Dictionnaire de théologie catholique/PRUDENCE .III. Les phases du discernement prudentiel

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.1 : PRÉEXISTENCE — PUY (ARCHANGE DU)p. 521-523).

noua m avons pas Jugé si la chose était vraiment poa tlble, c’est.1 due réalisable par nous. Pour agir, non î projet ébauché, mais en réalité effective, il i.mt an jugement de notre esprit nous certifiant la possibilité d’arriver au résultat désiré en prenant les moyens ssaires. Kt c’est notre intelligence qui, supputant ssources et les conditions objectives du t » « i t, voit avec clarté et prononce qu’il y.i lieu d’aboutir et par quent île vouloir les moyens obligés. Nous nous irons dans cette certitude de pouvoir atteindre le but : alors, nous sommes prêts étant ainsi éclairés a le vouloir efficacement. Le troisième mouvement « le l’action humaine est donc un acte d’intelligence.

Quatrième acte : volonté efficace de tendre à la réalisation de la fin. Parallèlement a cet acte d’intelligence, va naître, dans la volonté, une tendance a réaliser cette fin jugée possible, la volonté efficace d’aboutir au but. C’est la résolution décisive, la volonté péremptoire de la lin. Quelle différence entre un projet idéalement conçu, n’engendrant qu’une velléité et un projet Jugé comme réalisable et voulu ardemment ! Tout le monde n'> est pas aussi habile : les uns sont précis dans leurs desseins ; d’autres n’ont que des résolutions Dot tantes qui ne savent point se lixer. Il

St qui. s étant propose un but, savent le vouloir efficacement. D’autres, plus mous de volonté, hésitent et tergiversent. La volonté efficace est celle qui n’est pas idéaliste mais réaliste, sort des nuages et se jette a l’action concrète, difficile ou non. et la mène hardiment et rudement jusqu’au but escompté.

Au point de vue moral, cette première phase de l’action humaine es’décisive, aussi bien pour la claire motivation des buts moraux que pour l’entraînement efficace de la volonté agissante. C’est l’instant, dans la conscience, des convictions morales, des fins vertueuses, des vouloirs énergiques. Ce n’est pas encore l’action morale elle-même, qui appartient à l’ordre des moyens et dont s’occupera tout à l’heure, le discernement prudentiel avec ses actes spéciaux d’intclliet de volonté, mais seulement son point de rt, ses principes de direction et d’impulsion, lit beaucoup déjà, pour la valeur morale de l’action future et pour sa réalisation même. Car on devine bien que la force d’efficacité qui assurera la pratique vertueuse sera proportionnée à la densité d’énergie contenue dans les convictions morales. Nous le verrons plus loin : le discernement moral ne sera vertueux qu’autant qu’il supposera la volonté entièrement recla et au nom de cela, la conscience dicte péremptoirement, à travers un discernement avisé, les as pratiques. De ce discernement même, voyons le mécanisme psychologique.

— l’hase de la consultation et du choix des moyens. — Reprenons le tableau descriptif des actes intérieurs qui composent l’action humaine. Après la phase de la fin ou des intentions, voici celle de la délibération et du choix des moyens. On est donc décidé, dune volonté efficace, à aboutir à une tin générale que l’on a jugé ble d’acquérir. Mais par quel moyen ? par quelle action pr<

Cinquième acte : conseil institué pour rechercher les moyens de réaliser.

Une fin, étant donné qu’elle est raie, postule divers moyens, souvent très différents, plus ou moins aptes. Ht il ne s’agit pas ici d’une aptitude seulement théorique, mais d’une aptitude pratique en regard des circonstances ait ai lies, sou eut multiples et variées, dans lesquelles l’action devra nos actions sont concrètes, mêlées aux mouvements et aux incidents de la vie réelle, accomplies dans un moment donné, en regard de tellcou telle nstance de lieu, de temps, de personne. Il faut absolument que la raison intervienne auparavant pour prendre conseil, réfléchir, peser et examiner ce qu’il est opportun île faire en regard de la situation telle qu’elle se présente et des circonstances telles qu’elles sont. Ce qui est opportun n’est pas toujours simple. Ci il arrive que la réflexion aboutisse a cn isa^er plu sieurs moyens, plusieurs façons de faire. I" 11 1, q. viii, a. 1.

