà et l’intervention des Pères occidentaux, non seulement en faveur du premier catholicos, mais aussi pour aider Isaac et Yahballâhâ dans les difficultés intérieures et extérieures de leur Église. Finalement on résolut que, père de tous, le catholicos ne pouvait être jugé et chassé par ses enfants, et que sa cause ne relèverait plus que du tribunal du Christ, Synod. orient., p. 4652, trad., p. 289-297 ; cf. J. Labourt, Le christianisme.., p. 125, n. 1, où sont émis des doutes sur l’authenticité des actes de ce synode. Mari dit que Dadiso' coula ensuite un pontificat heureux et fut enterré à Hirâ, p. 36, trad., p. 31. Mais on peut se demander si l’absence totale d’informations sur le pontificat de Dadiso' ne vient pas de ce qu’il serait resté, tout en gardant le titre de catholicos, à distance de la capitale, à peu près étranger aux affaires. Cela expliquerait bien sa sépulture en pays arabe.

Les actes des martyrs des persécutions de Yazdegcrd I er et Bahram V sont mêlés à ceux de la persécution de Sapor II, dans les deux recueils cités à la fin du paragraphe précédent. Pour cette période, la Chronique de Séerl contient surtout des informations sur l’histoire générale de l'Église ; les passages relatis à l'Église de Perse se trouvent dans P. O., t. v, p. 305-313 (193-201] ; 316-9 [204-7] ; 321-334 [209-222] ; Mari, édit. Gismondi, p. 28-41, trad. p. 24-35 ; Amr et Sliba, p. 21-29, trad., p. 12-17 ; Labourt, Le christianisme…, p. 83-125 ; Wigram, An introduction io ihe hislory of the assyrian Church, p. 77-125.

4° L'Église de Perse devient nestorienne. — Le Synodicon, qui nous a fourni pour les années 410-424 de si précieuses informations, n’a plus rien jusqu’en 486 ; et la Chronique de Séert, comme il a été dit plus haut, manque, par suite d’une lacune du manuscrit, de 422 à 484. Pourtant c’est pendant ces soixante années que se fixe l’avenir de l'Église de Perse. A défaut de sources nestoriennes, il faudra bien nous contenter

d’interroger les historiens monophysites, mais il faut savoir qu’ils sont partiaux, voire fanatiques, comme Simon de Beit Arsam dans sa fameuse lettre sur Barsaumâ de Nisibe et la diffusion du nestorianisme dans l’Orient non romain. Texte syriaque et traduction latine dans J. S. Assémani, Bibliotheca orientons, t. i, Rome, 1719, p. 346-358.

De cet Occident, d’où l'Église de Perse avait reçu une si efficace assistance, allait venir le germe d’une séparation complète. Pendant les vingt-cinq années du pontificat de Dadiso', pour lesquelles nous ignorons tout de l’histoire intérieure des chrétientés persanes, sauf quelques épisodes de la persécution intermittente exercée par Yazdegcrd II, se jouait la tragédie de Nestorius. Les trois patriarcats orientaux de l’empire romain en furent violemment agités, et la répercussion devait en être particulièrement vive à Édesse dans le milieu ardent de l'École des Perses.

La doctrine de. l'École était foncièrement antiochienne : les maîtres qui y faisaient autorité étaient Théodore de Mospsueste et Diodore de Tarse. Pourtant, au moment où Nestorius montait sur le siège de Constantinople, l'évêque d'Édesse, Rabboula, était mal disposé envers les partisans de 1' « Interprète », lequel l’avait contredit en public sur un point d’exégèse, lors d’une visite à la ville impériale. Barhadbsabbâ 'Arbayâ, Cause de la fondation des écoles, dans P. O., t. iv, p. 380 [66]. Ce fut peut-être la raison de son attitude à l’endroit de Nestorius, dont il devint dès le début, un adversaire acharné. R. Duval, La littérature syriaque, p. 389 sq. Quoi qu’il en soit, Ibas, qui professait alors à l'École des Perses, étant devenu le successeur de Rabboula sur le siège d'Édesse en 435, le champ resta à peu près libre aux partisans de Théodore et de Nestorius, malgré l’hostilité de quelques personnages, dont le plus connu est Philoxène, le futur évêque de Mabboug. Deux ans plus tard (437), le directeur de l'École, Qiyorë, mourut et fut remplacé par Narsaï. L'évêque d'Édesse et le directeur de l'École des Perses étant tous deux dyophysites convaincus, on comprend en quel sens s’exerçait l’influence de l'École, où le haut clergé perse continuait de se former. Même si la position de Narsaï devint plus difficile à partir de 449, après la déposition d’Ibas, il ne semble pas qu’il ait dès lors quitté Édesse. Nous avons dit ailleurs les raisons qu’il y a de reporter à 457 la fondation qu’il fit à Nisibe d’une école, qui devint bientôt la véritable École des Perses, après que l'évêque Qûrâ, d’accord avec l’empereur Zenon, eut fermé l'école d'Édesse en 489, art. Narsaï, ci-dessus col. 27.

La venue du célèbre Narsaï à Nisibe contribuait à augmenter l’influence déjà très grande de son ancien condisciple, le métropolite Barsaumâ. Évêque de la frontière, connaissant les usages de l’empire romain, auxiliaire écouté du marzban local, il était aussi apprécié à la cour et jouissait de l’amitié de Péroz, dont il devint un conseiller préféré. Chronique d’Arbèles, édit. Mingana, p. 67, trad., p. 147. Ces contacts répétés avec les.fonctionnaires importants, avec la cour, avec le souverain lui-même, laïcisèrent peu à peu la mentalité de Barsaumâ. II avait du mal de se contenir et vivait avec une moniale, Mamaï ; il aurait désiré voir cette situation légitimée. Précisément, les mages se plaignaient de ce que le haut clergé chrétien était célibataire : plus d’une fois dans les persécutions, cette question avait été une source de chicane. Barsaumâ aurait aimé qu’une législation autorisant le mariage des évêques donnât un apaisement aux zoroastriens et calmât ses remords. On devine que c’en était assez pour rendre le métropolite suspect au catholicos. Celui-ci, Babowaï, qui avait remplacé Dadiso' en 457, était un converti, fervent à ce qu’il

semble ; mais, apostat de la religion nationale, il était comme tel toujours à la merci d’une dénonciation qui le rendait passible de la peine capitale. Il était donc désarmé contre son puissant sutlragant. Barsaumâ devait en outre jouir d’une grande autorité auprès des évêques, dont plusieurs avaient été ses condisciples à Édesse ; il pouvait donc se flatter qu’il obtiendrait leurs suffrages si le catholicos venait à disparaître.