Sixième acte : consentement de la volonté à ces divers moyens.

La consultation de ma raison étant faite, il reste a ma Volonté d’acquiescer à ces divers moyens proposés. C’est parce que je veux la fin avec ferveur que j’ai applique ma raison à l’enquête des moyens. Quand ceux-ci, après délibérai ion, sont trouvés, ma volonté ne peut qu’} applaudir. Il n’est d’ailleurs pas facile d’instituer un conseil vis-à- is des complical ion.s et des difficultés île l’action, ni surtout de faire aboutir ce conseil ; loul le monde n’y est pas apte, et nous verrons que c’est là une des phases les plus difficiles de l’action humaine. Ibid., a. 3, ad 3 llin.

Septième acte : Jugement de la raison se fixant sur le moyen le plus apte. —

Il faut néanmoins se décider pour un des moyens en rejetant les autres. L’action humaine est une : pour aboutir à une liii, il n’y a qu’un moyen qui pratiquement puisse être le meilleur, le plus apte. D’où la nécessité d’un nouvel acte de l’intelligence : le jugement, qui se fixe, en connaissance de cause, sur le moyen le mieux adapté à la fin, d’après les circonstances. Cet acte de jugement réclame un discernement avisé. Un homme qui a du jugement pratique, cela ne se voit pas tous les jours ; il y faut beaucoup d’expérience, de maturité, de bon sens, de clarté d’esprit. Bien souvent on n’y réussit pas soimême et l’on est obligé d’aller chercher l’avis d’un sage conseiller. Ibid., q. xiv, a. 6.

Huitième acte : choix, par la volonté (élection), du moyen jugé le plus apte. —

Une fois que le jugement s’est déterminé à un moyen de préférence à tous les autres, la volonté, parallèlement, l’adopte ; elle fait choix de cette action jugée la plus apte. Dans ce choix définitif, s’affirme la liberté. Pouvant faire ceci, je me décide à le faire, parce que ma raison en juge ainsi, alors qu’elle pourrait trouver des motifs de faire le contraire, ou tout au moins de s’abstenir. Le choix, que précède le jugement, est la conclusion logique des convictions, des finalités vers lesquelles tout à l’heure j’étais en haleine dans la phase de l’intention. Entre l’intention générale et la conclusion pratique, il y a eu un raisonnement, un syllogisme avec la majeure (la lin générale), une mineure portant sur le moyen pratique, déterminé à adopter, puis enfin une conclusion. Derrière toutes nos actions, il y a un raisonnement semblable ; c’est pourquoi on les appelle raisonnables : elles sont une œuvre de raisonnement. Ibid., q. xiii, a. 3.

Phase des réalisations.

Jusqu’ici l’action ne s’est pas réalisée. J’ai réfléchi, raisonné, j’ai abouti à décider ce que je voulais faire ; mais cela n’est pas encore fait. Il y a des résolutions très précises qui ne passent jamais à l’acte. Réaliser, c’est le moment décisif de l’action, à cause de la résistance possible des passions contraires et des efforts à fournir pour vaincre les difficultés rencontrées.

Neuvième acte : intimation ou précepte de la réalisation du moyen de l’action. —

Une fois que, dans le jugement et le choix, on a décidé’une action, il reste à l’intelligence d’en intimer la réalisation. Il ne s’agit plus de dire : « Voilà ce qu’il faut faire —, mais I., < sons-le coûte que coûte. Ce verdict peut être particulièrement pénible dans la lutte morale, mais il doit exister : la moralité est dans les mœurs, non dans les intentions et les résolut ions factices, mais dans les actions réelles et réalisées. Ibid., q. XVII, a..’i, ad l" nl.

Dixième acte : volonté qui applique les facultés exécutrices.

Cette intimation du précepte étant donnée reste l’effort volontaire qui applique a l’accomplissement de l’action les facultés exécutrices. Ces facultés exécutrices varient suivant les actions a réaliser, l’esprit, s’il s’agit d’un travail intellectuelles membres, s’il s’agit d’un labeur matériel, etc. Cette réalisation, pour se continuel’, est le lait d’une motion volontaire persévérante. Ibid., q. xvi, a.’A, ad l" m.

Onzième acte : la satisfaction de la volonté qui a conquis la fin désirée. —

Enfin, cette exécution même met dans la volonté la joie de posséder en lin le bien désire, la fin escomptée. L’action a son résultat. Le cycle de cette action est terminé.

Voilà donc l’action humaine dans sa complexité, dans sa coupe foncière et sa configuration psychologique. Nous en donnons ici un tableau résumé.

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ACTES D’INTELLIGENCE ET DE VOLONTÉ

QUI INTÈGRENT UN ACTE VOLONTAIRE COMPLET

D’APRÈS SAINT THOMAS
Actes de l’intelligence. Actes de volonté. colspan="3" style="text-align : center ; " | 1° En regard de la fin : 1. Idée d’un bien aimable,
d’une fin désirable.
2. Amour de complaisance pour
ce bien, pour cette fin.
3. Jugement appréciant la
possibilité de conquérir ce bien,
de réaliser cette fin.
4. Volonté efficace de tendre
à la réalisation de la fin.
colspan="3" style="text-align : center ; " | 2° En regard des moyens : 5. Conseil institué pour rechercher
les moyens de réaliser la fin.
6. Consentement à ces divers moyens
proposes par l’esprit.
7. Jugement qui détermine
le moyen le plus apte.
8. Choix (élection)du moyen
jugé le plus apte.
colspan="3" style="text-align : center ; " | 3° En regard des réalisations : 9. Intimation ou précepte de
la réalisation du moyen, de l’action.
10. Vouloir qui applique les
facultés exécutrices,
11. L’acte étant réalisé par
l’une ou l’autre des facultés
dont il relève, la volonté jouit
de la possession de la fin obtenue.

Quand nous disons que tous ces actes interférents d’intelligence et de volonté composent l’action humaine, nous entendons celle-ci de l’action humaine intérieure par opposition à l’action humaine extérieure. Qu’est-ce à dire ? L’action humaine extérieure, c’est l’action particulière réalisée : tel acte vertueux, tel acte de vertu ou de devoir d’état, cette étude, ce renoncement, cette prière, cette démarche, ce service rendu, etc., en un mot, toute œuvre que nous faisons, toute besogne que nous accomplissons, toute activité que nous déployons. Nous la nommons extérieure, non parce qu’elle se manifeste toujours extérieurement par des mouvements corporels, mais parce qu’elle est en dehors de l’action intérieure de discernement qui la commande raisonnablement. Cette action humaine intérieure est précisément ce complexe d’actes d’intelligence et de volonté dont nous venons de parler en tout ce chapitre. Il me faut, pour faire œuvre raisonnable d’étudier, de prier, d’être charitable, etc., avoir raisonné préalablement, en conformité avec un but précis, de l’opportunité de l’action en cause. La raison du but, la raison du moyen : voilà le raisonnable obligé de l’action humaine. Au sein de cette action intérieure, de cette réflexion et de ce jugement pour l’action raisonnable, le discernement, on l’a vii, affecte trois actes qui sont actes d’intelligence : le conseil, le jugement et l’intimation. Et ce sont précisément ces actes qui, lorsqu’ils seront parfaits, c’est-à-dire intelligents, lucides, sagæcs, accommodés aux exigences de la loi morale et à celles des actions pratiques qu’ils commanderont, constitueront la vertu cardinale de prudence ou vertu du gouvernement de soi même. Dans la conscience surnaturelle, la vertu infuse de prudence sera également le parfait usage de ci s trois acte* intellectuels en vue de discerner, sous l’impulsion de l’amour de I tien, les actes qui accomplissent sa loi. I.e vrai prudent sera l’homme du bon conseil, du bon jugement et de la bonne décision impérative. Les perfectionnements nécessaires a la prudence auront pour effet d’assurer plus d’acuité intellectuelle a ces trois actes, (/est aussi par la déficience ou l’imperfection de l’un ou l’autre de ces mêmes actes que seront caractérisés les vices opposés a la vertu de prudence.