On a conjecturé que ces aspirations ambitieuses amenèrent la fin de Babowaï, sur laquelle nous avons la chance de posséder à la fois des témoignages monophysites et nestoriens..Michel le Syrien, Chronique, édit. Chabot, p. 239, 425 sq., trad., t. ii, p. 123, 437 sq. (le dernier passage d’après Denys de Tell-Mahré, qui cite Marouta de Takrit) ; Mari, p. 42, trad., p. 36 sq. ; Amr et Slibâ, p. 30 sq., trad., p. 18 sq. ; surtout Chronique de Séert, qui reprend au milieu de la notice sur Babowaï, P. O., t. vii, Paris, 1909, p. 99-102 [7-10]. Toutes ces sources s’accordent pour dire que l’occasion du supplice de Babowaï fut une lettre écrite par lui à l’empereur de Constantinople, et saisie à Nisibe par Barsaumâ ou ses partisans. Les historiens monophysites supposent que cette lettre était une réponse a l’invitation de se rendre à Éphèse pour un concile, qui ne pourrait être que le conciliabule monophysite de 449. Mais l’anachronisme est trop violent, car les dates de Babowaï (457-484) ne sont pas discutées : à l'époque du « Brigandage » il n'était pas encore catholicos. Les auteurs nestoriens disent plus correctement que la lettre en question fut écrite à l’empereur Zenon (Amr a par erreur Léon) pour implorer son intervention en faveur des chrétiens, que le Boi des rois recommençait à persécuter, spécialement en Iraq. Chronique de Séert, dans P. O., t. vii, p. 107 [15]. Continuant la tradition de ses prédécesseurs, le catholicos, au moment de l'épreuve, se tournait vers l’Occident.

Selon la tradition monophysite (Marouta et Michel, de qui dépend Barhébrœus, Chronicum ecclesiaslicum, t. iii, col. 63-66), les moines qui portaient la lettre du catholicos, nonobstant les difficultés que celui-ci avait déjà eues avec le métropolite, en arrivant à Nisibe, se présentèrent à l'église, pour v loger, ainsi qu’il convenait. Interrogés par Barsaumâ, ils lui déclarèrent sans hésitation la mission dont ils étaient chargés ; mais celui-ci, feignant de craindre pour la vie du catholicos si Péroz venait à savoir qu’ils avaient franchi la frontière, se fit donner la lettre, dont il promettait d’assurer l’acheminement ultérieur. Les sources nestoriennes, qui ne semblent guère d’ailleurs préoccupées d’innocenter Barsaumâ, ont une histoire un peu différente : la Chronique de Séerl, qui est habituellement la plus détaillée, dit seulement que le courrier de Babowaï, portant la lettre cachée dans une canne creuse, fut reconnu par les partisans de Barsaumâ, qui nterceptèrent la lettre et l’envoyèrent à Péroz, ajoutant toutefois que, selon d’autres", la saisie de la lettre aurait été le fait de Barsaumâ lui-même. Amr, qui est ici indépendant de Mari, raconte que le courrier du catholicos tomba entre les mains des soldats aux ordres de Barsaumâ, qui gardaient un carrefour. Menacé d être arrêté, le courrier se serait enfui en abandonnant la lettre, qui fut transmise à Péroz sans avoir été ouverte. Marouta reproduit un texte de lettre, dans Michel, p. 425, trad., t. ii, p. 437, texte impossible qui serait une formule d’adhésion anticipée au conciliabule monophysite d'Éphèsc. Amr, au lieu d’incriminer la lettre, rend responsable de la mort du catholicos le médecin chrétien du roi, nommé Gabriel, qui, chargé de traduire la lettre en persan pour le souverain, en aurait modifié et aggravé les termes afin de l’exciter contre Babowaï, faisant

ensuite disparaître le texte, ce pour quoi il aurait et désavoué par Barsaumâ, arrivé à la cour aprè s les événements. La Chronique de Séerl rapporte le s faits avec beaucoup de vraisemblance : le catholico s aurait employé dans sa lettre les termes de la prière d’Azarias, Dan., iii, 32 « tu nous a livrés… à un roi injuste, le plus mauvais de toute la terre ». Les chrétiens essayèrent d’expliquer que par « gouvernement impie » le catholicos entendait dire seulement « ennemi des chrétiens », et Babowaï protesta qu’il priait chaque jour pour le souverain. Mais celui-ci réclamait comme preuve d’amitié que le catholicos adorât le soleil. Sur son refus, il le condamna à être suspendu, jusqu'à ce que mort en advînt, par le doigt auquel il portait le sceau dont il avait cacheté la lettre incriminée. Ce martyre arriva entre le mois d’avril et le commencement de l'été de l’année 484, moment où mourut Péroz. P. O., t. vii, p. 102 [10], n. 3.

Maintenant l’influence néfaste de Barsaumâ pouvait s’exercer librement. Les auteurs monophysites prétendent qu’il aurait expliqué à Péroz l’avantage qui résulterait, pour la sécurité de ses États, d’un schisme entre les chrétiens de Perse et ceux de l’empire romain. Ayant fait de Nestorius un ami de la Perse, il prétendit qu’il avait été à cause de cette amitié persécuté par les Grecs ; puis, ayant obtenu de Péroz un corps de troupe, il se mit en devoir d’obliger par la force tous les chrétiens de Perse à professer le nestorianisme. Ceci est la tradition des monophysites de Takrit, qui auraient réussi à détourner le coup qui les menaçait, et celle que l’on conservait verbalement à Mar Mattaï, le fameux couvent voisin de Mossoul, dans le Djebel Maqloub, qui aurait été incendié par le terrible métropolite. La même tradition ajoute que Barsaumâ, arrivé aux frontières d’Arménie, dut reculer devant l’attitude décidée des habitants. D’après Michel, citant une histoire en arabe, Chronique, p. 427, trad., t. ii, p. 440, cette persécution par Barsaumâ aurait duré jusqu'à sa mort, étant supposé qu’il aurait été tué par les femmes d’un village des environs de Takrit, tandis qu’il essayait de les contraindre à communier de sa main dans une liturgie sacrilège. Mais, comme on l’a fait observer, toute cette histoire telle qu’elle est racontée par les monophysites est remplie d’impossibilités chronologiques.

Le coup de force de Barsaumâ en faveur du nestorianisme, pour autant qu’il peut y avoir un fondement à ces traditions, devrait avoir eu lieu immédiatement après la mort de Babowaï et avant l'élection de son successeur ; encore suppose-t-on que Barsaumâ profitait de son crédit auprès de Péroz. Or, il est certain que Barsaumâ était à Beit Lapât, au mois d’avril 484, et que Péroz mourut au début de l'été. Il faut placer en ces deux mois la mort de Babowaï, dont Barsaumâ, alors dans le Houzistan, ne peut avoir saisi, personnellement la lettre à Nisibe, et le coup de force, quel qu’il soit, contre les monophysites du Beit Garmaï et de l’Adiabène.

Les évêques ne se réunirent qu’après la mort de Péroz pour élire un successeur au catholicos martyr. Barsaumâ avait perdu son protecteur. Nous ne savons pas si sa candidature fut discutée, mais les voix se réunirent sur le nom d’un de ses anciens condisciples à l’Ecole d'Édesse, cet Acace, qui lorsqu’il était étudiant était allé avec Barsaumâ et Narsaï en pèlerinage à Mopsueste pour recevoir la bénédiction de Théodule, disciple de Diodore et successeur de Théodore. Acace, toutefois, étant parent de Babowaï, s'était depuis longtemps détaché de Barsaumâ, se fixant à Séleucie où il enseignait, et il avait aidé le catholicos à se défendre contre le métropolitain de Nisibe et ses partisans.

Il semble bien que Barsaumâ tenta de s’opposer au

nouveau catholicos. La Chronique de Séert prétend que ce dernier fut maltraité par les niâmes et emprisonné, et aussi qu’il fut accusé d’immoralité par le turbulent métropolite. P. O., t. vii, p. 113 [21] ; Mari, p. 43, trad., p. 37. Mais il est vain d’imaginer, avec les auteurs jacobites, que Barsaumâ aurait contraint Acace à embrasser le ncstorianisme, en le menaçant de le faire mourir. Michel le Syrien, Chronique, p. 420, trad., t. ii, p. 439. Acace était dyopbysite de par sa formation ; rien ne l’empêchait donc de s’entendre avec Barsaumâ sur le dogme. Mais il était plus diflicile d’opérer une réconciliation totale : celle-ci eut lieu cependant au village deBeit 'Edraï, en Adiabène, où un certain nombre de prélats se rencontrèrent en septembre 485, et moyennant une correspondance entre le patriarche et son sufïragant, dont nous sont parvenues six pièces. Synod. orient., p. 53, 525-531, trad., p. 299-301, 531-539. Le synode schismatique de Beit Lapât, que Barsaumâ avait tenu contre l’autorité de Babowaï, était déclaré nul et ses canons inexistants.

L’assemblée deBeit 'Edraï ayant été tenue dans un but particulier, elle fut suivie en février 486 d’un véritable synode, réuni à Séleucie. Plusieurs partisans de Barsaumâ y assistaient, mais lui-même s'était excusé. On s’occupa de mettre fin au trouble causé par des moines itinérants, qui circulaient à travers villes et villages, prêchant une christologie corrompue. Prenant donc des mesures disciplinaires pour les renvoyer dans leurs déserts, le synode propose un raccourci de l’orthodoxie en matière d’union : « Notre foi doit être, en ce qui concerne l’incarnation du Christ, dans la confession des deux natures de la divinité et de l’humanité. Nul de nous ne doit introduire le mélange, la commixtion ou la confusion entre les diversités de ces deux natures ; mais, la divinité demeurant et persistant dans ses propriétés et l’humanité dans les siennes, nous réunissons en une seule majesté et une seule adoration les divergences des natures, à cause de l’union parfaite et indissoluble de la divinité avec l’humanité. Et si quelqu’un pense ou enseigne aux autres que la passion ou le changement est inhérent à la divinité de Notre-Seigneur, et s’il ne conserve pas, relativement à l’unité de personne de Notre-Seigneur, la confession d’un Dieu parfait et d’un homme parfait, qu’il soit anathème ! » Synul. orient., p. 54 sq., trad., p. 302. On y ajouta des prescriptions relatives au mariage : le mariage postérieur à l’ordination diaconale ou presbytérale était autorisé : Barsaumâ absent triomphait et l'Église de Perse se rangeait officiellement du côté « nestorien ». Aussi, Acace, ambassadeur du Boi des rois à la cour de Constantinople, en 487 (à l'époque du schisme acacien), y vit sa foi suspectée : il dut, pour être accepté à la communion, exposer sa foi et anathématiser Barsaumâ. Celui-ci demeurait d’ailleurs le suffragant indiscipliné, qu’il avait été sous Babowaï : de 491 à 497, le différend fut aigu entre Barsaumâ et Acace, qui s’accablèrent mutuellement d’anathèmes ainsi que leurs partisans. Synod., orient., p. 63, trad., p. 312.

L’entente eût été préférable, car les monophyrites s’agitaient. Ayant une forte base sur le tenitoire de l’empire romain, ils opéraient surtout aux frontières. A Nisibe, Barsaumâ ne savait comment se défendre contre eux : refoulant son désir d’indépendance, il avait imploré du catholicos, en 486, une condamnation solennelle de ces meneurs. Synod. orient., p. 528 sq., trad. p. 574-576. En territoire aiabe, ils s’organisaient sous l’administration tolérante des princes lahmides et Simon, consacié évêque avec le titre de Beit Aisam, village insignifiant des environs de Séleucie, était l'âme de ce centre d’opérations, assez puissant d’ailleurs pour obtenir une intervention de

l’empereur Anastase en faveur de ses coreligionnaires. Voir sa notice par Jean d’Asie, édit. E. Y. Brooks, John oj Ephesus, the Unes o/ the eastern saints, dans l'. ()., t. xvii, p. 137-158. En 497, deux évêques tenaient encore pour le monophysisme : le synode de Babaï leur donne un an de répit avant une condamnation définitive, c'était Pâpâ, évêqUc de Beit Lapât, ancien condisciple de Philoxène de Mabboug, le grand organisateur à distance de la propagande raonophysite, et YazdacL, évêque de RewardaSir. Synod, orient., p. 65, trad., p. 314. Mais ces résistances individuelles ne comptent pas devant les trente-neuf signatures qui s’alignent au bas des actes ; l’Eglise de Perse était bien définitivement « nestorienne ». Elle l'était avec l’agrément du Roi des rois, puisque Qawad, voulant apprécier les religions de son empire, avait donné la préiérence au traité d’Elisée, interprète à l'école de Nisibe, qui lui avait été piésenté par Acace. P. O., t. vii, p. 126 [34 ]. On le vit bien quanti le monarque fit arrêter tous les évêques et supérieurs de couvents monophvsites. P. O., t. xvii, p. 153.

Pour cette période, voir Chronique de Séert, dont l’inrormation est abondante et intéressante, dans P. O., t. vii, p. 99-127 [7-34] ; Mari, p. 41-46, trad., p. 35-40 ; Amr et Sliba, p. 29-35, trad., p. 17-21 ; Barhébræus, Chronicon ecclesiaslicum, t. iii, col. 59-80 ; Labourt, Le christianisme.., , p. 131-158 ; W. A. Wigram, An introduction…, p. 112-171 ; A. Seher, École de Nisibe, son origine, ses règlements ei ses hommes célèbres (en arabe), Beyrouth, 1905.

5° L'Église de Perse aux VI" et vir siècles. — La bonne entente qui avait régné entre le pouvoir civil et Acace, nonobstant les intrigues de Barsaumâ, se poursuivit sous son successeur Babaï. Qawad, ayant soulevé l’universelle réprobation du clergé niazdéen et des nobles, en essayant d’appliquer les théories mazdakites sur la communauté des biens et des femmes, avait été déposé et remplacé par son frère Zamasp. Celui-ci fit appel au catholicos pour une saine réglementation du mariage : il fallait lutter contre les unions illégitimes. Le synode se contenta de confirmer l’autorisation donnée sous Acace à tous les membres du cleigé, « depuis le patriarche jusqu’au dernier de la hiérarchie, de contracter un chaste mariage, avec une seule femme, pour en user et engendrer des enfants. » Synod. orient., p. 63, trad., p. 312. Babaï lui-même était marié, et sa femme, dit la Chronique de Séert, l’aidait à faire le bien et à diriger les affaires ecclésiastiques. P. O., t. vii, p. 129-137 [37-45 ].