Est-ce que tous ces actes d’intelligence et de volonté qui composent l’action humaine intérieure jouent à propos de tout ce que nous faisons, et j’entends parler ici de toutes nos actions raisonnables ? Non, pas toujours, de façon aussi explicite : quelques-unes de nos actions se présentent sans complication, car elles se renouvellent dans des circonstances quasi inchangées, elles n’ont pas besoin d’être précédées d’un conseil informateur ni d’un long raisonnement, surtout si elles sortent d’habitudes depuis longtemps fixées et orientées. I » -IIæ, q. xiv, a. 4, ad 2°™, ad 3um. Au début, il a fallu réfléchir ; mais le raisonnement, au moins dans sa complication, n’a plus à intervenir. Toutefois, ces automatismes ont besoin d’être surveillés : le discernement doit toujours être attentif à toute action, même habituelle, à cause des modifications inattendues dans les circonstances qui l’accompagnent. La vertu de prudence donne à notre conscience d’appliquer sa clairvoyance à toutes nos situations, embarrassées ou simples, et d’en faire sortir le verdict de l’action morale.


IV. La prudence vertueuse.

La prudence est une vertu morale, parce qu’elle suppose la rectification de la volonté vis-à-vis de tout le bien moral ; il s’agit d’accomplir de bonnes actions en les discernant partout où elles sont exigées. Elle est sans doute une perfection de l’intelligence, mais son discernement est au service de la volonté rectifiée vis-à-vis de tout le bien raisonnable. Le prudent ne discerne pas pour le plaisir d’examiner des cas compliqués et de faire preuve de souplesse et de perspicacité d’esprit, mais parce qu’il veut bien faire, pratiquer la vertu, obéir à la loi de Dieu. La prudence est préceptive du bien. II a -II a, q. xlviii, a. 4.

La prudence est une vertu spéciale.

Elle se distingue des autres vertus. Nous savons qu’il y a trois cadres principaux de vertus : les vertus intellectuelles d’ordre spéculatif, les vertus intellectuelles d’ordre pratique, et les vertus morales. Tout d’abord, la prudence se distingue des vertus intellectuelles spéculatives. Celles-ci se divisent en deux catégories : la sagesse ou les sagesses, puis les sciences. La sagesse, et les sciences visent à connaître le vrai, qu’il s’agisse du vrai, explication dernière des choses comme la sagesse, ou qu’il s’agisse du vrai par raisonnement ou par induction, comme les sciences. Elles ont trait à ce qui est vrai en tout état de cause, en dehors de toute contingence : la philosophie étudie les raisons premières des êtres ; les sciences étudient les lois générales des phénomènes et des faits. La prudence, tout comme le-vertus intellectuelles, discerne le vrai, mais le vrai pratique, l’action à réaliser en tant qu’elle est conforme à la loi du bien, à la volonté de Dieu..Mai n’est pas la même façon de raisonner que dans les sciences spéculatives : on ne cherche pas à connaître pour connaître, pas même à devenir savant en fait de doctrine morale, tel le moraliste, ou en fait de cas pratiques, tel le casuiste : on cherche seulement à voir comment il faut agir pour être vertueux et pour bien se conduire.

La prudence se distingue des vertus intellectuelles pratiques ordonnées aux « ’livres de métier, aux be