Il n’en fut pas de même pour son successeur Sila, dont la femme, aimant l’argent, devint le mauvais génie. Ibid., p. 136 [4-1 ]. Difficilement supporté par l’ensemble du clergé, il sut maintenir son crédit auprès de Qawad, grâce à l’appui de Buzaq, évêque de Suse ; mais sa mort, qui arriva la trente-quatrième année de Qawad quillet 521-juillet 522), provoqua un schisme. Sila avait fait son testament, par lequel il avait désigné pour être son successeur un médecin, nommé Elisée, qui était devenu son gendre. Buzaq avait un autre candidat, Narsaï, qui était un homme d'études, versé dans les sciences ecclésiastiques. Les évêques et le peuple se divisèrent. Buzaq essaya de faire intervenir le roi, qui était à Holwân, mais David, métropolite de Merv, avait déjà procédé au sacre d’Elisée, avant que Narsaï eût pu être consacré dans l'église cathédrale. Elisée, par 1 intervention d’un confrère, Lëroê, médecin du roi, et ijrâce à de nombreux présents, avait d’ailleurs obtenu un acte royal en sa laveur. La situation était peu claiie, si bien que le métropolite de Beit Lapât, et l'évêque de Kaskar préférèrent se tenir en dehors de la querelle. Pendant douze ans, les deux compétiteurs continuèrent la lutte au milieu

des anathèmes, des ordinations simoniaques, etc., Elisée s’appuyant sur Bèroë et brandissant des édits royaux, jusqu'à ce qu’enfin Narsai mourut. Mais lorsqu'Élisée croyait son triomphe assuré, le roi commanda de le déposeï, et Paul, archidiacre de Suse, qui était resté sur la réserve pendant tout le schisme, fut élu sur l’ordre de Khosrau Ie ' Anusirvan. Il mourut deux mois plus tard, le dimanche des Rameaux de l’année 537, d’après la Chronique de Séerl, P. O., t. vii, p. 117-153 [55-61 ], ou plutôt en 539, car il ne semble pas qu’il y ait eu une longue vacance du siège ; cf. infra.

L'Église de Perse, horriblement désorganisée par ce long schisme, trouva le réformateur dont elle avait besoin dans la personne d’Abâ I" (souvent appelé Maraba dans les histoires récentes). Né dans la religion mazdéenne, entré dans l’administration et secrétaire d’un marzban, il se convertit à la suite d’un prodige, ayant été arrêté à deux reprises dans la traversée du Tigre par une tempête soudaine, après qu’il eut refusé le passage sur son embarcation à un jeune chrétien qui le lui avait demandé comme une faveur. Baptisé, il était allé à Nisibe pour s’instruire dans les sciences ecclésiastiques et y avait obtenu le titre d’interprète, puis il était parti pour l’Occident, afin d’y étudier le grec. Son biographe ie montre expulsé d’Alexandrie par les jacobites, jaloux du succès de son enseignement, puis à Constantinople, d’où il s’enfuit avec d’autres docteurs persans pour ne pas avoir à prononcer l’anathème contre Diodore, Théodore et Nestorius. De retour à Nisibe, Abâ voulait se retirer au désert, mais les évêques le contraignirent d’enseigner. Il jouissait donc d’une réputation considérable, lorsque les suffrages unanimes l’appelèrent au siège de Séleucie. Au témoignage de la Chronique de Séert, suivie par Amr et Barhébræus, cette élection aurait eu lieu dans la sixième année de Khosrau (537). mais d’après Elias Djauhari, métropolite de Damas, cité par, J. S. Assémani, Bibliolheca orientalis, t. m b, p. 78. et surtout d’après les manuscrits du Synodicon, p. 73, trad. 326, cf. p. 318, n. 3, elle n’aurait eu lieu que la neuvième année, janvier 540. Avant la fin de cette même année, en octobre, dès que la paix eut été établie dans la chrétienté des Villes Royales, Abâ, accompagné de plusieurs évêques, commençait une visite des diocèses les plus troublés par le schisme : de Kaskar on se rendit à Perat d’Maysan, Hormizdardasir, Rewardasir, où l’on déposa l'évêque Acace, à Suster, où un soi-disant évêque, invalidement ordonné, fut autorisé à exercer les fonctions de l’ordre presbytéral, à Beit Lapât enfin, où un usurpateur du titre de métropolite, relaps après une première pénitence, fut destitué et excommunié. Sijnod. orient., p. 70-80, trad., p. 321-332. Ne pouvant aller jusque dans le Ségestan, Abâ et neuf évêques qui l’assistent, décident un démembrement temporaire du diocèse, afin que les deux évêques vivants en aient chacun une partie, l’unité du siège devant être rétablie en faveur du dernier survivant. Ibid., p. 85-89, trad., p. 338345. Quelques années plus tard, l'Église de Beit Lapât étant veuve et l'évêque de Nisibe étant persécuté per ses ouailles, Abâ empêché d’aller sur place écrit une encyclique à tous les métropolites ou évêques de sa juridiction, pour les avertir qu’il se réserve le contrôle de toute élection et ordination en faveur de. ces deux sièges. Ibid., p. 89-95, trad., p. 345-351.

Le catholicos, qui regrettait de ne pouvoir se rendre dans les diocèses qui avaient besoin de sa présence, était alors sans doute exilé dans lvzerbeidjan, où il demeura sept ans ; il ne manquait pas de raisons pour le punir, puisqu'étant né mazdéen, il était légalement coupable d’apostasie aux yeux des fonctionnaires de la religion nationale Ceux-ci lui en voulaient

|en outre à cause de son zèle et de son excellente administration des affaires ecclésiastiques, laquelle devait contribuer grandement au développement du christianisme. Mis en danger par les intrigues d’un renégat, ancien évêque déposé, qui cherchait à le tuer au lieu de son exil, Abâ s'échappa avec Jean, évêque légitime de la province, et revint à Séleucie, où il demeura pendant trois ans, traité comme prisonnier. La persécution, qui s'était déclenchée en 540, au moment où Khosrau partait en guerre contre l’empire byzantin, s'était apaisée en 545, lorsque la paix avait été conclue avec Justinien. On peut s'étonner que le catholicos n’ait pas été mis à mort ; il dut sans doute son salut à sa valeur personnelle, qui semble avoir fait grande impression sur le monarque. Lorsque, vers la fin de sa vie, un de ses fils, Anosazad, s’insurgea contre lui, Khosrau eut recours à l’influence du catholicos sur les chrétiens de Beit Lapât pour obtenir par eux que les portes de la ville où le rebelle s'était fortifié fussent ouvertes à ses troupes. Abâ le Grand mourut peu après dans la nuit du deuxième vendredi de carême, 29 février 552. P. O., t. vii, p. 145-170 [62-78] ; O. Braun, Das Buehder Synhados, Stuttgart et Vienne, 1900, p. 93-97 : vie anonyme, édit. Bedjan, dans Histoire de Mar Jabalaha, de trois autres patriarches, d’un prêtre et de deux laïques nestoriens, Paris et Leipzig, 1895, p. 206-274.

Soucieux d'éviter les troubles qui avaient suivi la mort de Sila, Abâ avait déterminé la façon dont devrait être élu le catholicos, à savoir par les évêques de la province de Séleucie-Ctésiphon et les quatre métropolitains de Beit Lapât, Perat d’Maysan, Arbèles et Beit Slok, accompagnés chacun par trois évêques. L’ordination devait se faire dans la grande église de Kokè. Synod. orient., p. 543-545, trad., p. 553-555. Pourtant Abâ eut un détestable successeur. Joseph avait vécu longtemps en Occident et y avait appris la médecine : présenté à Khosrau par le marzban de Nisibe qui l’avait pris en amitié, il soigna le monarque et dut à ses succès médicaux d'être le candidat du Roi des rois. Il fut ordonné régulièrement en mai 552, tint à Séleucie en janvier 554 un synode, dont les prescriptions sont remplies de sagesse. Mais, après trois ans de pontificat, Joseph se mit à pratiquer la simonie et à maltraiter indignement les évêques et les prêtres, causant la mort de Simon d’Anbar, chassant l'évêque de Zâbê, qu’il remplaça par un médecin, favori de Khosrau, arrachant à l'évêque de Darabgerd le décret royal qui mettait fin à la persécution dans son diocèse, sous prétexte qu’il l’avait obtenu sans l’intervention du catholicos. P. O., t. vii, p. 176178 [84-6]. Les chrétiens, outrés à la vue de ses crimes, le rayèrent bientôt des dyptiques, mais il fallut plusieurs années pour qu’on obtînt du Roi des rois la permission de le remplacer, ce qui arriva grâce à l’apologue de l'éléphant donné par un roi à un pauvre, qui ne pouvant ni le faire entrer par la porte trop petite de sa maison, ni le nourrir, le ramène à son bienfaiteur. Les évêques se réunirent en février 567 pour élire un autre catholicos et tombèrent d’accord sur le nom d'Ézéchiel, le médecin devenu évêque de Zâbë. Mais des partisans de Joseph ayant protesté, Khosrau interdit de procéder à l’ordination. Ibid., p. 181 sq. [89 sq. ]. Pendant trois ans l'évêque de Kaskar demeura locum tenens.

Après la mort de Joseph, les électeurs du catholicos se réunirent à nouveau, et la majorité des suffrages avait déjà désigné un certain Isaï, lorsque plusieurs évêques déclarèrent qu’ils tenaient au candidat précédemment désigné, Ézéchiel de Zâbê. L’affaire fut soumise au roi, qui autorisa l’ordination. Encore que sa carrière antérieure promît peu, le nouveau catho licos gouverna bien : par sa bienveillance, il gagna

tous les cœurs. Il tint un synode en février 576, dont les canons supposent une Église pacifiée, où l’on s’occupe de mettre ordre à certains points d’importance secondaire. Synod. orie.nl., p. 110-129, trad., p. 368-389.

Ézéchiel étant mort, après avoir été aveugle pendant les deux dernières années de sa vie, P. O., t. vii, p. 195 [103 J, fut remplacé par Iso’yahb, évêque d’Arzon, en 582. Les évêques hésitaient entre deux noms, ce fut Hormizd IV qui décida, se rappelant avec reconnaissance que l'évêque d’Arzon lui avait donné de précieuses informations sur les mouvements des troupes romaines. Le monarque était d’ailleurs favorable aux chrétiens, ce que les mages lui reprochaient amèrement. Il semble que sous son règne l'Église nestorienne se développa et s’affermit ; elle souffrit cependant de plusieurs difficultés intérieures, dont la plus importante fut le différend suscité par Hënânâ l’Adiabénien, directeur de l'École de Nisibe, de 572 à 610. Étant origéniste, il abandonnait dans son enseignement la doctrine de Théodore, et se servait du terme de ©eoroxoç, suspect à Nestorius. Cela donna lieu à divers mouvements parmi les huit cents élèves de l'école, jusqu’au jour où le métropolite Grégoire quitta Nisibe, dont les habitants soutenaient Hënânâ, tandis que trois cents élèves quittaient l'école. Les monastères, citadelles conservatrices, opposèrent une vive résistance aux nouveautés henaniennes ; voir les extraits de la vie de Grégoire d’Izala, par exemple, dans Synod. orient., p. 626-629 ; puis des condamnations officielles intervinrent, mais Hënânâ jouissait d’un tel crédit auprès des autorités civiles, qu’elles demeurèrent toujours anonymes, tout à fait indirectes au synode d’Iso’yahb (585), ibid., p. 136-138, trad., p. 398400, à peine plus formelles sous Sabriso', ibid., p. 196198, trad., p. 456 sq., 459, et sous Grégoire I er, ibid., p. 208-210, trad., p. 474-476.

C’est probablement dans le même temps que les diocèses de la Perse méridionale se séparèrent de l’obédience de Séleucie : au synode de 585, malgré l’invitation réitérée du catholicos, on remarqua l’absence du métropolite de Rewardasir, et il apparaît par les lettres d’Iso’yahb HI que les évêques du Fars avaient cessé dès avant l’Islam de recevoir leur consécration des mains du catholicos, cf. infia. Le Synodicon orientale contient pour le pontificat d’Iso’yahb I er, outre le récit du synode qu’il tint pendant l'été de 585, p. 130-165, trad., p. 390-424, une lettre à Jacques de Dayrin, île du Golfe Persique, lui envoyant vingt décisions ou canons, en réponse à trente-trois questions qu’il avait posées, p. 165192, trad., p. 424-451, et un symbole de foi, p. 192196, trad., p. 451-455.

Cependant Hormizd IV s'était aliéné l’armée, sur laquelle son général Bahrâm Tchobin, vainqueur des Turcs, avait un ascendant considérable : il fut mis en fuite, tandis que son fils Khosrau II Parvîz était proclamé roi, mais celui-ci eut bientôt à reconquérir lui-même son trône sur l’orgueilleux général, en demandant l’appui de troupes grecques. Il reçut de l’empereur Maurice l’aide dont il avait besoin, épousa une de ses filles, Marie, et se montra bienveillant pour les chrétiens, du moins jusqu'à la mort de Maurice. Vers la fin du pontificat d’Iso’yahb I er, le roi deHîra, al-Nu’man, se convertit et peu après les jacobites durent abandonner ses États.

La désignation de Sabriso', évêque de Lasom, comme successeur d’Iso’yahb, fut l'œuvre du roi Khosrau, à qui il était apparu dans une vision, un peu avant sa victoire sur le rebelle Bistam. Le choix était excellent, car Sabriso' avait une grande réputation de sainteté, mais il était âgé, si bien que les évêques, d’ailleurs sur l’invitation du roi, durent lui donner un auxiliaire

en la personne de Milas, évêque de Sonna, qui fut plus tard représentant du monarque à Constantinople, où le patriarche ne pouvait aller. Les biographes de Sabriso' racontent un grand nombre de faits mer veilleux ; cf. sa vie par un moine nommé Pierre, édit. Bedjan, dans Histoire de Mar-Jabalalia…, Paris et Leipzig, 1895, p. 288-331, et Chronique de Sri ii, dans P. O., t. xiii, p. 474-504 [154-184]. Son synode, tenu en mai 596, contient peu de prescriptions ; le Synodicon orientale, qui en a conservé le compte rendu, p. 196-200, trad., p. 456-461, y joint la transcription de deux actes relatifs aux moines de Bar Qayti, dans la région du Sindjar, qui s'étaient convertis du messalianisme, p. 200-207, trad., p. 461-470.

L’assassinat de l’empereur Maurice, en 602, irrita Khosrau contre les Grecs, et il résolut de leur faire la guerre pour tirer vengeance de la mort de celui qui avait été son bienfaiteur, et mettre sur le trône Théodose, fils de la victime, qui s'était réfugié auprès de lui. Sabriso' lui prédit la victoire, lui recommanda la modération, puis mourut à Nisibe, tandis que le Roi des rois faisait le siège de Dara. Lorsque cette ville fut tombée, après neuf mois de siège, Khosrau étant rentré à Séleucie, les évêques choisirent comme catholicos, Grégoire, ancien évêque de Kaskar, puis métropolite de Nisibe, qui avait quitté cette ville après son différend avec Hënânâ, directeur de l'École des Perses. Une cabale s'étant formée contre lui parmi des chrétiens qui appartenaient à la maison du monarque, ceux-ci parvinrent avec la complicité de Sirin, son épouse chrétienne, à lui substituer un autre Grégoire, natif de Maysan, ancien élève de l'école de Séleucie. Le souverain s’aperçut de la substitution, et d’abord s’en irrita, puis il se rendit ; mais on vit bientôt que le nouvel élu manquait à la justice. Khosrau le méprisa et commença à persécuter les chrétiens.

Lorsque Grégoire mourut en 609, ses biens furent confisqués par ordre royal, et il fut interdit de lui donner un successeur. L'Église de Séleucie demeura veuve jusqu'à l'élection d’Iso’yahb II en 628. Les jacobites en profitèrent : Gabriel, médecin du roi, originaire du Sindjar, qui avait été anathématisé par Sabriso' pour bigamie, les favorisait de tout son pouvoir. En outre, de nombreux négociants de Syrie, qui étaient jacobites, entrèrent en Perse à la suite des armées que Khosrau avait envoyées en territoire grec ; ils se fixèrent dans diverses villes, jusque dans le Khorassan et le Ségestan. Il y avait dès lors dix sièges épiscopaux pour les jacobites de l’empire persan, dont Takrit devint la métropole, son évêque ayant le titre de mafrien, vicaire pour la Perse du patriarche jacobite d’Antioche. P. O., t.xin, p. 543-5 [223-225].

Souffrant de cette situation, humiliés de ne plus avoir un chef pour leur Église tandis que les jacobite s’organisaient, les évêques nestoriens tentèrent en 612 de modifier la décision du roi. Ils firent venir du monastère de Beit’Abé, au mont Izala, un moine nommé Georges, auparavant Mihramgusnap, dont le père avait occupé dans l’administration une position importante. Grâce aux relations que Georges s’empressa de renouer à la cour, ils furent autorisés à présenter une supplique, mais à condition d’y joindre, comme justification de leur foi, une réponse à trois questions évidemment dictées par le médecin renégat, Gabriel, que le rédacteur du Synodicon orientale qualifie avec amertume de « chef de la faction des ©eoroxo-xtroa », p. 562-580, trad., p. 580-598. Les évêques ne reçurent aucune réponse, et Georges, qui avait offensé Gabriel, ayant été dénoncé comme converti du magisme, mourut crucifié à Séleucie, après une longue détention, le 14 janvier 615. Sa vie a été publiée par Bedjan, Histoire de Mar-Jabalaha…, p. 416-571 ; traductio. de certains passages dans Synod. rient., p. 625-634

Après trente-huit ans de règne, Khosrau II fut assassiné ; son lils Siroi, qui aurait été chrétien en secret, le remplaça sur le trône. Il s’empressa de faire la paix avec Héraclius et permit aux chrétiens de se choisir un catholicos. P. O., t. xiii, p. 551 [231 ]. Ancien élève de l'école de Nisibe, d’où il était sorti par aversion pour l’enseignement de Hënânâ, Iso’yahb était devenu évoque de Balad, bientôt exilé par Khosrau If. Nous ne savons rien sur les circonstances de son élection, pas même si elle fut réalisée avant la mort de Siroi. Les troubles, qui suivirent la mort de celui-ci après six ou huit mois de règne, ne lui laissèrent pas l’opportunité de réunir un synode. L’ambassade auprès d’Héraclius, dont il fut chargé par la reine Bôrân en 629, si elle eut quelque succès diplomatique et lui gagna la faveur des monarques, eut pour conséquence de lui rendre très difficile l’exercice de son pontificat. Il avait remis au basileus une confession de foi rédigée en des termes conciliants, avait été admis à la communion et avait accepté de célébrer les saints mystères avec participation du monarque, sans nommer les trois docteurs, Diodore, Théodore et Nestorius, pourvu qu’on ne l’obligeât point à mentionner Cyrille. Mais plusieurs évcques, et surtout Barsaumâ de Suse, lui reprochèrent amèrement cette tentative de rapprochement -avec les chalcédoniens. P. O., t. xiii, p. 561-579 [241-2501.

Bôrân se retira peu après le retour de son ambassadeur, et les années suivantes s'écoulèrent dans une série de compétitions pour la couronne de Perse. Lorsque Yazdegerd III prit le pouvoir en 632, il était trop tard pour galvaniser l’empire et le dresser contre l’Islam, qui l’attaquait à la frontière du désert. En juillet 637, la capitale des Sassanides tombait aux mains des Arabes.

Voir sur l’ensemble de cette période : Chronique de Séert, dans P. O., t. vii, p. 128-201 [36-109 Jet t. xiii, p. 437-582 [117-262] ; Mari, p. 46-61, trad., p. 40-54 ; Amr et Sliba, p. 35-54, trad., p. 21-32 ; Barhébneus, Chronicon ecclesiaslicum, t. iii, col. 81-128 ; une chronique anonyme, composée par un nestorien entre 670 et 680, a été publiée par I. Guidi, Un nuovo ieslo siriaco sulla storia degli ultimi Sassanidi, dans les Actes du huitième congrès international des orientalistes, tenu en 1889 à Stockholm et Christiania, Leyde, 1891-1893 ; réimprimée par le même avec traduction latine sous le titre de Chronicon anonymum, dans Corpus scriptorum christianorum orienlalium, Scriptores syri, ser. III, t. iv, p. 15-39, trad., p. 13-32 ; préférer la traduction allemande par Th. Nôldeke, accompagnée de notes excellentes, Die « on Guidi herausgegebene syrische Chronik, dans Sitzungsberichte der k. Akademie der Wissenschaften, phil. hist. Classe, Vienne, 1893, t. cxxviii, IX Abhandlung ; J. Labourt, Le christianisme…, p. 154-246 ; W. A. Wigram, An introduction…, p. 172-264, 299-312. Sur les causes de la décadence de la dynastie sassanide et la situation des chrétiens dans leur empire, très bon exposé de L. Cætani : Cause délia decadenza dell’impero Sassanida et I popoli crisliani sottomessi ai Sassanidi, dans Annali dell' Islam, Milan, 1907, t. n b, p. 861-S82 et 890-912.

Le monaclusme en Perse.

On a vu dans les

cinq paragraphes précédents les vicissitudes de l'Église officielle sous les monarques sassanides. Après la violente persécution de Sapor IL dirigée surtout contre le clergé, la chrétienté persane passa tout d’un coup, au début du ve siècle à un régime qu’on aurait pu croire concordataire, mais qui fut bientôt un régime d’asservissement. Il avait été entendu, lors de l’ambassade de Marouta de Maypherqat, que le Roi des rois devenait le protecteur de l'Église en Perse comme l'étaient, dans l’empire romain, les successeurs de Constantin. Mais les circonstances n'étaient pas identiques : les autocrates sassanides avaient une religion officielle, et cette religion n'était pas le christianisme. Leurs prêtres ne toléraient d’ailleurs aucun syncrétisme, proscrivaient de tout

leur pouvoir les autres religions. D’autre part, les basileis, si personnels qu’ils voulussent être, étaient liés par les habitudes juridiques de Rome, tandis que rien ne venait limiter l’autorité du monarque persan, dont les édits étaient immédiatement exécutables. De là cette perpétuelle inquiétude de la chrétienté persane, la mise hors la loi de tout néophyte venu du mazdéisme, l’option souvent offerte aux chefs de l'Église entre des actes que leur conscience réprouvait et la prison, l’exil ou la mort.

On s'étonne que dans de telles conditions, avec un lias clergé marié et un haut clergé en proie à de nombreuses dissensions, le christianisme ait pu faire des progrès. Mais, de même que dans le haut Moyen Age occidental, au milieu des barbares lentement christianisés, les moines surent maintenir l’idéal de sainteté chrétienne, de même en Perse ils furent à la fois les mainteneurs du dogme et de la morale, et les missionnaires convertisseurs.

L’origine de l’institution monastique en Perse est inconnue. Au ive siècle, il y avait à côté des simples fidèles des « fils » et « filles du pacte », bnaï qiijâmâ, dont les « démonstrations » d’Aphraate et les actes des martyrs nous révèlent l’existence. Ils étaient consacrés à Dieu, vivaient dans le célibat, s’adonnaient à la prière, à la lecture, à l'étude, jeûnaient fréquemment ; fils et filles du pacte ne devaient pas cohabiter. Il est impossible de déterminer exactement quelle était la place occupée par ces voués dans l’organisa Mon ecclésiastique. La distinction entre clercs et « lils du pacte » n’apparaît pas dans cei tains textes. Le premier écrivain chrétien de Perse, Aphraate ou Jacques, surnommé le Sage persan, était « fils du pacte » ; or il semble avoir réuni la dignité épiscopale et les fonctions de chef de monastère. Sa sixième démonstration est une exhortation aux « lils du pacte », édit. Parisot, dans Palrologia sijriaca, part. I, t. i, col. 239-312 ; cf. p. xxiv, lxv.

Cette institution monastique autochtone, à côté de laquelle existaient des ascètes isolés ou ermites, auxquels la région montagneuse qui borde le plateau iranien fournissait des « déserts » en abondance, ne put guère rester sans subir l’influence de l’ascétisme égyptien, après que Marouta de Maypherqat eut essayé de fonder solidement l’unité de foi et de pratiques, entre les deux Églises grecque et perse. La tradition postérieure place à ce moment l’arrivée dans la région de Nisibe d’un Égyptien, Eugène (Awgin), originaire de Clysma, près de Suez, formé au cénobilisme pakhomien, qui aurait émigré avec soixantedix compagnons. M. Labourt a discuté avec beaucoup d’acribie, Le christianisme…, p. 302-315, les traditions nestoriennes du cycle eugénien et n’en laisse subsister à peu près rien. Il estime que le monastère de Mar Eugène, probablement monophysite avant le vuie siècle, aurait été colonisé par les nestoriens, après une période d’abandon, entre 750 et 800, la légende relative à Mar Eugène comme fondateur du monachisme oriental se développant dès lors pour atteindre son plein développement vers le commencement du xie siècle, époque à laquelle de nombreux monastères revendiquent comme fondateur un disciple immédiat de Mar Eugène.

Le fait que la Chronique de Séert connaît aussi l’histoire d’Eugène et de ses disciples, ne fournit pas d’argument à opposer à ceux de M. Labourt, puisqu’elle appartient au début du xi° siècle. Elle donne naturellement une notice sur Mar Eugène et cite parmi ses compagnons Yonan, Sari, Jean, Ahâ et Sallità, P. O., t. iv, p. 234-236 [24-6] ; t. v, p. 250-252 [138150], 259 [147 ]. Elle, relate en outre d’autres fondations distribuées dans la trame du récit, selon l’ordre chronologique. C’est ainsi qu’avant la fin du iv siècle, on

y trouve la fondation de Deir Qoni par’Abdâ, et celle du couvent de Slibâ, puis une notice sur’Abdiso’, disciple de’Abdâ, qui aurait fondé plusieurs monastères, dont un dans une île voisine de Bahraln, et un autre près de Hirâ, après avoir été sacré par le catholicos Tomarsâ évêque de Deir Mehmaq. P. O., t. v, p. 307-312 [195-200]. Les patriarches Ahai et Yahballâhâ P r étaient moines de Deir Qoni. Ibid., p. 321 [209] et 324 [212].

La disparition de la partie de la Chronique de Séert qui contenait l’histoire des années 422 à 484, nous prive de renseignements sur les autres fondations qui peuvent avoir eu lieu dans la suite du v siècle ; le premier fondateur qui apparaît ensuite est Abraham de Kaskar. La Chronique raconte son ministère à Hirâ, son voyage en Egypte, son séjour à l’école de Nisibe et en tin sa retraite au mont Izalâ. P. O., t. vii, p. 133-135 [41-43]. Son homonyme, Abraham de Netbpar, a sa notice, lui aussi, ibid., p. 172-175 [80-83 ]. Les deux Abraham, qui étaient allés visiter les monastères d’Egypte, sont donnés comme réformateurs : ils i donnèrent une forme nouvelle aux monastères et aux cellules, qui, avant eux, étaient comme ceux de Mar’Abdâ et de ses semblables. » Ibid., p. 172 [80]. Abraham de Kaskar prescrivit la tonsure et changea le costume des moines pour les distinguer des hérétiques, monophysites ou messaliens, ibid., p. 134 sq. [12 sq. ] ; il laissa d’ailleurs une règle écrite, que Job, disciple d’Abraham de Nethpar, traduisit en persan, et dont le texte syriaque a été édité avec traduction latine par J.-B. Chabot, Regulæ monaslicæ sœculo VI ab Abrahamo fundalore et Dadjesu reclore convenlus Sijrorum in monte Izla conditæ, dans Rendiconli délia R. Accademia dei Lincei, classe di scienze morali, slorichee filologiche, ser. V, t. vii, p. 38-59. Son successeur, Dadiso’, y ajouta plusieurs prescriptions. Ibid., p. 77-102. Babaï, qui gouverna ensuite le couvent surnommé le Grand-Monastère, eut une part prépondérante dans la direction des diocèses de la Mésopotamie septentrionale, pendant la longue vacance qui suivit la mort du catholicos Grégoire.

Les fondations qui se multiplient alors sont dues pour la plupart aux disciples des deux Abraham. La Chronique de Séerl ne signale pas moins de trente fondateurs pour la période suivante jusqu’à l’Islam. Plusieurs ont fait le pèlerinage des Lieux saints et d’Egypte, et leurs monastères se trouvent dans les sites les plus divers, à la limite du désert occidental ou dans les vallées retirées de la montagne, mais aussi aux portes des villages et des villes, comme ce monastère fondé grâce à la fille de Nu’mân ibn al-Mundir, Alledja, aux portes de la capitale lahmide. P. O., t. vii, p. 155 [63]. Les mêmes noms sont cités par Iso’denah, édit. J.-B. Chabot, Le livre de la chasteté composé par Jésusdenah, évêque de Baçrah, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’École française de Borne, 1896, t. xvi, p. 225-291 et 80 pages de texte syriaque ; mais l’Iso’denah que nous connaissons, texte complet ou résumé, n’est pas la source de la Chronique de Séert, dont les notices sont généralement plus longues et contiennent des données chronologiques, à peu près totalement absentes du Li’yre de la chasteté.- Parmi les couvents issus du Grand-Monastère, le plus important fut sans doute celui de Beit’Abë « la Maison des Pères », dont l’histoire et l’organisation nous sont particulièrement bien connues grâce à la série de notices sur ses supérieurs et moines célèbres, composées par Thomas de Marga, The book of governors, 2 vol., Londres, 1893 (texte syriaque et traduction anglaise). L’éditeur, Sir E. A. Wallis Budge, a brossé, dans son introduction, un excellent tableau du monachisme mésopotamien, t. i, p., cxvii-c.Lvi.

Il ne servirait à rien d’instituer ici une comparaison entre la règle du monastère d’Abraham ou les usages de Beit’Abë et la discipline égyptienne : les différences seraient sensibles. Dadiso’impose à ses moines de savoir lire, canon 7, édit. Chabot, p. 82, trad., p. 94 ; cette exigence est d’autant plus remarquable que les maLdéens avaient l’habitude d’apprendre par cœur les textes religieux dont ils ignoraient la lecture, témoin le converti IsVsabran, qui refuse d’abord d’étudier les lettres sous prétexte qu’il retiendrait les psaumes après les avoir entendu réciter. Histoire de .Icsusabran écrite par Jésusijab d’Adiabène, édit. avec analyse en français par J.-B. Chabot, dans Nouvelles archives des missions scientifiques et littéraires, 1897, t. vii, p. 525, trad., p. 191.

Un autre trait caractéristique des moines nestoriens, c’est qu’ils sont très mêlés à la vie de leurs compatriotes, ainsi cet Iso’sabran, qui, après avoir vécu en anachorète itinérant, revient pour fonder un couvent auprès de son village, secourt les tidèles dans la persécution et la misère, et (’mit par mourir martyr en 020. Ces moines se sentent charge d’âmes ; il est dit de Mar Eugène, après son arrivée en Mésopotamie : « Il comprit qu’il devait parcourir le pays avec ses enfants pour convertir les hommes à la vraie foi. » P. O., t. iv, p. 235 [25]. Ainsi font les moines de Deir Qoni, ainsi encore les fils spirituels d’Abraham, les témoignages abondent dans la Chronique de Séert ; c’est bien des monastères que se répand sur la chrétienté persane l’instruction religieuse et la ferveur.

L’école de Nisibe, dont nous avons signalé la fondation et que nous avons reconnue comme la pépinière du haut clergé perse, col. 169, est aussi le centre d’études supérieures d’où la doctrine se répand dans les monastères, suivie de loin par d’autres écoles comme celle de Séleucie. Beaucoup de fondateurs sont passés à Nisibe et l’organisation de l’école y est toute monastique : elle est installée dans un monastère, ses membres sont appelés « frères », les écoliers vivent dans des cellules, participent aux offices monastiques ; ils ne peuvent se marier sous peine d’être exclus de la congrégation ; cf. J.-B. Chabot, L’école de Nisibe, son histoire, ses statuts, dans Journal asiatique, IXe série, 1896, t. vii, p. 43-93.

Cette organisation du travail intellectuel dans les monastères nestoriens fut la meilleure protection pour la chrétienté persane contre l’infiltration messalienne, dont le foyer d’origine était en territoire monophvsite aux environs d’Édesse ; cf. Eucintes, t. v, col. 1454-1465, et Messaliens, t. x, col. 792-795 ; Chronique de Séert, dans P. O., t. v, p. 279 sq. [167 sq. ]. Au début du vie siècle, les messaliens s’agitaient en Adiabène, Chronique d’Arbèles, édit. Mingana, p. 72, 75, trad., p. 153, 156 ; vers la fin du même siècle ils étaient surtout groupés au sud de Nisibe à proximité du Sindjar, Chronicon anonijmum, dans Corpus scriplorumchristianorumorientalium, Scriplores suri, ser. III, t. iv, p. 18, trad., p. 17. Il fallut prendre des mesures contre ces hérétiques : en 576, au synode d’Ézéchiel, Synod. orient., p. 115 sq., trad., p. 374 sq. ; en 585, sous Iso’yahb, ibid., p. 144 sq., trad., p. 106 sq. Babaï le Grand leur fit une guerre énergique. Cf. Thomas de Marga, édit. Budge, p. 51-53, trad., p. 91-95.

Il y a de nombreuses monographies monastiques, dont plusieurs ont été éditées ; cf. R. Duval, La littérature syriaque, p. 142-153, vies des saints et des ascètes, p. 205214, histoires particulières, p. 222-231, analyse d’Iso’denah. L’ouvrage de Thomas de Marga sur le couvent de Beit’Abe a été réédité par P. Bedjan, Liber superiorum, seu bisloria monasliea, Leipzig et Paris, 1901, p. 1-430. Le livre d’Iso’denah se trouve réimprimé dans le mime volume, sous le titre Hisloria fundatorum monasieriorum in regno Persarum et Arabum, p. 437-517. Sir E. A. Wallis Budge a publié trois textes sur Hormizd, le fondateur du célèbre monastère dans la montagne d’Alkoche et Bar 'Edta, avec traduction anglaise, The historiés 0/ Rabban Hormizd the Persian and Rabban Bar-' Idta, dans Luzac’s Semitic text and translation séries, Londres, 1902, t. ix-xi ; cf. A. Baumstark, Die Biographie des Rabban Bar-'Itta, eine Quellenschrift zur altérai nestorianischen Kirchengeschiehle, dans Rômische Quartalschrift, 1901, t. xv, p. 115-123 ; I. Guidi, Gli statuti délia Scuola di Nisibi, dans Giornale délia Socielà asiatica italiana, 1892, t. iv, p. 165-195 ; sur les messaliens, cf. M. Kmosko, Res Messalianorum apud neslorianos geslæ, dans l’introduction à l'édition du Liber graduum, Patrologia syriaca, part. I, t. iii, p. cxxx-cxxxv. Sur le monachisme et l'école de Nisibe, Labourt, Le christianisme…, p. 28-31, 288-301, 302-324.